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Les mensonges de Didier Raoult pour promouvoir la chloroquine et faire oublier le reste (Les Crises)

par Les Crises 1 Avril 2020, 08:00 Chloroquine Raoult Polémique Critiques Recherche Coronavirus France

I. Présentation de la chloroquine

Pour dresser une présentation de la chloroquine, je me permets de vous restituer les principales informations que l’on trouve sur la page Wikipédia dédiée, très bien faite.
Ainsi, la chloroquine (ou chloroquinine) est un antipaludique qui a été synthétisé dans les années 1930 et qui est depuis commercialisé sous forme de sels (sulfate ou phosphate). Avec la quinine, dont elle est un substitut synthétique, et l’hydroxychloroquine, une molécule qui lui est proche, elle est le traitement qui a été le plus employé contre le paludisme, en préventif comme en curatif. Elle est aussi très utilisée contre des maladies auto-immunes telles que le lupus et des maladies rhumatoïdes telles que la polyarthrite rhumatoïde, en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices.

Ses effets secondaires sont le plus souvent légers et transitoires, mais ils peuvent être graves ; et la dose thérapeutique est proche du seuil de toxicité. Le surdosage induit notamment des troubles cardiovasculaires graves et potentiellement mortels, ce qui explique que l’autotraitement qui existait autrefois n’est plus recommandé. Les effets toxiques incluent des réactions neuromusculaires, auditives, gastro-intestinales, cérébrales, cutanées, oculaires, sanguines et cardiovasculaires. (exemples d’effets secondaires ici).

Ceci explique que durant une longue période, ce médicament n’a pas été mis sur le marché, car jugé trop toxique par l’industrie pharmaceutique. Sa toxicité aiguë et chronique est citée par des études médicales dès les années 1940. Ses effets nocifs, multi-organes, si ce n’est systémiques, ainsi que ceux de ses dérivés et spécialités commerciales (sous le nom de Nivaquine en France pour le sulfate, et Savarine pour le phosphate) ont été peu à peu précisés, dès les années 1950. Ils concernent notamment les usages autres qu’antipaludéens, souvent chroniques, et où les doses sont plus élevées. Tous les antipaludiques sont toxiques, mais la quinine et la chloroquinine sont la première cause (et la plus grave) d’empoisonnement parmi eux ; une seule surdose importante peut être mortelle. Elle est souvent utilisée pour des suicides, en particulier en Afrique et en France. Elle a aussi été utilisée comme abortif illégal, et pour couper l’héroïne utilisée comme drogue.

Ceci explique que dans le monde, la chloroquine est de plus en plus utilisée sous forme d’hydroxy-chloroquine (c’est d’elle dont on parle dans les discussions actuelles autour du Covid-19 – sous le nom de Plaquenil). Signalons pour conclure qu’en 2020, cette molécule n’est plus recommandée pour la prévention ou prise en charge du paludisme dans le Sahel par l’OMS, ni pour le « paludisme d’importation » ni en France par la société francophone d’infectiologie (2017), et ne figure plus pour cet usage dans la Base de données française des médicaments. Son usage comme antipaludéens a fortement décliné au profit notamment de l’artémisinine et de ses dérivés, d’autant que l’utilisation large dans les années 1950 en prophylaxie a entraîné l’apparition de résistance des plasmodiums à la chloroquine.

L’hydroxy-chloroquine est deux à trois fois moins toxique que la Chloroquine et mieux tolérée à dose élevée. (exemples d’effets secondaires ici ) Mais voici néanmoins les principaux du Plaquenil (source : Wikipedia) :

Mort par empoisonnement : L’hydroxy-chloroquine est moins toxique que la quinine et la chloroquinine, mais fait partie des principales sources d’empoisonnement par antipaludéens ; une seule surdose importante peut être mortelle.

Cardiotoxicité : Le traitement (aigu ou chronique) a fréquemment des effets cardiovasculaires potentiellement graves (faisant alors généralement suite à un surdosage) ; comme pour la chloroquine, ils incluent :

  • des cardiomyopathies (parfois mortelles) avec souvent une hypertrophie, physiologie restrictive et insuffisance cardiaque congestive, parfois irréversibles ; les signes et symptômes de cardiomyopathie devraient être suivis lors du traitement, dont via outils tels que l’ECG ;
  • l’allongement de l’intervalle QT, Torsades de pointe, arythmies ventriculaires, un syndrome tachycardie-bradycardie ou complications cardiaques ; des troubles de la conduction. Selon le fabricant, si une cardiotoxicité est suspectée, l’arrêt rapide du médicament peut prévenir des complications potentiellement mortelles. Le médicament ne doit donc pas être administré avec d’autres médicaments susceptibles de prolonger l’intervalle QT.

Neurotoxicité : des effets psychiatriques mineurs (labilité, nervosité) et plus rarement épisodes psychotiques et neuropsychiatriques, éventuellement aigus sont possibles, y compris, mais rarement, avec suicidalité. Typiquement, la psychose survient « chez un malade sans antécédents psychiatriques » avec « manifestations à type de délire, hallucinations, épisode maniaque, ou dépression, après un délai de quelques heures à 40 jours, cédant en moyenne une semaine après l’arrêt des antipaludéens de synthèse. Il n’y a pas de relation entre la dose d’antipaludéens de synthèse administrée et la survenue de troubles psychiatriques. » Une revue d’étude récente a identifié comme facteurs de risques la « co-exposition à des médicaments en interaction, la consommation d’alcool, les antécédents familiaux de maladies psychiatriques, le sexe féminin et l’utilisation concomitante de glucocorticoïdes à faible dose » ; ces facteurs peuvent « précipiter une psychose induite par l’hydroxy-chloroquine ». Ce risque peut être atténué par une détection précoce « Dans certains cas, il a été possible d’inverser le comportement psychotique avec le traitement antipsychotique ou avec la suspension de l’hydroxy-chloroquine ».

Troubles digestifs : Les troubles digestifs sont le symptôme le plus courant (même à court terme), avec pour un traitement antipaludéen : de légères nausées, des crampes d’estomac occasionnelles accompagnées d’une légère diarrhée, des crampes une diminution de l’appétit, allant éventuellement jusqu’aux vomissements et à l’anorexie. Il y a aussi de l’hypoglycémie, parfois grave, et pouvant alors entraîner une perte de conscience et la mise en danger la vie chez les patients « traités avec ou sans médicaments antidiabétiques » ;

Allergies : c’est le trouble le plus fréquent après les troubles digestifs. Comme la quinine ou la chloroquine, même à faible dose, l’hydroxy-chloroquine peut induire (dans les 2 à 33 jours après la première prise) : démangeaisons, éruptions cutanées, photosensibilisation, acné, changements de couleur de la peau, perte de cheveux. Le psoriasis et la porphyrie sont parfois fortement exacerbés par cette molécule qui ne devrait pas être utilisée chez ces patients. En début de traitement, un érythème généralisé fébrile associé à des pustules suggère une pustulose exanthématique aiguë généralisée qui « impose l’arrêt du traitement et contre-indique toute nouvelle administration ».

Ce médicament est donc contre-indiqué, par exemple, en cas de Diabète, Épilepsie, Psoriasis, Maladies cardiaques (insuffisance cardiaque, infarctus, arythmie, allongement congénital du QTc) ou Maladie de Parkinson.

Au niveau de l’hydroxychloroquine, moins toxique que la chloroquine, Shishtawy et al. en 2014 recommandaient de ne pas dépasser « 6,5 mg/kg de poids corporel », et recommandent une dose typique de 200–400 mg/j. (la source est ici)

Ainsi, bien que plus faibles que ceux de la chloroquine, ces effets secondaires expliquent néanmoins pourquoi elle a cessé d’être en vente libre, et ne peut plus être obtenue que sur ordonnance depuis son classement dans la liste des substances vénéneuses le 15 janvier 2020,

Pour démonter tout soupçon infondé, rappelons que cette date est un hasard, car le processus date de la mi-2019, et correspond à une demande de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament – source :

Insistons : « L’hydroxy-chloroquine est donc susceptible de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé. (octobre 2019) » Donc, déjà, demandez conseil à votre médecin traitant, ne vous auto-médicamentez pas tout seul.

Il faut également savoir que cette molécule est depuis longtemps disponible uniquement sur ordonnance aux États-Unis (source : CDC américain) et en Angleterre et en Australie (source) :

Une remarque en passant : il est difficile de comprendre pourquoi nous ne nous calons pas systématiquement sur les normes les plus protectrices de chaque grand pays… Surtout pour un produit utilisé pour se suicider (source) :

Voici enfin, pour information, la notice détaillée du Plaquenil venant du laboratoire Sanofi :

II. La chloroquine contre les virus

Comme le rappelle Axel Khan, si les antibiotiques datent de 1942 (pénicilline), les antiviraux sont beaucoup plus récents. L’infection d’une cellule par un virus comporte plusieurs phases : l’interaction avec la membrane cellulaire, l’entrée dans la cellule, le recopiage du génome viral, la synthèse des protéines virales, leur action, l’assemblage des particules virales, leur bourgeonnement à la membrane cellulaire et leur fusion avec elle lors de leur libération. Il existe des médicaments qui s’opposent à ces différentes étapes. Par exemple, la trithérapie contre le VIH responsable du Sida associe habituellement deux inhibiteurs de la transcriptase inverse (enzyme virale recopiant l’ARN génomique en ADN qui s’intégrera au génome cellulaire) à une anti protéase virale qui inhibe la constitution finale des particules virales. D’autres produits sont dirigés contre l’intégrase, enzyme qui catalyse l’intégration de la copie ADN du virus dans le génome cellulaire ; et contre d’autres étapes encore.

La chloroquine et l’hydroxy-chloroquine, antiparasitaires et anti-inflammatoires, ont, dès la fin des années 1960, été testées contre les virus – mais ne sont pas vraiment des antiviraux au sens strict. Le plaquenil agit surtout en alcalinisant le pH d’organites intracellulaires qui jouent un rôle dans les processus d’inflammation. Ces organites interviennent aussi dans le cycle cellulaire de l’infection virale.

Dès lors, la chloroquine a souvent eu in vitro (c’est-à-dire sur des cultures de cellules) des effets très prometteurs pour la lutte contre des maladies virales aiguës. Mais in vivo (c’est-a-dire dans le corps humain), ces effets ne se confirment pas, ou bien ils semblent modestes, quand ils ne sont pas contre-productifs chez l’Homme.

  • non efficace in vitro sur le VIH du Sida, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir notre billet) ;
  • efficace in vitro contre le SRAS-1, elle a été inefficace in vivo chez l’animal (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre Ebola, elle a été inefficace in vivo chez l’animal (voir ici ou ) ;
  • efficace in vitro contre la Dengue, elle a été inefficace in vivo chez l’Homme (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre le Chikungunya, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre la grippe, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir ici).

La Chloroquine est donc un serpent de mer qui revient à chaque épidémie, ce qui a fait dire ceci à Martin Hirsh, patron des Hôpitaux de Paris :

« Tous les spécialistes que j’ai vus disent que la chloroquine : ‘à chaque fois qu’il y a un nouveau virus, il y a un type qui dit que ça va marcher. […] La chloroquine marche très bien dans une éprouvette, mais n’a jamais marché [à ce jour] chez un être vivant. » [Martin Hirsh, Europe 1, 1er mars 2020]

Bien évidemment, cela ne dit en rien que cette molécule ne pourrait pas guérir le Covid-19 (ce que tout le monde souhaite). Il est donc indispensable de la tester – et dans de bonnes conditions.

Mais on va voir que la réalité est une nouvelle fois, hélas, assez éloignée des affirmations péremptoires de Didier Raoult :

« Depuis longtemps, on pense que ce qui marche pour les bactéries intracellulaires, c’est-à-dire qui se multiplient dans les cellules, doit marcher pour les gros virus parce qu’ils rentrent par les mêmes mécanismes et vivent dans les mêmes vacuoles et la chloroquine influence le sac dans lequel se logent les microbes qui rentrent dans les cellules. Et donc ça fait 13 ans qu’on a écrit notre première revue, avec Jean-Marc Rollin, sur l’usage potentiel de la chloroquine sur les infections virales et ensuite on a suivi ce sujet. » [Didier Raoult, Youtube, 28/02/2020]

Ainsi, la recherche avance sous nos yeux, de son mieux, face à un ennemi connu depuis moins de 3 mois. Il est donc important de tester AUSSI de nombreuses autres molécules, et c’est le cas (comme nous l’avons raconté dans ce billet, certaines ayant déjà un effet vraiment prometteur, démontré notamment dans ce billet pour la méthylprednisolone).

Donc nous pouvons avoir de larges espoirs, et faire confiance à nos chercheurs (pourtant largement maltraités budgétairement depuis des décennies) qui sont mobilisés comme jamais :

Environ 240 essais ont été lancés en Chine les 2 premiers mois, et les publications scientifiques pleuvent, sans commune mesure avec ce qui a été fait pour les virus SRAS-1 en 2003 ou MERS en 2012. (Source : Science et Vie, avril 2020)

 

III. La chloroquine contre le Covid-19

Ce sont donc les Chinois – qui ne nous attendent évidemment pas – qui ont eu l’idée de tester la chloroquine il y a de nombreuses semaines.

C’est une première communication qui a tout déclenché ; en fait, c’est une simple « lettre » (et non pas un article) parue le 18 février dans BioScience qui a mis le feu aux poudres de l’affaire de la chloroquine. Nous vous l’avons traduite en intégralité dans ce billet, mais voici l’extrait intéressant :

« Les résultats sur plus de 100 patients ont démontré que le phosphate de chloroquine est supérieur au traitement de contrôle pour inhiber l’aggravation de la pneumonie, améliorer les résultats d’imagerie pulmonaire, favoriser une conversion négative de la charge virale, et raccourcir le cours de la maladie. Des réactions indésirables graves au phosphate de chloroquine n’ont pas été notées chez les patients mentionnés ci-dessus. Compte tenu de ces constatations, une conférence s’est tenue le 15 février 2020 ; les participants, y compris des experts du gouvernement et des autorités réglementaires ainsi que des organisateurs d’essais cliniques, se sont accordés pour dire que le phosphate de chloroquine montre une efficacité puissante contre le COVID-19. […] La chloroquine est un médicament bon marché et sûr. » [BioScience, 18 février 2020]

ET C’EST TOUT.

Il n’y a AUCUN chiffre, c’est stupéfiant.

On notera son contenu indigent, l’absence du moindre chiffre (le traitement évite-t-il 5 % des cas graves ou 95 % ?), du jargon (« une efficacité puissante » ? C’est une efficacité non puissante à partir de combien ? »), la sous-évaluation des effets secondaires (« sûr »), et le fait qu’elle émane du département de Pharmacie d’une région relativement peu touchée par le Covid, Qingdao (à 1 000 km de Wuhan). Mais le plus fascinant est le fait que, pour savoir si la chloroquine marchait, les organisateurs d’essais cliniques ont dû s’accorder (sic.) avec « les experts du gouvernement » (re sic.) – et en chine, on peut penser que cela n’a pas dû prendre des heures…

Ainsi, à première vue cela sonne plus comme une communication politique que comme un travail scientifique sérieux – du moins tant qu’il n’y a pas de chiffres. Jugez-vous même de la longueur de la lettre en entier :

Mais le plus inquiétant est que des pharmaciens puissent écrire que le phosphate de chloroquine est « sûr« , a fortiori compte tenues les hautes doses utilisées. Cela devrait faire prendre avec circonspection ce genre de déclarations non appuyées par des essais fiables. Tout comme on doute de plus en plus du nombre exact de morts en Chine (voir ici par exemple).

