Tsipras et Varoufakis vers la capitulation finale.
Par Eric Toussaint
CADTM
A partir de la fin avril 2015, sous la pression des dirigeants européens, Tsipras met de côté Varoufakis, sans lui retirer son portefeuille de ministre des finances, pour les négociations à Bruxelles. Il le remplace par Euclide Tsakalotos et donne de plus en plus de poids à Georges Chouliarakis qui agissait objectivement dans l’intérêt des créanciers depuis février 2015. Dijsselbloem et Juncker avaient insisté auprès de Tsipras pour que Chouliarakis soit au centre des négociations car c’était le représentant grec avec lequel ils se sentaient le plus en confiance [1].
Lire les autres articles de la série :
1 – Les propositions de Varoufakis qui menaient à l’échec
2 – Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses étonnantes relations avec la classe politique
3 – Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza
4 – Varoufakis s’est entouré de tenants de l’ordre dominant comme conseillers
5 – Dès le début, Varoufakis-Tsipras mettent en pratique une orientation vouée à l’échec
6 – Varoufakis-Tsipras vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015
7 – La première capitulation de Varoufakis-Tsipras fin février 2015
8 – Les négociations secrètes et les espoirs déçus de Varoufakis avec la Chine, Obama et le FMI
Tsipras accepte de faire de nouvelles concessions à la Troïka avec laquelle il multiplie les contacts et les discussions. Selon Varoufakis, Tsipras a envoyé un courrier fin avril 2015 à la Troïka dans lequel il signifiait son acceptation de dégager un surplus budgétaire primaire de 3,5 % chaque année pour la période 2018-2028. Cette nouvelle reculade rendait impossible la fin de l’austérité car cela nécessitait des coupes supplémentaires dans les budgets sociaux et une accélération des privatisations. Cela n’a pas suffi à la Troïka qui voulait d’autres concessions et un accord n’a pas été trouvé.
Pendant ce temps, la Commission pour la vérité sur la dette grecque instituée par la présidente du parlement grec travaillait d’arrache-pied pour produire son rapport et ses recommandations avant la fin du deuxième mémorandum qui avait été prolongé jusqu’au 30 juin 2015. L’objectif était de présenter le rapport lors d’une séance publique au parlement les 17 et 18 juin 2015 afin de peser sur l’issue du mémorandum et des négociations. Selon le mandat reçu par la commission, il fallait identifier la proportion de la dette qui peut être définie comme illégitime, illégale, odieuse ou insoutenable.
La commission était composée de 30 personnes, 15 provenant de Grèce et 15 provenant de l’étranger dont plusieurs professeurs de droit dans différentes universités (en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne et en Zambie), un ex-rapporteur des Nations unies en matière de dette et de respect des droits de l’homme, des experts en finance internationale, des auditeurs des comptes publics, des personnes ayant participé antérieurement à des audits de la dette publique, un ex-président d’une banque centrale et ex-ministre de l’économie, des spécialistes des banques ayant acquis une connaissance approfondie du secteur bancaire au cours de leur vie professionnelle. Parmi les 15 personnes provenant de Grèce, plusieurs avaient une expérience dans le monde bancaire, dans le domaine de la finance internationale, du droit, du journalisme, de la santé.
Les membres de la commission dont je coordonnais les travaux s’étaient mis d’accord sur les définitions correspondant aux dettes illégitimes, odieuses, illégales et insoutenables ainsi que sur une méthodologie de travail. Ils s’étaient répartis en six groupes de travail dont trois analysaient les dettes réclamées par les différents créanciers : un groupe auditait les dettes réclamées par le FMI, un deuxième groupe celles réclamées par la BCE, un troisième celles réclamées par les 14 pays de la zone euro qui avaient octroyé des prêts bilatéraux en 2010 ainsi que celles dues aux deux organismes créés par la commission européenne pour octroyer des crédits à la Grèce, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui lui avait succédé. Ces différents créanciers qui étaient représentés par la Troïka détenaient plus de 85 % de la dette grecque en 2015. Trois autres groupes de travail fonctionnaient. L’un devait produire une analyse du processus d’endettement public avant 2010. Le deuxième devait fournir une évaluation rigoureuse des mesures dictées par la Troïka (et acceptées par les gouvernements qui s’étaient succédé depuis 2010) et de leur impact sur l’exercice des droits humains fondamentaux. Le dernier groupe de travail réunissait plusieurs juristes et élaborait des conclusions en termes juridiques et des recommandations aux autorités grecques.
Une partie importante des travaux de la commission était publique. Les séances se déroulaient dans le parlement et étaient retransmises en direct par la chaîne parlementaire. Celle-ci gagnait au fil des semaines de plus en plus d’audience dans un public qui commençait à se détourner des chaînes de télévision qui étaient privées et étaient opposées au gouvernement Tsipras. La chaîne publique ERT fermée à partir de juin 2013 à la demande de la Troïka n’a repris ses activités qu’à partir du 11 juin 2015, une semaine avant que la commission d’audit ne remette ses conclusions.
La commission a procédé à des séances d’audition de témoins qui étaient, elles aussi, retransmises en direct par la chaîne parlementaire. Philippe Legrain, ex-conseiller direct du président de la Commission européenne pendant le premier mémorandum, est venu de Londres pour témoigner [2], de même que Panagiotis Roumeliotis, ex-représentant de la Grèce au FMI au début du premier mémorandum [3]. Ces séances ont permis de montrer à un large public les véritables raisons de l’intervention de la Commission européenne, de la BCE et du FMI.
Malgré des demandes répétées qui lui ont été adressées, Yanis Varoufakis n’a pas aidé la commission à réaliser sa mission. Son désintérêt pour la commission est patent car il ne mentionne pas une seule fois celle-ci dans le livre qu’il consacre à son explication des évènements de 2015. Il n’a pas du tout compris que cette commission et les conclusions qu’elle allait produire pouvaient grandement aider la Grèce à se libérer des créanciers avec des arguments très forts tant par rapport à l’opinion publique en Grèce que par rapport à l’opinion internationale. Bien sûr, pour que les propositions de la Commission trouvent un débouché concret, il aurait fallu que des membres du gouvernement fassent du bruit autour des enjeux et des travaux de cette commission. Qui était la personne la mieux placée du gouvernement pour faire écho à l’audit de la dette si ce n’est le ministre des finances ?
Quant à Tsipras, son soutien à la commission était purement formel et il s’est bien gardé de s’y référer lors de ses déclarations publiques à l’étranger.
Du côté de l’aile gauche de Syriza, une partie n’a pas saisi l’importance des travaux de la commission. Son leader principal, Panagiotis Lafazanis, n’est pas venu une seule fois aux séances publiques de la commission tandis que d’autres ministres membres de la Plateforme de gauche l’ont activement soutenue. C’est le cas de Dimitris Stratoulis, en charge des pensions, de Costas Isychos, vice-ministre de la défense et de Nadia Valavani, vice-ministre des finances.
Le refus de Varoufakis et de Tsipras de mentionner à l’étranger les travaux de la commission est en relation directe avec la stratégie funeste qu’ils mettaient en pratique. Cette stratégie consistait à chercher une solution en matière d’allègement du paiement de la dette sans remettre en cause sa nature, sans accepter de reconnaître son caractère illégitime et odieux. Leur stratégie consistait également à pratiquer la diplomatie secrète et à faire croire que la Troïka avait disparu.
