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N’oublions pas Chelsea Manning! (WSWS)

par Eric London 19 Décembre 2019, 10:30 Manning Prison Censure Liberté d'expression lanceur d'alerte Médias Articles de Sam La Touch

N’oublions pas Chelsea Manning!
Par Eric London
WSWS, 19 décembre 2019

Mardi 17 décembre, la lanceuse d'alerte Chelsea Manning a passé son 32e anniversaire seule dans une cellule de la prison d'Alexandrie, en Virginie, où elle est enfermée depuis neuf mois pour avoir refusé de témoigner devant un grand jury dans une procédure contre Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.

 

 

En emprisonnant Manning, la classe dirigeante américaine cherche à installer le principe dictatorial selon lequel la population mondiale n'a pas le droit d'être informée des crimes de guerre impérialistes ni d'exprimer son opposition aux guerres elles-mêmes. L'objectif ultime est de préparer les guerres futures à une échelle plus vaste encore. C'est pourquoi la lutte pour la libération de Manning est d'une importance cruciale pour des milliards de personnes dans le monde.

Manning a été persécutée, pourchassée et calomniée par le gouvernement le plus puissant du monde pendant presque toute sa vie adulte. À l'âge de 23 ans, elle a aidé WikiLeaks à rendre publiques des centaines de milliers de pages de preuves des crimes de guerre américains. Dix ans plus tard, les guerres continuent de faire rage. De sociétés entières il ne reste que des ruines, des millions de civils ont été tués et des dizaines de millions de personnes ont dû fuir leurs foyers.

En représailles pour avoir dénoncé ces crimes de guerre, l'administration Obama a enfermé Manning pendant sept ans en vertu de la Loi sur l'espionnage. Pendant ces sept années, elle a été soumise à la torture par les militaires dont elle avait dénoncé les crimes.

Pourtant, à ce jour, Manning dit qu'elle n'a aucun regret.

Chelsea Manning
 

En janvier 2017, la peine de Manning a été commuée et elle a été libérée de prison en mai de la même année, à 29 ans. Mais à peine un an et demi plus tard, le ministère de la Justice l'a citée à comparaître et menacée de l'enfermer à nouveau si elle ne se mettait pas au service de l'accusation contre Assange.

La réponse de Manning à l'assignation à comparaître a été un exemple historique de courage politique. « Je ne coopérerai pas avec ce grand jury ni avec aucun autre », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse à l'extérieur de la salle d'audience où elle était sur le point d'être détenue. Elle n'a pas changé d'idée lorsque le gouvernement a tenté de la convaincre de bénéficier de l'immunité légale, et elle a été renvoyée en prison le 8 mars 2019.

En mai, lorsque le juge Anthony Trenga a menacé d'imposer des amendes massives pour chaque jour où Manning refusait de témoigner, elle a regardé le juge dans les yeux et a dit qu'elle ne serait pas achetée ou intimidée: « Je préférerais mourir de faim plutôt que de changer mes principes à cet égard », a-t-elle dit, ajoutant: « Le gouvernement ne peut pas construire une prison pire, ne peut pas créer un système pire que l'idée que je changerais jamais mes principes ».

Comme un patron de mafia, le juge Trenga a qualifié ces déclarations de « malheureuses » et a imposé une amende quotidienne de $1000 pour chaque jour où Manning resterait silencieuse en prison. Sa pénalité totale a maintenant atteint $440 000.

 

L'emprisonnement de Manning est une imposture illégale qui viole la liberté d'expression et l'interdiction des peines cruelles et inhabituelles prévue par la Constitution.

Le grand jury a été convoqué illégalement dans le cadre de l'affaire Assange, où le gouvernement américain a ordonné la torture de l'éditeur de WikiLeaks par les autorités britanniques, limité sa capacité à rencontrer ses avocats pendant son incarcération à Londres, et a espionné des conversations confidentielles entre avocat et client afin d'imposer des poursuites sur le sol américain au moyen d’une ‘restitution extraordinaire’ à partir du Royaume-Uni.

Bien que le but d'un grand jury soit ostensiblement de déterminer quelles accusations porter contre le sujet, il ne peut y avoir dans ce cas de but légitime à ce grand jury puisque son sujet, Assange, a déjà été accusé d'avoir violé la Loi sur l'espionnage.