Alors, en lisant tout ceci, un scientifique normal, sérieux, est censé se dire : « tiens, voilà une piste peut-être intéressante. Mais il n’y a pas le moindre chiffre, ceci vient de pharmaciens loin de la zone la plus touchée, des « experts du gouvernement chinois » sont mêlés à ceci, donc attendons que des essais soient publiés avec des données chiffrées pour apprécier le sérieux et en quantifier l’avancée thérapeutique« . Mais tous les scientifiques n’agissent pas ainsi…

IV. Coronavirus : une vraie fausse fin de partie

Didier Raoult, lui, a couru voir ses étudiants, pris sa caméra, et posté cette vidéo sur Youtube le 25 février (1 semaine après la lettre) : « Fin de Partie pour le coronavirus ! » (re-sic.), pour faire de la publicité à la chloroquine :

Le professeur Raoult a donc dit ceci :

« Très bien, donc un scoop de dernière minute, une nouvelle très importante : les Chinois, qui sont ceux qui vont le plus vite, qui sont les plus pragmatiques, plutôt que de chercher un vaccin ou une nouvelle molécule qui soigne le coronavirus, ont fait ce qu’on appelle du repositioning, c’est-à-dire tester les molécules qui sont anciennes, qui sont connues, qui sont sans problème de toxicité, pour les tester contre leur nouveau virus.

Ils l’ont testée contre leur nouveau virus, ils ont trouvé comme ça avait été trouvé sur le SARS et oublié, que sur leur nouveau virus, leur nouveau corona, la chloroquine est active in vitro. J’avais été interviewé par la télévision chinoise. On m’avait demandé les conseils que je donnais aux Chinois et ce que j’attendais des Chinois, que je considère comme les meilleures équipes de virologie au monde. Je leur ai dit, j’espère que très très vite les Chinois nous donneront les résultats d’une première étude sur l’efficacité de la chloroquine sur les coronavirus.

Et ça vient de sortir. C’est efficace sur les coronavirus avec 500 mg de chloroquine par jour pendant 10 jours. Il y a une amélioration spectaculaire et c’est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d’infection au coronavirus chinois. Donc c’est une excellente nouvelle. C’est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes, la moins chère. Et donc ce n’est pas la peine de s’exciter, il faut travailler. Ce n’est pas la peine de s’exciter et de promettre les vaccins dans 10 ans. Il faut travailler, voir les molécules potentiellement actives et qui sont immédiatement disponibles sur le marché.

La seule chose que je vous dis : faites attention, il n’y aura bientôt plus de chloroquine dans les pharmacies. » [Didier Raoult, Youtube, 25 février 2020]

On appréciera tout d’abord le ton et le recul d’un Professeur d’Université devant des étudiants « Un scoop de dernière minute, une nouvelle très importante » ; « Coronavirus : Fin de Partie ! » : la « Recherche française« ™ va rayonner à l’international…

« C’est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes » : est-il vraiment besoin de commenter une telle affirmation ?

« Ce n’est pas la peine de s’exciter » : ils sont vraiment fous ces Chinois, qui ont pourtant été les premiers à utiliser ce médicament, de continuer à confiner la population… Du coup, en effet, le gouvernement français a cessé de s’exciter, et n’a pas testé en masse la population : bien joué !

« Faites attention, il n’y aura bientôt plus de chloroquine dans les pharmacies » : au vu du succès de la vidéo de M. Raoult (plus de 550 000 vues), ceci a entraîné une rupture des stocks dans les pharmacies (EDIT : les médecins ayant prescrit pour eux-mêmes, leurs proches ou des patients insistants…), privant de médicaments ceux qui avaient vraiment besoin de chloroquine (patients atteints de malaria ou de lupus). Et préparé le terrain pour de futures intoxications à la chloroquine… (sources : ici et )

Comme les Décodeurs du Monde ont, à raison, classé cette vidéo comme « partiellement fausse » vu son titre (ce qui a été repris par Facebook qui le signalait sur la vidéo), Didier Raoult l’a renommée « Coronavirus : vers une sortie de crise ? » Mais l’original était bien ceci , largement relayé par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille qui n’y a vu aucun problème déontologique (sourcearchive@aphm_actu) :

Suite à ce simple changement de titre, les Décodeurs du Monde ont supprimé ce statut de « partiellement faux », alors qu’évidemment, elle restait « partiellement fausse »…

Mais on retiendra dedans surtout cette phrase de Raoult :

« C’est efficace sur les coronavirus avec 500 mg de chloroquine par jour pendant dix jours avec une amélioration spectaculaire, et c’est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d’infection au coronavirus chinois. »

Oh, vraiment ? Les termes « amélioration spectaculaire » ne sont pas dans la lettre chinoise, qui parle plutôt d' »une efficacité apparente ainsi qu’une innocuité acceptable » et « d’efficacité puissante sur le virus ». Attention, ce n’est pas la même chose : il pourrait avoir un effet sur le virus (le faire disparaître du nez ou même du corps), mais ne pas avoir un grand effet sur la santé une fois l’infection contractée et les processus de défense lancés (par exemple si la réaction immunitaire du corps devient incontrôlable, ce qui arrive dans certains cas graves). Il faut être rigoureux avec la santé et les espoirs des gens.

Et pour le reste, voici ce qu’indiquent désormais les recommandations chinoises actuelles pour le traitement du coronavirus, qui viennent d’être révisées pour introduire la chloroquine et dont nous vous proposons la traduction. (source : V6 cn, pdf, V6 en ou ici, arch) :

2 Traitement général

2.1 Laisser les patients se reposer dans leur lit et renforcer la thérapie de soutien ; assurer un apport calorique suffisant aux patients ; surveiller leur équilibre en eau et en électrolytes pour maintenir une stabilité de l’environnement interne ; surveiller attentivement les signes vitaux et la saturation en oxygène.

2.2 Suivant l’état des patients, surveiller les paramètres sanguins et urinaires, la protéine c-réactive CRP, les indicateurs biochimiques (enzyme du foie, enzyme du myocarde, fonction rénale, etc.), la coagulation, l’analyse du gaz du sang artériel, les images du thorax et un test de détection de cytokine doit être effectué.

2.3 Fournir une oxygénothérapie efficace, incluant canule nasale et masque à oxygène, et, si nécessaire, une thérapie par canule nasale d’oxygène à haut débit.

2.4 Thérapie antivirale : Les hôpitaux peuvent essayer l’interféron alpha (5 millions U ou une dose équivalente à chaque fois pour les adultes, en ajoutant 2 ml d’eau stérilisée, inhalation par atomisation deux fois par jour), le lopinavir/ritonavir (200 mg/50 mg par comprimé pour les adultes, deux comprimés à chaque fois, deux fois par jour, pas plus de 10 jours), la Ribavirine (il est suggéré d’utiliser conjointement avec l’interféron ou le lopinavir/ritonavir, 500 mg à chaque fois pour les adultes, deux ou trois fois par jour en injection intraveineuse, pendant 10 jours au maximum), le phosphate de chloroquine (500 mg pour les adultes, deux fois par jour, pendant 10 jours au maximum), l’Arbidol (200 mg pour les adultes, trois fois par jour, pendant 10 jours au maximum). Soyez attentifs aux effets indésirables tels que la diarrhée liée au lopinavir/ritonavir, les nausées, les vomissements, les lésions hépatiques, et faites attention aux interactions avec d’autres médicaments. Évaluez plus avant l’efficacité des médicaments actuellement utilisés. Ne recommandez pas l’utilisation simultanée de trois médicaments antiviraux ou plus ; si un effet secondaire toxique intolérable se produit, le médicament concerné doit être arrêté.

Donc par rapport aux déclarations du professeur Raoult :

  1. oui, les normes chinoises ont bien intégré le phosphate de chloroquine (c’est donc de la chloroquine et non pas de l’hydroxy-chloroquine)
  2. mais contrairement à ce que dit Raoult, ce n’est pas 500 mg par jour, mais deux fois 500 mg, ce qui est une très forte dose (voici même la version originale qui confirme):
    Il a fini par se corriger, mais sans souligner que le traitement chinois n’est pas le même ni avec la même dose :« Et puis vous voyez qu’il y a eu des publications préliminaires des Chinois sur l’efficacité de la chloroquine à des doses plus importantes et probablement moins faciles à maîtriser que ce qu’on utilise nous, qui est de 500 mg deux fois tandis que nous, on utilise 600 mg dans la journée d’hydroxy-chloroquine, c’est-à-dire de Plaquenil. » [Didier Raoult, Youtube, 16 mars 2020]
  3. ce n’est nullement LE traitement des Chinois comme il le laisse complaisamment entendre, mais simplement 1 des 5 traitements possibles, qui a été ajouté tardivement (avec l’Arbidol) et sans supplanter les autres ;
  4. ce n’est nullement un traitement à utiliser « obligatoirement », mais les médecins « peuvent » simplement l’essayer ;
  5. l’efficacité n’est nullement prouvée, puisque les consignes sont « d’en évaluer l’efficacité » ;
  6. à aucun moment il n’est indiqué que cette forte dose de chloroquine est « recommandée » pour tous les cas cliniquement positifs, vu que ce sont les hôpitaux qui doivent décider, en fonction de l’état des patients.

Cela fait déjà beaucoup de mensonges, d’imprécisions et de sous-entendus douteux et donc manipulatoires, la réalité est hélas bien éloignée de ces propos tenus devant les étudiants de l’IHU (source) :

Notons aussi qu’il donne dans un tweet une série de liens à l’appui de ses allégations, dont un pour la Chine :

Et en effet, si on consulte ce lien – il est là – on trouve ceci :

En effet, le phosphate de chloroquine a été inclus dans les recommandations chinoises.

Mais comme on l’a dit, et le papier cité par Raoult est très clair, il y 4 autres molécules qui sont incluses dedans :

Et il est bien rappelé que ces médicaments « sont actuellement en évaluation dans des études cliniques pour tester leur efficacité et leur sécurité. » Ce qui veut donc bien dire qu’elles ne sont pas garanties…

Donc les importantes questions sont :

  1. pourquoi Raoult fait-il croire que les Chinois sont certains que la chloroquine induit une « amélioration spectaculaire » alors que les recommandations chinoises actuelles sont au contraire très circonspectes ?
  2. pourquoi Raoult fait-il croire que « son » traitement à l’hydroxy-chloroquine + antibiotique est recommandé par les Chinois alors qu’ils recommandent juste une dose massive de chloroquine, qui n’est pas la même molécule ?
  3. et surtout, pourquoi Raoult cache-t-il au public le fait qu’il y a 4 autres molécules tout autant prometteuses et recommandées, à l’heure actuelle, que la chloroquine : l’interféron alpha, le Lopinavir/Ritonavir, la Ribavirine et l’Arbidol ?

Et pourquoi est-il allé encore plus loin ?

« D’ailleurs, encore une fois, la Chine, maintenant l’Iran, d’autres pays sont en train de recommander en première intention d’utiliser la Chloroquine. » [Didier Raoult, Youtube, 09/03/2020]

À ce jour, 31 mars, c’est toujours absolument faux, ce n’est qu’un des cinq traitements que les hôpitaux chinois peuvent utiliser s’ils le souhaitent, comme on l’a vu.

De là même façon, les recommandations iraniennes (source), si elles intègrent bien le phosphate et le sulfate de chloroquine (et non pas l’hydroxy-chloroquine a priori – nous vérifions – persanophones bienvenus…), laissent aussi libre choix aux médecins de prescrire du Lopinavir/Ritonavir et de la Ribavirine – l’Iran a donc repris 3 des 5 traitements chinois…

Terminons par cette citation de Science et Vie du mois d’avril 2020, dans l’article consacré au coronavirus, qui rappelle qu’il n’y aucun traitement miraculeux à ce jour :

« Devant l’absence de solutions thérapeutiques immédiates et l’urgence de certaines situations, les autorités chinoises ont commencé à demander à d’anciens malades, guéris du virus, de donner leur sang. Le but : en extraire le plasma, censé contenir des anticorps développés spécifiquement contre le virus. il s’agirait ensuite de l’administrer à des personnes sévèrement atteintes et ainsi tenter de faire chuter leur charge virale. L’Institut China National Biotech Group a assuré que des malades ayant reçu des transfusions de plasma auraient vu leur état ‘s’améliorer dans les 24 heures‘. […] : « Le fait que les Chinois fassent appel aux survivants pour tenter cette sérothérapie indique qu’ils doivent aller d’échec en échec avec les essais existants« , imagine Eric Caumes, chef du service maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. »

Mais nous allons voir qu’en effet, Raoult n’avait rien de solide à l’appui de ses affirmations péremptoires de l’époque.

V. Didier Raoult n’avait bien aucune donnée

Suite à cette vidéo, la journaliste scientifique Cécile Thiebert, du Figaro, a alors appelé Raoult pour vérifier les données chinoises (qu’elle ne trouvait évidemment pas) à l’appui des propos de Raoult. Elle vient tout juste de raconter sa conversation sur une chaîne Youtube (merci à elle, c’est si rare cette transparence) :

Mathieu Rouault : Lorsque cette molécule [la chloroquine], cette solution est apparue sur la table, comment vous en avez discuté au Figaro ?

Cécile Thibert : Alors, je me souviens bien, c’était fin février, donc ça correspond à la sortie de la vidéo sur YouTube du professeur Didier Raoult, qui a sorti une vidéo qui s’appelait « Fin de partie contre le covid », etc. Où il annonçait une excellente nouvelle, une équipe chinoise a découvert que la chloroquine était très efficace sur une centaine de patients, etc. Et donc il finissait la vidéo en disant : « eh bien, d’ici quelques semaines il n’y aura plus de chloroquine dans les pharmacies. » Voilà, donc c’était un peu prophétique.

Je connais un petit peu le professeur Raoult, je suis un peu ce qu’il fait, il est assez médiatique parce qu’il a une chronique au Point, je crois. Donc, je décide de l’appeler, et je lui demande : « Bon bah voilà, c’est super, vous faites cette annonce, est-ce que vous pouvez m’envoyer les données brutes, en fait ? », parce que j’ai trouvé effectivement une feuille de cette équipe chinoise, une petite note où il n’y a aucune donnée brute, donc je me dis, je ne vais quand même pas écrire un papier qui dit que la chloroquine ça marche alors que je n’ai accès à aucune donnée.

Donc je lui demande les données, et il me répond, « non je ne les ai pas, j’ai comme vous l’étude machin truc« . Donc je lui dis : « mais attendez, vous faites une annonce sur la base de cette chose-là sans avoir la méthodo ni rien ? » Il me dit : « oui, mais il faut faire confiance aux Chinois, c’est les meilleurs virologues, etc. »

Je vous passe la suite de l’échange, ça s’est très mal passé, on s’est complètement engueulé en fait parce que je ne comprenais pas en fait comment il pouvait avancer telle chose sans aucune piste, donc on a fait un papier. En parallèle, j’avais lancé des contacts pour savoir un peu plus qui était ce chercheur, etc. Donc on travaille dessus depuis un mois et puis on a une position modérée, je crois que pour le moment il n’y a pas de consensus scientifique, il n’y a pas de données très probantes donc on reste très très modéré vis-à-vis de cette molécule qui, en plus, a déjà fait pleins de faux espoirs sur d’autres virus et notamment des coronavirus. » [Chaîne Youtube Grand Labo – nous vous recommandons la vidéo en version longue, elle est très intéressante -, 28 mars 2020]

C’est lunaire. Simplement lunaire.

