The Lobby - USA. Le film d'Al Jazeera que le lobby israélien ne voulait pas que vous visualisiez. Censuré par le Qatar (Vidéos)

Un documentaire interdit sur le lobby pro-israélien aux États-Unis
Orient XXI, novembre 2018

Le Monde diplomatique a publié au mois de septembre un article à propos d’une enquête réalisée par la chaîne Al-Jazira, propriété du Qatar, sur l’action du lobby pro-israélien aux États-Unis. Orient XXI en a publié les versions arabe et anglaise. Ce documentaire, réalisé notamment grâce à un journaliste infiltré, devait être diffusé au début de l’année 2018. Il ne l’a finalement pas été, suite à un accord entre le gouvernement du Qatar et une partie du lobby pro-israélien qui a, en échange, accepté d’adopter une attitude neutre dans le conflit entre l’Arabie saoudite et le petit émirat. Ayant eu accès au documentaire, Le Monde diplomatique et Orient XXI en avaient divulgué les éléments essentiels.

Orient XXI a décidé, avec Electronic Intifada aux États-Unis et Al-Akhbar au Liban, de rendre public ce documentaire. Il y va du droit à l’information. Car cette enquête, après celle réalisée par la même chaîne sur le lobby au Royaume-Uni, pose des questions de fond : dans une démocratie, a-t-on le droit d’espionner les citoyens sur la base de leurs convictions ? Est-il normal que le gouvernement israélien participe et orchestre ces campagnes sur le sol de pays dits « alliés » ?

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Watch the film the Israel lobby didn’t want you to see
The Electronic Intifada, 2 novembre 2018


Electronic Intifada a obtenu une copie complète de The Lobby - USA, une enquête secrète en quatre parties menée par Al Jazeera sur la campagne d'influence secrète d'Israël aux États-Unis.

Elle publie aujourd'hui les deux premiers épisodes. Le journal Orient XXI, basé à Paris, a publié les mêmes épisodes avec des sous-titres français.

Le film a été réalisé par Al Jazeera en 2016 et s'est achevé en octobre 2017.

Mais il a été censuré après que le Qatar, l'émirat du Golfe riche en gaz qui finance Al Jazeera, ait subi d'intenses pressions du lobby israélien pour ne pas diffuser le film.

Bien que le directeur général d'Al Jazeera ait affirmé le mois dernier que le film posait des problèmes juridiques, ses affirmations ont été carrément contredites par ses propres journalistes.

En mars, Electronic Intifada a été le premier à rendre compte du contenu spécifique du film. Nous avons suivi en août en publiant le premier extrait du film, et peu après, Max Blumenthal du projet Grayzone en a publié d'autres.

Depuis lors, Electronic Intifada a publié trois autres extraits, et plusieurs autres journalistes ont regardé le film en entier et écrit à son sujet - dont Alain Gresh et Antony Loewenstein.

Aujourd'hui, The Electronic Intifada peut révéler pour la première fois qu'elle a obtenu les quatre parties du film.

Vous pouvez regarder les quatre parties dans les vidéos ci-dessous.

The Lobby - USA, episode 1

Afin d'obtenir un accès sans précédent aux rouages du lobby israélien, le journaliste infiltré "Tony" s'est fait passer pour un volontaire pro-israélien à Washington.

Le film qui en résulte expose les efforts d'Israël et de ses lobbyistes pour espionner, diffamer et intimider les citoyens étatsuniens qui soutiennent les droits de l'homme des Palestiniens, en particulier le BDS - le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions.

Il montre que l'agence gouvernementale semi-couverte d'Israël, le ministère des affaires stratégiques, mène cette action secrète en collusion avec un vaste réseau d'organisations basées aux États-Unis.

Il s'agit notamment d'Israel Campus Coalition ("Coalition "Israël sur les campus"), du Projet Israël et de la Fondation pour la défense des démocraties (Foundation for Defense of Democracies)

The Lobby - USA, episode 2

Censuré par le Qatar

Le film a été supprimé après que le gouvernement du Qatar ait subi d'intenses pressions pour ne pas le diffuser - ironiquement de la part du même lobby dont le film expose l'influence et les pitreries.

