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Les marchés plongent dans la pire chute depuis la crise de 2008 (WSWS)

par Nick Beams 12 Mars 2020, 10:00 Coronavirus Crise Economie Bourses USA

Les bourses mondiales ont plongé hier dans la pire liquidation des titres depuis la crise financière mondiale de 2008, et tout laisse à penser que le pire est à venir comme l'indique la chute des marchés asiatiques lorsque les transactions ont débuté mardi.

 

 

Lundi, après des baisses partout dans l'Asie-Pacifique, où les marchés de Tokyo et de Sydney ont chuté d'environ 7 pour cent et des ventes similaires en Europe, Wall Street a plongé à l'ouverture. La chute a été si importante que les transactions ont été interrompues automatiquement pendant 15 minutes afin d'essayer de stopper la vente de panique.

La chute s'est poursuivie tout au long de la journée, le Dow clôturant en baisse de plus de 2000 points, sa plus forte baisse journalière de l'histoire. Il y a eu une baisse de plus de 7 pour cent dans tous les indices boursiers, indiquant que Wall Street est en proie à un marché baissier - défini comme une baisse de 20 pour cent - depuis son pic de la mi-février.

 
 

Le recul des marchés, initié par l'impact économique du coronavirus, est entré dans une nouvelle étape au cours du week-end lorsque l'Arabie saoudite a lancé une guerre des prix du pétrole. Elle a stimulé la production et proposé des prix cassés, à la suite de la rupture d'un accord avec la Russie pour limiter l'offre et maintenir les prix.

Cette décision a fait chuter les prix du pétrole de 25 à 30 pour cent lors de l'ouverture des marchés cette semaine.

Alors que l'effondrement des prix du pétrole a déclenché la vente d'actions, la cause sous-jacente réside dans le décalage complet entre les évaluations boursières - stimulé par l'offre continue d'argent bon marché de la Réserve fédérale américaine et d'autres banques centrales – et de l'économie réelle à la base.

La semaine dernière, la Fed a réagi à la forte baisse des marchés de la même manière que par le passé, en annonçant une baisse d'urgence des taux de 0,5 pour cent et en indiquant que d'autres étaient à venir. Mais cette décision n'a donné aucune impulsion aux cours des actions. Comme l’a fait remarquer l’ancien vice-président de la Fed, Alan Blinder: «Les marchés ont été satisfaits de cela pendant environ 15 minutes, puis l'ont tourné en dérision.»

 

La collision entre l'euphorie du marché, alimentée par la conviction que les banques centrales pourraient à tout jamais contrer tout recul significatif, et les tendances récessives sous-jacentes aux États-Unis et dans l'économie mondiale, a provoqué la peur et la panique.

Susan Schmidt, responsable des titres américains pour Aviva Investors, a déclaré au Financial Times: «C'est la panique totale.»

Alex Tedder, responsable des titres mondiaux chez Schroders, a déclaré au journal: «Le mantra est que vous pouvez oublier le retour sur investissement, c'est le retour de l’investissement - vais-je récupérer mon argent? C'est tout ce dont les investisseurs se soucient.»

Paul O'Connor, gestionnaire de portefeuille chez Janus Henderson Investors, a déclaré qu'en un peu plus de deux semaines, le sentiment des investisseurs était passé de la complaisance à la panique.

«Ce qui a commencé comme une réduction des risques due à un virus s'est maintenant transformé en une débandade généralisée des bourses», a-t-il déclaré.

La liquidation du marché est exacerbée par la réponse dysfonctionnelle, pourrait-on dire folle, du président américain Trump.

Après avoir nié la réalité des menaces posées par la propagation du coronavirus, il a affirmé que la baisse du prix du pétrole serait bénéfique pour l'économie américaine.

«L'Arabie saoudite et la Russie se disputent sur le prix et la production du pétrole. Cela, et les fausses nouvelles, explique la chute du marché!» a-til tweeté, ajoutant: «Bon pour le consommateur, les prix du carburant baissent!»

Entre temps, des dizaines de millions de travailleurs américains ont vu des milliards de dollars éliminés de leurs comptes épargnes retraite, ainsi que les pertes subies par des millions de travailleurs dans le monde qui dépendent de régimes similaires.

La crise profondément enracinée dans l'économie réelle est illustrée dans un certain nombre de domaines.

La guerre des prix du pétrole elle-même est le résultat de baisses importantes de la demande en conséquence de la récession de l'économie chinoise, apparente avant l'épidémie de coronavirus, et du ralentissement marqué de la zone euro. L'Allemagne, la France et l'Italie sont au bord de la récession ou y sont déjà.

Le Japon devrait également enregistrer un trimestre de plus de croissance négative après avoir connu une contraction de 6,1 pour cent au dernier trimestre de 2019.

La demande mondiale de pétrole a baissé de 2,5 millions de barils par jour pour le premier trimestre de cette année en raison de la contraction de l'économie chinoise, le plus grand consommateur du monde.