Sans commentaire.

D’ailleurs l’article dont parle la journaliste est ici (mais il est payant…) :

Mais nous nous doutions de tout ceci, car en réalité, comme nous suivons ce sujet depuis longtemps, nous avions nous-mêmes déjà cherché et lu cet article chinois il y a un mois, et avions été stupéfaits de sa faiblesse, de l’absence de chiffres, et de l’emballement de la presse :

Ceci est simple reprise en copier-coller par toute la presse de la dépêche AFP
« Banal » : une molécule que le laboratoire à refusé pendant des années de mettre sur le marché à cause de sa dangerosité…

Ainsi, au moins deux des plus grands journaux français ont enquêté sur les propos mensongers de Raoult.

Mais cela ne l’a pas empêché de continuer à en répandre bien d’autres dans la presse, sans aucun contrôle.

VI. La propagande mensongère de Didier Raoult dans les médias

Mais Didier Raoult n’en est pas resté là, il s’est également adressé aux médias pour répandre des contrevérités douteuses.

Nous vous proposons dans cette partie un florilège de ces déclarations problématiques, ainsi que celles franchement mensongères, à propos de la chloroquine, dans la presse durant un mois.

Nous avons sélectionné les passages intéressants, avec ce code couleur : mensonge ; propos incomplet manipulatoire ; propos très étrange

26 février, Europe 1, source

(0:23) Mathieu Belliard : Vous affirmez ce matin qu’un traitement réservé au paludisme d’ordinaire, un simple traitement, pourrait être une réponse face au Coronavirus. D’abord, ces informations, vous les tirez d’une étude chinoise, d’une évaluation clinique faite en Chine, sur une dizaine d’hôpitaux à Wuhan, Pékin, Shanghai, cette étude, vous l’avez lue, vous vous basez sur cette étude, est-ce que vraiment ce sont des informations fiables ?

(0:48) Didier Raoult : Alors écoutez, je pense qu’il va falloir avoir une bascule dans la réflexion actuellement et comprendre que les Chinois, actuellement, dans le domaine des maladies infectieuses et dans le domaine de la virologie, sont les meilleurs au monde. Donc il faut arrêter de penser que ce qui se passe en Chine ou ce qui se découvre en Chine est d’une qualité inférieure. […]

(1:44) Mathieu Belliard : […] C’est quoi la Chloroquine ?

(2:25) Didier Raoult : […] On avait publié depuis déjà dix ans que c’était un des médicaments d’avenir dans le traitement des infections virales, mais les gens préfèrent les médicaments nouveaux pour les questions nouvelles que le « repositioning », qui est devenu une grande spécialité chinoise, c’est-à-dire l’utilisation de molécules anciennes. […]

(4:01) J’avais un interview dans une radio chinoise, 1 milliard d’auditeurs quand même, c’est ce que j’avais fait en leur disant, nous en France, moi ce que j’attends, c’est que vous nous donniez rapidement les résultats d’une étude chez les humains de la chloroquine, c’est ce qu’ils font, […]

(4:27) Mathieu Belliard : Parce qu’on rappelle que cela fait 70 ans qu’on utilise ce médicament, on connaît ses effets secondaires, que c’est sûr qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir avec cette molécule-là. Vous dites aussi que ce n’est pas cher accessoirement, sans danger et pas cher.

(4:41) Didier Raoult : Ça coûte, alors ça ne coûte rien, ça coûte 10 centimes le comprimé, enfin vous vous rendez compte. Donc c’est un truc qui est susceptible d’être diffusé partout, c’est peut être, enfin je ne veux pas trop être paranoïaque, mais c’est peut être pour ça que dans les pays développés, on est moins intéressés par le repositioning de molécules qui ne coûtent rien, que le financement de recherches qui coûtent un prix fou, mais qui….

Bien sûr que tous les pays touchés ont fait du repositionning (c’est-à-dire qu’ils ont tenté d’utiliser des molécules efficaces pour d’autres maladies) : les médecins ne laissent pas les malades mourir sous leurs yeux sans rien tenter en attendant le vaccin !

(4:51) Mathieu Belliard : Oui, ça ne sert à rien de prendre plusieurs mois, dites-vous, dans la recherche pour trouver un vaccin alors qu’un traitement moins cher existerait déjà, je mets évidement du conditionnel, je parle sous votre contrôle, vous en avez parlé au ministère de la Santé, déjà, Olivier Véran.

(5:11) Didier Raoult : Oui, oui, tout à fait, je lui ai dit, il m’a dit qu’il regardait le problème, ce qui est bien […] Toutefois, ces données, encore une fois, comme vous l’avez vu, le texte est en chinois, il faut le traduire, ce n’est pas très compliqué, enfin il faut le traduire du chinois. Et dedans, il faut avoir une réflexion maintenant active. Mais vous savez encore une fois, nous, on a l’habitude de prendre, d’avoir des processus décisionnels qui sont collectifs avec tout le monde en Europe qui donne son idée. L’OMS qui n’est pas constituée d’experts, les gens ne savent pas de quoi ils parlent à l’OMS, c’est très frappant. Tout ça encombre beaucoup la décision. Ce qui fait la différence d’ailleurs avec la Chine, c’est la vitesse d’activité de décision qui est spectaculaire, déjà pour pouvoir mettre en place une étude de cette nature en France, les comités d’éthique, les comités de protection des personnes, etc… auraient pris déjà un temps fou et l’épidémie serait déjà finie qu’on n’aurait pas encore commencé les essais. Donc si vous voulez, il y a une vitesse d’action…

On apprend donc, effaré, que Didier Raoult a dit au ministre que la recherche d’un vaccin n’était pas prioritaire, car il avait déjà le médicament miracle !

Mathieu Belliard : Didier Raoult, je voudrais vous poser une question :[…] est-ce que le coronavirus pourrait à terme s’installer comme une maladie qui reviendrait à chaque saison, un peu comme les grippes qu’on connaît ou la gastro-entérite ?

Didier Raoult : Vous savez, j’ai l’habitude de dire pour les prédictions, c’est juste à côté de chez moi, c’est Nostradamus, c’est à Salon, ce n’est pas à Marseille. […]

25 février, France Info, source

Didier Raoult : La chloroquine a été un des médicaments les plus prescrits au monde, peut-être avec l’aspirine, depuis des décennies. […] On sait que c’est sûr et c’est extrêmement bon marché. La pilule coûte dix centimes et c’est un médicament disponible.Les Chinois avaient déjà prouvé l’efficacité sur le Sras [dans le cadre d’études in vitro] et, récemment, ils ont montré l’efficacité de la chloroquine sur le coronavirus chinois actuel [là aussi dans le cadre d’études in vitro]. […]. C’est probablement le traitement le moins cher et le plus simple pour traiter le coronavirus. Il y a une recommandation [des autorités sanitaires de la province du Gangdong] pour traiter le nouveau coronavirus avec de la chloroquine.

Donc la chloroquine utilisée à haute dose, ce n’est pas sûr, l’efficacité in vitro ne signifie pas que c’est efficace chez l’homme (bravo à l’équipe de France Info qui a bien précisé dans la version écrite), les recommandations parlent de cinq médicaments possibles à utiliser, pas d’un seul.

C’est donc selon vous un traitement efficace et qu’il faut utiliser ?

On savait déjà au laboratoire qu’il devait marcher. On attend qu’il y ait des essais cliniques qui rapportent l’efficacité que l’on préjugeait. Il y aura peut-être des ajustements sur la dose qu’il faut donner, et le temps pendant lequel il faut administrer le médicament. On ne sait pas si ça marche en prophylaxie, pour les gens qui sont porteurs et pas malades : est-ce qu’on peut leur en donner pour éviter qu’ils soient malades ? C’est tout un champ qui s’ouvre et dès demain, ça deviendra impossible de ne pas donner la chloroquine à quelqu’un qui sera hospitalisé avec cette maladie.

C’est faux, il n’y avait que des tests in vitro, et le Chikunya a montré que l’effet in vivo peut être le contraire de l’in vitro.

« Le traitement marche vite et quand on fait, comme l’ont fait les Chinois, ce qu’on appelle du repositionning, c’est-à-dire utiliser des médicaments pour d’autres utilisations que celles pour lesquelles ils avaient été créés, ça offre des solutions très rapides. On n’a pas besoin de passer par des tests de toxicité, ce sont des médicaments disponibles à la pharmacie. C’est une bonne nouvelle pour tout le monde, car on n’a pas de raison de payer très cher des produits qui sont bon marché. C’est accessible, c’est disponible et il n’y a pas à attendre quatre ans pour une autorisation de mise sur le marché. »

Bien sûr qu’il faut vérifier ! Il faut bien vérifier les effets principaux et secondaires an cas de Covid-19 !

Dernier point : notez comme, de façon très étrange, il place 3 fois le sujet du prix de la chloroquine dans cette interview, alors que ce n’est évidemment pas un sujet dans une crise de cette ordre. D’ailleurs, avez-vous entendu un autre chercheur vous parler des prix des traitements possibles ? Alors, Chercheur ou Commercial, Didier Raoult ? Nous en reparlerons bientôt.

26 février, La Marseillaise, source

Quelle stratégie thérapeutique vous semble la plus adéquate pour lutter contre le virus ?
D.R. : Concernant les vaccins, ils sont destinés à prévenir de vraies maladies, qui concernent des centaines de milliers de cas. J’attends plutôt des Chinois qu’ils testent chez les patients le médicament le plus simple et le moins toxique au monde qu’est la chloroquine, dont ils ont prouvé l’efficacité en laboratoire. Ce serait le meilleur candidat, plutôt qu’un nouveau médicament qui nécessiterait plusieurs années avant une autorisation de mise sur le marché.

26 février, France soir, source

« Napoléon le disait, si vous avez préparé un plan et que vous le suivez, vous perdez la guerre. […] Avec la chloroquine, on coupe l’herbe sous le pied de plein de gens qui rêvaient de décrocher le Prix Nobel pour avoir trouvé un nouveau médicament ou un nouveau vaccin. […] « , ironise le professeur Raoult.

Et le directeur de l’Institut Méditerranée Infection de rappeler, statistiques à l’appui, la nécessité de relativiser cette crise du coronavirus.

« Depuis le début de l’année nous n’avons toujours pas détecté le moindre Covid-19. »

27 février, Sud Radio, source

« C’est le quatrième virus qui circule qui a été évalué in vitro avec la chloroquine. Vingt études comparatives sont en cours en Chine en ce moment. Ils ont évalué une molécule en laboratoire, ont évalué cette molécule par vingt études en cours, et donnent des recommandations internationales… franchement, je ne vois pas pourquoi je ne les écouterais pas. En France on donne n’importe quel antiviral, sans qu’il y ait la moindre justification ou la moindre étude, et les gens ne se posent pas de questions. On est en train de discuter avec le ministère pour mettre au point un protocole.

Les Chinois ne reocmmadent pas CETTE molécule ; il la suggèrent avec 4 autres, que Raoult passe systéamtiqueemnt sous silence

26 février, 20 minutes, source

Pouvez-vous expliquer ce qu’est la chloroquine ?

C’est un très vieux médicament. […] Il y a des milliards de gens qui ont pris ce médicament. Et il ne coûte rien : dix centimes le comprimé. C’est un médicament qui est extrêmement sûr et qui est le moins cher qu’on puisse imaginer. C’est donc une super bonne nouvelle ! Tous les gens qui ont connaissance de ces bienfaits devraient se jeter dessus.

Nous commenterons ce passage ci-dessous.

Certains scientifiques sont moins enthousiastes que vous sur les bienfaits de la chloroquine contre le coronavirus, à l’image du professeur Astrid Vabret dans « Sciences et Avenir »

Les ragots des uns et des autres, je m’en fous. Ça ne m’intéresse pas. Mon métier, c’est les maladies infectieuses, et ce depuis quarante ans. Je me sens obligé, car je crois que c’est maintenant nécessaire, de communiquer ce que je sais, et non pas des opinions, sur la recherche en maladie infectieuse. Après, ce que vous en faites, je ne suis pas prophète. Je m’en fous. J’essaie d’être le plus clair possible. Quand on a montré qu’un médicament marchait sur une centaine de personnes alors que tout le monde est en train de faire une crise de nerfs, et qu’il y a des andouilles qui disent qu’on n’est pas sûr que ça marche, ça ne m’intéresse pas !

Tout cette certitude affichée est fausse : aucune prudence dans les propos, aucune remise en perspective, aucun rappel des nombreux échecs passés de la Chloroquine, insultes sans arguments des personnes qui contredisent son point de vue, exacerbation des passions : c’est tout le contraire de ce qu’on attend d’un professeur d’université en médecine.

Allez-vous utiliser la chloroquine à l’IHU pour soigner contre le coronavirus ?

Les scientifiques chinois sont des gens très sérieux. Ce ne sont pas des zozos, et ils ont montré que la chloroquine marche. Ça serait honnêtement une faute médicale que de ne pas donner de la chloroquine au coronavirus chinois. Ça n’a pas de sens. Soyons sérieux. Demain, vous commencez à être essoufflé. Vous avez un coronavirus chinois et vous avez 40 de fièvre. Et les gens vous disent : « Vous savez, je n’y crois pas à la chloroquine contre le coronavirus chinois ». Qu’est-ce que vous faites ?

A l’IHU, nous allons mettre en place un protocole thérapeutique. Nous, ce qu’on veut, c’est soigner les malades. Il y a des gens qui arrivent avec une maladie grave, et on a montré que le seul traitement contre cette maladie, c’est la chloroquine. Donc, pour pas donner de la chloroquine, il faut être farci ! Donc on va prévenir le ministre pour lui dire que si les gens qui arrivent ont un coronavirus chinois, on va les traiter par la chloroquine parce que c’est le seul traitement dont on a eu la démonstration qu’il marchait. C’est tout ! C’est pas mystérieux, c’est de la médecine, pas des potins de télévision !

Donc non, seul un essai clinique dans de bonnes conditions prouvera que la chloroquine marche, aujourd’hui des petits essais ont des résultats divergents. Mais il est clair que ce n’est pas le SEUL traitement qui marche.

Etant donné que Didier Raout semble avoir extrait son IHU du champ de la médecine pour en faire le Centre Français du Lobbying de l’Hydroxy-Chloroquine Sanofi, ces propos sont peu étonnants.

Mais nous voudrions nous arrêter sur un point, qui n’est pas si anecdotique. Depuis janvier , Didier Raoult utilise systématiquement – voire compulsivement – l’expression « Virus Chinois » ou « Coronavirus Chinois » – plutôt que « coronavirus » ou SRAS-2 qui est pourtant son nom.

