Coronavirus, le scientifique qui conseille Macron : "Nous aussi on se dirige vers la phase 2 mais les personnes immunisées sont trop peu nombreuses, risque de récidive".
Article originel : Coronavirus, lo scienziato che consiglia Macron: "Anche noi verso Fase 2 ma gli immuni sono troppo pochi, rischio recidive"
La Repubblica
Note de SLT : Dans cette interview, le Professeur Delfraissy ne parle plus de 10 à 15% de sujets immunisés mais de seulement de 10% ce qui ferait un taux de mortalité assez faible selon les statistiques actuelles. On attend d'avoir les résultats des études de séroprévalence dans l'Est de la France et dans l'Oise. Enfin, il évoque la décision du conseil scientifique de choisir le confinement pour la France comme un pis aller face à l'absence de tests. Il déclare "Le confinement n’était pas la meilleure solution. C’était la moins pire". D'autres pays comme la suède n'ont pas fait ce choix. On verra si le jeu en valait la chandelle.
La France a également entamé une réflexion sur la phase 2. Et une opinion qui compte est celle de Jean-François Delfraissy. L’immunologue français dirige le comité scientifique qui conseille Emmanuel Macron dans l’urgence sanitaire. Jean-François Delfraissy, 71 ans, était une sommité de la recherche sur le SIDA, à l’avant-garde d’Ebola. Son groupe de « sages » comprend également un anthropologue et un sociologue. « Il est important d’avoir une approche multidisciplinaire et d’évaluer pas seulement les paramètres scientifiques », explique Delfraissy. « Je sais par expérience que chaque crise sanitaire comporte un risque de crise politique et sociale ». L’immunologue explique à Repubblica quelles sont ses recommandations pour commencer la fin de du confinement qui a commencé le 17 mars. Avec un espoir : « La France et l’Italie doivent s’entendre sur une série de mesures communes dans cette phase très délicate. C’est l’une des clés du succès ».
Pourtant, le gouvernement français a longtemps hésité avant de suivre l’Italie dans le choix du confinement. Y avait-il un sentiment de supériorité?
« Je ne me suis jamais senti supérieur à l’Italie, je n’ai aucune leçon à donner à mes collègues italiens, je dois plutôt en recevoir. Personnellement, j’ai réalisé l’extrême gravité de l’épidémie rien qu’en voyant la situation en Lombardie où il y a excellence médicale et scientifique. J’ai tout de suite compris que la France aurait eu le même sort. Et en effet, lorsque notre commission a pris ses fonctions le 10 mars, j’ai tout de suite dit à Macron que la seule voie à suivre était le confinement ».
Le gouvernement a-t-il envisagé d’autres options ?
« Je ne réponds pas aux tergiversations de la politique. Je peux dire que mon opinion était tranchée. Et je n’en suis pas fier car je sais quel sacrifice a été imposé aux citoyens. Si nous avions eu une capacité journalière de 100 000 tests, j’aurais peut-être suggéré d’agir autrement. Ce n’était pas comme ça. Le 10 mars, la capacité de la France était de 3 000 tests par jour. Le confinement n’était pas la meilleure solution. C’était la moins pire. »
C’est le nombre de tests qui a fait la différence en Allemagne ?
« Il en est ainsi et tant mieux pour les Allemands. Aujourd’hui en France, la capacité de test journalière est passée à 30 000 par jour. L’objectif est d’atteindre 100 000 d’ici la fin du mois. La pénurie initiale a dicté le choix du confinement et ça pèse encore dans le temps. »
Votre recommandation était de confiner le pays jusqu’à la fin avril. Cela ira-t-il plus loin ?
« Nous ne parlerons de dates que lorsque nous aurons les outils pour faire face à l’augmentation des infections et des malades qui recommenceront dès la fin du confinement. Cela ne fait aucun doute: l’épidémie recommencera à courir. Et nous devrons être prêts, contrairement à ce qui s’est passé la première fois. »
On parle d’ouverture par région, âge, profession. Quel est le plan?
« C’est le débat en cours entre notre commission, le gouvernement et l’Élysée. Je peux seulement vous dire que nous ne passerons pas du noir au blanc. Il y aura des nuances de gris. Nous avons fait le calcul des personnes les plus à risque, dont les personnes âgées, malades cardiaques, personnes obèses et autres pathologies. Il y a 17 millions de Français. Cela fait déjà comprendre la complexité de la situation. »
Commençons-nous à savoir combien de Français sont immunisés?
« Nous avons les premières études sérologiques et malheureusement elles ne sont pas encourageantes. Dans les zones les plus touchées par l’épidémie, nous constatons que l’immunité est d’environ 10%. D’après ce que je sais, c’est la même chose en Lombardie. C’est beaucoup moins que ce que nous nous avons espéré. Nous sommes très loin d’une immunité naturelle de la population. Mais il y a un autre problème. »
Quel est-il?
« Ce virus est très particulier. Nous avons remarqué que la durée de vie des anticorps protecteurs contre Covid-19 est très courte. Et nous voyons de plus en plus de cas de récidive chez des personnes qui ont déjà eu une première infection. »
Donc, personne n’est vraiment protégé contre le coronavirus, pas même ceux qui sont déjà tombés malades?