Clayton Swisher, le chef des enquêtes d'Al Jazeera, a révélé dans un article paru dans The Forward en mars qu'Al Jazeera avait envoyé plus de 70 lettres à des personnes et des organisations qui apparaissent ou sont évoquées dans le film, leur donnant ainsi la possibilité de répondre.

Seules trois d'entre elles l'ont fait. Les groupes pro-israéliens se sont plutôt efforcés de supprimer le film qui expose les activités du lobby.

En avril, la direction d'Al Jazeera a été contrainte de rejeter une demande de l'Organisation sioniste étatusnienne d'extrême droite qui affirmait que le film avait été totalement annulé.

En juin, Electronic Intifada a appris qu'une source de haut niveau à Doha avait déclaré que le retard indéfini du film était dû à des préoccupations de "sécurité nationale" du gouvernement qatari.

Action secrète

Comme l'a révélé une vidéo publiée par The Electronic Intifada en début de semaine, le film montre Julia Reifkind - alors employée de l'ambassade d'Israël - décrivant sa journée de travail typique comme "principalement à recueillir des informations, à faire des rapports à Israël ... à faire des rapports au ministère des Affaires étrangères, au ministère des Affaires stratégiques".

Elle parle du gouvernement israélien qui "apporte son soutien" aux groupes de façade "dans les coulisses".

Reifkind admet également avoir utilisé de faux profils Facebook pour infiltrer les cercles des activistes de la solidarité avec la Palestine sur le campus.

Le film révèle également que les groupes basés aux États-Unis coordonnent leurs efforts directement avec le gouvernement israélien, en particulier son ministère des affaires stratégiques.

Dirigé par un ancien officier du renseignement militaire, le ministère est en charge de la campagne mondiale de sabotage clandestin d'Israël visant le mouvement BDS.

Le film montre des images du même ancien officier de renseignement militaire, Sima Vaknin-Gil, qui prétend avoir dressé la carte de l'activisme des droits des Palestiniens "au niveau mondial". Pas seulement les États-Unis, pas seulement les campus, mais les campus et l'intersectionnalité et les syndicats et les églises".

Elle promet d'utiliser ces données pour des "activités offensives" contre les activistes palestiniens.

Jacob Baime, directeur exécutif de la Coalition "Israël sur les campus", affirme dans les images d'infiltration que son organisation utilise "un logiciel d'intelligence des médias sociaux au niveau de l'entreprise" pour rassembler des listes d'événements étudiants liés à la Palestine sur le campus, "généralement dans les 30 secondes ou moins" après leur mise en ligne.

Baime admet également devant une caméra cachée que son groupe "coordonne" avec le ministère israélien des affaires stratégiques.

Baime déclare que ses chercheurs "émettent des alertes d'alerte précoce à nos partenaires" - y compris les ministères israéliens.

Le collègue de Baime, Ian Hersh, admet dans le film avoir ajouté le "ministère israélien des affaires stratégiques à notre dossier d'opérations et de renseignements".

The Lobby - USA, episode 4

"Guerre psychologique

Baime décrit comment son groupe a utilisé des sites web anonymes pour cibler des militants.

"Avec les personnes anti-Israël, ce qui est le plus efficace, ce que nous avons trouvé au moins l'année dernière, c'est de faire des recherches sur l'opposition, de mettre en place un site web anonyme, puis de mettre en place des publicités Facebook ciblées", explique Baime dans la troisième partie du film.

"Canary Mission est un bon exemple", dit-il. "C'est de la guerre psychologique".

Le film désigne pour la première fois le fraudeur Adam Milstein comme le bailleur de fonds multimillionnaire et le cerveau de Canary Mission - un site de diffamation anonyme ciblant les étudiants activistes.

Electronic Intifada l'a révélé dans une vidéo en août.

Eric Gallagher, alors directeur de la collecte de fonds pour The Israel Project, est vu dans la vidéo d'infiltration admettant que "Adam Milstein, c'est le type qui finance" Canary Mission.