Le mandat attribué à la commission par la présidente du Parlement grec les dérangeait profondément.
Le fait de recourir à une participation active des citoyens à l’audit de la dette ne faisait pas partie de leur pratique. Pour eux, tout passait par des négociations au sommet sans mener la moindre campagne de communication internationale pour délégitimer la Troïka. Varoufakis communiquait avec les médias mais uniquement sur la base de propositions qui supposaient qu’un consensus était possible avec les dirigeants européens. Il déclare lui-même dans son livre qu’il leur demandait conseil de manière régulière, notamment quand il rencontrait Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, ou Angela Merkel, la chancelière.
Le fameux plan X auquel Varoufakis s’est référé constamment après son départ du gouvernement, lorsque que tout était joué, n’a jamais été communiqué au gouvernement au complet ni au groupe parlementaire et au Comité central de Syriza. Il n’en a parlé qu’au cercle très étroit autour de Tsipras et à quelques-uns de ses collaborateurs qui travaillaient dans le secret. Sa mise en œuvre éventuelle dépendait uniquement de la décision de Tsipras. Or, Tsipras lui a montré à plusieurs reprises qu’il n’était pas prêt à l’appliquer. Les quelques fois où, selon les propres dires de Varoufakis, Tsipras et d’autres membres du cercle ont voulu prendre des mesures fortes, par exemple à l’encontre du gouverneur de la banque nationale ou les 21-22 février en refusant de confirmer certains termes de l’accord du 20 février, Varoufakis affirme qu’il les a convaincus d’y renoncer.
La décision clé qui signala le point de non-retour est le décret-loi du 20 avril qui ordonnait à tous les organismes publics (municipalités, universités, hôpitaux, parlement, bibliothèques publiques etc. sauf les caisses de sécurité sociale et de retraite) de transférer les réserves de liquidités à la Banque de Grèce pour payer à temps le versement de juin, lequel comme tous les versements des premiers mois du gouvernement Syriza était destiné au seul FMI. Ce fut le signal que le gouvernement était bel et bien pieds et poings liés à l’accord du 20 février et refusait toute éventualité de plan B, toute rupture avec les créanciers. Or, Varoufakis n’a jamais émis la moindre réserve sur cette décision fatale, qui rendait sans objet toute discussion sur des plans alternatifs. Il n’en dit pas un mot dans son livre.
Suite à cette décision la position de la Plate-forme de gauche devenait intenable. La question s’est posée par exemple de savoir que devaient faire les maires et le président de la région des îles ioniennes membres ou proches de la Plate-forme de gauche face à cette injonction ? En général ils ont plié. Lors d’une réunion nationale du courant Lafazanis, qui s’est tenu vers le 24 avril, la décision fut prise de façon unanime de charger Lapavitsas et ses collaborateurs de mettre au point un plan alternatif, que la Plateforme de gauche aurait rendu public. Mais Lafazanis laissait traîner les choses.
Pourquoi un tel atermoiement ? Probablement, Lafazanis et les autres dirigeants étaient conscients que si un tel plan était rendu public, les ministres de la Plate-forme de gauche auraient dû mettre leur fauteuil de ministre dans la balance, et ils ne voulaient pas prendre le risque. Ce fut l’erreur fatale de la Plate-forme de gauche, qui annonçait le manque de punch qui s’est publiquement manifesté lors des semaines décisives de juillet-août 2015.
Revenons aux moments marquants des mois de mai et de juin.
Le 12 mai 2015, la Grèce devait faire pour la septième fois depuis février un remboursement au FMI. Les caisses publiques avaient été quasiment entièrement vidées pour effectuer les paiements précédents et la Troïka se refusait toujours à verser ce qu’elle devait à la Grèce, notamment les 1,9 milliards € de bénéfices réalisés par la BCE sur les titres grecs.
Or le FMI voulait éviter que la Grèce ne suspende le paiement, ce qui montre qu’il craignait une telle mesure. En conséquence, le FMI avec ses complices en Grèce, notamment le gouverneur de la banque de Grèce et Chouliarakis, a trouvé une astuce. Il a prétendu avoir découvert un compte oublié ouvert dans le passé par la Grèce au FMI sur lequel subsistait un solde. En réalité, le FMI a versé près de 650 millions € sous forme d’un nouveau prêt sur le compte en question, ce qui a permis ensuite à la Grèce de rembourser le montant dû, soit 765 millions € selon Varoufakis [4] (747,7 millions € si l’on en croit le Wall Street Journal), en y ajoutant le reliquat à partir de ce qui restait disponible dans les fonds de tiroir des caisses publiques.
Personnellement, j’avais été mis au courant de ce subterfuge par une source bien informée à Washington et j’avais prévenu la présidente du Parlement grec qui n’était jusque-là au courant de rien.
À la même époque, la présidente du Parlement m’a informé qu’elle avait refusé d’accéder à une demande de Tsipras qui lui demandait de verser les liquidités disponibles dans les caisses du Parlement grec. Pour convaincre la présidente, il lui avait dit que cela allait servir à payer les retraites. Avant de refuser la demande de Tsipras, elle avait téléphoné à Dimitris Stratoulis, le ministre en charge des retraites, qui lui avait dit qu’il n’avait pas introduit une telle demande auprès de Tsipras car il avait pris ses précautions : il restait suffisamment d’argent dans le système des pensions pour payer les retraites. Lui-même faisait de la résistance afin d’empêcher que l’argent tant nécessaire aux retraités ne quitte le pays pour aller remplir les coffres du FMI. Zoe Konstantopoulou a donc refusé de transférer la somme que lui demandait Tsipras.
Néanmoins, elle gardait de bons rapports avec lui et chaque fois que je m’inquiétais de l’orientation adoptée par le premier ministre, elle tentait de me rassurer en me disant qu’il finirait par stopper les concessions et par adopter les décisions radicales qui permettraient de trouver une issue à l’impasse. Je n’étais pas convaincu mais nous continuions activement le travail au sein de la commission d’audit.
Je cherchais également à manifester mon soutien aux ministres de gauche, comme Dimitris Stratoulis, qui essayaient de pousser le gouvernement à suspendre le paiement de la dette. La situation de millions de retraités grecs était intenable et la Troïka n’arrêtait pas d’exiger de nouvelles réductions de dépenses dans le secteur des pensions. C’est pour cela que le 15 mai 2015, je me suis rendu à son ministère afin de dialoguer sur ce qu’il convenait de faire et pour le mettre au courant des travaux de la commission. Stratoulis était très heureux de ma visite et a décidé d’en rendre compte publiquement. Il a envoyé à la presse un compte-rendu de cette rencontre et de mon côté j’ai rédigé un communiqué de presse que voici :
- « Après une visite le vendredi 15 mai au ministère grec des pensions et une rencontre avec le ministre Stratoulis, voici ma déclaration concernant le contenu de notre échange fructueux.
