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Les dirigeants de Boeing doivent rendre des comptes (WSWS)

par Brian Dyne 15 Décembre 2019, 12:00 Boeing Accident 737 Max Défaillances FAA USA

Les dirigeants de Boeing doivent rendre des comptes
Par Brian Dyne
WSWS, 14 décembre 2019

Deveney Williams (à droite) essuie une larme de ses yeux alors qu'elle et Diana Sotomayor (à gauche) et Hayley Freedman (au centre), amis de Samya Rose Stumo, brandissent une pancarte identifiant les personnes perdues à bord le vol 302 d'Ethiopian Airlines lors d'une audience devant la commission de transport et d’infrastructure du Congrès [Photo: AP Photo / Andrew Harnik]

Deveney Williams (à droite) essuie une larme de ses yeux alors qu'elle et Diana Sotomayor (à gauche) et Hayley Freedman (au centre), amis de Samya Rose Stumo, brandissent une pancarte identifiant les personnes perdues à bord le vol 302 d'Ethiopian Airlines lors d'une audience devant la commission de transport et d’infrastructure du Congrès [Photo: AP Photo / Andrew Harnik]

L'ancien cadre supérieur de Boeing Ed Pierson a témoigné mercredi devant la commission des transports et des infrastructures du Congrès qu'il avait averti la haute direction de l'entreprise à deux reprises au cours de l'été 2018 que «la détérioration des conditions à l'usine» de production du Boeing 737 de Renton, dans l'État de Washington, entraînerait inévitablement une production d’avions défaillants et potentiellement mortels.

 

 

Le rapport de cet ex-employé révèle un autre niveau de la criminalité et de la négligence des dirigeants de Boeing dans leur volonté de générer des bénéfices de plusieurs milliards de dollars avec l’avion 737 Max 8. Ce fut un autre avertissement, cette fois par un travailleur qui produisait ces avions, que les conditions dans l'usine compromettaient la sécurité de dizaines d'avions qui pourraient éventuellement transporter des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants.

 
 

Les craintes de Pierson se sont réalisées quatre mois après son deuxième avertissement lorsque le vol 610 de Lion Air a plongé dans la mer de Java après avoir décollé de Jakarta, en Indonésie, tuant les 189 passagers et membres d'équipage à bord. Cela a été suivi d'un deuxième crash d'un avion Max 8 juste aux abords d'Addis-Abeba, le vol 302 d'Ethiopian Airlines, qui a anéanti la vie de 157 autres êtres humains.

 

Ce n'est qu'après le deuxième crash que Boeing a décidé de clouer au sol l'avion meurtrier dans le monde entier, et cela ne s'est produit qu'après que l'indignation internationale a monté lorsque Boeing a déclaré deux jours après le deuxième crash qu'ils avaient «pleinement confiance en la sécurité du 737 Max». Ces commentaires ont été soutenus et repris par la Federal Aviation Administration (FAA) et le président américain Donald Trump.

La même audience du Congrès a également révélé que le mois suivant le premier accident, une analyse interne de la FAA a déterminé que, à moins que l'avion ne soit immobilisé, le Max 8 ferait l’objet en moyenne un accident mortel tous les deux ou trois ans, une quantité supérieure à celle indiquée par Boeing ou l'agence à l'époque. Ce rapport a été supprimé par l'agence pendant plus d'un an, même après le deuxième crash en moins de six mois.

La raison immédiate de ces deux accidents était un logiciel auparavant inconnu appelé système d'augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS), qui s'est activé par erreur en raison d'un capteur d'angle d'attaque défectueux et a forcé les deux avions à plonger de façon incontrôlable. Les capteurs, a noté Pierson, remplaçaient les originaux également défectueux, ce qui n'aurait pas dû se produire sur des avions vieux de quelques mois seulement, ce qui dénotait de graves problèmes dans la production du Max 8 lui-même.

Dans un e-mail de juin 2018 adressé au vice-président de Boeing, Scott Campbell le responsable du programme Max 8, Pierson a averti que «franchement, toutes mes sonnettes d'avertissement internes se déclenchent.» Il a explicitement noté le manque de mécaniciens, d'électriciens et de techniciens qualifiés, un taux d'heures supplémentaires qui a plus que doublé et qui fatiguait les travailleurs. Il a ajouté que «pour la première fois de ma vie, je suis désolé de dire que j'hésite à mettre ma famille dans un avion Boeing.»

Dans ses commentaires devant le Congrès, Pierson a souligné «l'accent dogmatique sur le calendrier» après que l'entreprise ait exigé que l'usine augmente la production du nombre d'avions qu'elle fabriquait de 47 à 52 par mois, et l'augmentation des «risques pour la sécurité des produits et des travailleurs.»

En conséquence, les mesures de suivi de la qualité interne de Boeing ont révélé une augmentation de 30 pour cent des défauts d'ingénierie et de câblage, qui peuvent tous provoquer des défauts potentiellement mortels dans un avion. Tout cela aurait pu avoir un effet sur les capteurs MCAS cassés. Afin de résoudre ces problèmes, Pierson a reconnu la nécessité de fermer l'usine «pour permettre à notre équipe de se regrouper afin que nous puissions terminer les avions en toute sécurité.»

