C’est une nouvelle étape dans l’affaire qui nous oppose à Total sur son projet pétrolier en Ouganda. Malgré la crise sanitaire impactant l’activité des tribunaux en France, avec nos partenaires, nous faisons appel de la première décision rendue le 30 janvier 2020 par le Tribunal de Nanterre qui s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce.
En octobre dernier, les Amis de la Terre France, Survie aux côtés des associations ougandaises Afiego, Cred, NAPE (les Amis de la Terre Ouganda) et Navoda, avions assigné Total en justice pour dénoncer les impacts humains et écologiques de leur méga-projet pétrolier. Une action inédite, fondée pour la première fois sur la loi sur le devoir de vigilance, qui mettait la multinationale face à ses responsabilités. Violation du droit de propriété, rachat des terres à vils prix, retards dans le paiement des compensations, notre enquête a révélé des atteintes graves aux droits fondamentaux des populations affectées par le projet, comme le montrent aussi ces témoignages.
Le 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre (tribunal civil) s’est déclaré incompétent, considérant que l’affaire devait être jugée par les tribunaux de commerce [1]
Une très mauvaise nouvelle car ces tribunaux d’exceptions sont chargés de juger des litiges commerciaux. Ce ne sont pas des juges professionnels, mais des commerçants ou des dirigeants d’entreprises élus par leurs pairs, la logique étant que les commerçants se rendent justice entre eux. Il est donc inconcevable que ces tribunaux soient les plus à mêmes de juger de litiges concernant des violations de droits humains et/ou des dommages environnementaux causés par une entreprise.
Nous avons donc décidé de faire appel de cette décision, qui nous apparaît d’autant plus grave qu’elle pourrait créer une jurisprudence défavorable et impacter les futures actions en justice fondées sur la loi sur le devoir de vigilance.
En 2019, Total avait annoncé la suspension de ses projets dans le pays, officiellement pour des raisons fiscales, et avait utilisé cet argument pour contester la validité de notre recours en référé.
Cette suspension ne remettait pourtant pas en cause le bien fondé de notre recours en justice : des dizaines de milliers de paysan·ne·s ont été contraints d’arrêter de cultiver leurs terres, sans aucune compensation préalable, et se retrouvent donc sans aucun moyen de subsistance.
La multinationale a repris ses activités liées au processus d’expropriation, ce qui annonce une accélération des expropriations des communautés. Il y a donc urgence à agir, malgré la crise du coronavirus et la fermeture des tribunaux français qui va certainement retarder la fixation d’une date d’audience. [2]
Les autorités ougandaises ont annoncé la semaine dernière des premières mesures afin de lutter contre la pandémie de coronavirus. Il est donc indispensable que Total revienne sur cette décision insensée de renvoyer ses équipes sur le terrain, au risque d’exposer les communautés à des risques de contamination.
Du fait de l’urgence de cette situation, nous demandons donc à la Cour d’appel de Versailles de juger non seulement la question de savoir quel tribunal est compétent, mais également le fond de l’affaire, pour obliger Total à satisfaire à ses obligations légales. Nous espérons ainsi que le juge de la Cour d’Appel de Versailles pourra reconnaître la gravité des atteintes, les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement, et ordonner à Total de prendre des mesures concrètes pour changer radicalement ses pratiques en Ouganda.
De plus, selon les informations à la disposition de nos organisations, les intimidations contre les deux représentants des communautés venus témoigner en décembre en France continuent. Bien que ces derniers bénéficient toujours de mesures de protection d’un programme financé par l’Union européenne, nos 6 organisations restent extrêmement inquiètes vis-à-vis de leur sécurité, et vigilantes quant à celle des populations affectées et des membres des associations partenaires en Ouganda.
[1] A noter que les tribunaux de commerce sont seulement des tribunaux de première instance. Les recours contre une décision du tribunal de commerce sont portés devant la chambre commerciale de la cour d’appel (tribunal civil constitué de magistrats) territorialement compétente.
[2] En raison de la pandémie du Covid-19, les tribunaux français sont actuellement fermés, sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels. Voir le communiqué de presse de la Ministre de la Justice du 15 mars 2020 http://www.presse.justice.gouv.fr/communiques-de-presse-10095/covid19-32994.html. Voir également le site de la Cour d’appel de Versailles, https://www.cours-appel.justice.fr/versailles/info-coronavirus-covid-19-le-fonctionnement-de-votre-tribunal. Nous ne savons pas encore si notre affaire sera ou non considérée comme un "contentieux essentiel".
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