- Il est clair qu’il y a une relation directe entre les conditions imposées par la Troïka et l’augmentation de la dette publique depuis 2010. La Commission pour la vérité sur la dette grecque va produire en juin 2015 un rapport préliminaire dans lequel le caractère illégitime et illégal de la dette réclamée à la Grèce sera évalué. Il y a des preuves évidentes de violations de la constitution grecque et des traités internationaux garantissant les droits humains.
- La Commission considère qu’il y a une relation directe entre les politiques imposées par les créanciers et l’appauvrissement d’une majorité de la population ainsi que la baisse de 25 % du PIB depuis 2010. Par exemple, les fonds de pension publics ont subi d’énormes pertes suite à la restructuration de la dette grecque organisée en 2012 par la Troïka. Celle-ci a imposé une perte de 16 à 17 milliards d’euros par rapport à leur valeur originale de 31 milliards €. Les revenus du système de sécurité sociale ont aussi souffert directement à cause de l’augmentation du chômage et de la réduction des salaires comme conséquence des mesures imposées par la Troïka.
- La dette grecque n’est pas soutenable, pas seulement d’un point de vue financier, puisque c’est clair que la Grèce est par essence incapable de la rembourser, mais elle est aussi insoutenable du point de vue des droits humains. Plusieurs juristes spécialistes en matière de droit international considèrent que la Grèce peut se déclarer en état de nécessité. Selon le droit international, quand un pays est en état de nécessité il a la possibilité de suspendre le remboursement de sa dette de manière unilatérale (sans accumuler des arriérés d’intérêt) en vue de garantir à ses citoyens les droits humains fondamentaux, tels que l’éducation, la santé, la nourriture, des retraites décentes, des emplois, etc.
- L’objectif du rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette est de renforcer la position de la Grèce, lui donnant des arguments supplémentaires dans les négociations avec les créanciers. La Commission pour la vérité sur la dette aimerait organiser une visite publique avec des journalistes pour permettre au ministre de rendre public la relation directe entre les politiques imposées par la Troïka et les dégradations des conditions de vie de la majorité de la population et spécifiquement pour les pensionnés, qui ont vu leur pension réduite de 40 % en moyenne depuis que la Troïka est active en Grèce.
- Comme le ministre nous l’a déclaré, 66 % des pensionnés reçoivent une retraite mensuelle de moins de 700 euros et 45 % des pensionnés reçoivent une retraite inférieure au seuil de pauvreté qui est fixé à 660 euros par mois.
- Je réprouve totalement les nouvelles exigences du FMI et de l’Eurogroupe qui veulent imposer de nouvelles réductions des pensions, alors qu’il est clair que les politiques précédentes et actuelles imposées par les créanciers violent le droit des pensionnés à une retraite décente. Les pensions doivent être restaurées.
- Éric Toussaint, coordinateur scientifique de la Commission pour la Vérité sur la dette, Athènes le 15 mai 2015 » [5]
Fin du communiqué
La veille de cette rencontre avec Dimitris Stratoulis, j’étais allé écouter Varoufakis prendre la parole lors d’une grande conférence organisée par le Financial Times et dédiée à l’avenir des banques grecques. Varoufakis y avait déclaré que les négociations avec « les institutions » (rappelons-nous qu’à l’époque, selon le discours officiel, la Troïka était abolie) étaient en bonne voie. Selon lui, il fallait arriver à un double accord, un qui permettrait de terminer le 2emémorandum comme prévu le 30 juin et un second qui constituerait un nouvel arrangement.
Cette déclaration a fait écho à ce que j’avais appris de la bouche d’un de ses collaborateurs directs : Varoufakis cherchait comme Tsipras un nouvel accord pour remplacer celui en cours et, qu’il le veuille ou non, cela signifiait un 3e mémorandum. Lors de la conférence organisée par le Financial Times devant un parterre de membres de l’establishment et des représentants d’entreprises étrangères, il avait déclaré : « Il est impossible de sortir de la zone euro sans que cela entraîne une catastrophe pour le pays qui quitte ». Parmi les autres conférenciers, il y avait Kyriakos Mitsotakis qui est devenu premier ministre quatre ans plus tard, en juillet 2019. Le représentant de la banque Piraeus, une des quatre grandes banques du pays, annonçait qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter si 27 milliards € avaient été retirés des banques grecques depuis fin décembre 2014. Régnait dans cette conférence une atmosphère irréelle, les participants triés sur le volet semblaient vivre à des années lumières de la population grecque. J’avais eu accès à cet événement grâce à un ministre qui m’avait remis l’invitation personnelle qui lui était destinée. J’y avais rencontré Dragasakis qui n’était pas du tout heureux de devoir m’adresser la parole. Sa gêne a augmenté quand un de ses jeunes collaborateurs m’a déclaré qu’il avait lu avec un grand intérêt et enthousiasme l’édition grecque du livre 65 questions/65 réponses sur la dette, la Banque mondiale et le FMI [6] que j’avais écrit avec Damien Millet. Dragasakis, visiblement, n’était pas du tout satisfait de cette déclaration intempestive de son collaborateur.
Dans le gouvernement, un malaise et des frustrations étaient perceptibles mais cela ne filtrait pas vers le public. Je me souviens très bien de ma deuxième rencontre avec la ministre Rania Antonopoulos qui avait en charge la création de 300 000 emplois, une des priorités du programme de Syriza. Au cours de la première rencontre qui avait eu lieu en février 2015, elle m’avait déclaré qu’elle voulait dans la mesure du possible prêter son concours au lancement de l’audit de la dette comme je le proposais. Lors de notre deuxième rencontre en mai 2019, elle a exprimé sa frustration comme ministre. Elle m’a confié qu’elle pensait avoir fait une erreur en acceptant d’entrer au gouvernement car son département manquait de moyens et parce qu’elle ne se sentait pas libre de dire ce qu’elle pensait. Elle m’a déclaré qu’elle aurait dû donner la priorité à son rôle de députée du parlement. Elle m’a expliqué qu’il n’y avait pas de réunion du gouvernement au complet, pas de discussion collective. Elle considérait que Tsipras laissait conduire sa politique par les sondages.
Dans Syriza, un profond malaise était en train de se développer. Mais pour les militants du parti, y compris au plus haut niveau sauf dans le cercle étroit autour de Tsipras, il était très difficile de percevoir ce qui se passait réellement. Tsipras, qui présidait le parti tout en étant premier ministre, communiquait très peu de choses à ses camarades. Il n’informait pas sur les concessions qu’il était en train de faire à la Troïka et laissait entendre qu’il allait prendre un tournant radical car les dirigeants européens ne répondaient pas positivement aux demandes du gouvernement. Il utilisait au maximum les attaques des ennemis de Syriza pour demander que tous à l’intérieur du parti se serrent les coudes et fassent confiance au gouvernement.
Pourtant le 24 mai 2015, lors de la réunion du comité central de Syriza, un amendement déposé par la Plateforme de gauche qui critiquait le cours des négociations et la stratégie du gouvernement, appelant à des mesures unilatérales en vue de la mise en œuvre effective du programme de Thessalonique, avait obtenu 44 % des voix [7].