« Il semble que oui. C’est pourquoi notre comité ne recommande plus de licence immunitaire, une sorte de laissez-passer pour ceux qui ont eu une première infection. »
Quand la France sera-t-elle prête pour la phase 2?
« Il y a deux indicateurs à considérer. Lorsque les soins intensifs ne seront plus sous pression, que le personnel médical aura respiré. Et quand nous aurons la possibilité de tester massivement, d’isoler les positifs et de tracer les contacts. Une prévision, seulement théorique, se situe entre le début et mi-mai. »
Votre modèle est-il coréen?
« Oui, mais la Corée du Sud n’a pas seulement effectué la traçabilité sur les téléphones portables. Elle a également mobilisé 20 000 personnes qui ont enquêté et rompu les chaînes de transmission. L’innovation technologique doit s’accompagner d’efforts humains. »
Pas de réserves sur le suivi, la surveillance électronique?
« Seulement sur une base transitoire, sur une base volontaire et dans des règles précises. La France travaille avec l’Allemagne sur une demande. L’idéal serait d’étendre la collaboration à d’autres pays comme l’Italie. »
La France et l’Italie peuvent-elles faire des choix différents sur les dates et les modalités de la phase 2?
« Ce serait un désastre. Je ne dis pas cela seulement au niveau de la santé, mais aussi pour éviter une crise sociale et politique plus grave. Si nous sommes coordonnés, il sera beaucoup plus facile de faire accepter des mesures telles que le suivi ou l’isolement des patients positifs dans des structures ad hoc. Nos concitoyens observent ce qui se passe dans les pays voisins. Ils ne comprendraient pas les mesures contradictoires. De plus, une certaine uniformité est essentielle pour recommencer à voyager, laissant les frontières ouvertes. »
Pensez-vous que la réponse économique a été priorisée au niveau européen?
« Malheureusement, c’est le cas, et nous en subissons toutes les conséquences. Jusqu’à il y a quelques jours, les pays européens se querellaient pour s’emparer des masques en Chine. Nous avons décidé de nous cantonner sans coordination entre les pays européens. Maintenant, il est essentiel de ne pas répéter la même erreur. C’est le sens de mon appel à l’Italie mais aussi aux autres pays du noyau fondateur de l’Europe. »
En parlant de masques, pourquoi le gouvernement français ne recommande-t-il toujours pas de les porter?
« Tant l’OMS que le gouvernement ont fini par admettre la vérité, qu’il n’y avait pas de masques en quantité suffisante pour tout le monde. Je suis convaincu que les masques sont l’un des outils essentiels pour sortir de l’isolement. »
Devraient-ils être obligatoires?
« Tout Français devrait les avoir et les porter s’il le souhaite. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. »
En France aussi, il y a des controverses contre les coureurs ou les personnes qui enfreignent les règles. Qu’en pensez-vous?
« Le confinement est respecté par la grande majorité des Français. Je vois aussi que ce n’est pas à cent pour cent, mais rappelez-vous que c’est un équilibre délicat. La France n’est pas la Chine, et je répète que les crises sanitaires comportent toujours un risque politique et social à ne pas sous-estimer. »
Le confinement a-t-il donné les résultats épidémiologiques que vous attendiez?
« Nous sommes dans les délais que nous attendions. Début mars, le taux R0 était de 3,5, il est tombé aujourd’hui à environ 1 et nous prévoyons de retomber entre 0,7 et 0,8 début mai, lorsque nous pourrons commencer à parler de mai seulement si nous sommes également prêts pour les tests, le suivi numérique et humain, l’isolement des patients, les masques. »
L’été nous aidera-t-il?
« Toutes les pandémies du siècle dernier se sont apaisées pendant la saison estivale. Cette fois, nous voyons que le virus se propage également dans les régions chaudes. Soyons donc prudents. L’autre chose que nous voyons de l’histoire des épidémies est que nous devons nous préparer à un rebond du virus à l’automne. »
Faut-il s’attendre à de mauvaises surprises?
« Je suis optimiste par nature. Je pense que l’intelligence humaine finira par gagner contre le virus. Et quand je parle d’intelligence, je ne parle pas de nous experts ou de la politique, mais des citoyens qui doivent relever ce défi, et ils commencent déjà à le faire. Pendant la crise du sida, il y a eu 45 millions de morts, mais nous avons réussi à trouver une réponse dans les pays développés comme dans les pays du Sud. Cela dit, il y a de bonnes nouvelles. »
C’est à dire ?
« Le virus n’a subi que de petites mutations au cours de ces quatre mois, il est assez stable. Et cela aide la course aux vaccins, inédite dans sa rapidité. Je suis convaincu qu’il y aura déjà un premier vaccin d’ici la fin de l’année. Et en attendant peut-être qu’il y aura des nouvelles positives sur les thérapies et j’espère sur les formes de prophylaxie. »
Contact : samlatouch@protonmail.com
Les articles du blog subissent encore les fourches caudines de la censure cachée via leur déréférencement par des moteurs de recherche tels que Yahoo, Qwant, Bing, Duckduckgo.
- Contrairement à Google, Yahoo & Co boycottent et censurent les articles de SLT en les déréférençant complètement !
- Les articles de SLT toujours déréférencés sur Yahoo, Bing, Duckdukgo, Qwant.
- Censure sur SLT : Les moteurs de recherche Yahoo, Bing et Duckduckgo déréférencent la quasi-totalité des articles du blog SLT !