Alors même que les conditions de production se dégradaient, les dirigeants de Boeing ont continué à ignorer Pierson. Lors d'une réunion entre Pierson et Campbell, au cours de laquelle le premier a réitéré son appel à arrêter la production pour répondre à des problèmes de sécurité prouvés, le responsable du programme 737 Max lui a dit: «Nous ne pouvons pas faire ça. Je ne peux pas faire ça» parce que Boeing est «une organisation à but lucratif».

 

La cupidité sans gêne incarnée dans cette déclaration ne donne qu'un aperçu des énormes sommes d'argent que Boeing a gagnées grâce au programme Max 8. Alors que l'immobilisation du Max 8 et les poursuites par les pilotes et les proches des victimes devraient coûter 8 milliards de dollars à Boeing, la valeur de la société a augmenté de près de 200 milliards de dollars entre le moment où les avions ont été annoncés en 2011 et le moment où l'ensemble de la flotte a été cloué au sol.

Les dirigeants de Boeing eux-mêmes ont également fait d'immenses fortunes personnelles. Lors de la montée fulgurante des actions de la société en janvier et février de cette année, le directeur financier Gregory Smith, le vice-président exécutif John Keating, l'avocat général Michael Luttig et le directeur général Dennis Muilenberg ont tous vendu des actions pour une valeur de 9,5 millions de dollars, 10,1 millions de dollars, 9,5 millions de dollars et 6,5 millions de dollars respectivement.

Ces chiffres démentent les larmes de crocodile que la direction de Boeing a versées, surtout quand on se rend compte que le deuxième crash du Max 8 s'est produit juste un mois après ces aubaines. Étaient-ils conscients des dangers de l'avion et, plutôt que d'avertir leurs pilotes et passagers, ont profité de l'occasion pour en tirer profit?

On ne peut pas non plus accepter les remarques faites par les représentants de la commission des transports du Congrès. En réponse à la publication du document interne de la FAA, le représentant démocrate Peter DeFazio de l'Oregon a déclaré: « Malgré ses propres calculs, la FAA a voulu parier avec la sécurité du public en laissant le 737 Max continuer à voler.» Le président de la sous-commission de Transport du Congrès n'a fait aucune mention du fait que lui et ses collègues avaient récemment adopté la loi sur la Ré-autorisation de la FAA, qui donne à Boeing et à d'autres constructeurs d'avions encore plus de liberté à l’égard de la réglementation et de la surveillance.

 

De plus, le gouvernement américain ainsi que des municipalités et des États fédérés ont subventionné les opérations de Boeing. Depuis 1994, Boeing a reçu 74 milliards de dollars de subventions et de prêts gouvernementaux, dont 14 milliards proviennent uniquement de l'État de Washington [où est installé Boeing]. Cet argent a été prélevé directement de la classe ouvrière et déposé dans les poches des dirigeants et des gros actionnaires de la société.

Cela montre clairement la relation entre le gouvernement américain et Boeing, le deuxième plus grand entrepreneur de défense du pays et le plus grand exportateur. Ils n'ont pas de relation contradictoire, mais représentent plutôt le lien entre les entreprises géantes, l'État et l'armée.

Malgré des preuves évidentes et croissantes de la négligence criminelle de la part des dirigeants de Boeing qui a causé la mort de plus de 300 personnes, aucune accusation pénale n'a été portée contre les responsables concernés. Cela est tout à fait dans la ligne judiciaire établie ces temps-ci, où même les délits de grandes entreprises les plus horribles n’ont donné lieu à aucune poursuite. Mais la justice pour les victimes, sans parler de la sécurité du public, exige que les cadres supérieurs et les responsables gouvernementaux impliqués dans ces crimes soient tenus de rendre des comptes.

Ces liens et les catastrophes des Max 8 ne sont pas simplement des symptômes de la cupidité des grandes entreprises, mais le résultat final du système capitaliste lui-même, qui subordonne tous les besoins sociaux au profit privé. Il existe une contradiction fondamentale entre les intérêts de la société, y compris le transport aérien sûr, efficace et peu coûteux, et la propriété privée des industries essentielles, ainsi que la division de l'économie mondiale entre les États-nations rivaux. Les mêmes contradictions fondamentales du capitalisme alimentent les conflits géopolitiques et économiques qui menacent le monde de guerre nucléaire et de catastrophes écologiques.

 

La seule façon de prévenir de nouvelles catastrophes est de supprimer le but lucratif dans l’industrie des avions de lignes, de mettre fin à la domination de Wall Street et de remplacer le cauchemar du marché capitaliste par un système de transport aérien planifié de manière rationnelle et organisé au niveau international. Cela nécessite la nationalisation des compagnies aériennes et aérospatiales et leur transformation en services publics appartenant à la collectivité et contrôlés démocratiquement.

(Articles paru en anglais le 13 décembre 2019)

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