Au sein de la Plateforme de gauche dès avril 2015, Costas Lapavitsas, qui avait été élu député de Syriza en janvier 2015, avait diffusé une proposition d’orientation alternative à celle mise en pratique par Tsipras. Cette proposition détaillée proposait d’agir pour une annulation de la plus grande partie de la dette publique, soutenait l’audit à participation citoyenne, refusait l’obligation de dégager un surplus du budget primaire, mettait en avant la nécessité de nationaliser les banques et d’annuler une partie importante de la dette des ménages à l’égard des banques, et proposait de restaurer le salaire minimum et les retraites en revenant à la situation d’avant le mémorandum de 2010. La proposition avancée par Costas Lapavitsas se fondait sur des travaux préparatoires rédigés avec l’économiste allemand Heiner Flassbeck qui a occupé des fonctions ministérielles dans un gouvernement social-démocrate allemand dans les années 1990. Elle incluait la perspective de la sortie de la zone euro en envisageant deux options, celle d’une sortie négociée et celle d’une sortie conflictuelle [8]. Ce programme qui constituait une proposition tout à fait intéressante n’a malheureusement pas été diffusé par la Plateforme de gauche qui a cherché jusqu’au bout un compromis avec Tsipras. Stathis Kouvelakis, qui était membre du Comité central de Syriza jusqu’à l’été 2015 et adhérent à la Plateforme de gauche, considère que la direction de celle-ci porte la responsabilité de la non-publication de cette orientation alternative. Kouvelakis considère que la direction de la Plateforme de gauche, dont plusieurs membres avaient des responsabilités ministérielles, est restée soumise à tort aux contraintes de la participation gouvernementale [9]. Je partage cette analyse.
Le dimanche 31 mai, alors que j’étais extrêmement pris par la coordination de la rédaction finale du rapport d’audit de la dette qui allait être présenté le 17 juin au parlement, j’ai reçu un appel de Daniel Munevar [10], collaborateur de Varoufakis depuis le mois de mars. Il me proposait de déjeuner avec James K. Galbraith. J’ai d’abord hésité car le travail qui restait à accomplir était considérable et chaque heure comptait. Puis j’ai pensé qu’une discussion avec Galbraith pourrait être utile au travail de la commission et j’ai quitté pendant quelques heures le studio de 18 m2 qui m’avait été gracieusement prêté par une personne convaincue que l’audit réalisé par la commission servait les intérêts du peuple grec. Galbraith était un des plus proches conseillers de Varoufakis durant ses fonctions ministérielles. Je le connaissais bien depuis une dizaine d’années car nous avions participé en Amérique latine à plusieurs conférences sur la mondialisation financière. En mars 2015, alors que Daniel Munevar avait accepté de collaborer à la commission d’audit, Galbraith l’avait finalement convaincu de faire partie de l’équipe internationale qui travaillerait directement avec Varoufakis, et en conséquence Munevar n’avait pas pu renforcer les rangs de la commission. Depuis mars, nous nous voyions assez régulièrement à Athènes pour faire le point et j’avais essayé, sans succès, de faire en sorte que Varoufakis accepte qu’il puisse aider à la commission malgré ses tâches comme conseiller au ministère des finances.
Le dimanche 31 mai, Galbraith, Munevar et moi avons déjeuné à une terrasse d’un restaurant populaire du centre d’Athènes à quelques centaines de mètres de la place Syntagma. Galbraith avait effectué peu avant un voyage à Berlin et était très inquiet parce que les dirigeants allemands campaient sur leurs positions. Son moral était bas. Même s’il ne l’a pas dit ouvertement, il se posait des questions sur l’efficacité de l’orientation suivie jusque-là par le gouvernement. Je lui ai exprimé mes critiques quant au refus du gouvernement de suspendre le paiement de la dette. Il a défendu l’orientation de Varoufakis et de Tsipras tout en reconnaissant qu’une suspension aurait peut-être donné des résultats positifs alors que la modération adoptée par le gouvernement ne donnait rien. Par contre quand je lui ai dit que j’étais tout à fait en désaccord avec la décision de ne pas exercer de contrôle sur les mouvements des capitaux, il m’a répondu que le gouvernement avait raison et qu’il ne fallait pas s’en faire sur ce point. Peut-être parce qu’il n’était pas convaincu lui-même de la politique suivie par son ami Varoufakis sur ce point, il n’a pas cherché à donner un argument convaincant. On s’est retrouvé en accord sur un point : la nécessité de mettre en circulation le plus vite possible une monnaie complémentaire. Il m’a dit qu’il essayait de convaincre Tispras et son entourage à ce propos mais que cela ne donnait aucun résultat. Une fois de plus, j’ai constaté l’abîme qui me séparait de l’orientation tant de Tsipras que celle de Varoufakis sur les questions centrales. J’ai expliqué l’importance des travaux de la commission et j’ai invité Galbraith à assister aux séances d’audition de Philippe Legrain et de Panagiotis Roumeliotis qui étaient programmées pour le 11 et le 15 juin respectivement. Galbraith a assisté à au moins une des deux auditions.
Les 2 et 3 juin 2015, j’étais invité à une réunion tenue à Athènes par le groupe de la Gauche unitaire au parlement européen afin de présenter le travail de la commission. J’ai constaté que l’écrasante majorité des parlementaires ne se rendait pas du tout compte de ce qui se passait réellement en Grèce et des dangers que représentait l’orientation conciliatrice adoptée par le gouvernement Tsipras. Un parlementaire européen membre de l’aile droite de Syriza, qui était un des organisateurs de cette réunion à laquelle participait une quarantaine d’eurodéputés, avait mis son veto à ce que la présidente du Parlement grec soit invitée à prendre la parole à cette réunion. Manifestement à ses yeux, elle était trop radicale. Elle est quand même venue et y a pris la parole.
Le 3 juin, j’ai quitté un moment cette réunion de parlementaires européens, pour rencontrer en tête-à-tête Panagiotis Roumeliotis, l’ancien représentant de la Grèce au FMI au début du premier mémorandum. À l’époque du premier mémorandum, le FMI était dirigé par Dominique Strauss-Kahn avec qui il avait fait ses études à Paris. Roumeliotis avait une longue expérience des institutions internationales, il faisait partie de l’establishment. Il avait été successivement ministre du Commerce en 1987 puis ministre de l’économie en 1988-1989. En 2015, il était vice-président de la banque Piraeus. Roumeliotis avait accompagné Varoufakis lors de son déplacement à Washington le 5 avril 2015 pour rencontrer Christine Lagarde. Je lui avais donné rendez-vous le 3 juin afin de préparer son audition prévue pour le 15 juin. Notre conversation a été instructive car il a reconnu que le premier mémorandum avait été conçu pour venir en aide aux banques privées françaises et allemandes principalement, ainsi qu’aux banques privées grecques. Plus important encore en ce que cela contredit la narration dominante, il a reconnu que la situation des banques grecques en 2009-2010 était bien plus préoccupante que celle des finances publiques. Il a également reconnu que la crise trouvait son origine d’abord dans la dette privée et que la crise de la dette publique en résultait. Il n’est pas allé aussi loin dans ses déclarations publiques lors de son audition – qui a duré plus de six heures – le 15 juin au Parlement grec par la Commission d’audit. Mais ce qu’il y a déclaré était quand même fort intéressant. Au début de son intervention, il a précisé qu’il venait de recevoir une missive de Christine Lagarde lui rappelant son devoir de réserve comme ancien membre de la direction du FMI, ce qui montre bien que les dirigeants de la Troïka étaient inquiets de l’aboutissement des travaux de la commission.