Or, il existe une règle internationale importante, pour nommer les maladies infectieuses (sources : ici et ) :

Les meilleurs pratiques de l’OMS pour nommer les maladies infectieuses

« Plusieurs nouvelles maladies infectieuses humaines sont apparues ces dernières années. Or, l’usage des termes « grippe porcine » ou « syndrome respiratoire du Moyen-Orient », par exemple, a eu des conséquences défavorables inattendues en stigmatisant certaines communautés ou secteurs économiques. Certains pourraient penser qu’il s’agit là d’une question anecdotique, mais la dénomination des maladies a une importance réelle pour les personnes directement touchées. On a déjà vu des noms de maladies déclencher des réactions brutales à l’encontre des membres de certaines communautés ethniques ou religieuses, créer des obstacles injustifiés aux déplacements, au commerce et aux échanges, et provoquer l’abattage inutile d’animaux destinés à la consommation. Cela peut avoir de graves conséquences sur la vie des gens et sur leurs moyens d’existence. » [Dr Keiji Fukuda, Sous-Directeur général en charge de la sécurité sanitaire à l’OMS, 8 mai 2015]

 

’idée est en effet de ne pas stigmatiser des populations en accolant une nationalité à un virus (comme pour la tristement célèbre « grippe espagnole » – qui, en plus, n’avait aucun lien avec l’Espagne et qui aurait plutôt due être nommée à l’époque « grippe américaine« ), puisqu’on a déjà vu, début février à quel point cela pouvait attiser le racisme.

Elle a été rappelée par l’OMS au moment où la maladie Covid-19 a été nommée (source) :

« En vertu de directives convenues entre l‘OMS, l’Organisation mondiale de la santé animale et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, nous devions trouver une appellation qui ne faisait pas référence à un lieu géographique, à un animal, à une personne ou à un groupe de personnes, et qui est par ailleurs facile à prononcer et liée à la maladie.

Avoir un nom est quelque chose de très important, pour éviter que d’autres noms qui pourraient être imprécis ou stigmatisants soient utilisés. Cette appellation nous donne également un format standard utilisable pour toute future flambée de coronavirus. » [OMS, 11/02/2020]

Le Professeur d’Université Raoult, une fois de plus, piétine un principe médical mondial.

Or il faut bien comprendre que ce détail n’en est pas un. Une autre personnalité a lancé cette dénomination : Donald Trump :

Trump fait évidemment exprès comme on le voit sur cette photo de notes d’un de ses discours ou « chinese » a remplacé « corona »:

Trump assume même totalement, comme ici encore le 23 mars (source) :

Et pour terminer, et bien comprendre l’enjeu politique majeur (pour manipuler la haine des populations) de ce détail qui n’en est pas un, il faut savoir que, cette semaine, le G7 n’a pu rédiger un communiqué comment, car le Secrétaire d’État américain voulait inclure le mot « Virus de Wuhan » dedans (source) :

 
31.mars.2020 // Les Crises
 
Les mensonges de Didier Raoult pour promouvoir la chloroquine et faire oublier le reste
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AVERTISSEMENT : Cet article a pour objectif de dévoiler certaines manipulations du professeur Didier Raoult datant de mars 2020. Il ne présume donc en rien de l’efficacité de la Chloroquine, sujet indépendant de Didier Raoult, qui n’en n’est ni l’inventeur, ni le premier préconisateur. Des essais cliniques sont en cours et détermineront son efficacité ou son inefficacité.
Mais n’oublions pas, également, les nombreuses autres pistes de traitement !

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ENTRAIDE : nous recherchons des locuteurs de persans chinois et coréen, et des bilingues anglais – nous écrire ici, merci)

Cet billet fait suite au précédent, qui présentais le parcours de Raoul : Le Professeur Didier Raoult : Rebelle Anti-Système ou Mégalomane sans éthique ?

Tous ces billets seront d’ailleurs traduits très rapidement en anglais pour alerter la communauté scientifique internationale.

Plan du billet :

Partie I : La chloroquine

  1. Présentation de la chloroquine
  2. La chloroquine contre les virus
  3. La chloroquine contre le Covid-19

Partie II : Didier Raoult

  1. Coronavirus : une vraie fausse fin de partie
  2. Didier Raoult n’avait bien aucune donnée
  3. La propagande mensongère de Didier Raoult dans les médias
  4. Le Docteur Zhong
  5. « Ce sont les Chinois qui font la science pour ce virus »
  6. Mais en réalité, on utilise DÉJÀ la chloroquine à l’hôpital depuis le DÉBUT de l’épidémie !
  7. Didier L’Embrouille
  8. Quelques réponses à des fausses évidences souvent entendues
  9. Surtout, ne surdosez pas la chloroquine !
  10. Pour conclure

I. Présentation de la chloroquine

Pour dresser une présentation de la chloroquine, je me permets de vous restituer les principales informations que l’on trouve sur la page Wikipédia dédiée, très bien faite.
Ainsi, la chloroquine (ou chloroquinine) est un antipaludique qui a été synthétisé dans les années 1930 et qui est depuis commercialisé sous forme de sels (sulfate ou phosphate). Avec la quinine, dont elle est un substitut synthétique, et l’hydroxychloroquine, une molécule qui lui est proche, elle est le traitement qui a été le plus employé contre le paludisme, en préventif comme en curatif. Elle est aussi très utilisée contre des maladies auto-immunes telles que le lupus et des maladies rhumatoïdes telles que la polyarthrite rhumatoïde, en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices.

Ses effets secondaires sont le plus souvent légers et transitoires, mais ils peuvent être graves ; et la dose thérapeutique est proche du seuil de toxicité. Le surdosage induit notamment des troubles cardiovasculaires graves et potentiellement mortels, ce qui explique que l’autotraitement qui existait autrefois n’est plus recommandé. Les effets toxiques incluent des réactions neuromusculaires, auditives, gastro-intestinales, cérébrales, cutanées, oculaires, sanguines et cardiovasculaires. (exemples d’effets secondaires ici).

Ceci explique que durant une longue période, ce médicament n’a pas été mis sur le marché, car jugé trop toxique par l’industrie pharmaceutique. Sa toxicité aiguë et chronique est citée par des études médicales dès les années 1940. Ses effets nocifs, multi-organes, si ce n’est systémiques, ainsi que ceux de ses dérivés et spécialités commerciales (sous le nom de Nivaquine en France pour le sulfate, et Savarine pour le phosphate) ont été peu à peu précisés, dès les années 1950. Ils concernent notamment les usages autres qu’antipaludéens, souvent chroniques, et où les doses sont plus élevées. Tous les antipaludiques sont toxiques, mais la quinine et la chloroquinine sont la première cause (et la plus grave) d’empoisonnement parmi eux ; une seule surdose importante peut être mortelle. Elle est souvent utilisée pour des suicides, en particulier en Afrique et en France. Elle a aussi été utilisée comme abortif illégal, et pour couper l’héroïne utilisée comme drogue.

Ceci explique que dans le monde, la chloroquine est de plus en plus utilisée sous forme d’hydroxy-chloroquine (c’est d’elle dont on parle dans les discussions actuelles autour du Covid-19 – sous le nom de Plaquenil). Signalons pour conclure qu’en 2020, cette molécule n’est plus recommandée pour la prévention ou prise en charge du paludisme dans le Sahel par l’OMS, ni pour le « paludisme d’importation » ni en France par la société francophone d’infectiologie (2017), et ne figure plus pour cet usage dans la Base de données française des médicaments. Son usage comme antipaludéens a fortement décliné au profit notamment de l’artémisinine et de ses dérivés, d’autant que l’utilisation large dans les années 1950 en prophylaxie a entraîné l’apparition de résistance des plasmodiums à la chloroquine.

L’hydroxy-chloroquine est deux à trois fois moins toxique que la Chloroquine et mieux tolérée à dose élevée. (exemples d’effets secondaires ici ) Mais voici néanmoins les principaux du Plaquenil (source : Wikipedia) :

Mort par empoisonnement : L’hydroxy-chloroquine est moins toxique que la quinine et la chloroquinine, mais fait partie des principales sources d’empoisonnement par antipaludéens ; une seule surdose importante peut être mortelle.

Cardiotoxicité : Le traitement (aigu ou chronique) a fréquemment des effets cardiovasculaires potentiellement graves (faisant alors généralement suite à un surdosage) ; comme pour la chloroquine, ils incluent :

  • des cardiomyopathies (parfois mortelles) avec souvent une hypertrophie, physiologie restrictive et insuffisance cardiaque congestive, parfois irréversibles ; les signes et symptômes de cardiomyopathie devraient être suivis lors du traitement, dont via outils tels que l’ECG ;
  • l’allongement de l’intervalle QT, Torsades de pointe, arythmies ventriculaires, un syndrome tachycardie-bradycardie ou complications cardiaques ; des troubles de la conduction. Selon le fabricant, si une cardiotoxicité est suspectée, l’arrêt rapide du médicament peut prévenir des complications potentiellement mortelles. Le médicament ne doit donc pas être administré avec d’autres médicaments susceptibles de prolonger l’intervalle QT.

Neurotoxicité : des effets psychiatriques mineurs (labilité, nervosité) et plus rarement épisodes psychotiques et neuropsychiatriques, éventuellement aigus sont possibles, y compris, mais rarement, avec suicidalité. Typiquement, la psychose survient « chez un malade sans antécédents psychiatriques » avec « manifestations à type de délire, hallucinations, épisode maniaque, ou dépression, après un délai de quelques heures à 40 jours, cédant en moyenne une semaine après l’arrêt des antipaludéens de synthèse. Il n’y a pas de relation entre la dose d’antipaludéens de synthèse administrée et la survenue de troubles psychiatriques. » Une revue d’étude récente a identifié comme facteurs de risques la « co-exposition à des médicaments en interaction, la consommation d’alcool, les antécédents familiaux de maladies psychiatriques, le sexe féminin et l’utilisation concomitante de glucocorticoïdes à faible dose » ; ces facteurs peuvent « précipiter une psychose induite par l’hydroxy-chloroquine ». Ce risque peut être atténué par une détection précoce « Dans certains cas, il a été possible d’inverser le comportement psychotique avec le traitement antipsychotique ou avec la suspension de l’hydroxy-chloroquine ».

Troubles digestifs : Les troubles digestifs sont le symptôme le plus courant (même à court terme), avec pour un traitement antipaludéen : de légères nausées, des crampes d’estomac occasionnelles accompagnées d’une légère diarrhée, des crampes une diminution de l’appétit, allant éventuellement jusqu’aux vomissements et à l’anorexie. Il y a aussi de l’hypoglycémie, parfois grave, et pouvant alors entraîner une perte de conscience et la mise en danger la vie chez les patients « traités avec ou sans médicaments antidiabétiques » ;

Allergies : c’est le trouble le plus fréquent après les troubles digestifs. Comme la quinine ou la chloroquine, même à faible dose, l’hydroxy-chloroquine peut induire (dans les 2 à 33 jours après la première prise) : démangeaisons, éruptions cutanées, photosensibilisation, acné, changements de couleur de la peau, perte de cheveux. Le psoriasis et la porphyrie sont parfois fortement exacerbés par cette molécule qui ne devrait pas être utilisée chez ces patients. En début de traitement, un érythème généralisé fébrile associé à des pustules suggère une pustulose exanthématique aiguë généralisée qui « impose l’arrêt du traitement et contre-indique toute nouvelle administration ».

Ce médicament est donc contre-indiqué, par exemple, en cas de Diabète, Épilepsie, Psoriasis, Maladies cardiaques (insuffisance cardiaque, infarctus, arythmie, allongement congénital du QTc) ou Maladie de Parkinson.

Au niveau de l’hydroxychloroquine, moins toxique que la chloroquine, Shishtawy et al. en 2014 recommandaient de ne pas dépasser « 6,5 mg/kg de poids corporel », et recommandent une dose typique de 200–400 mg/j. (la source est ici)

Ainsi, bien que plus faibles que ceux de la chloroquine, ces effets secondaires expliquent néanmoins pourquoi elle a cessé d’être en vente libre, et ne peut plus être obtenue que sur ordonnance depuis son classement dans la liste des substances vénéneuses le 15 janvier 2020,

Pour démonter tout soupçon infondé, rappelons que cette date est un hasard, car le processus date de la mi-2019, et correspond à une demande de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament – source :

Insistons : « L’hydroxy-chloroquine est donc susceptible de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé. (octobre 2019) » Donc, déjà, demandez conseil à votre médecin traitant, ne vous auto-médicamentez pas tout seul.

Il faut également savoir que cette molécule est depuis longtemps disponible uniquement sur ordonnance aux États-Unis (source : CDC américain) et en Angleterre et en Australie (source) :

Une remarque en passant : il est difficile de comprendre pourquoi nous ne nous calons pas systématiquement sur les normes les plus protectrices de chaque grand pays… Surtout pour un produit utilisé pour se suicider (source) :

Voici enfin, pour information, la notice détaillée du Plaquenil venant du laboratoire Sanofi :

II. La chloroquine contre les virus

Comme le rappelle Axel Khan, si les antibiotiques datent de 1942 (pénicilline), les antiviraux sont beaucoup plus récents. L’infection d’une cellule par un virus comporte plusieurs phases : l’interaction avec la membrane cellulaire, l’entrée dans la cellule, le recopiage du génome viral, la synthèse des protéines virales, leur action, l’assemblage des particules virales, leur bourgeonnement à la membrane cellulaire et leur fusion avec elle lors de leur libération. Il existe des médicaments qui s’opposent à ces différentes étapes. Par exemple, la trithérapie contre le VIH responsable du Sida associe habituellement deux inhibiteurs de la transcriptase inverse (enzyme virale recopiant l’ARN génomique en ADN qui s’intégrera au génome cellulaire) à une anti protéase virale qui inhibe la constitution finale des particules virales. D’autres produits sont dirigés contre l’intégrase, enzyme qui catalyse l’intégration de la copie ADN du virus dans le génome cellulaire ; et contre d’autres étapes encore.

La chloroquine et l’hydroxy-chloroquine, antiparasitaires et anti-inflammatoires, ont, dès la fin des années 1960, été testées contre les virus – mais ne sont pas vraiment des antiviraux au sens strict. Le plaquenil agit surtout en alcalinisant le pH d’organites intracellulaires qui jouent un rôle dans les processus d’inflammation. Ces organites interviennent aussi dans le cycle cellulaire de l’infection virale.

Dès lors, la chloroquine a souvent eu in vitro (c’est-à-dire sur des cultures de cellules) des effets très prometteurs pour la lutte contre des maladies virales aiguës. Mais in vivo (c’est-a-dire dans le corps humain), ces effets ne se confirment pas, ou bien ils semblent modestes, quand ils ne sont pas contre-productifs chez l’Homme.

  • non efficace in vitro sur le VIH du Sida, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir notre billet) ;
  • efficace in vitro contre le SRAS-1, elle a été inefficace in vivo chez l’animal (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre Ebola, elle a été inefficace in vivo chez l’animal (voir ici ou ) ;
  • efficace in vitro contre la Dengue, elle a été inefficace in vivo chez l’Homme (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre le Chikungunya, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir ici) ;
  • efficace in vitro contre la grippe, elle a même renforcé l’action du virus in vivo chez l’Homme (voir ici).

La Chloroquine est donc un serpent de mer qui revient à chaque épidémie, ce qui a fait dire ceci à Martin Hirsh, patron des Hôpitaux de Paris :

« Tous les spécialistes que j’ai vus disent que la chloroquine : ‘à chaque fois qu’il y a un nouveau virus, il y a un type qui dit que ça va marcher. […] La chloroquine marche très bien dans une éprouvette, mais n’a jamais marché [à ce jour] chez un être vivant. » [Martin Hirsh, Europe 1, 1er mars 2020]

Bien évidemment, cela ne dit en rien que cette molécule ne pourrait pas guérir le Covid-19 (ce que tout le monde souhaite). Il est donc indispensable de la tester – et dans de bonnes conditions.

