Coronavirus et changement de régime : Coup d'État covidien au Burundi (Off Guardian)

Coronavirus et changement de régime : Coup d'État covidien au Burundi
Article originel : Coronavirus and Regime Change: Burundi’s Covid Coup
Off Guardian

Alors que les peuples du monde occidental s'occupent à porter des masques, à pointer du doigt et à utiliser tellement de désinfectant pour les mains qu'ils en meurent littéralement, le grand monde de la géopolitique continue de tourner, suivant les mêmes vieux schémas fatigués avec seulement de légères variations de méthode. Une touche de modernité, si vous voulez.

Voici un petit résumé de l'histoire récente du Burundi :

• Le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, a qualifié le covid19 d'absurde.
• Le président du Burundi a été vilipendé dans la presse occidentale.
• Le président du Burundi a expulsé l'Organisation mondiale de la santé de son pays.
• Le président du Burundi est mort subitement d'une "crise cardiaque".
• Le NOUVEAU président du Burundi a immédiatement inversé la politique de son prédécesseur en matière de covid19.

Et maintenant, pour la version longue...
6 mai 2020

Le blog du Council on Foreign Relations publie un article intitulé “COVID-19 is Coinciding with Dangerous Trends in Burundi’s Democracy”. ("Le COVID-19 coïncide avec les tendances dangereuses de la démocratie au Burundi").

A l'époque, le Burundi était répertorié comme ayant 7 "cas actifs" de COVID-19.

La réticence du président Pierre Nukurunziza à imposer des politiques visant à arrêter la propagation du virus converge avec son enthousiasme pour l'autoritarisme démocratique, mettant en danger non seulement le Burundi, mais aussi les voisins du Burundi.
[...]
La trajectoire du Burundi est apparente depuis un certain temps. Mais la pandémie augmente maintenant les enjeux pour les États voisins dont les tentatives de contrôle du virus sont menacées par l'insistance du Burundi à aller de l'avant avec le théâtre électoral, quels que soient les risques de santé publique impliqués.
[...]
Tout comme les tentatives de l'EAC pour faire avancer le dialogue au Burundi n'ont rien fait pour éviter la fermeture de l'espace politique, aujourd'hui l'organisation semble au mieux impuissante car le Burundi et la Tanzanie voisine refusent de prendre le COVID-19 au sérieux.

14 mai 2020

Reuters rapporte que le gouvernement du Burundi a expulsé l'OMS :

Le Burundi expulse le chef national de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et trois membres de son équipe alors qu'il se prépare à une élection présidentielle qui se tiendra la semaine prochaine, malgré les inquiétudes concernant les risques sanitaires liés à la pandémie de coronavirus.

Le gouvernement a confirmé jeudi qu'une lettre du 12 mai du ministère des affaires étrangères avait été envoyée au chef de l'OMS, Walter Kazadi Mulombo, et à trois autres experts de la santé de l'organisme des Nations unies, leur ordonnant de quitter le pays d'ici vendredi. Bernard Ntahiraja, le ministre adjoint des affaires étrangères, a déclaré que les fonctionnaires avaient été déclarés "persona non grata" mais n'a pas donné de raisons.
[...]
Le Burundi a jusqu'à présent signalé relativement peu de cas de la maladie COVID-19 : 27 infections et un décès. Mais le nombre de tests reste très faible : le pays de 11 millions d'habitants n'a effectué que 527 tests, selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
[...]
De grandes foules se sont rassemblées pendant la campagne électorale au Burundi, qui n'a pas du tout mis en place de mesures de confinement, contrairement à de nombreux autres pays africains.
[...]
Certains Burundais disent en privé qu'ils pensent que les infections à COVID-19 sont plus élevées que ce qui est officiellement déclaré, mais ils disent qu'ils craignent de le dire publiquement car ils pourraient être ciblés et punis. Léonce Ngendakumana, candidat à la présidence pour le parti d'opposition FRODEBU, a qualifié cette expulsion de regrettable. "Le pays ne pourra pas à lui seul contenir la pandémie", a-t-il déclaré à Reuters.