Si Varoufakis et d’autres auteurs ne mentionnent pas les travaux de la commission, ce n’est pas parce qu’elle était insignifiante, c’est parce que son existence en elle-même dérangeait leurs plans et mettait en danger, selon eux, l’aboutissement des négociations avec les créanciers. Je suis persuadé que Draghi, Lagarde, Juncker se tenaient informés des travaux de la commission et mettaient la pression sur Varoufakis et Tsipras pour qu’ils n’en parlent pas en public et pour qu’ils ne s’appuient pas sur nos travaux.
La violence avec laquelle les grands médias grecs se référaient aux travaux de la commission constituait un signe évident des dangers qu’elle représentait pour l’ordre établi. La présidente du parlement était la cible principale des attaques puisqu’elle avait créé la commission. J’étais la cible numéro 2. Plusieurs articles publiés par d’importants médias de droite visaient à me discréditer et recouraient à des attaques personnelles sur ma tenue vestimentaire ainsi que sur le fait que j’avais participé à des audits de dettes dans des pays dits en développement. On nous présentait comme un danger pour la Grèce. Au sein du parlement, le président du groupe parlementaire du parti néolibéral To Potami (La Rivière) était également très remonté contre mon rôle de coordinateur scientifique des travaux de la commission. Il a officiellement protesté contre ma présence au parlement lors d’une réunion des chefs des groupes parlementaires.
J’ai pu constater en mai-juin 2015 que la campagne médiatique contre la commission et contre ma personne produisait auprès de la population grecque un effet contraire à celui recherché. Lors de mes déplacements dans Athènes, dans la rue ou dans les transports en commun, à de nombreuses reprises des personnes m’ont arrêté pour me saluer, me serrer la main chaleureusement, ont demandé à prendre un selfie avec moi, m’ont remercié pour le travail en cours de réalisation, m’ont dit de bien prendre soin de ma sécurité, etc. Pas une seule fois, quelqu’un n’a manifesté un geste ou une parole de réprobation. Cela a été le cas y compris la fois où je me suis rendu sur la place Syntagma à une manifestation antigouvernementale convoquée par des partis d’opposition de droite. Je voulais me rendre compte de la situation, voir quel type de public participait à une telle manifestation. J’ai traversé tranquillement les rangs des manifestants qui étaient environ dix mille. J’ai vu qu’un certain nombre me reconnaissait mais aucun n’a exprimé un rejet. J’en ai tiré l’impression que les travaux de la commission pour établir la vérité sur la dette n’étaient pas considérés comme contraires aux intérêts de la Grèce par les personnes des milieux populaires et des classes moyennes qui se mobilisaient à droite. De même, dans les restaurants populaires ou dans des cafés que j’ai fréquentés, il n’était pas rare que le patron ou des membres du personnel marquent leur sympathie pour le travail de la commission.
Sur le plan international, les soutiens au travail de la commission étaient nombreux, un site spécifique avait été ouvert et un appel international largement soutenu attirait constamment des signatures des quatre coins de la planète. De nombreux journalistes étrangers marquaient aussi leur intérêt. Il faut préciser également que tous les documents publics de la commission étaient publiés sur le site du parlement grec, ce qui contrastait avec la diplomatie du secret pratiquée par Tsipras et Varoufakis.
Le 4 juin 2019, alors que la Grèce devait effectuer un nouveau remboursement au FMI de 305 millions € et que les caisses publiques étaient vides, celui-ci propose que tous les paiements dus en juin, pour un montant total de 1 532,9 millions €, soient payés en une seule fois le 30 juin 2015. Cela permettait à la Troïka de mettre la pression maximum sur le gouvernement pour qu’il accepte de signer une nouvelle capitulation avant la fin du 2e mémorandum dont l’échéance était le 30 juin 2015.
Le 3 juin 2019, Tsipras s’était rendu à Bruxelles pour une réunion avec Juncker et Dijsselbloem qui étaient en contact direct avec Merkel, Hollande et Lagarde. Varoufakis avait été mis hors-jeu une fois de plus, Tsipras ne lui avait pas demandé de l’accompagner. Pour la Troïka, il s’agissait de mettre la pression maximale sur le premier ministre qui avait déjà montré qu’il était prêt à d’importantes concessions. Mais les énormes concessions de Tsipras ne suffisaient pas à la Troïka qui voulait le contraindre à une capitulation sur toute la ligne. Elle espérait pouvoir y arriver pour le 6 juin.
Finalement, Tsipras décide de rentrer à Athènes le 4 juin. Le lendemain, il critique devant le parlement grec l’attitude intransigeante de la Troïka sans expliquer les nouvelles concessions qu’il avait déjà faites et qui n’étaient pas suffisantes. Il donnait donc au public et aux parlementaires l’impression de résister fortement en affirmant qu’il ne franchirait pas les lignes rouges fixées par son gouvernement et le groupe parlementaire de Syriza.
Les négociations se poursuivent à Bruxelles avec, du côté grec, Chouliarakis à la tête des tractations, faisant tout son possible pour contenter la Troïka mais sans résultat substantiel.
Les 11 et 15 juin, la Commission pour la vérité sur la dette organise deux séances publiques d’audition de témoin. Philippe Legrain, ex-conseiller de José Manuel Barroso qui a présidé la Commission européenne entre novembre 2004 et novembre 2014, témoigne le 11 juin, et Panagiotis Roumeliotis le fait le 15 juin. L’audience de la commission auprès du public grec augmente.
Le 17 juin, au parlement grec, la commission présente son rapport en présence de la présidente du parlement grec, du premier ministre et d’une dizaine de membres du gouvernement. Le rapport principal m’incombe et il est retransmis en direct par la chaîne TV du parlement [11]. Une dizaine de parlementaires d’autres pays sont présents. Ils sont venus de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Espagne, d’Argentine, de Tunisie, etc., pour apporter leur soutien au travail de la commission et à la demande d’annulation des dettes illégitimes. Le rapport conclut que l’entièreté de la dette réclamée par la Troïka est illégitime, odieuse, illégale et insoutenable. Tsipras qui est venu saluer la commission en début de séance est reparti sans faire de déclaration publique. La présentation publique des différentes parties du rapport prend deux journées entières. Le rapport d’une petite centaine de pages est distribué en grec et en anglais, il est immédiatement publié sur le site du parlement grec. Dans les semaines qui suivent, il est traduit et publié en français, en allemand, en italien, en espagnol et en slovène.
Pendant ce temps, le 18 juin lors de la réunion de l’Eurogroupe à Bruxelles, la Troïka fait monter la pression sur le gouvernement grec. Benoît Coeuré, de la BCE, annonce que les banques grecques devront peut-être fermer leurs portes le 22 juin [12]. Christine Lagarde, pour le FMI, est également très agressive.