Mais on va voir que la réalité est une nouvelle fois, hélas, assez éloignée des affirmations péremptoires de Didier Raoult :

« Depuis longtemps, on pense que ce qui marche pour les bactéries intracellulaires, c’est-à-dire qui se multiplient dans les cellules, doit marcher pour les gros virus parce qu’ils rentrent par les mêmes mécanismes et vivent dans les mêmes vacuoles et la chloroquine influence le sac dans lequel se logent les microbes qui rentrent dans les cellules. Et donc ça fait 13 ans qu’on a écrit notre première revue, avec Jean-Marc Rollin, sur l’usage potentiel de la chloroquine sur les infections virales et ensuite on a suivi ce sujet. » [Didier Raoult, Youtube, 28/02/2020]

Ainsi, la recherche avance sous nos yeux, de son mieux, face à un ennemi connu depuis moins de 3 mois. Il est donc important de tester AUSSI de nombreuses autres molécules, et c’est le cas (comme nous l’avons raconté dans ce billet, certaines ayant déjà un effet vraiment prometteur, démontré notamment dans ce billet pour la méthylprednisolone).

Donc nous pouvons avoir de larges espoirs, et faire confiance à nos chercheurs (pourtant largement maltraités budgétairement depuis des décennies) qui sont mobilisés comme jamais :

Environ 240 essais ont été lancés en Chine les 2 premiers mois, et les publications scientifiques pleuvent, sans commune mesure avec ce qui a été fait pour les virus SRAS-1 en 2003 ou MERS en 2012. (Source : Science et Vie, avril 2020)

III. La chloroquine contre le Covid-19

Ce sont donc les Chinois – qui ne nous attendent évidemment pas – qui ont eu l’idée de tester la chloroquine il y a de nombreuses semaines.

C’est une première communication qui a tout déclenché ; en fait, c’est une simple « lettre » (et non pas un article) parue le 18 février dans BioScience qui a mis le feu aux poudres de l’affaire de la chloroquine. Nous vous l’avons traduite en intégralité dans ce billet, mais voici l’extrait intéressant :

« Les résultats sur plus de 100 patients ont démontré que le phosphate de chloroquine est supérieur au traitement de contrôle pour inhiber l’aggravation de la pneumonie, améliorer les résultats d’imagerie pulmonaire, favoriser une conversion négative de la charge virale, et raccourcir le cours de la maladie. Des réactions indésirables graves au phosphate de chloroquine n’ont pas été notées chez les patients mentionnés ci-dessus. Compte tenu de ces constatations, une conférence s’est tenue le 15 février 2020 ; les participants, y compris des experts du gouvernement et des autorités réglementaires ainsi que des organisateurs d’essais cliniques, se sont accordés pour dire que le phosphate de chloroquine montre une efficacité puissante contre le COVID-19. […] La chloroquine est un médicament bon marché et sûr. » [BioScience, 18 février 2020]

ET C’EST TOUT.

Il n’y a AUCUN chiffre, c’est stupéfiant.

On notera son contenu indigent, l’absence du moindre chiffre (le traitement évite-t-il 5 % des cas graves ou 95 % ?), du jargon (« une efficacité puissante » ? C’est une efficacité non puissante à partir de combien ? »), la sous-évaluation des effets secondaires (« sûr »), et le fait qu’elle émane du département de Pharmacie d’une région relativement peu touchée par le Covid, Qingdao (à 1 000 km de Wuhan). Mais le plus fascinant est le fait que, pour savoir si la chloroquine marchait, les organisateurs d’essais cliniques ont dû s’accorder (sic.) avec « les experts du gouvernement » (re sic.) – et en chine, on peut penser que cela n’a pas dû prendre des heures…

Ainsi, à première vue cela sonne plus comme une communication politique que comme un travail scientifique sérieux – du moins tant qu’il n’y a pas de chiffres. Jugez-vous même de la longueur de la lettre en entier :

Mais le plus inquiétant est que des pharmaciens puissent écrire que le phosphate de chloroquine est « sûr« , a fortiori compte tenues les hautes doses utilisées. Cela devrait faire prendre avec circonspection ce genre de déclarations non appuyées par des essais fiables. Tout comme on doute de plus en plus du nombre exact de morts en Chine (voir ici par exemple).

Alors, en lisant tout ceci, un scientifique normal, sérieux, est censé se dire : « tiens, voilà une piste peut-être intéressante. Mais il n’y a pas le moindre chiffre, ceci vient de pharmaciens loin de la zone la plus touchée, des « experts du gouvernement chinois » sont mêlés à ceci, donc attendons que des essais soient publiés avec des données chiffrées pour apprécier le sérieux et en quantifier l’avancée thérapeutique« . Mais tous les scientifiques n’agissent pas ainsi…

IV. Coronavirus : une vraie fausse fin de partie

Didier Raoult, lui, a couru voir ses étudiants, pris sa caméra, et posté cette vidéo sur Youtube le 25 février (1 semaine après la lettre) : « Fin de Partie pour le coronavirus ! » (re-sic.), pour faire de la publicité à la chloroquine :

Le professeur Raoult a donc dit ceci :

« Très bien, donc un scoop de dernière minute, une nouvelle très importante : les Chinois, qui sont ceux qui vont le plus vite, qui sont les plus pragmatiques, plutôt que de chercher un vaccin ou une nouvelle molécule qui soigne le coronavirus, ont fait ce qu’on appelle du repositioning, c’est-à-dire tester les molécules qui sont anciennes, qui sont connues, qui sont sans problème de toxicité, pour les tester contre leur nouveau virus.

Ils l’ont testée contre leur nouveau virus, ils ont trouvé comme ça avait été trouvé sur le SARS et oublié, que sur leur nouveau virus, leur nouveau corona, la chloroquine est active in vitro. J’avais été interviewé par la télévision chinoise. On m’avait demandé les conseils que je donnais aux Chinois et ce que j’attendais des Chinois, que je considère comme les meilleures équipes de virologie au monde. Je leur ai dit, j’espère que très très vite les Chinois nous donneront les résultats d’une première étude sur l’efficacité de la chloroquine sur les coronavirus.

Et ça vient de sortir. C’est efficace sur les coronavirus avec 500 mg de chloroquine par jour pendant 10 jours. Il y a une amélioration spectaculaire et c’est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d’infection au coronavirus chinois. Donc c’est une excellente nouvelle. C’est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes, la moins chère. Et donc ce n’est pas la peine de s’exciter, il faut travailler. Ce n’est pas la peine de s’exciter et de promettre les vaccins dans 10 ans. Il faut travailler, voir les molécules potentiellement actives et qui sont immédiatement disponibles sur le marché.

La seule chose que je vous dis : faites attention, il n’y aura bientôt plus de chloroquine dans les pharmacies. » [Didier Raoult, Youtube, 25 février 2020]

On appréciera tout d’abord le ton et le recul d’un Professeur d’Université devant des étudiants « Un scoop de dernière minute, une nouvelle très importante » ; « Coronavirus : Fin de Partie ! » : la « Recherche française« ™ va rayonner à l’international…

« C’est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes » : est-il vraiment besoin de commenter une telle affirmation ?

« Ce n’est pas la peine de s’exciter » : ils sont vraiment fous ces Chinois, qui ont pourtant été les premiers à utiliser ce médicament, de continuer à confiner la population… Du coup, en effet, le gouvernement français a cessé de s’exciter, et n’a pas testé en masse la population : bien joué !

« Faites attention, il n’y aura bientôt plus de chloroquine dans les pharmacies » : au vu du succès de la vidéo de M. Raoult (plus de 550 000 vues), ceci a entraîné une rupture des stocks dans les pharmacies (EDIT : les médecins ayant prescrit pour eux-mêmes, leurs proches ou des patients insistants…), privant de médicaments ceux qui avaient vraiment besoin de chloroquine (patients atteints de malaria ou de lupus). Et préparé le terrain pour de futures intoxications à la chloroquine… (sources : ici et )

Comme les Décodeurs du Monde ont, à raison, classé cette vidéo comme « partiellement fausse » vu son titre (ce qui a été repris par Facebook qui le signalait sur la vidéo), Didier Raoult l’a renommée « Coronavirus : vers une sortie de crise ? » Mais l’original était bien ceci , largement relayé par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille qui n’y a vu aucun problème déontologique (sourcearchive@aphm_actu) :

Suite à ce simple changement de titre, les Décodeurs du Monde ont supprimé ce statut de « partiellement faux », alors qu’évidemment, elle restait « partiellement fausse »…

Mais on retiendra dedans surtout cette phrase de Raoult :

« C’est efficace sur les coronavirus avec 500 mg de chloroquine par jour pendant dix jours avec une amélioration spectaculaire, et c’est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d’infection au coronavirus chinois. »

Oh, vraiment ? Les termes « amélioration spectaculaire » ne sont pas dans la lettre chinoise, qui parle plutôt d' »une efficacité apparente ainsi qu’une innocuité acceptable » et « d’efficacité puissante sur le virus ». Attention, ce n’est pas la même chose : il pourrait avoir un effet sur le virus (le faire disparaître du nez ou même du corps), mais ne pas avoir un grand effet sur la santé une fois l’infection contractée et les processus de défense lancés (par exemple si la réaction immunitaire du corps devient incontrôlable, ce qui arrive dans certains cas graves). Il faut être rigoureux avec la santé et les espoirs des gens.

Et pour le reste, voici ce qu’indiquent désormais les recommandations chinoises actuelles pour le traitement du coronavirus, qui viennent d’être révisées pour introduire la chloroquine et dont nous vous proposons la traduction. (source : V6 cn, pdf, V6 en ou ici, arch) :

2 Traitement général

2.1 Laisser les patients se reposer dans leur lit et renforcer la thérapie de soutien ; assurer un apport calorique suffisant aux patients ; surveiller leur équilibre en eau et en électrolytes pour maintenir une stabilité de l’environnement interne ; surveiller attentivement les signes vitaux et la saturation en oxygène.

2.2 Suivant l’état des patients, surveiller les paramètres sanguins et urinaires, la protéine c-réactive CRP, les indicateurs biochimiques (enzyme du foie, enzyme du myocarde, fonction rénale, etc.), la coagulation, l’analyse du gaz du sang artériel, les images du thorax et un test de détection de cytokine doit être effectué.

2.3 Fournir une oxygénothérapie efficace, incluant canule nasale et masque à oxygène, et, si nécessaire, une thérapie par canule nasale d’oxygène à haut débit.

2.4 Thérapie antivirale : Les hôpitaux peuvent essayer l’interféron alpha (5 millions U ou une dose équivalente à chaque fois pour les adultes, en ajoutant 2 ml d’eau stérilisée, inhalation par atomisation deux fois par jour), le lopinavir/ritonavir (200 mg/50 mg par comprimé pour les adultes, deux comprimés à chaque fois, deux fois par jour, pas plus de 10 jours), la Ribavirine (il est suggéré d’utiliser conjointement avec l’interféron ou le lopinavir/ritonavir, 500 mg à chaque fois pour les adultes, deux ou trois fois par jour en injection intraveineuse, pendant 10 jours au maximum), le phosphate de chloroquine (500 mg pour les adultes, deux fois par jour, pendant 10 jours au maximum), l’Arbidol (200 mg pour les adultes, trois fois par jour, pendant 10 jours au maximum). Soyez attentifs aux effets indésirables tels que la diarrhée liée au lopinavir/ritonavir, les nausées, les vomissements, les lésions hépatiques, et faites attention aux interactions avec d’autres médicaments. Évaluez plus avant l’efficacité des médicaments actuellement utilisés. Ne recommandez pas l’utilisation simultanée de trois médicaments antiviraux ou plus ; si un effet secondaire toxique intolérable se produit, le médicament concerné doit être arrêté.

Donc par rapport aux déclarations du professeur Raoult :

  1. oui, les normes chinoises ont bien intégré le phosphate de chloroquine (c’est donc de la chloroquine et non pas de l’hydroxy-chloroquine)
  2. mais contrairement à ce que dit Raoult, ce n’est pas 500 mg par jour, mais deux fois 500 mg, ce qui est une très forte dose (voici même la version originale qui confirme):
    Il a fini par se corriger, mais sans souligner que le traitement chinois n’est pas le même ni avec la même dose :« Et puis vous voyez qu’il y a eu des publications préliminaires des Chinois sur l’efficacité de la chloroquine à des doses plus importantes et probablement moins faciles à maîtriser que ce qu’on utilise nous, qui est de 500 mg deux fois tandis que nous, on utilise 600 mg dans la journée d’hydroxy-chloroquine, c’est-à-dire de Plaquenil. » [Didier Raoult, Youtube, 16 mars 2020]
  3. ce n’est nullement LE traitement des Chinois comme il le laisse complaisamment entendre, mais simplement 1 des 5 traitements possibles, qui a été ajouté tardivement (avec l’Arbidol) et sans supplanter les autres ;
  4. ce n’est nullement un traitement à utiliser « obligatoirement », mais les médecins « peuvent » simplement l’essayer ;
  5. l’efficacité n’est nullement prouvée, puisque les consignes sont « d’en évaluer l’efficacité » ;
  6. à aucun moment il n’est indiqué que cette forte dose de chloroquine est « recommandée » pour tous les cas cliniquement positifs, vu que ce sont les hôpitaux qui doivent décider, en fonction de l’état des patients.

Cela fait déjà beaucoup de mensonges, d’imprécisions et de sous-entendus douteux et donc manipulatoires, la réalité est hélas bien éloignée de ces propos tenus devant les étudiants de l’IHU (source) :

Notons aussi qu’il donne dans un tweet une série de liens à l’appui de ses allégations, dont un pour la Chine :

Et en effet, si on consulte ce lien – il est là – on trouve ceci :

En effet, le phosphate de chloroquine a été inclus dans les recommandations chinoises.

Mais comme on l’a dit, et le papier cité par Raoult est très clair, il y 4 autres molécules qui sont incluses dedans :

Et il est bien rappelé que ces médicaments « sont actuellement en évaluation dans des études cliniques pour tester leur efficacité et leur sécurité. » Ce qui veut donc bien dire qu’elles ne sont pas garanties…

Donc les importantes questions sont :

  1. pourquoi Raoult fait-il croire que les Chinois sont certains que la chloroquine induit une « amélioration spectaculaire » alors que les recommandations chinoises actuelles sont au contraire très circonspectes ?
  2. pourquoi Raoult fait-il croire que « son » traitement à l’hydroxy-chloroquine + antibiotique est recommandé par les Chinois alors qu’ils recommandent juste une dose massive de chloroquine, qui n’est pas la même molécule ?
  3. et surtout, pourquoi Raoult cache-t-il au public le fait qu’il y a 4 autres molécules tout autant prometteuses et recommandées, à l’heure actuelle, que la chloroquine : l’interféron alpha, le Lopinavir/Ritonavir, la Ribavirine et l’Arbidol ?

Et pourquoi est-il allé encore plus loin ?

« D’ailleurs, encore une fois, la Chine, maintenant l’Iran, d’autres pays sont en train de recommander en première intention d’utiliser la Chloroquine. » [Didier Raoult, Youtube, 09/03/2020]

À ce jour, 31 mars, c’est toujours absolument faux, ce n’est qu’un des cinq traitements que les hôpitaux chinois peuvent utiliser s’ils le souhaitent, comme on l’a vu.

