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L'Élysée, le plus grand symbole à Paris du passé esclavagiste de la France (France culture)

par Benoît Grossin 6 Août 2020, 04:36 Elysée Esclavage Colonialisme Histoire Négriers France Articles de Sam La Touch

Les jardins du palais de l'Elysée au milieu du XVIIIe siècle. Les jardins du palais de l'Elysée au milieu du XVIIIe siècle. • Crédits : De Agostini Editorial - Getty

Les jardins du palais de l'Elysée au milieu du XVIIIe siècle. Les jardins du palais de l'Elysée au milieu du XVIIIe siècle. • Crédits : De Agostini Editorial - Getty

Sans un négrier, Antoine Crozat, le palais de l'Élysée n’aurait pas été édifié en 1720, avant d'être occupé par la marquise de Pompadour, Napoléon et depuis plus d'un siècle maintenant par les présidents de la République. 

L’homme le plus riche de France au début du XVIIIe siècle, selon Saint-Simon, en a financé la construction pour le compte de son gendre, Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, dans le cadre d’une stratégie, en vue d'intégrer la haute société aristocratique. 

Antoine Crozat à la direction de la Compagnie de Guinée, l’une des plus importantes sociétés de commerce triangulaire, a bâti sa fortune en obtenant en 1701 le monopole de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles. 

Mais il n’est pas le seul grand acteur à l'époque. 

A Paris, le Club de l’hôtel de Massiac, société de colons de Saint-Domingue et des Petites Antilles défend ses intérêts dans un bâtiment qui a disparu comme beaucoup d’autres, depuis les travaux haussmanniens, depuis les transformations de la capitale en profondeur, à partir de 1853 sous le Second Empire. Bâtiment sur la place des Victoires remplacé par l'hôtel de L'Hospital. Alors que les stigmates de l'esclavage sont encore nombreux aujourd'hui dans l'urbanisme des anciens ports négriers, Bordeaux et Nantes, notamment

Reste le Palais de l'Élysée, mais aussi et dans une certaine mesure la Banque de France et la Caisse des dépôts.

L’ancien président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), Louis-Georges Tin, a demandé au chef de l’Etat Emmanuel Macron, le 13 juillet dernier dans Libération, le lancement d’une enquête pour mettre en lumière tous les liens entre l’esclavage colonial et les grandes institutions de la République. 

La Fondation pour la mémoire de l’esclavage, mise en place le 12 novembre 2019, doit travailler avec la ville de Paris à la création d’un monument et d’un lieu muséal dédiés. 

L’historien Marcel Dorigny, membre du comité scientifique de cette fondation, plaide pour un mémorial et milite pour des explications aux quatre coins de la capitale où le passé colonial et esclavagiste est omniprésent. 

Antoine Crozat, milliardaire sous Louis XIV et dont la fortune colossale construite grâce à la traite négrière a permis de financer l'hôtel d'Evreux, l'actuel palais de l'Elysée.

Antoine Crozat, milliardaire sous Louis XIV et dont la fortune colossale construite grâce à la traite négrière a permis de financer l'hôtel d'Evreux, l'actuel palais de l'Elysée. Crédits : Alexis Simon Belle / Musée national du château de Versailles

 

Le palais de l'Élysée s’est construit sur le dos d’esclaves

Le Toulousain Antoine Crozat, l’homme le plus riche de France au début du XVIIIe siècle, selon le courtisan et mémorialiste Saint-Simon, est un parvenu aux yeux de ses contemporains, un financier et négociant cupide, engagé dans toutes les affaires pouvant rapporter gros, à commencer par la traite négrière. 

C’est sur décision du roi Louis XIV que cet homme né roturier prend la direction de l’une des plus importantes sociétés du commerce triangulaire créée en 1684, la Compagnie de Guinée, avec pour mission d’acheminer du port de Nantes, le plus grand nombre possible d’esclaves noirs vers Saint-Domingue et de remplacer sur l’île, le tabac par le sucre. 

Le monopole qu’il obtient à partir de 1701 sur la fourniture d’esclaves aux colonies espagnoles, permet à Antoine Crozat d’amasser une fortune colossale. 

L’auteur d’une biographie intitulée Le Français qui possédait l’Amérique. La vie extraordinaire d’Antoine Crozat, Pierre Ménard, évalue sa fortune en 1715, à la mort de Louis XIV, à 20 millions de livres, soit près de 300 milliards d’euros !  

De quoi acheter des châteaux par dizaines, de posséder un hôtel particulier dans sa ville de Toulouse et d’en acquérir un autre, prestigieux, sur l’actuelle place Vendôme, à l’endroit où se trouve maintenant le Ritz. 

Quoique richissime, Antoine Crozat est maintenu à l'écart du système d'honneurs, moqué pour son inculture et sa vulgarité par la noblesse qui ne le fréquente que pour lui emprunter de l'argent. 

Henri-Louis de la Tour-d'Auvergne, le comte d'Evreux premier propriétaire jusqu’en 1753 de l'Elysée, occupé ensuite par la marquise de Pompadour, Napoléon et les présidents de la république.
Henri-Louis de la Tour-d'Auvergne, le comte d'Evreux premier propriétaire jusqu’en 1753 de l'Elysée, occupé ensuite par la marquise de Pompadour, Napoléon et les présidents de la république. Crédits : Hyacinthe Rigaud / Bibliothèque nationale de France

Et c'est grâce à sa fortune bâtie sur la traite négrière qu'il s'ouvre les portes de l’aristocratie, en mariant sa fille - alors qu'elle n'a que 12 ans - à Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, le comte d’Evreux. 

Ce membre de la haute noblesse française, gouverneur de l'Île-de-France, profite de son beau-père en bénéficiant d'une dot de 2 000 000 de livres pour se faire construire un hôtel particulier, l’hôtel d’Évreux, qui prendra le nom d'hôtel de l'Élysée à la toute fin de l’Ancien Régime...

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