Comment les grandes entreprises et Bill Gates ont pris le contrôle du sommet alimentaire de l'ONU
Article originel : How big corporations and Bill Gates took over the UN food Summit
Par Nils McCune et Camila Escalante
The Gray Zone, 23 septembre 2021
Les grandes entreprises et la Fondation Bill & Melinda Gates ont pris le contrôle du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, abandonnant les petits agriculteurs au profit des grandes entreprises agricoles, mettant ainsi en danger la souveraineté alimentaire.
How big corporations and Bill Gates took over the UN food Summit
Ce 23 septembre, les Nations Unies organisent leur Sommet sur les systèmes alimentaires à New York.
Sous le couvert du système de l'ONU, et malgré le langage de passe-passe sur "l'égalité des chances", ce sommet représente une prise de contrôle hostile de la gouvernance mondiale par les forces corporatives et l'élite milliardaire.
Aujourd'hui, les mouvements sociaux se dressent pour la démocratie et contre la dévastation de leurs terres, de leurs fermes et de leurs communautés par le grand capital.
Les Nations unies sont fondées sur l'idée du multilatéralisme, où les États recherchent des solutions pacifiques sur la base de l'égalité et du respect, en remplacement des institutions colonialistes qui les ont précédées.
C'est pourquoi, pendant des décennies, le gouvernement des États-Unis a plutôt poussé pour des choses comme le G-7, l'OTAN, et d'autres formes de contrôle sur la géopolitique.
Alors que les gouvernements d'extrême droite se sont retirés des institutions multilatérales comme l'ONU et l'OMS, les entreprises ont pris le relais.
Le Forum économique mondial et son président, Klaus Schwab, ont silencieusement fait avancer l'"Agenda de Davos", aujourd'hui reconditionné sous le nom de "Grande Réinitialisation", une vaste proposition remplaçant les institutions multilatérales traditionnelles par des organismes secrets, non responsables, dirigés par les entreprises et l'élite fortunée.
Leur modèle de "capitalisme multipartite" repose sur l'idée que les institutions publiques sont, par nature, inefficaces.
Pendant la thérapie de choc néolibérale des années 1990, le Forum économique mondial a défendu l'idée que les entreprises étaient plus que de simples véhicules de recherche de profit, qu'elles pouvaient être socialement responsables.
Aujourd'hui, Davos affirme que les sociétés transnationales sont des acteurs sociaux, qui doivent être inclus pour que la prise de décision soit réellement démocratique.
Ce faisant, Davos a détourné les acquis de décennies de travail des mouvements populaires pour ouvrir la gouvernance mondiale aux demandes de la société civile - et l'a fait en utilisant la langue de bois des entreprises pour renforcer le pouvoir des élites.
La philanthropie de la canonnière
La Vía Campesina est probablement le plus grand mouvement social du monde. Constitué de 200 millions de petits agriculteurs, de paysans, de travailleurs agricoles et de peuples indigènes, il a popularisé l'idée de souveraineté alimentaire comme étant le droit des peuples à contrôler et à défendre leurs propres systèmes alimentaires en utilisant des méthodes saines et agro-écologiques.
Après des années de lutte contre les accords de libre-échange et la Banque mondiale dans les rues de Seattle, Cancun et Séoul, La Via Campesina a fait une incursion dans la politique institutionnelle, en aidant à rédiger et à porter la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans pendant 18 ans de négociations, jusqu'à son adoption par l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 2018.
Cette déclaration protège le droit des populations rurales à accéder à la terre, à l'eau, aux semences et à d'autres ressources afin de produire leur propre nourriture et celle de leur société.
Dans le monde, 70 % des aliments sont produits par des petits agriculteurs, qui n'utilisent qu'un quart des terres agricoles totales.
Entre-temps, la Fondation Bill et Melinda Gates a créé l'Alliance pour une révolution verte en Afrique, ou AGRA, en 2006.
L'AGRA promettait de doubler les rendements et les revenus de 30 millions de familles tout en réduisant de moitié l'insécurité alimentaire dans 13 pays africains d'ici 2020.
Au cours de la décennie qui a suivi, l'AGRA a collecté près d'un milliard de dollars de dons et dépensé 524 millions de dollars pour des programmes promouvant l'utilisation de semences hybrides et génétiquement modifiées, d'engrais commerciaux à base de combustibles fossiles et de pesticides chimiques.
En tant que formidable lobby d'entreprises, l'AGRA a poussé les gouvernements africains à verser un milliard de dollars supplémentaires par an pour subventionner des produits agrochimiques et des semences importées provenant de sociétés agroalimentaires étatsuniennes et européennes, ainsi que des politiques visant à privatiser les terres communales et à réduire les impôts des entreprises.
Après 14 ans de méga-philanthropie sur le cou de l'Afrique, une étude de l'Université Tufts de 2020 a montré que, dans les 13 pays ciblés par l'AGRA, la faim avait augmenté de 30 %, les agriculteurs ayant été poussés à abandonner les polycultures traditionnelles nutritives pour se concentrer sur des champs de monoculture de semences de maïs importées.
Traduction SLT
***
Pour toute question ou remarque merci de nous contacter à l'adresse mail suivante : samlatouch@protonmail.com.
Pour savoir pourquoi nous avons dû changer d'e-mail : cliquez ici.
----