De là même façon, les recommandations iraniennes (source), si elles intègrent bien le phosphate et le sulfate de chloroquine (et non pas l’hydroxy-chloroquine a priori – nous vérifions – persanophones bienvenus…), laissent aussi libre choix aux médecins de prescrire du Lopinavir/Ritonavir et de la Ribavirine – l’Iran a donc repris 3 des 5 traitements chinois…

Terminons par cette citation de Science et Vie du mois d’avril 2020, dans l’article consacré au coronavirus, qui rappelle qu’il n’y aucun traitement miraculeux à ce jour :

« Devant l’absence de solutions thérapeutiques immédiates et l’urgence de certaines situations, les autorités chinoises ont commencé à demander à d’anciens malades, guéris du virus, de donner leur sang. Le but : en extraire le plasma, censé contenir des anticorps développés spécifiquement contre le virus. il s’agirait ensuite de l’administrer à des personnes sévèrement atteintes et ainsi tenter de faire chuter leur charge virale. L’Institut China National Biotech Group a assuré que des malades ayant reçu des transfusions de plasma auraient vu leur état ‘s’améliorer dans les 24 heures‘. […] : « Le fait que les Chinois fassent appel aux survivants pour tenter cette sérothérapie indique qu’ils doivent aller d’échec en échec avec les essais existants« , imagine Eric Caumes, chef du service maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. »

Mais nous allons voir qu’en effet, Raoult n’avait rien de solide à l’appui de ses affirmations péremptoires de l’époque.

 

 

V. Didier Raoult n’avait bien aucune donnée

Suite à cette vidéo, la journaliste scientifique Cécile Thiebert, du Figaro, a alors appelé Raoult pour vérifier les données chinoises (qu’elle ne trouvait évidemment pas) à l’appui des propos de Raoult. Elle vient tout juste de raconter sa conversation sur une chaîne Youtube (merci à elle, c’est si rare cette transparence) :

Mathieu Rouault : Lorsque cette molécule [la chloroquine], cette solution est apparue sur la table, comment vous en avez discuté au Figaro ?

Cécile Thibert : Alors, je me souviens bien, c’était fin février, donc ça correspond à la sortie de la vidéo sur YouTube du professeur Didier Raoult, qui a sorti une vidéo qui s’appelait « Fin de partie contre le covid », etc. Où il annonçait une excellente nouvelle, une équipe chinoise a découvert que la chloroquine était très efficace sur une centaine de patients, etc. Et donc il finissait la vidéo en disant : « eh bien, d’ici quelques semaines il n’y aura plus de chloroquine dans les pharmacies. » Voilà, donc c’était un peu prophétique.

Je connais un petit peu le professeur Raoult, je suis un peu ce qu’il fait, il est assez médiatique parce qu’il a une chronique au Point, je crois. Donc, je décide de l’appeler, et je lui demande : « Bon bah voilà, c’est super, vous faites cette annonce, est-ce que vous pouvez m’envoyer les données brutes, en fait ? », parce que j’ai trouvé effectivement une feuille de cette équipe chinoise, une petite note où il n’y a aucune donnée brute, donc je me dis, je ne vais quand même pas écrire un papier qui dit que la chloroquine ça marche alors que je n’ai accès à aucune donnée.

Donc je lui demande les données, et il me répond, « non je ne les ai pas, j’ai comme vous l’étude machin truc« . Donc je lui dis : « mais attendez, vous faites une annonce sur la base de cette chose-là sans avoir la méthodo ni rien ? » Il me dit : « oui, mais il faut faire confiance aux Chinois, c’est les meilleurs virologues, etc. »

Je vous passe la suite de l’échange, ça s’est très mal passé, on s’est complètement engueulé en fait parce que je ne comprenais pas en fait comment il pouvait avancer telle chose sans aucune piste, donc on a fait un papier. En parallèle, j’avais lancé des contacts pour savoir un peu plus qui était ce chercheur, etc. Donc on travaille dessus depuis un mois et puis on a une position modérée, je crois que pour le moment il n’y a pas de consensus scientifique, il n’y a pas de données très probantes donc on reste très très modéré vis-à-vis de cette molécule qui, en plus, a déjà fait pleins de faux espoirs sur d’autres virus et notamment des coronavirus. » [Chaîne Youtube Grand Labo – nous vous recommandons la vidéo en version longue, elle est très intéressante -, 28 mars 2020]

C’est lunaire. Simplement lunaire.

Sans commentaire.

D’ailleurs l’article dont parle la journaliste est ici (mais il est payant…) :

Mais nous nous doutions de tout ceci, car en réalité, comme nous suivons ce sujet depuis longtemps, nous avions nous-mêmes déjà cherché et lu cet article chinois il y a un mois, et avions été stupéfaits de sa faiblesse, de l’absence de chiffres, et de l’emballement de la presse :

Ceci est simple reprise en copier-coller par toute la presse de la dépêche AFP
« Banal » : une molécule que le laboratoire à refusé pendant des années de mettre sur le marché à cause de sa dangerosité…

Ainsi, au moins deux des plus grands journaux français ont enquêté sur les propos mensongers de Raoult.

Mais cela ne l’a pas empêché de continuer à en répandre bien d’autres dans la presse, sans aucun contrôle.

VI. La propagande mensongère de Didier Raoult dans les médias

Mais Didier Raoult n’en est pas resté là, il s’est également adressé aux médias pour répandre des contrevérités douteuses.

Nous vous proposons dans cette partie un florilège de ces déclarations problématiques, ainsi que celles franchement mensongères, à propos de la chloroquine, dans la presse durant un mois.

Nous avons sélectionné les passages intéressants, avec ce code couleur : mensonge ; propos incomplet manipulatoire ; propos très étrange

26 février, Europe 1, source

(0:23) Mathieu Belliard : Vous affirmez ce matin qu’un traitement réservé au paludisme d’ordinaire, un simple traitement, pourrait être une réponse face au Coronavirus. D’abord, ces informations, vous les tirez d’une étude chinoise, d’une évaluation clinique faite en Chine, sur une dizaine d’hôpitaux à Wuhan, Pékin, Shanghai, cette étude, vous l’avez lue, vous vous basez sur cette étude, est-ce que vraiment ce sont des informations fiables ?

(0:48) Didier Raoult : Alors écoutez, je pense qu’il va falloir avoir une bascule dans la réflexion actuellement et comprendre que les Chinois, actuellement, dans le domaine des maladies infectieuses et dans le domaine de la virologie, sont les meilleurs au monde. Donc il faut arrêter de penser que ce qui se passe en Chine ou ce qui se découvre en Chine est d’une qualité inférieure. […]

(1:44) Mathieu Belliard : […] C’est quoi la Chloroquine ?

(2:25) Didier Raoult : […] On avait publié depuis déjà dix ans que c’était un des médicaments d’avenir dans le traitement des infections virales, mais les gens préfèrent les médicaments nouveaux pour les questions nouvelles que le « repositioning », qui est devenu une grande spécialité chinoise, c’est-à-dire l’utilisation de molécules anciennes. […]

(4:01) J’avais un interview dans une radio chinoise, 1 milliard d’auditeurs quand même, c’est ce que j’avais fait en leur disant, nous en France, moi ce que j’attends, c’est que vous nous donniez rapidement les résultats d’une étude chez les humains de la chloroquine, c’est ce qu’ils font, […]

(4:27) Mathieu Belliard : Parce qu’on rappelle que cela fait 70 ans qu’on utilise ce médicament, on connaît ses effets secondaires, que c’est sûr qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir avec cette molécule-là. Vous dites aussi que ce n’est pas cher accessoirement, sans danger et pas cher.

(4:41) Didier Raoult : Ça coûte, alors ça ne coûte rien, ça coûte 10 centimes le comprimé, enfin vous vous rendez compte. Donc c’est un truc qui est susceptible d’être diffusé partout, c’est peut être, enfin je ne veux pas trop être paranoïaque, mais c’est peut être pour ça que dans les pays développés, on est moins intéressés par le repositioning de molécules qui ne coûtent rien, que le financement de recherches qui coûtent un prix fou, mais qui….

Bien sûr que tous les pays touchés ont fait du repositionning (c’est-à-dire qu’ils ont tenté d’utiliser des molécules efficaces pour d’autres maladies) : les médecins ne laissent pas les malades mourir sous leurs yeux sans rien tenter en attendant le vaccin !

(4:51) Mathieu Belliard : Oui, ça ne sert à rien de prendre plusieurs mois, dites-vous, dans la recherche pour trouver un vaccin alors qu’un traitement moins cher existerait déjà, je mets évidement du conditionnel, je parle sous votre contrôle, vous en avez parlé au ministère de la Santé, déjà, Olivier Véran.

(5:11) Didier Raoult : Oui, oui, tout à fait, je lui ai dit, il m’a dit qu’il regardait le problème, ce qui est bien […] Toutefois, ces données, encore une fois, comme vous l’avez vu, le texte est en chinois, il faut le traduire, ce n’est pas très compliqué, enfin il faut le traduire du chinois. Et dedans, il faut avoir une réflexion maintenant active. Mais vous savez encore une fois, nous, on a l’habitude de prendre, d’avoir des processus décisionnels qui sont collectifs avec tout le monde en Europe qui donne son idée. L’OMS qui n’est pas constituée d’experts, les gens ne savent pas de quoi ils parlent à l’OMS, c’est très frappant. Tout ça encombre beaucoup la décision. Ce qui fait la différence d’ailleurs avec la Chine, c’est la vitesse d’activité de décision qui est spectaculaire, déjà pour pouvoir mettre en place une étude de cette nature en France, les comités d’éthique, les comités de protection des personnes, etc… auraient pris déjà un temps fou et l’épidémie serait déjà finie qu’on n’aurait pas encore commencé les essais. Donc si vous voulez, il y a une vitesse d’action…

On apprend donc, effaré, que Didier Raoult a dit au ministre que la recherche d’un vaccin n’était pas prioritaire, car il avait déjà le médicament miracle !

Mathieu Belliard : Didier Raoult, je voudrais vous poser une question :[…] est-ce que le coronavirus pourrait à terme s’installer comme une maladie qui reviendrait à chaque saison, un peu comme les grippes qu’on connaît ou la gastro-entérite ?

Didier Raoult : Vous savez, j’ai l’habitude de dire pour les prédictions, c’est juste à côté de chez moi, c’est Nostradamus, c’est à Salon, ce n’est pas à Marseille. […]

25 février, France Info, source

Didier Raoult : La chloroquine a été un des médicaments les plus prescrits au monde, peut-être avec l’aspirine, depuis des décennies. […] On sait que c’est sûr et c’est extrêmement bon marché. La pilule coûte dix centimes et c’est un médicament disponible.Les Chinois avaient déjà prouvé l’efficacité sur le Sras [dans le cadre d’études in vitro] et, récemment, ils ont montré l’efficacité de la chloroquine sur le coronavirus chinois actuel [là aussi dans le cadre d’études in vitro]. […]. C’est probablement le traitement le moins cher et le plus simple pour traiter le coronavirus. Il y a une recommandation [des autorités sanitaires de la province du Gangdong] pour traiter le nouveau coronavirus avec de la chloroquine.

Donc la chloroquine utilisée à haute dose, ce n’est pas sûr, l’efficacité in vitro ne signifie pas que c’est efficace chez l’homme (bravo à l’équipe de France Info qui a bien précisé dans la version écrite), les recommandations parlent de cinq médicaments possibles à utiliser, pas d’un seul.

C’est donc selon vous un traitement efficace et qu’il faut utiliser ?

On savait déjà au laboratoire qu’il devait marcher. On attend qu’il y ait des essais cliniques qui rapportent l’efficacité que l’on préjugeait. Il y aura peut-être des ajustements sur la dose qu’il faut donner, et le temps pendant lequel il faut administrer le médicament. On ne sait pas si ça marche en prophylaxie, pour les gens qui sont porteurs et pas malades : est-ce qu’on peut leur en donner pour éviter qu’ils soient malades ? C’est tout un champ qui s’ouvre et dès demain, ça deviendra impossible de ne pas donner la chloroquine à quelqu’un qui sera hospitalisé avec cette maladie.

C’est faux, il n’y avait que des tests in vitro, et le Chikunya a montré que l’effet in vivo peut être le contraire de l’in vitro.

« Le traitement marche vite et quand on fait, comme l’ont fait les Chinois, ce qu’on appelle du repositionning, c’est-à-dire utiliser des médicaments pour d’autres utilisations que celles pour lesquelles ils avaient été créés, ça offre des solutions très rapides. On n’a pas besoin de passer par des tests de toxicité, ce sont des médicaments disponibles à la pharmacie. C’est une bonne nouvelle pour tout le monde, car on n’a pas de raison de payer très cher des produits qui sont bon marché. C’est accessible, c’est disponible et il n’y a pas à attendre quatre ans pour une autorisation de mise sur le marché. »

Bien sûr qu’il faut vérifier ! Il faut bien vérifier les effets principaux et secondaires an cas de Covid-19 !

Dernier point : notez comme, de façon très étrange, il place 3 fois le sujet du prix de la chloroquine dans cette interview, alors que ce n’est évidemment pas un sujet dans une crise de cette ordre. D’ailleurs, avez-vous entendu un autre chercheur vous parler des prix des traitements possibles ? Alors, Chercheur ou Commercial, Didier Raoult ? Nous en reparlerons bientôt.

26 février, La Marseillaise, source

Quelle stratégie thérapeutique vous semble la plus adéquate pour lutter contre le virus ?
D.R. : Concernant les vaccins, ils sont destinés à prévenir de vraies maladies, qui concernent des centaines de milliers de cas. J’attends plutôt des Chinois qu’ils testent chez les patients le médicament le plus simple et le moins toxique au monde qu’est la chloroquine, dont ils ont prouvé l’efficacité en laboratoire. Ce serait le meilleur candidat, plutôt qu’un nouveau médicament qui nécessiterait plusieurs années avant une autorisation de mise sur le marché.

26 février, France soir, source

« Napoléon le disait, si vous avez préparé un plan et que vous le suivez, vous perdez la guerre. […] Avec la chloroquine, on coupe l’herbe sous le pied de plein de gens qui rêvaient de décrocher le Prix Nobel pour avoir trouvé un nouveau médicament ou un nouveau vaccin. […] « , ironise le professeur Raoult.

Et le directeur de l’Institut Méditerranée Infection de rappeler, statistiques à l’appui, la nécessité de relativiser cette crise du coronavirus.

« Depuis le début de l’année nous n’avons toujours pas détecté le moindre Covid-19. »

27 février, Sud Radio, source

« C’est le quatrième virus qui circule qui a été évalué in vitro avec la chloroquine. Vingt études comparatives sont en cours en Chine en ce moment. Ils ont évalué une molécule en laboratoire, ont évalué cette molécule par vingt études en cours, et donnent des recommandations internationales… franchement, je ne vois pas pourquoi je ne les écouterais pas. En France on donne n’importe quel antiviral, sans qu’il y ait la moindre justification ou la moindre étude, et les gens ne se posent pas de questions. On est en train de discuter avec le ministère pour mettre au point un protocole.

Les Chinois ne reocmmadent pas CETTE molécule ; il la suggèrent avec 4 autres, que Raoult passe systéamtiqueemnt sous silence

26 février, 20 minutes, source

Pouvez-vous expliquer ce qu’est la chloroquine ?

C’est un très vieux médicament. […] Il y a des milliards de gens qui ont pris ce médicament. Et il ne coûte rien : dix centimes le comprimé. C’est un médicament qui est extrêmement sûr et qui est le moins cher qu’on puisse imaginer. C’est donc une super bonne nouvelle ! Tous les gens qui ont connaissance de ces bienfaits devraient se jeter dessus.

