Trump prépare une rafle militaire de dix-mille immigrés dans tout le pays
Par Eric London
WSWS, 16 mai 2019
Le Washington Post a rapporté mardi que le gouvernement Trump envisageait de mener une rafle militarisée à l'échelle nationale visant à arrêter dix-mille immigrés.
Citant sept fonctionnaires et anciens responsables de l'administration, le Post qualifie ce projet de « plan secret de la Maison Blanche pour arrêter des milliers de parents et d'enfants lors d'une opération-éclair contre les migrants dans 10 grandes villes américaines », notamment à New York, Los Angeles et Chicago.
Il affirme que les autres villes ciblées sont «les autres plus grandes destinations des migrants d'Amérique centrale», ce qui inclut probablement Washington DC; la région de la Baie de San Francisco-Oakland en Californie; Houston au Texas et Miami en Floride.
Une opération de telle envergure nécessiterait le déploiement de milliers d'agents et de policiers fédéraux armés. Des unités se déploieraient dans les quartiers populaires, envahissant les maisons des immigrés, les attrapant dans la rue, les arrêtant à leur travail ou à l'école et les envoyant dans des camps d'internement d’où ils seraient déportés. Cela nécessiterait des points de contrôle, des fouilles illégales et le déploiement d'hélicoptères, de fourgons de police et de véhicules d'assaut blindés. Le Post indique que les enfants ainsi que les parents seraient visés par les arrestations.
Ce plan constituerait non seulement la plus importante razzia contre des immigrés de l’histoire des États-Unis, mais servirait également de répétition générale pour la rafle massive de grévistes, de manifestants et d’autres dissidents. Ceux qui planifient une opération de ce genre aussi massive la conçoivent sans aucun doute de cette manière.
Chaque opération policière menée par l’État contre des travailleurs immigrés sert à la fois à attiser le sentiment anti-immigré et à normaliser les violations massives de droits démocratiques, affaiblissant et conditionnant la conscience populaire pour l'imposition de formes de gouvernement dictatoriales.
Vu que plusieurs des villes ciblées sont des «villes sanctuaires» où la police n'est pas autorisée à participer à des raids contre les migrants, il est possible que la mise en œuvre du plan nécessite le déploiement de soldats dans les quartiers populaires. L'année dernière, Trump a déployé plus de 5 000 soldats en service actif à la frontière avec le Mexique, en violation flagrante du principe de la loi « posse comitatus» qui interdit à l'armée de mener des opérations policières sur le sol national.
Selon le Washington Post, le plan avait été temporairement soumis, il y a plusieurs semaines, par la secrétaire du département de la Sécurité intérieure (DHS) de l'époque, Kirstjen Nielsen, et le directeur par intérim de l'Immigration et des douanes (ICE) de l'époque, Ron Vitiello. Cependant, il est toujours en cours de planification et en discussion, selon le journal.
L'article du Post indique clairement que Vitiello et Nielsen, qui ont supervisé la séparation forcée des parents de leurs enfants en 2018, ne se sont pas opposés à la mesure « en raison de préoccupations éthiques concernant l'arrestation de familles» mais qu’ils ont plutôt exprimé leur inquiétude quant au «risque de tollé général ».
Trump n’en a pas moins limogé Nielsen et Vitiello en avril, en partie à cause de leurs préoccupations. En renvoyant Nielsen et en annonçant qu'il ne voulait pas de Vitiello comme directeur permanent de l'ICE, Trump a expliqué qu'il souhaitait prendre une voie «plus dure» pour réprimer l'immigration. Les partisans les plus ardents du plan – Stephen Miller, conseiller à la Maison-Blanche, et Matthew Albence, directeur adjoint de l’ICE – restent à leurs postes.
Jeudi dernier, l'ancien directeur de l'ICE, Tom Homan, avait déclaré à Fox News que l'ICE devrait «faire ce que le Congrès n'a pas fait de manière législative», à savoir mener des opérations illégales et paramilitaires pour le compte de l'exécutif. « ICE doit mener une opération à l'échelle nationale », a-t-il déclaré.