Le but ultime de l'emprisonnement de Manning n'a rien à voir avec la loi. C'est pour le punir à nouveau pour ses actes de 2010, en violation de l'interdiction de la double incrimination. En novembre, Trump a dénoncé Manning, disant que c'était une erreur de « laisser partir cette personne » après qu'elle eut « volé d'énormes quantités d'informations classifiées ».

L'avocate de Manning, Moira Meltzer-Cohen, a expliqué au World Socialist Web Site :
« Le gouvernement a déjà complètement chargé la cible de cette enquête; il est clair qu'il n'a aucun besoin légitime du témoignage de Mme Manning pour le moment. En tout état de cause, le fait de l'enfermer sous la contrainte ne l'incitera pas à coopérer et ne sert qu'à la punir de manière inadmissible ».

« L'invective continue de Trump contre elle ne fait que renforcer l'apparence que son incarcération actuelle est indûment motivée par le simple désir de la voir souffrir pour ses actes passés ».

Cet emprisonnement illégal est le produit d'un complot impliquant l'ensemble de l'establishment politique, dissimulé par un silence assourdissant de la presse capitaliste. Le New York Times, qui a publié de nombreuses fuites de Manning en 2010, n'écrit pas sur son emprisonnement depuis mai.

 

Mais le rôle le plus important dans cette opération a été celui joué par les « socialistes » autoproclamés du Parti démocrate. En gardant le silence sur l'emprisonnement de Manning et la persécution d'Assange, renforçant ainsi le black-out médiatique, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez empêchent délibérément que ces grands crimes attirent l'attention de larges couches de la population et suscitent l'opposition, notamment celle des millions de jeunes qui étaient encore enfants lorsque Manning fut arrêtée.

En réponse à une question sur les poursuites engagées par les administrations Obama et Trump contre les lanceurs d'alerte par Ryan Grim d'Intercept en octobre, Sanders n'a fait référence qu'au « lanceur d'alerte » de la CIA qui a déposé une plainte sur l'appel de Trump au président ukrainien Volodymyr Zelensky. « La loi est très claire », a dit Sanders, « les lanceurs d'alerte ont un rôle très important à jouer dans le processus politique et je soutiens beaucoup le courage de ce lanceur d'alerte, quel qu'il soit ».

Dans la même interview, Alexandria Ocasio-Cortez, membre de Democratic Socialists of America (DSA), a déclaré: « Je ne veux pas parler avec indiscrétion » lorsqu'il s'agit de poursuites spécifiques contre des lanceurs d’alerte ». Sanders, Ocasio-Cortez et leurs partisans ne constituent pas une opposition à l'establishment politique, mais plutôt un élément essentiel en son sein.

Des questions de vie ou de mort sont en jeu. La classe dirigeante américaine considère l'emprisonnement de Manning comme une nécessité stratégique, établissant un précédent pour l'emprisonnement extra-judiciaire de quiconque s'oppose aux guerres du présent et de l'avenir.

 

 

Le pardon récent de Trump accordé aux criminels de guerre qui ont tué et mutilé les corps de civils innocents est également un message montrant que Trump va, selon ses propres termes, « défendre les guerriers » en donnant aux militaires toute latitude pour commettre des crimes de guerre. La classe dirigeante estime cela nécessaire dans sa poursuite, aussi impitoyable que possible, des intérêts de Wall Street dans le monde.

La base sociale décisive pour la défense de Manning et Assange ne se trouve pas dans la classe moyenne supérieure "éclairée", dont les portefeuilles d'actions ont gonflé énormément dans les 20 ans écoulés depuis le lancement de la « guerre contre le terrorisme », mais dans la classe ouvrière qui a payé ces guerres avec sa vie et ses moyens de subsistance.

En 2019, des dizaines de millions de personnes - principalement des travailleurs, des étudiants et des jeunes - sont descendus dans la rue sur tous les continents. Dans des pays aussi disparates que la France, Haïti, l'Irak, le Liban, le Chili et le Soudan, l'opposition des manifestants à l'austérité est devenue inséparable de l'opposition à la violence policière et militaire et à la complicité des médias dans l'attaque des droits démocratiques.

Il est urgent que la revendication de la liberation de Julian Assange et Chelsea Manning soit reprise dans les luttes de masse de la classe ouvrière contre la guerre, la répression et les inégalités sociales, et contre le système capitaliste qui en est la source.

(Article paru en anglais le 18 décembre 2019)

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