Nous commenterons ce passage ci-dessous.

Certains scientifiques sont moins enthousiastes que vous sur les bienfaits de la chloroquine contre le coronavirus, à l’image du professeur Astrid Vabret dans « Sciences et Avenir »

Les ragots des uns et des autres, je m’en fous. Ça ne m’intéresse pas. Mon métier, c’est les maladies infectieuses, et ce depuis quarante ans. Je me sens obligé, car je crois que c’est maintenant nécessaire, de communiquer ce que je sais, et non pas des opinions, sur la recherche en maladie infectieuse. Après, ce que vous en faites, je ne suis pas prophète. Je m’en fous. J’essaie d’être le plus clair possible. Quand on a montré qu’un médicament marchait sur une centaine de personnes alors que tout le monde est en train de faire une crise de nerfs, et qu’il y a des andouilles qui disent qu’on n’est pas sûr que ça marche, ça ne m’intéresse pas !

Tout cette certitude affichée est fausse : aucune prudence dans les propos, aucune remise en perspective, aucun rappel des nombreux échecs passés de la Chloroquine, insultes sans arguments des personnes qui contredisent son point de vue, exacerbation des passions : c’est tout le contraire de ce qu’on attend d’un professeur d’université en médecine.

Allez-vous utiliser la chloroquine à l’IHU pour soigner contre le coronavirus ?

Les scientifiques chinois sont des gens très sérieux. Ce ne sont pas des zozos, et ils ont montré que la chloroquine marche. Ça serait honnêtement une faute médicale que de ne pas donner de la chloroquine au coronavirus chinois. Ça n’a pas de sens. Soyons sérieux. Demain, vous commencez à être essoufflé. Vous avez un coronavirus chinois et vous avez 40 de fièvre. Et les gens vous disent : « Vous savez, je n’y crois pas à la chloroquine contre le coronavirus chinois ». Qu’est-ce que vous faites ?

A l’IHU, nous allons mettre en place un protocole thérapeutique. Nous, ce qu’on veut, c’est soigner les malades. Il y a des gens qui arrivent avec une maladie grave, et on a montré que le seul traitement contre cette maladie, c’est la chloroquine. Donc, pour pas donner de la chloroquine, il faut être farci ! Donc on va prévenir le ministre pour lui dire que si les gens qui arrivent ont un coronavirus chinois, on va les traiter par la chloroquine parce que c’est le seul traitement dont on a eu la démonstration qu’il marchait. C’est tout ! C’est pas mystérieux, c’est de la médecine, pas des potins de télévision !

Donc non, seul un essai clinique dans de bonnes conditions prouvera que la chloroquine marche, aujourd’hui des petits essais ont des résultats divergents. Mais il est clair que ce n’est pas le SEUL traitement qui marche.

Etant donné que Didier Raout semble avoir extrait son IHU du champ de la médecine pour en faire le Centre Français du Lobbying de l’Hydroxy-Chloroquine Sanofi, ces propos sont peu étonnants.

Mais nous voudrions nous arrêter sur un point, qui n’est pas si anecdotique. Depuis janvier , Didier Raoult utilise systématiquement – voire compulsivement – l’expression « Virus Chinois » ou « Coronavirus Chinois » – plutôt que « coronavirus » ou SRAS-2 qui est pourtant son nom.

Or, il existe une règle internationale importante, pour nommer les maladies infectieuses (sources : ici et ) :

Les meilleurs pratiques de l’OMS pour nommer les maladies infectieuses

« Plusieurs nouvelles maladies infectieuses humaines sont apparues ces dernières années. Or, l’usage des termes « grippe porcine » ou « syndrome respiratoire du Moyen-Orient », par exemple, a eu des conséquences défavorables inattendues en stigmatisant certaines communautés ou secteurs économiques. Certains pourraient penser qu’il s’agit là d’une question anecdotique, mais la dénomination des maladies a une importance réelle pour les personnes directement touchées. On a déjà vu des noms de maladies déclencher des réactions brutales à l’encontre des membres de certaines communautés ethniques ou religieuses, créer des obstacles injustifiés aux déplacements, au commerce et aux échanges, et provoquer l’abattage inutile d’animaux destinés à la consommation. Cela peut avoir de graves conséquences sur la vie des gens et sur leurs moyens d’existence. » [Dr Keiji Fukuda, Sous-Directeur général en charge de la sécurité sanitaire à l’OMS, 8 mai 2015]

L’idée est en effet de ne pas stigmatiser des populations en accolant une nationalité à un virus (comme pour la tristement célèbre « grippe espagnole » – qui, en plus, n’avait aucun lien avec l’Espagne et qui aurait plutôt due être nommée à l’époque « grippe américaine« ), puisqu’on a déjà vu, début février à quel point cela pouvait attiser le racisme.

Elle a été rappelée par l’OMS au moment où la maladie Covid-19 a été nommée (source) :

« En vertu de directives convenues entre l‘OMS, l’Organisation mondiale de la santé animale et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, nous devions trouver une appellation qui ne faisait pas référence à un lieu géographique, à un animal, à une personne ou à un groupe de personnes, et qui est par ailleurs facile à prononcer et liée à la maladie.

Avoir un nom est quelque chose de très important, pour éviter que d’autres noms qui pourraient être imprécis ou stigmatisants soient utilisés. Cette appellation nous donne également un format standard utilisable pour toute future flambée de coronavirus. » [OMS, 11/02/2020]

Le Professeur d’Université Raoult, une fois de plus, piétine un principe médical mondial.

Or il faut bien comprendre que ce détail n’en est pas un. Une autre personnalité a lancé cette dénomination : Donald Trump :

Trump fait évidemment exprès comme on le voit sur cette photo de notes d’un de ses discours ou « chinese » a remplacé « corona »:

Trump assume même totalement, comme ici encore le 23 mars (source) :

Et pour terminer, et bien comprendre l’enjeu politique majeur (pour manipuler la haine des populations) de ce détail qui n’en est pas un, il faut savoir que, cette semaine, le G7 n’a pu rédiger un communiqué comment, car le Secrétaire d’État américain voulait inclure le mot « Virus de Wuhan » dedans (source) :

« Selon diverses sources, le secrétaire d’État des États-Unis a insisté pour que le nouveau coronavirus soit appelé « virus de Wuhan » dans le communiqué conjoint que devaient signer les membres du G7 (États-Unis, Canada, France, Italie, Royaume-Uni, Japon, Allemagne) et le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères. La déclaration pointait aussi du doigt la Chine pour la propagation du virus dans le monde.

« Ce que le département d’État a proposé franchissait une ligne rouge. On ne pouvait pas accepter cet étiquetage du virus et communiquer ça », a confié un diplomate européen à la chaîne CNN. […]

En point de presse après la rencontre, Mike Pompeo a soutenu que « le Parti communiste chinois représente une menace substantielle pour notre santé et notre mode de vie, comme l’a démontré le virus de Wuhan« , selon des propos relayés par la chaîne ABC. » [Le journal de Montréal, 25/03/2020]

C’est une comparaison amusante, car outre cette dérive terminologique et la négation du changement climatique, ils partagent un autre point commun, la promotion inconditionnelle de la Chloroquine !

VII. Le Docteur Zhong

Le 27 février, Raoult sort un nouveau lapin de son chapeau.

Pour parler du coronavirus et de la chloroquine, l’IHU de Marseille publie ce billet sur son site internet (source ; archive), pour bien montrer que la chloroquine n’est pas une « fake news » :

Donc, l’IHU de Marseille – à 250 millions d’euros – met en avant trois « publications » pour conforter sa « vraie news » :

  1. une de la revue à comité de lecture Cell Research, qui dit que la chloroquine détruit le virus in vitro (ce qui a très peu d’intérêt, les malades n’étant pas découpés et mis dans des éprouvettes, et il n’y a aucun lien direct avec une efficacité in vivo) ;
  2. le prospectus de la revue BioScience que nous vous avons déjà exposé plus haut ;
  3. et un article de … « France 24 » ….

Et si nous lisons ce long article de France 24, on trouve simplement ceci (source, archive) :

« Zhong a déclaré que […] la chloroquine a un impact positif, avec des patients généralement testés négatifs après environ quatre jours. » [France24, 27 février 2020]

Pas mal comme source pour un Centre Hospitalier Universitaire… Tout sauf de la science lourde et précise : on ne sait pas de combien de personnes on parle ; on n’a aucune information sur elles (âge, degré de la maladie). Il est simplement dit qu’elles sont souvent – mais pas toujours – négatives après 4 jours (mais on ne sait pas à partir de quoi, ni de quand, ni de quel degré temporel de la maladie), bref… pas grand chose en somme.

Cependant, il est vrai que Zhong Nanshan (qui a désormais 83 ans) est un très grand médecin chinois. Il est devenu président de l’Association médicale chinoise en 2005. Il est actuellement directeur de l’Institut des maladies respiratoires de Guangzhou et rédacteur en chef du Journal of Thoracic Disease. Il a beaucoup lutté contre le SRAs-1 en 2003. Voici sa fiche Wikipédia. Le Dr Zhong est donc un grand scientifique chinois, mais, au vu de ses fonctions actuelles de conseiller du gouvernement, il convient cependant de prendre avec un recul prudents ses déclarations, qui, pour intéressantes qu’elles soient, se doivent d’être vérifiées et validées par la communauté scientifique internationale.

Voilà en tout cas ce que dit Didier Raoult de tout ceci :

« Voir si on arrive rapidement, parce que c’est ce que les Chinois ont dit, à faire diminuer le portage viral, c’est-à-dire que quand le portage viral naturel se situe apparemment autour de 12 jours, M. Zhong a rapporté que sous chloroquine, le portage viral était réduit à 4 jours donc on espère confirmer ces données. »[Didier Raoult, Youtube, 09/03/2020]

Didier Raoult sort donc ce chiffre de 12 jours pour le comparer à 4, sans se dire que, les Chinois l’ayant testé il y a longtemps, si une telle efficacité sur tous les cas (y compris graves) était vraie, tout le monde en aurait là-bas, et on s’en serait vite rendu compte (en moins d’une semaine…) et il n’y aurait plus de morts en Chine – ce qui n’est hélas pas le cas.

Mais revenons à Zhong Nanshan. Voici une autre vidéo que nous avons retrouvée où il parle de la chloroquine le 21 février 2020 -, notez qu’il ne dit ni « fin de partie » ni quelque chose de semblable :

« Quelle est l’efficacité du Phosphate de Chloroquine dans le Traitement du Covid-19 ?

À mon avis, le phosphate de chloroquine n’est pas un médicament miracle contre le Covid-19, mais il est efficace sur la maladie.

Et il a un grand avantage, ainsi que tous les remèdes de la médecine chinoise traditionnelle (MCT).

Nous avons des remèdes de MCT de plus d’un ou deux siècles.

Tant qu’ils sont efficaces, on peut les utiliser. Ils sont inoffensifs. C’est leur principal avantage. » [Zhong Nanshan, 21/02/2020]

« Il est efficace sur la maladie ».

Répétons-le encore : notre propos n’est pas d’être « contre la chloroquine ». Nous aurons bientôt une première réponse avec les essais cliniques – et nous croisons évidemment les doigts pour que la chloroquine fonctionne… Mais pour qu’un traitement efficace puisse voir le jour, il est indispensable que les scientifiques respectent les grandes règles d’éthique qui doivent guider leurs travaux comme leur communication, et qu’aucune piste ne soit écartée ou promue avant la réalisation d’essais cliniques solides, comme le rappelle l’OMS. Et dans les faits, force est de constater que l’attitude du Professeur Raoult ne correspond pas à ces critères.

A ce jour, nous disposons encore de trop peu d’informations pour promouvoir à ce point une seule piste. La réalité c’est que nous sommes dans l’incertitude et que plusieurs pistes sont encore à explorer. Or, le comportement du Professeur Raoult nous incite à croire que nous sommes dans la certitude et qu’il serait inutile d’explorer d’autres pistes : c’est cela que nous dénonçons, car un tel discours – dans un France durement atteinte par une pandémie – n’est pas sans danger.

Cessons donc de nous focaliser ainsi sur un seul traitement, car cela empêche la recherche scientifique d’explorer d’autres pistes. Laissons les médecins spécialisés se mettre d’accord, sans pression médiatique, sinon nous risquons fort de nous créer d’autres problèmes sanitaires !

Au final, on voit bien que la propre source de Raoult, sommité chinoise, explique que la chloroquine, ce n’est pas miraculeux, ça marche un peu, mais on comprend qu’il lui préfère la Médecine Traditionnelle chinoise, qui figure d’ailleurs également dans les Recommandations officielles :

Donc le Dr Zhong Nanshan dit en l’espèce : « Vous pouvez peut-être prendre un peu de chloroquine, mais le Patchouli, Magnolia ou le Ginseng, c’est sans doute mieux, car c’est inoffensif… »

On voit donc, comme l’indiquait Science et Vie, que les Chinois sont tout aussi perdus que nous, et n’ont toujours pas trouvé de médicament miracle.

Ainsi, gardons notre calme, réalisons des essais cliniques robustes chez nous, choisissons le meilleur traitement et écoutons nos autorités médicales. La priorité actuelle, c’est de rester au maximum chez nous, et de ne pas attraper ce virus ! #RestezChezVous

VIII. « Ce sont les Chinois qui font la science pour ce virus »

Rappelons-nous des propos de Didier Raoult :

« Pour l’instant, comme il n’y a pas d’autres alternatives qui soient crédibles, entre donner un médicament qui a été testé par les gens qui ont le plus de connaissances au monde sur une maladie et essayer une nouvelle molécule, en disant, écoutez, peut-être que cette nouvelle molécule marche, il faut revenir à une réflexion basique, si vous voulez, qui n’est pas une réunion d’opinion, mais une réunion, de factuellement, qu’est-ce que vous avez qui vous permet de dire que le gouvernement chinois et tous les scientifiques chinois qui font une information prioritaire se trompent. » [Didier Raoult, Youtube, 28 février 2020]

« Les éléments ont été suffisants pour que le gouvernement et tous les experts chinois – les experts chinois, c’est les experts qui connaissent le coronavirus, pas que sur le papier, c’est leur métier – prennent une position officielle en disant : « Maintenant, il faut traiter avec de la chloroquine les infections à coronavirus. » C’est déraisonnable de dire : « les Chinois on s’en fiche ». [Didier Raoult, Youtube, 28/08/2020]

« Bien entendu, c’est les Chinois. Ça irrite beaucoup les Parisiens que ce soient les Chinois. Il n’empêche que c’est les Chinois qui font la science actuellement pour les virus, en particulier pour celle-là. Et vous voyez que les Chinois avaient publié assez tôt dans Cell Research – C’est pas des journaux de… c’est pas des bandes dessinées, c’est des grands journaux – l’efficacité de la chloroquine sur le coronavirus [suit toute une partie sur les footballeurs, les experts et les médias, nous vous laissons écouter la vidéo…] » [Didier Raoult, Youtube, 28/08/2020]

Alors justement, concernant la Chine, le correspondant du Monde dans ce pays a récemment indiqué ceci (source, payant) :

« Par ailleurs, un patient de 54 ans atteint du Covid-19 a été testé négatif après avoir reçu un traitement de phosphate de chloroquine a révélé, le 17 février, Sun Yanrong, la vice-directrice du centre de biologie du Ministère des Sciences et technologies. » [Le Monde, 24 mars 2020]

Ici, il est important de comprendre que cette seule information est en réalité extrêmement parcellaire : en effet, pour une maladie où 98 % des gens guérissent, dire qu’un patient de 54 ans atteint du Covid-19 a été testé négatif après avoir reçu un traitement de phosphate de chloroquine, ne permet de tirer AUCUNE conclusion quant à l’efficacité éventuelle du traitement sur son cas.