Le 20 juin, selon Varoufakis, Tsipras est très abattu et il lui soumet le projet d’un texte d’un discours à tenir devant la Nation afin d’expliquer la nécessité de capituler devant les exigences de la Troïka. Varoufakis affirme lui avoir déclaré : « Si tu veux capituler, capitule, mais fais-le convenablement – et je lui ai remis une feuille sur laquelle j’avais rédigé l’esquisse d’un discours, un discours à la nation, qu’il devrait lire à la télévision :
- « Mes chers compatriotes, Nous nous sommes battus courageusement contre une troïka de créanciers impitoyables. Nous avons tout donné. Hélas, il n’y a pas de discussion possible avec des créanciers qui ne veulent pas récupérer leur argent.
- « Nous avons essayé de tenir bon face à des institutions parmi les plus puissantes au monde et face à notre propre oligarchie, lesquelles ont bien plus de pouvoir que nous. Personne ne nous a porté secours. Certains, comme le président Obama, se sont montrés compréhensifs à notre égard. D’autres, comme la Chine, nous ont fait part de leur sympathie. Mais personne n’a proposé de nous aider concrètement face à ceux qui ont décidé de nous briser. Nous n’abandonnons pas, mais je dois vous annoncer que nous avons décidé de renoncer aujourd’hui pour pouvoir nous battre à l’avenir.
- « Dès demain matin, j’accèderai aux demandes de la Troïka. Mais seulement parce qu’il reste de nombreuses batailles à livrer. Dès demain, après avoir accepté les exigences de la Troïka, mes ministres et moi-même entreprendrons une grande tournée en Europe pour expliquer aux peuples le sort qui nous a été réservé, pour les appeler à se mobiliser et à se joindre à notre combat commun, qui est de mettre fin au pourrissement et de redonner vie aux principes et aux traditions démocratiques de notre continent. » [13]
Fin de citation du texte rédigé par Varoufakis.
La stratégie présentée ici correspond bien à une des faiblesses fondamentales de l’orientation du Ministre des finances : elle débouchait sur la capitulation. Si l’on suit le raisonnement tenu par Varoufakis et les recommandations faites à Tsipras et son gouvernement, ce n’est qu’après avoir capitulé qu’ils auraient réalisé une grande tournée pour demander aux peuples de se mobiliser. Se mobiliser pour quoi ? Pour se solidariser d’un gouvernement qui capitule ? C’est dès février qu’il aurait fallu organiser systématiquement une campagne de mobilisation nationale et internationale pour soutenir les actions que le gouvernement aurait dû résolument entreprendre au lieu de capituler une première fois le 20 février. Ensuite, à plusieurs moments clés, Tsipras et Varoufakis auraient dû prendre le virage pour éviter la capitulation. Mais aucun des deux ne l’a fait.
Varoufakis commente : « Alexis l’a lu, puis a dit avec son air abattu habituel : « Je ne peux pas dire au peuple que nous allons déposer les armes ». C’était on ne peut plus clair : il avait effectivement décidé de céder, mais il ne pouvait se résoudre à l’annoncer. [14] »
De toute manière, les concessions systématiques que Tsipras faisait dans les pourparlers avec la Troïka permettent de comprendre le dénouement de début juillet 2015.
Face à la Troïka qui voulait une capitulation humiliante à laquelle Tsipras n’était pas prêt, il a fini par convoquer un référendum. Il a pris cette décision le 26 juin, à l’issue d’un sommet tenu à Bruxelles le 25 juin au cours duquel, une fois de plus, la présidence de la Commission européenne, celle de l’Eurogroupe, les chefs de gouvernement de la zone euro, la BCE et le FMI avaient exercé une pression maximum sur lui.
Tsipras quitte Bruxelles le 26 juin et annonce la convocation d’un référendum pour le 5 juillet 2015.
Dans les jours qui suivirent, du côté de tous ceux et celles qui attendaient que Tsipras prenne enfin un tournant et stoppe les concessions faites à la Troïka, la convocation du référendum a représenté un extraordinaire signal de renaissance de l’espoir. Cet espoir était d’autant plus fort que le gouvernement demandait au peuple de se prononcer sur les exigences de la Troïka et appelait à les rejeter.
La question sur laquelle les Grecs étaient invités à se prononcer se présentait de la manière suivante :
« Acceptez-vous le projet d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l’Eurogroupe du 25 juin 2015 et composé de deux parties, qui constituent leur proposition unifiée ? Le premier document est intitulé « Réformes pour la réussite du programme actuel et au-delà », le second « Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette ».
Les deux documents en question étaient rendus publics par le gouvernement et pouvaient être lus ou téléchargés sur le site créé pour le référendum.
Il s’agissait ni plus ni moins de faire vivre la démocratie face aux diktats des créanciers. C’était tard mais il était encore temps pour le gouvernement de se ressaisir et de mettre enfin en pratique une série de mesures alternatives en cas de rejet des exigences de la Troïka sur la base d’un mandat donné par le peuple.
Ce que Tsipras avait réellement en tête en convoquant le référendum n’est pas clair. Plusieurs interprétations circulent.
Varoufakis donne sa version qui mérite d’être prise en compte. Selon lui, Tsipras a annoncé sa décision le 26 juin au noyau qui l’entourait à Bruxelles. Il s’agissait de Dragasakis (vice-premier ministre), Sagias (le conseiller juridique), Tsakalotos (qui remplaçait officiellement Varoufakis dans les contacts avec la Troïka), Pappas (l’alter ego de Tsipras), Stathakis, Chouliarakis et lui-même. Varoufakis déclare avoir demandé aux présents :
- « Ce référendum, on le convoque pour le gagner ou pour le perdre ? ».
Il relate la suite :
- « La seule réponse que j’ai obtenue, et je pense qu’elle était sincère, m’a été donnée par Dragasakis : « Nous avons besoin d’une sortie de secours. »
- Comme lui, j’étais persuadé que nous allions perdre le référendum. En janvier, le total des voix en faveur du gouvernement n’avait été que de 40 pour cent, et à présent nous devrions faire face à une semaine entière de fermeture des banques et de rumeurs affolantes dans les médias avant le 5 juillet. Mais à l’inverse de moi, Dragasakis souhaitait perdre pour légitimer notre acceptation des conditions de la Troïka. [15] »
Plus loin, il réaffirme que l’objectif du noyau autour de Tsipras (dont il s’exclut sur ce point), en convoquant le référendum, était d’avoir la légitimité pour capituler. Il écrit qu’il a proposé le 27 juin à Tsipras et aux membres du cabinet de guerre qui l’entourait d’annoncer certaines mesures fortes comme l’intention de reporter de deux ans le remboursement à la BCE [16], ce que Tsipras, Dragasakis et Tsakalotos ont refusé. Il ajoute : « C’est après la réunion, en me dirigeant vers la sortie, que j’ai soudain compris ce qui se passait : le but était bien de perdre le référendum » [17].
Est-ce que Tsipras pensait dès le moment où il a convoqué le référendum que le gouvernement allait le perdre, comme l’affirme Varoufakis ? Ce n’est pas clair. Selon Stathis Kouvelakis, le 26 juin, Tsipras pensait que le « Non » l’emporterait et dépasserait 70 % [18]. Selon Varoufakis, Tsipras considérait que le « Oui » l’emporterait et lui donnerait la légitimité pour capituler.