L'Agence internationale de l'énergie a réduit ses prévisions de demande mondiale pour le reste de l'année. Elle a indiqué qu'il y aurait une baisse de la demande quotidienne de 90.000 barils, par rapport à la prévision d'une augmentation quotidienne de 825.000 barils réalisée le mois dernier.

Un autre indicateur clair des tendances futures est la chute précipitée du rendement des bons du Trésor américain à 10 et 30 ans, à mesure que les investisseurs recherchent un refuge, faisant monter leur prix.

Lundi, à un moment donné, le rendement de l'obligation à 10 ans est tombé à 0,3 pour cent avant de remonter à 0,5 pour cent. Le rendement de l'obligation à 30 ans est tombé en dessous de 1 pour cent pour la première fois, ce qui signifie qu'il est inférieur à 1 pour cent de l’ensemble du marché.

La chute du marché obligataire rend pratiquement certain que la Fed baissera à nouveau les taux d'intérêt, probablement de 0,5 point de pourcentage lors de sa prochaine réunion les 17 et 18 mars, voire avant. Il devrait de nouveau le baisser en avril.

Cependant, comme le montre la réaction du marché à la réduction d'urgence du taux de la semaine dernière, de nouvelles baisses de taux d'intérêt auront un effet très limité car elles ne feront rien pour stimuler l'économie réelle.

 

Il devient de plus en plus évident pour tout le monde qu’il s’agit d’un délitement d’une série de mécanismes qui ont été utilisés non seulement depuis la crise financière mondiale de 2008, mais qui remontent à la fin des années 1980.

Le krach boursier d'octobre 1987 a vu la mise en œuvre d'une politique dans laquelle la Fed a réagi à chaque baisse importante des actions en ouvrant les robinets financiers pour permettre de nouvelles spéculations.

Ce processus fut accéléré après 2008 grâce à des réductions de taux d'intérêt et à ce que l'on appelle l'assouplissement quantitatif. Des milliers de milliards de dollars ont été mis à la disposition des marchés financiers pour permettre l’aspiration en continu des richesses vers les échelons supérieurs de la société.

En même temps, la classe ouvrière a dû payer par des coupes austères dans les services sociaux de base - santé, éducation et autres secteurs - ainsi que des gels de salaires ou des réductions réelles et le remplacement des emplois à temps plein par des emplois à temps partiel ou intérimaires, dont une grande partie est composée de petits boulots précaires.

L'approvisionnement d'argent bon marché sans fin a maintenant créé les conditions d'une nouvelle crise financière, encore plus grave que celle d'il y a dix ans, qui, comme le montre l’expérience historique, entraînera des attaques encore plus profondes contre la classe ouvrière.

L’une des évolutions les plus importantes du système financier a été l’accumulation de la dette des entreprises, en grande partie de faible qualité. Les grandes entreprises ont profité d'argent extrêmement bon marché pour financer des opérations toujours plus risquées ainsi que des fusions et des rachats et des rachats d'actions.

Le résultat est qu'environ 70 pour cent des obligations de sociétés, estimées à 10.000 milliards de dollars aux États-Unis, sont soit de qualité d’obligations pourries, soit ont une notation BBB, juste un cran au-dessus de pourrie, et sont susceptibles de tomber dans la catégorie de statut pourri en cas de récession ou de crise financière.

L'utilisation d'obligations indésirables à haut risque a été particulièrement répandue dans l'industrie américaine du pétrole de schiste, qui dépend du maintien de prix en hausse du pétrole et capable de générer des revenus pour effectuer les paiements d'intérêts.

La montée en puissance de cette industrie - financée par une dette à risque mais saluée par Trump comme assurant l'indépendance économique des États-Unis par rapport au marché mondial du pétrole - devient maintenant l'un des mécanismes de transmission d'une crise financière.

Comme le Financial Times l'anoté, l'accès aux marchés obligataires pour ces sociétés était déjà sous tension, «augmentant le risque qu'elles ne soient pas en mesure de refinancer leur dette, les poussant à la faillite.»

La préoccupation croissante est que la dette des grandes entreprises à haut rendement et à haut risque dans son ensemble ne soit affectée.

Ces préoccupations se reflètent dans la baisse de l’évaluation des obligations émises par les sociétés énergétiques et la hausse des coûts de l'assurance contre le risque de défaut sur les obligations pourries dans l'ensemble.

 

L'analyste de la Deutsche Bank, Craig Nichol, a déclaré que le déclenchement du conflit sur le marché pétrolier n'aurait pas pu arriver à un pire moment pour le marché américain à haut rendement dans son ensemble.

«La grande question […] est la contagion aux marchés à haut rendement plus larges en dehors du secteur énergétique. À notre avis, c'est inévitable.»

Quelles que soient les fluctuations des marchés au cours des prochains jours et semaines, il est clair qu'un point d'inflexion a été atteint. Les processus et mécanismes mêmes utilisés pour soutenir l'économie mondiale et le système financier au cours de la dernière période s'effondrent désormais. Plutôt qu'un moyen d'assurer la stabilité, ils se sont révélés être la source d'une nouvelle crise qui se développe rapidement.

(Article paru en anglais le 10 mars 2020)

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