Milstein finance également The Israel Project, déclare Gallagher.

Gallagher dit que lorsqu'il travaillait pour l'AIPAC, le plus puissant groupe de pression israélien à Washington, "j'envoyais et recevais littéralement des e-mails avec [Adam Milstein] pendant qu'il était en prison".

Bien qu'il n'ait pas répondu à la demande de commentaires d'Al Jazeera, Milstein a nié que lui et sa fondation familiale "soient des bailleurs de fonds de Canary Mission ("La Mission des Canaries") le jour même où The Electronic Intifada a publié la vidéo.

Depuis lors, Josh Nathan-Kazis de The Forward a identifié plusieurs autres groupes aux États-Unis qui financent Canary Mission.

Film supprimé

En mars, Electronic Intifada a publié les premiers détails de ce que contient le film.

Nous avons rapporté qu'il montrait Sima Vaknin-Gil prétendant que le principal groupe de réflexion néoconservateur, la Fondation pour la défense des démocraties, travaillait pour son ministère.

Les images d'infiltration montrent Vaknin-Gil affirmant que "Nous avons la FDD. Nous en avons d'autres qui travaillent sur des projets tels que la collecte de données, l'analyse d'informations, le travail sur les organisations militantes, la recherche d'argent. C'est quelque chose que seul un pays, avec ses ressources, peut faire le mieux".

Comme indiqué dans la première partie du documentaire, l'existence du film et l'identité du journaliste infiltré ont été révélées après que des images qu'il avait tournées pour ce film aient été utilisées dans le film d'Al Jazeera The Lobby - sur la campagne d'influence secrète d'Israël au Royaume-Uni - diffusé début 2017.

Depuis lors, les lobbyistes israéliens ont exercé de fortes pressions sur le Qatar pour empêcher la diffusion du film étatsunien.

"Agent étranger"

Clayton Swisher, le chef des enquêtes d'Al Jazeera, a confirmé pour la première fois en octobre 2017 que le réseau avait dirigé un journaliste sous couverture dans le lobby étatsunien d'Israël en même temps qu'au Royaume-Uni.

Swisher avait promis que le film sortirait "très bientôt", mais il n'est jamais sorti.

De multiples sources du lobby israélien ont déclaré au journal israélien Haaretz en février qu'elles avaient reçu l'assurance des dirigeants qataries à la fin de l'année dernière que le documentaire ne serait pas diffusé.

Le Qatar l'a nié, mais le journal a maintenu son histoire.

L'article de Swisher dans The Forward était son premier commentaire public sur la question depuis qu'il avait annoncé le documentaire.

Il y réfute les allégations du lobby israélien concernant le film et exprime sa frustration qu'Al Jazeera ne l'ait pas diffusé, apparemment en raison de pressions extérieures.

Plusieurs législateurs pro-israéliens à Washington ont accentué la pression en poussant le ministère de la justice à forcer Al Jazeera à s'enregistrer comme "agent étranger" en vertu d'une loi sur le contre-espionnage datant des années 1930.

Le lobby israélien se rend à Doha

Pendant que le film était retardé, une vague de personnalités pro-Israël s'est rendue au Qatar à l'invitation de son dirigeant, l'émir Tamim bin Hamad Al Thani.

Parmi elles, on trouve certaines des figures les plus droites et les plus extrémistes parmi les défenseurs d'Israël aux États-Unis, comme le professeur de droit Alan Dershowitz de Harvard et Morton Klein, le chef de l'Organisation sioniste des États-Unis.

Swisher a écrit dans The Forward qu'il a rencontré Dershowitz dans un restaurant de Doha lors d'une de ces visites, et a invité le professeur à une projection privée du film.

"Je n'ai aucun problème avec le tournage secret", dit Swisher, que Dershowitz lui a dit après coup. "Et je peux même voir cela diffusé sur PBS" - le diffuseur public étatsunien.

Pourtant, il semble que les efforts du lobby israélien pour étouffer le film aient été couronnés de succès - jusqu'à présent.

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