En une quinzaine d’années, l’endettement extérieur de l’Afrique subsaharienne a presque triplé. Les signaux d’alerte se multiplient, une nouvelle crise de la dette menace. Le risque est d’autant plus élevé qu’une part importante de ces créances est aujourd’hui entre les mains d’investisseurs privés peu scrupuleux, et notamment de plusieurs banques françaises.
Chaque jour, des milliards de dollars d’obligations souveraines – des titres de dettes émis par les États – s’achètent et se vendent sur les marchés. Les gouvernements se financent ainsi auprès des banques, des fonds d’investissement, des fonds de pension ou des compagnies d’assurance. Si la dette africaine a longtemps échappé à cette financiarisation, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sur la dernière décennie, un grand nombre de gouvernements africains ont, à leur tour, multiplié les crédits bancaires et les emprunts obligataires. Cette dette croissante et le poids toujours plus important des acteurs financiers inquiètent aujourd’hui les organisations de la société civile, qui en dénoncent le coût très élevé pour les pays emprunteurs. Les analystes du Fonds monétaire international (FMI) s’en alarment également, alors qu’en 2020 « 17 pays [africains] connaissaient une situation de surendettement ou présentaient un risque élevé de surendettement »1.
La crise menace, mais l’opacité règne toujours. Les crédits bancaires se négocient discrètement tandis que les titres de dettes sont dispersés entre les mains de centaines d’investisseurs. Dans ces conditions, difficile pour les simples citoyens d’identifier les véritables créanciers de leurs États. Un récent rapport sur la dette des pays les plus pauvres, publié par Oxfam France et la Plateforme française Dette & Développement (étude à laquelle l’auteur de cet article a contribué), tente de mettre quelques noms derrière le terme « créanciers privés ».
Les auteurs de l’étude ont travaillé à partir de bases de données privées2 portant sur des dizaines de milliers de déclarations d’opérations (prêts bancaires, émissions obligataires, achats de titres de dettes, etc.), dont plus de 2 700 concernent des acteurs financiers français. Le recensement n’est pas exhaustif, loin s’en faut, mais il apporte un grand nombre d’informations inédites sur les détenteurs des créances et sur les pratiques des opérateurs privés. Le rapport montre ainsi que les grands noms de la finance internationale – BlackRock, JPMorgan Chase, Citigroup ou Standard Chartered – sont devenus en quelques années des acteurs majeurs de l’endettement africain. « Mais ce terrain est loin d’être une chasse gardée des fonds d’investissement anglo-saxons, explique Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de plaidoyer au sein d’Oxfam France. Les grandes banques françaises y sont également très actives, aussi bien dans le crédit que dans les services d’émissions obligataires, ou comme détenteurs de titres de dette »...
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