Mais la suite de l’article du Monde est plus intéressante :

« Le 19 février, la Commission nationale de la santé a introduit la chloroquine parmi les remèdes préconisés pour combattre le coronavirus. Mais aucun des médicaments préconisés ne doit être pris durant plus de dix jours, précise-t-elle. Or, depuis, la Chine se montre prudente. Commentant les essais effectués, Zhong Nanshan, considéré depuis la crise du SRAS comme le principal épidémiologiste chinois, a expliqué que certes des patients avaient été testés négativement, mais que les résultats n’ont pas encore été confirmés par des expériences rigoureusement contrôlées et qu’il est trop tôt pour dire si le médicament est efficace.

Dès le vendredi 21 février, la commission de la santé de la province du Hubei, épicentre de l’épidémie, a prévenu tous les médecins de « surveiller attentivement » les effets secondaires de la chloroquine. L’institut de virologie de l’Académie des sciences a précisé que la dose mortelle se situe entre 2 et 4 grammes par adulte et que « des effets contraires peuvent inclure la mort instantanée ». Les hôpitaux qui mènent ces tests doivent rapporter tout effet contraire.

La commission de la santé du Hubei a toutefois précisé qu’il s’agissait d’un appel à la vigilance et qu’il n’y avait pas eu de décès lié à une surdose de chloroquine. À la suite de la commission du Hubei, la Commission nationale a défini plus strictement, le 29 février, les conditions d’utilisation de la chloroquine. Le médicament ne peut plus être administré notamment aux femmes enceintes, aux personnes ayant des problèmes cardiaques ou des maladies des reins ou du foie. Il peut seulement être donné aux personnes âgées de 18 à 65 ans et durant sept jours. » [Le Monde, 24 mars 2020]

Il est donc à noter que, suivant cette source, la Chine refuserait désormais d’administrer la Chloroquine aux plus de 65 ans – alors qu’ils représentent par exemple 90 % des décès en Italie…

Et en effet, le 3 mars, la Chine a sorti une 7e version de ses recommandations (les 5 mêmes médicaments sont toujours là – source : eng / cn) :

 

 

Et en effet, les plus de 65 ans ne se voient plus proposer de chloroquine – c’est trop dangereux, comme le rappelle le médecin-réanimateur Damien Barraud :

« J’entends bien l’argumentaire de Didier Raoult et de ceux qui le suivent, qui consiste à dire que la chloroquine est un médicament qu’on prescrit depuis des dizaines d’années et que l’on connaît bien. Sauf que son indication principale, la raison pour laquelle il a fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché, c’était la prophylaxie contre le paludisme. Les gens qui l’ont pris partaient à l’étranger, ils étaient plutôt en bonne santé. Les gens que j’ai sous les yeux ne sont pas en bonne santé. Ce sont des personnes âgées, polypathologiques, polymédicamentées. Certes, si une personne jeune et en bonne santé venait à prendre un petit peu de chloroquine, il ne se passerait probablement pas grand-chose. Mais quand on est âgé, qu’on a des problèmes cardiaques pour lesquels on prend un traitement, prendre de la chloroquine peut être hasardeux. » [source, 30/03/2020]

Cela rejoint ce témoignage de Chine :

« Pour Tong Chaohui, vice-président de l’hôpital de Chaoyang, à Pékin, « chaque fois qu’il y a une épidémie, les gens veulent trouver un médicament miracle pour y mettre fin, malheureusement, il n’y a jamais de médicament antiviral miracle. Les chercheurs doivent s’autodiscipliner, conduire des essais cliniques de manière rigoureuse et éviter tout conflit d’intérêts. Plus la situation est difficile, plus les scientifiques doivent protéger, de façon résolue, les fondamentaux de la science et de la médecine », écrit-il dans un journal professionnel repris par le China Daily le 5 mars. » [Le Monde, 24 mars 2020]

C’est une belle conclusion…

 

Alors comme, en effet, « Ce sont les Chinois qui font la science pour ce virus », des scientifiques chinois renommés ont réalisé un petit essai clinique de taille réduite, mais n’ont trouvé aucune efficacité à la chloroquine : voir ce billet

Mais attention, c’est provisoire – il ne faut rien conclure de définitif. De nombreux essais sont en cours en Chine. Il est probable que certains trouveront des effets, d’autres non, et que cela durera jusqu’aux résultats des larges essais cliniques en cours, qui eux seuls permettront de trancher, et de prendre de bonnes décisions.

Il y a en particulier l’essai européen Discovery (qui testera la chloroquine et 3 autres traitements) – mais ils sont hélas perturbés par la polémique lancée par Didier Raoult (lire ici : les malades veulent désormais tous de la chloroquine).

 

Cela est dramatique, car cela freine la Science – il faut vraiment plus de calme sur ces sujets. Les polémiques violentes qui ont cours dans notre pays, avec une obsession sur un seul traitement, sont absentes dans la plupart des autres. Le Directeur de l’OMS, le docteur Tedros Ghebreyesus, répond d’ailleurs ainsi aux initiatives du type de celle de Raoult :

I

IX. Mais en réalité, on utilise DÉJÀ la chloroquine à l’hôpital depuis le DÉBUT de l’épidémie !

Ce qui est le plus stupéfiant dans cette affaire, c’est que beaucoup de personnes pensent qu’il y aurait une volonté de ne pas utiliser la chloroquine (pardon « le protocole du Dr Raoult »™) dans une sorte de complot des élites.

Or, bien évidemment, notre corps médical cherche des solutions face à cette épidémie. Donc les molécules utilisées par la Chine ont aussi été utilisées en France.

Voici d’ailleurs un extrait du document des recommandations d’experts suivies par les centres de référence Covid-19 de la région parisienne, qui émane des sociétés médicales :

Ainsi, après vérification, nous vous confirmons que l’hydroxy-chloroquine est administrée dans la plupart des hôpitaux « Centres de Référence Covid » depuis le DÉBUT de l’épidémie en France aux patients hospitalisés sous oxygène – sauf contre indication (il y en a de nombreuses, notamment l’insuffisance rénale).

Mais cela signifie, hélas, qu’un certain nombre des personnes décédées dans les sombres statistiques quotidiennes ont bien reçu de l’hydroxy-chloroquine. Cette molécule aide probablement un peu, mais n’est pas miraculeuse.

Pour finir, répondons à l’argument : « Oui, mais il faut le donner aux gens avant qu’ils soient hospitalisés, dès les premiers symptômes ». Sauf que rien ne soutient cette hypothèse, tant que des travaux sérieux n’auront pas été menés, et les risques pesés. D’ailleurs, si ça marche peu, je sais d’avance que les nouveaux convertis diront « c’est bien la preuve qu’il faut le donner à tout le monde en préventif, avant d’avoir attrapé le virus » – raisonnement qu’on peut appliquer avec toutes les molécules, puisque effectivement, « on n’en sait rien »…

X. Didier l’Embrouille

La France est quand même un drôle de pays.

Combien compte-t-on de pays sur la Planète où les aveux d’une Agnès Buzyn ne font pas tomber le gouvernement de clowns qui a aussi mal préparé et géré la crise ?

Combien compte-t-on de pays sur la Planète où la moitié du « temps de cerveau disponible » de la population est consacré à un seul traitement du Covid-19, au lieu de chercher à ne pas l’attraper et à aider ses proches – ou de demander des comptes au gouvernement…

Combien de pays où le Directeur d’un CHU crée un trouble national manifeste à l’ordre public, et n’est pas rappelé à l’ordre ?

Bref, en plus de mentir, Didier Raoult oublie souvent de dire :

  • que c’est la Chine qui a testé et promu le traitement à la chloroquine, pas lui ;
  • que la chloroquine est dans les recommandations chinoises, mais c’est une substance parmi 4 autres ;
  • que la Chine réserve la chloroquine aux hospitalisés ;
  • que la Chine ne promeut pas l’hydroxy-chloroquine mais le phosphate de chloroquine ;
  • que la Chine ne traite plus les plus de 65 ans à la chloroquine ;
  • que la Chine a aussi publié une étude ne montrant aucune efficacité de la chloroquine dans un petit essai ;
  • que de nombreuses autres substances prometteuses ont montré des effets contre le coronavirus (cortisone dans les cas graves, Avigan, Remdesivir, anti-VIH tels que Lopinavir/ritonavir…)
  • que l’OMS recommande d’attendre des essais robustes avant de généraliser un traitement.

« Donc je pense que notre problème de santé publique, il est là. Il n’est pas à dire ce qui se passe pour de bon quand on est un scientifique et qu’on observe les choses, il est à rapporter les rumeurs comme si elles étaient aussi valides que de l’information scientifique. » [Didier Raoult, Youtube, 24/09/2019]

XI. Quelques réponses à des fausses évidences souvent entendues

« On connait très bien ce médicament »

Oui, on le connait très bien, mais il peut parfois être un danger pour la santé. Prudence donc.
Ce qu’on ne connait pas en revanche, c’est le Covid-19, ni comment il pourrait réagir à ce traitement chez certains patients.

« On connait très bien ses effets secondaires »

Oui, il y en a d’ailleurs beaucoup et ils sont non négligeables, mais il est vrai qu’ils surviennent souvent (mais pas tous) après une longue période de traitement.

En revanche, on n’a évidemment – pour le moment – AUCUNE idée des effets secondaires sur des patients atteints de Covid-19…(Je vous renvois, plus haut, aux effets très dangereux de la chloroquine au contact d’autres maladies).

« On a même donné ce médicament à de nombreuses personnes bien portantes pour prévenir le paludisme ! »

Certes, donc à des personnes bien portantes. Et rappelons bien la posologie (source : CDC américain) :

En préventif du paludisme, c’est 400 mg par semaine. Raoult propose 600 mg par jour, soit près de 11 fois la dose

« Au vu du danger, cela vaut le coup de prendre le risque de certains effets secondaires »

Cet argument s’entend bien sûr.

Mais en réalité, le point le plus ennuyeux n’est pas un sujet d’effets secondaires ; c’est l’incertitude sur l’effet principal.

Pour le moment, RIEN ne dit que si on donne de la chloroquine aux sujets peu symptomatiques, l’effet principal sera une amélioration, une protection, et non pas une dégradation de l’état de santé. C’est exactement ce qui se passe sur le Chikungunya : la chloroquine est efficace in vitro mais aggrave la maladie in vivo.

Le corps humain est très complexe. Il ne faut pas simplifier : les effets du médicament peuvent également varier selon les différents stades de la maladie. Bref, nous sommes dans l’incertitude. Il faut donc écouter le consensus des experts (qui variera avec le temps et les progrès), telle est la médecine et la science.

XII. Surtout, ne surdosez pas la chloroquine !

Les médias n’ayant à l’évidence pas la compétence pour traiter « en direct » de sujets aussi complexes, ils laissent passer des informations dangereuses pour la santé publique. Nous pensons par exemple à ce passage de l’interview de Didier Raoult (né en 1952 à Dakar), du 26 février dans 20 Minutes (source) :

Pouvez-vous expliquer ce qu’est la chloroquine ?

C’est un très vieux médicament. C’est le médicament probablement le plus utilisé avec l’aspirine dans l’Histoire de l’humanité. Les jeunes ne le connaissent pas, car ils ne l’ont pas connu comme antipaludéen. Les gens qui vivaient en Afrique comme moi prenaient tous les jours de la chloroquine. Tous les gens qui allaient dans ces pays chauds prenaient ça pendant tout leur séjour, et tous les jours pendant les deux mois après leur retour. Il y a des milliards de gens qui ont pris ce médicament. Et il ne coûte rien : dix centimes le comprimé. C’est un médicament qui est extrêmement sûr et qui est le moins cher qu’on puisse imaginer. C’est donc une super bonne nouvelle ! Tous les gens qui ont connaissance de ces bienfaits devraient se jeter dessus.

Or, comme nous l’avons expliqué au début, la chloroquine peut présenter de graves effets secondaires. Tous les gens « comme lui » qui prenaient à l’époque de fortes doses quotidiennes de sels de chloroquine (aujourd’hui c’est plutôt une dose par semaine comme l’a rappelé le CDC) ont eu beaucoup de chance de ne pas avoir de problèmes de santé !

Ne vous « jetez donc pas dessus », et ne surdosez pas la chloroquine (bien plus toxique que l’hydroxy-chloroquine), surtout au long cours. Pour mémoire, en voici les 3 plus graves effets secondaires (source) :

  • Affections cardiaques : cardiomyopathie, troubles du rythme cardiaque, dont l’évolution peut être exceptionnellement fatale ;
  • Effets oculaires : troubles de l’accommodation, vision floue, opacités cornéennes, exceptionnels cas de rétinopathies liées à l’accumulation de chloroquine et pouvant conduire à des lésions irréversibles de la macula ;
  • Atteintes musculo-squelettiques et systémiques : myopathie à dose élevée ;
  • Troubles psychiatriques (fréquent) insomnies, dépression (rare) agitation, anxiété, agressivité, troubles du sommeil, confusion, hallucination (très rares) épisodes psychotiques (fréquence indéterminée) comportement suicidaire

XIII. Pour conclure

Qu’un homme seul soit frappé de malhonnêteté ou d’inconscience, c’est déjà arrivé, et ça arrivera encore. En revanche, qu’un CHU entier et son conseil d’administration sombrent, c’est assez inédit – je ne vois pas d’autre exemple historique dans le pays.

Que l’ensemble du système médiatique et politique français dérive ainsi, c’est hallucinant.

Et ça se paye.

Et ça se paye cash :


C’est amusant, ce journal porte le même nom que celui qui validait sans conditionnel les informations de Raoult (voir plus haut)…

 

D’ailleurs, non, il n’y a aucune « controverse planétaire » ; il y a juste des problèmes et des dérives graves, car on n’écoute pas le consensus des spécialistes qui sont pourtant là pour ça. Au contraire, le scepticisme nous pousse parfois à des extrêmes. Dans le cas présent, il s’agit d’écouter un seul spécialiste et son équipe, contre l’avis général, qui n’est pas un « anti-système » animé par un altruiste sans borne, mais un conseiller de Macron (il n’a pas démissionné), qui a tout à gagner à s’ériger en héros de l’épidémie. Vous remarquerez que les médias avaient fait exactement la même chose avec le changement climatique. Ajoutons qu’il y a aussi un problème de conflits d’intérêts majeur des autorités médicales avec les laboratoires, qui a détruit la confiance de beaucoup de Français ; il faudra y mettre fin : pas un centime ne doit passer des labos aux médecins, l’État doit faire l’intermédiaire via ce qu’on appelle l’impôt. Mais nous y reviendrons.

 

Il serait dramatique que la Chloroquine, ou une autre molécule, soit adoptée sans vérification scientifique sérieuse et finisse par provoquer plus de dégâts que de soulagement de malades…

Mais en France, apparemment, un peu de buzz scientifique et d’Audimat, ça vaut bien quelques morts…

Olivier Berruyer (avec l’aide de Clément, Surya, Nicolas, JP, Carla, Edouard, Ahmed, Charles, et de bien d’autres bénévoles – merci à eux)...

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