10 juin 2020

Le Guardian rapporte la mort du président burundais Pierre Nkurunziza d'un "probable Covid19" [c'est nous qui soulignons] :

Le président sortant du Burundi est mort d'une maladie soudaine, soupçonnée par beaucoup d'être le Covid-19.

La cause de la mort de Pierre Nkurunziza a été décrite comme une crise cardiaque dans une déclaration du gouvernement. L'ancien président, âgé de 55 ans, devait démissionner en août après les élections du mois dernier.

La date exacte de sa mort n'a pas été précisée. Selon une déclaration du gouvernement, le président, un fervent amateur de sport, avait assisté à un match de volley-ball samedi dernier, mais il est tombé malade ce soir-là et a été transporté à l'hôpital.

La santé de l'ancien footballeur s'est améliorée le dimanche mais "étonnamment, le matin du lundi 8 juin 2020, sa santé s'est soudainement détériorée et il a eu une crise cardiaque". La déclaration décrit la mort de Nkurunziza comme "inattendue" et demande aux gens de rester calmes.

15 juin 2020

Le Financial Times publie un article intitulé “Coronavirus stalks Burundi’s political elite after president’s death”. ("Le Coronavirus traque l'élite politique du Burundi après la mort du président"). C'est derrière un paywall, mais voici une capture d'écran :

1er juillet 2020

Le Daily Monitor publie un article de l'AFP intitulé  “Burundi changes tack as president declares COVID-19 ‘biggest enemy'” ( "Le Burundi change de tactique alors que le président déclare le COVID-19 comme "le plus grand ennemi"") [c'est nous qui soulignons] :

Le nouveau président du Burundi, Evariste Ndayishimiye, a déclaré que le coronavirus était le "plus grand ennemi" du pays, dans un revirement majeur pour une nation qui a largement ignoré les dangers du virus.

L'ancien président Pierre Nkurunziza, qui est mort subitement le mois dernier, et même Ndayishimiye lui-même, avaient jusqu'à présent minimisé la gravité de la pandémie, en disant que Dieu avait épargné le Burundi de ses ravages. Le Burundi a mené une véritable campagne à la veille d'une élection en mai et, contrairement à ses voisins qui ont imposé des confinements et des couvre-feux, il a pris peu de mesures pour lutter contre la propagation du virus.

Officiellement, le pays n'a signalé que 170 cas et un décès en deux mois. Ndayishimiye s'est exprimé mardi en fin de journée après la prestation de serment de son nouveau gouvernement au Parlement. "A partir de demain (mercredi), je déclare la pandémie COVID-19 le plus grand ennemi des Burundais, car il est clair qu'elle devient leur plus grande préoccupation", a-t-il déclaré.

"Nous nous engageons fermement à lutter contre cette pandémie". Il a appelé au "strict respect des mesures préventives que le ministère de la santé va désormais afficher à travers le pays".

Il a rappelé aux citoyens que les tests de dépistage du coronavirus étaient gratuits, tout comme le traitement, avertissant ceux qui ne se sont pas fait tester lorsqu'ils ont eu des symptômes.

"Si à l'avenir quelqu'un ne va pas se faire tester dans un tel cas, cela signifie qu'il veut contaminer les autres volontairement... et il sera considéré comme un sorcier et traité aussi sévèrement qu'on le serait", a-t-il dit.

14 juillet 2020

A ce jour, Worldometers.info recense 1 seul décès et 269 "cas" de Covid19 pour le Burundi :

Il semble que le Covid19 soit une maladie d'une rare complexité. Non seulement il est capable de comprendre l'importance de certaines manifestations sociales et de les éviter complètement, mais il est aussi capable de sentir quand le leader mondial est gênant et de le faire sortir.
Nous remercions le commentateur Stinky, qui a rassemblé, recherché et envoyé ces liens, ainsi qu'Edwige et Mucho.

Traduction SLT

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