Ce qui est certain c’est que pour Tsipras, comme le souligne Kouvelakis [19], la convocation du référendum ne constituait pas le signal de la rupture avec la Troïka, c’était un mouvement tactique afin de reprendre l’initiative pour sortir de l’impasse de manière à poursuivre la négociation dans de meilleures conditions.
D’ailleurs, Tsipras a essayé de poursuivre les négociations pendant la semaine qui a précédé le référendum [20].
Dragasakis, qui était aussi tout à fait favorable à poursuivre les négociations et à faire des concessions, s’est prononcé publiquement pour l’annulation de la convocation du référendum car il pensait que celui-ci rendait plus difficiles les pourparlers avec la Troïka.
Varoufakis souligne qu’il n’y a eu aucune volonté des membres du cabinet de guerre d’organiser une campagne de mobilisation en faveur du « Non ». C’est ainsi que les ministres n’ont pas été encouragés à se déplacer dans le pays pour tenir des meetings en faveur du « Non » [21]. Seul un grand rassemblement a été convoqué pour le 3 juillet, c’est-à-dire deux jours avant le référendum.
Le fait que Varoufakis était persuadé que le « Oui » allait l’emporter montre qu’il était déconnecté de l’état d’esprit de la majorité du peuple grec.
La victoire du « Non » sans qu’une véritable campagne ait été organisée par le gouvernement montre à quel point une grande partie du peuple était prête à résister aux créanciers.
Du côté de la Troïka, la réaction a été violente : la BCE a fait en sorte que le gouvernement doive fermer les banques pendant la semaine qui a précédé le référendum.
Le lundi 29 juin, Juncker dénonce la convocation du référendum – c’est du jamais-vu de la part d’un président de la Commission européenne – et appelle les Grecs dans des termes à peine voilés à voter « Oui » afin de ne « pas commettre un suicide ». Cette intervention a peut-être eu l’effet contraire à celui recherché.
Le 30 juin, Benoît Coeuré, vice-président de la BCE, annonce que si les Grecs votent en majorité pour le « Non », l’expulsion de la zone euro est probable tandis que si les Grecs votent pour le « Oui », la Troïka viendra en aide à la Grèce. François Hollande fait une déclaration dans le même sens.
Les médias dominants en Grèce appellent tous à voter pour le « Oui » et expliquent que si le « Non » l’emporte, ce sera une catastrophe.
Durant les jours qui précèdent le référendum une série de personnalités au niveau international, notamment aux États-Unis, soutiennent le « Non ». Parmi elles, le sénateur Bernie Sanders et les économistes prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Paul Krugman.
Le 3 juillet, une marée humaine se rend à la place Syntagma pour aller écouter Tsipras et exprimer la ferveur populaire pour le « Non ». De nombreux témoignages soulignent que Tsipras était mal à l’aise alors que la foule l’ovationnait pour son courage face aux créanciers. Il a abrégé son discours.
Le rassemblement en faveur du « Oui » est nettement moins fourni que celui en faveur du « Non ».
Le 5 juillet, le résultat est sans appel : un taux de participation élevé (62,5 %) et 61,31 % en faveur du « Non ». Dans les quartiers « ouvriers », le « Non » l’a emporté à plus de 70 %. Selon un sondage, 85 % des jeunes entre 18 et 24 ans ont voté pour le « Non » [22].
Pourtant le 6 juillet, Tsipras se réunit avec les partis qui ont appelé à voter pour le « Oui » et, en 24 heures, élabore avec eux une position conforme aux demandes de la Troïka alors que celles-ci ont été rejetées lors du référendum. C’est une trahison du verdict populaire d’autant plus manifeste qu’il avait juré publiquement de respecter le résultat du référendum, quel qu’il soit.
Tsipras reprend immédiatement le contact avec Bruxelles et constate que la Commission européenne et les dirigeants de l’Eurogroupe, très remontés contre lui, veulent lui faire payer son insolence et infliger une humiliation au peuple grec.
Tsipras se rend néanmoins à Bruxelles pour remettre la proposition qu’il a concoctée avec les partis qui ont appelé à voter pour le « Oui ». Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à la proposition qui a été rejetée deux jours plus tôt par 61,31 % des Grecs qui ont participé au référendum. Mais les dirigeants européens déclarent à Tsipras qu’ils ne peuvent pas lui faire confiance et exigent un vote du parlement grec sur des propositions crédibles de leur point de vue comme condition préalable à la reprise officielle des négociations. Tsipras s’exécute et obtient le 10 juillet un appui massif au parlement grec pour soumettre son nouveau plan à la Troïka. Les trois partis qui ont perdu le référendum votent en faveur du nouveau plan de Tsipras tandis que la présidente du parlement grec, 6 ministres et vice-ministres membres de la Plateforme de gauche et d’autres députés Syriza refusent de l’approuver (Varoufakis est absent, il a choisi d’être avec sa fille dans sa résidence à l’extérieur d’Athènes). Sur 300 parlementaires, 251 votent en faveur du plan de capitulation proposé par Tsipras. Syriza est en pleine crise.
Le 11 juillet, à Bruxelles, alors que le FMI et la BCE sont d’accord avec la proposition grecque, plusieurs ministres et chefs d’État européens veulent imposer de plus lourds sacrifices.
Le 13 juillet, suite à une réunion d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro, le gouvernement grec accepte de rentrer dans un processus conduisant à un troisième mémorandum, avec des conditions plus dures que celles rejetées lors du référendum du 5 juillet. À propos de la dette, le texte dit clairement qu’il n’y aura pas de réduction du montant de la dette grecque : « Le sommet de la zone euro souligne que l’on ne peut pas opérer de décote nominale de la dette. Les autorités grecques réaffirment leur attachement sans équivoque au respect de leurs obligations financières vis-à-vis de l’ensemble de leurs créanciers, intégralement et en temps voulu » [23].
La pression exercée par les dirigeants européens provoque des réactions de rejet autour de la planète. Le 13 juillet, le hashtag #THISISACOUP est twitté 377 000 fois et fait le tour du monde.
Le 15 juillet, la crise dans Syriza s’approfondit. Une lettre signée par 109 membres (sur 201) du comité central de Syriza rejette l’accord du 13 juillet en le qualifiant de coup d’État et demande une réunion d’urgence du Comité central. Malgré cela, Tsipras, président de Syriza, ne réunira le Comité central que deux semaines plus tard.
Les 15 et 16 juillet, le Parlement, avec les voix de Nouvelle Démocratie, Pasok et To Potami, mais sans les voix de 39 députés de Syriza sur 149 (32 contre dont Varoufakis, 6 abstentions, 1 absence), approuve un premier paquet de mesures d’austérités, concernant la TVA et les retraites, exigées par l’accord du 13 juillet.
Le 17 juillet, suite à l’accord du 13 juillet, la Commission européenne annonce le déblocage d’un nouveau prêt de 7 milliards d’euros. Alexis Tsipras remanie son gouvernement, en congédiant notamment deux ministres de la Plateforme de gauche, Panagiotis Lafazanis et Dimitris Stratoulis. Varoufakis avait démissionné le 6 juillet et Nadia Valavani, vice-ministre des finances, le 15 juillet.
