La Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis sont derrière le massacre au Yémen. Voici comment vous pourriez aider à y mettre fin (The Guardian)

La Grande-Bretagne est derrière le massacre au Yémen. Voici comment vous pourriez aider à y mettre fin
Article originel : Britain is behind the slaughter in Yemen. Here's how you could help end it
Par David Wearing*
The Guardian

Note de SLT : la titraille est de la rédaction

Des avions et des bombes britanniques (françaises et étatsuniennes, NdT) sont à l'origine de ces meurtres. Les politiciens et les médias doivent élever la voix dans l'opposition.

Yemen fresque (c) Akiyama

Rien ne peut diminuer la menace d'un Brexit désordonné ou l'importance de la récente prorogation antidémocratique du Parlement par Boris Johnson. Il n'est pas surprenant que ces articles fassent la une des journaux. Mais lorsque notre gouvernement apporte un soutien crucial à une campagne de massacres aveugles au Yémen qui a coûté la vie à des milliers de personnes, cela est traité comme une note de bas de page dans notre politique plutôt que comme un scandale national, il est clair que quelque chose a mal tourné.

Cette semaine, un rapport d'experts de l'ONU a averti que la Grande-Bretagne (la France et les Etats-Unis, NdT) pourrait être complice de crimes de guerre en armant la coalition dirigée par l'Arabie saoudite qui intervient dans le conflit civil au Yémen. Ce rapport est le dernier d'une longue série de rapports de l'ONU et des ONG les plus respectées dans le monde, qui font état d'un ensemble de violations constantes. Les experts notent que les principaux fournisseurs d'armes comme le Royaume-Uni "ont une influence spécifique" sur les belligérants "et peuvent être tenus responsables de l'aide ou de l'assistance qu'ils apportent pour la commission de violations du droit international".
Le Royaume-Uni, les États-Unis et la France pourraient être complices de crimes de guerre au Yémen - rapport de l'ONU

Lire aussi :
- Un rapport de l'ONU conclut que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne sont probablement coupables de crimes de guerre au Yémen (Truthdig)
- La France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis paieront-ils un jour pour leurs crimes de guerre au Yémen ? (RT)

Depuis mars 2015, près de 100 000 personnes ont trouvé la mort des conséquences directes de la violence de la guerre, et le blocus imposé par la coalition saoudienne et étatsunienne est la cause première de la pire crise humanitaire du monde, poussant des millions de personnes au bord de la famine. Save the Children estime que 85 000 nourrissons sont morts de faim ou de maladies évitables. Les experts de l'ONU évoquent la possibilité réelle que la famine soit utilisée comme tactique de guerre. La complicité des Britanniques (des USA et des français, Ndt) à cet égard devrait être inenvisageable.

Les bombardements aériens des Saoudiens - souvent aveugles - sont responsables de la plupart des morts civiles, et ces bombardements dépendent entièrement du soutien britannique et étatsunien (et français, ndt). Les États-Unis et le Royaume-Uni fournissent les bombes, les avions qui larguent les bombes, la formation des pilotes et les pièces de rechange et l'entretien qui maintiennent les avions dans le ciel. Toute idée que ces systèmes d'armes complexes seraient simplement remplacés par la Russie ou la Chine si la Grande-Bretagne refusait de fournir ce soutien est un mythe. La réalité, c'est que Washington et Londres (et Paris, NdT) auraient pu arrêter la guerre des Saoudiens quand bon leur semblait.

Cette situation indéfendable se poursuit depuis si longtemps, en partie parce qu'elle n'a pas reçu un niveau d'attention politique à la mesure de l'ampleur de la catastrophe. Notre gouvernement est à blâmer pour ses propres politiques, mais nous sommes tous responsables de ne pas avoir exercé suffisamment de pression sur lui pour mettre fin à ces politiques.

Les politiciens du centre, par exemple, n'hésitent pas à faire étalage de leurs prétendues références internationalistes, mais nombre de ces mêmes personnalités soutiennent ou n'ont rien à dire sur les ventes d'armes britanniques à l'Arabie saoudite. En effet, la plupart des avions de construction britannique qui pulvérisent actuellement le Yémen ont été vendus aux Saoudiens par le parti travailliste. Les dirigeants de Jeremy Corbyn ont la bonne position à l'égard du Yémen en s'opposant au rôle actuel de la Grande-Bretagne, mais il est difficile de croire que l'opposition officielle n'aurait pas pu faire davantage pour faire avancer la question, étant donné la profondeur de la complicité britannique dans les souffrances du peuple de ce pays.

Les médias ont également des questions auxquelles ils doivent répondre. Des observateurs universitaires comme moi ont une dette envers des journalistes courageux comme Iona Craig, Bel Trew, Nawal al-Maghafi et Orla Guerin, dont les reportages du Yémen sont inestimables pour nos recherches. Mais, collectivement, cette histoire ne reçoit pas l'importance qu'elle mérite pour que le gouvernement soit tenu de rendre des comptes. Trop de commentaires, bien qu'enthousiasmés par la perspective d'une " intervention humanitaire " de la Grande-Bretagne lorsqu'un ennemi officiel commet des atrocités, semblent incapables de comprendre une situation où les atrocités sont commises par les alliés de la Grande-Bretagne avec l'aide de la Grande-Bretagne (de la France et des Etats-Unis, ndt).

Ces échecs s'étendent également à l'ensemble de la société civile. Les principales ONG ont fait un travail indispensable pour documenter les coûts de la guerre et tenter de tirer la sonnette d'alarme. Campaign Against Arms Trade a lancé un examen judiciaire des ventes d'armes britanniques dont le récent succès devant les tribunaux a causé un gros casse-tête à Downing Street. Mais de larges pans de la gauche n'en ont tout simplement pas fait assez. Il est tragique que les grandes manifestations que nous avons vues lors de l'invasion et de l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak ne se soient jamais matérialisées pour mettre fin à la vente d'armes à l'Arabie saoudite.

Ces défaillances collectives ont permis au gouvernement et à ses alliés du Golfe de s'en tirer à bon compte, et les civils yéménites en ont payé le prix. Pour une nation qui parle sans cesse de sa place dans le monde, une grande partie de la culture politique de la Grande-Bretagne demeure intensément paroissiale, égocentrique et remarquablement désinvolte face aux énormes coûts humanitaires de son comportement dans le Sud global. Ce mélange de chauvinisme et de racisme inconscient est bien sûr un héritage de l'empire. Et ce n'est en aucun cas limité aux Brexiteers.

Il existe cependant en Grande-Bretagne des traditions concurrentes d'internationalisme et de solidarité authentiques. Les deux tiers de la population s'opposent aux ventes d'armes à l'Arabie saoudite, dont la moitié des électeurs conservateurs. La société civile et la classe politique disposent d'un énorme potentiel pour donner une voix et une force à ces opinions passives. La Grande-Bretagne est plus que capable de faire ce qu'il faut pour le peuple yéménite. Mais nous devrons d'abord nous regarder longuement et honnêtement dans le miroir.

*David Wearing est un spécialiste de la politique étrangère du Royaume-Uni au Moyen-Orient.

Contact : samlatouch@protonmail.com

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