Les commentaires des lecteurs sur l’article affiché par le Washington Post sont extrêmement hostiles. Un lecteur a écrit: «Ouvre les yeux, Amérique. Sommes-nous vraiment l'Amérique pour laquelle nos ancêtres se sont battus? Ces politiques du gouvernement et du parti républicain mettent en œuvre la tactique d’Hitler et de l’Allemagne nazie ».
Un commentaire bien partagé déclare: «Mon Dieu. Cela ressemble de plus en plus au fascisme d’Hitler. Rassemblez-les, mettez-les dans un wagon et regardez ce qui se passe». Un autre commentateur apprécié a écrit:« Le seule façon de décrire avec précision Stephen Miller c’est qu’il est un aspirant infâme au rôle d’Hitler. » Se référant à l'opposition fictive de Nielsen et Vitiello, un autre a écrit: « Peut-être qu'ils viennent juste de prendre connaissance des procès de Nuremberg. »
L'armée américaine se prépare depuis des années à la probabilité d'opérations de police dans une grande ville américaine. En avril 2013, des quartiers entiers de Boston furent soumis à la loi martiale de fait. Le Bill of Rights [Déclaration des droits] fut effectivement suspendu, alors que la police et les agents fédéraux menaient des perquisitions systématiques de maison en maison à la recherche des responsables de l'attentat du marathon de Boston.
En août 2014, la ville de Ferguson, dans le Missouri, fut occupée par la Garde nationale, des policiers de l'État et une armée de policiers anti-émeute équipés de fusils d’assaut, appuyés par des chiens d'attaque, des véhicules blindés et des hélicoptères, à la suite du meurtre par la police du jeune Michael Brown, 18 ans.
Plus récemment, en février 2019, l'armée a organisé un entraînement d'une semaine dans les ports de Los Angeles et de Long Beach, et dans le centre-ville de Los Angeles. L’Armée a déclaré à propos de ces exercices non annoncés: «[L]e terrain et les installations d’entraînement locaux de Los Angeles fournissent à l’armée des milieux uniques et simulent les environnements urbains auxquels les membres du service peuvent être confrontés lorsqu’ils sont déployés à l’étranger».
Les États-Unis se préparent à des opérations urbaines non seulement à l'extérieur mais également à l’intérieur. Un rapport de 2016 de l'US Army War College intitulé «Éventualités militaires dans les mégapoles et sous-mégapoles» indique que «les États-Unis vont se trouver, à un moment donné, dans un avenir pas trop lointain, engagé dans des circonstances militaires dans de grandes villes».
Citant des préoccupations quant à la perspective de pertes civiles massives, ce document militaire déclare: «Malgré ces réticences, une inhibition ne peut devenir une interdiction. S'il existe une logique stratégique très convaincante justifiant une intervention, les États-Unis n'auront peut-être pas le luxe d'éviter les dangers d'une contingence urbaine. »
Les auteurs ajoutent que «le dilemme urbain» comporte «un risque d'insécurité parmi les citadins pauvres» en raison de «conflits de classe». Ils reconnaissent que «de telles opérations pourraient même avoir lieu sur le sol continental des États-Unis, comme l'ont démontré les émeutes de Los Angeles et les réactions à l'ouragan Katrina et à la tempête Sandy ».
Les projets en cours visant à mener des perquisitions à l'échelle nationale dans les quartiers immigrés doivent être considérés par tous les travailleurs et les jeunes comme une menace pour les droits démocratiques de l'ensemble de la population, indépendamment du statut d’immigré. Ce que le gouvernement est capable d'établir comme la norme contre les victimes paupérisées de l'impérialisme américain en Amérique centrale sera bientôt appliqué à l'ensemble de la classe ouvrière.
(Article original paru en anglais le 15 mai 2019)
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