Le 20 juillet, la Grèce rembourse 3,5 milliards € à la Banque centrale européenne et 2 milliards € au Fonds monétaire international.
Les 22 et 23 juillet, le Parlement adopte un second volet de mesures immédiates exigées par la Troïka. Parmi les députés de Syriza, 31 votent contre et 5 s’abstiennent. Varoufakis vote pour.
Le 14 août, le Parlement grec adopte le troisième mémorandum par 222 voix contre 64 voix (dont 32 députés de Syriza sur un total de 149). Il y a 11 abstentions (dont 10 Syriza).
Le 20 août, la Grèce rembourse 3,2 milliards € à la BCE.
Ensuite Tsipras convoque des élections anticipées pour le 20 septembre. Il les gagne car bon nombre d’électeurs de Syriza ne voient pas d’autre issue que de continuer à voter pour Tsipras afin d’éviter le retour de la droite au gouvernement. C’est le vote en faveur du moindre mal car ils savent que la droite ferait pire en termes d’austérité. La liste Unité populaire créée par une grande partie des membres et des députés de Syriza qui ont rejeté le 3e mémorandum n’obtient pas le score nécessaire pour entrer au parlement (elle obtient 2,86 % alors que le seuil minimal est de 3 %). Elle a eu trop peu de temps pour se faire connaître et elle n’a pas su présenter une alternative crédible.
Le 23 septembre, la Commission pour la vérité sur la dette se réunit au parlement grec sur convocation de Zoe Konstantopoulou, qui est encore présidente du parlement car la nouvelle législature n’a pas encore débuté. La Commission adopte deux nouveaux rapports et considère que la nouvelle dette contractée au travers du 3e mémorandum est elle aussi odieuse [24]. Trois jours plus tard, Tsipras fait élire comme président du parlement Nikos Voutsis qui décide une dissolution de facto de la Commission d’audit de la dette et fait disparaître du site internet du parlement tous les documents relatifs à ses travaux.
Conclusion
Au cours des deux mois qui mènent à la trahison du verdict populaire du 5 juillet, Tsipras a pratiqué une orientation qui conduisait au désastre. À plusieurs reprises, il aurait pu prendre un tournant mais s’y est refusé. L’enthousiasme soulevé par le référendum du 5 juillet a fait long feu et a débouché sur une énorme déception.
Notes
[1] Y. Varoufakis, Conversations entre adultes, chapitre 14, p. 383-384. Voir également Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff. How Greece came face-to-face with financial catastrophe & the secret plan for its euro exit, Papadopoulos publisher, Athens, 2019, 195 pages, page 84.
[2] Audition de Philippe Legrain, ex-conseiller de Barroso, au Parlement grec (11 juin 2015) : « le gouvernement grec a tout intérêt à ne pas céder aux créanciers » http://www.cadtm.org/Audition-de-Philippe-Legrain-ex
[3] Audition de Panagiotis Roumeliotis (15 juin 2015), ex-représentant de la Grèce au FMI de mars 2010 à décembre 2011 : « Il faut que les créanciers reconnaissent leurs responsabilités » http://www.cadtm.org/Audition-de-Panagiotis-Roumeliotis
[4] Y. Varoufakis, chapitre 14, p. 399.
[5] Communiqué d’Éric Toussaint suite à la rencontre avec le ministre Dimitris Stratoulis qui a en charge les retraites, le 15 mai 2015, http://www.cadtm.org/Communique-d-Eric-Toussaint-suite, consulté le 28 juillet 2019
[6] L’édition grecque a été publiée en 2013 par la maison d’édition Alexandria à Athènes. J’en ai offert un exemplaire à Alexis Tsipras en octobre 2013.
[7] A la suite de l’accord du 20 février, les amendements de la Plate-forme de gauche recueillaient plus de 40 % des voix au comité central, au-delà des 30 % des membres élus de la Plateforme de gauche. Un bloc « rupturiste » s’était formé dans Syriza qui incluait, outre la Plateforme de gauche (c’est-à-dire le courant Lafazanis et l’organisation trotskyste DEA), Zoé Konstantopoulou, les ex-maoistes du courant KOE, un groupe issu du PASOK, auxquels s’ajoutaient Manolis Glezos et Yanis Milios.
[8] Costas Lapavitsas, Heiner Flassbeck, Cédric Durand, Guillaume Elevant, Frédéric Lordon, Euro, plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe, Editions du Croquant, Paris, 2016, p. 25 à 114.
[9] Voir l’avant-propos de Stathis Kouvelakis et d’Alexis Cukier à Costas Lapavitsas, Heiner Flassbeck, Cédric Durand, Guillaume Elevant, Frédéric Lordon, Euro, plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe, Editions du Croquant, Paris, 2016, p. 14.
[10] J’ai présenté Daniel Munevar dans le chapitre 4.
[11] Voir la vidéo : Intervention d’Éric Toussaint à la présentation du rapport préliminaire de la Commission de la vérité le 17 juin 2015, publié le 11 août 2015, http://www.cadtm.org/Intervention-d-Eric-Toussaint-a-la-presentation-du-rapport-preliminaire-de-la, consulté le 3 août 2019
[12] Voir Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff. How Greece came face-to-face with financial catastrophe & the secret plan for its euro exit, Papadopoulos publisher, Athens, 2019, 195 pages, page 112.
[13] Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 426.
[14] Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 426.
[15] Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 437.
[16] Remarquons que « annoncer l’intention » de ne pas rembourser pendant deux ans la BCE est ambigu car ce n’est pas la même chose que mettre en pratique la suspension de paiement. Annoncer l’intention, cela peut vouloir dire « Retenez-nous avant que nous ne procédions à la suspension, faites-nous une nouvelle proposition ». D’ailleurs, Varoufakis écrit « Inutile de se précipiter, ai-je poursuivi. Pour le moment il suffit de signaler notre intention. » p. 442.
[17] Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 443.
[18] Stathis Kouvelakis, La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale, Entretiens avec Alexis Cukier, La Dispute, Paris, 2015, p. 145.
[19] Kouvelakis, op. cit. , p. 145.
[20] Voir Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff, page 139-140.
[21] Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 446.
[22] Stathis Kouvelakis, La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale, Entretiens avec Alexis Cukier, La Dispute, Paris, 2015, p. 148. À noter que le parti communiste (KKE) avait appelé à voter nul, prenant le risque de faire gagner le « Oui » (Voir Kouvelakis, p. 165).
[23] Voir la Déclaration du sommet de la zone euro Bruxelles, le 12juillet 2015, GEN – 20150712-eurosummit-statement-greece_fr.pdf accessible sur le site officiel du Conseil de l’UE : https://www.consilium.europa.eu/media/20339/20150712-eurosummit-statement-greece_fr.pdf
[24] Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international » publié le 5 octobre 2015, http://www.cadtm.org/Analyse-de-la-legalite-du-memorandum-d-aout-2015-et-de-l-accord-de-pret-enconsulté le 8 août 2019. Voir également : « Le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents », publié le 1 octobre 2015, http://www.cadtm.org/Le-troisieme-memorandum-est-aussi consulté le 8 août 2019
[25] Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 467-468.
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