Le mandat vaccinal frappe Macron... dans les Caraïbes
Article originel : Vaccine mandates hit Macron… in the Caribbean
Par John Lichfield
Unherd, 26.04.22
La colère contre les restrictions de la Covid de l'année dernière a stimulé le soutien à Marine Le Pen.
Le soleil ne se couche jamais sur la France. L'élection présidentielle de dimanche dernier s'est déroulée dans 12 fuseaux horaires différents, du Pacifique à l'océan Indien, des Caraïbes à l'Hexagone lui-même. Et si le scrutin national avait reflété le vote dans les fragments de l'ancien Empire - qui font constitutionnellement partie de la France - le résultat aurait été très différent.
La Martinique dans les Caraïbes (population : 355 000 habitants) a voté à 61% pour Marine Le Pen. Sa voisine, la Guadeloupe (375 000 habitants), a voté à 69 % pour Marine Le Pen. Le score en Guyane (294 000 habitants), qui jouxte le Brésil, a été de 60,7 % pour la candidate d'extrême droite. Même Saint-Pierre-et-Miquelon, minuscule île de l'Atlantique Nord au large de Terre-Neuve (6 008 habitants), a voté de justesse pour Le Pen. Elle a obtenu un score de 41,5 % dans l'ensemble de la France.
La population des Antilles françaises est à 90% d'origine africaine. Pourquoi ont-ils apporté un soutien aussi massif à une femme accusée en "métropole" d'être le porte-drapeau de l'intolérance "raciale" ? La réponse : c'est compliqué.
Il s'agissait en partie d'un vote anti-Macron, anti-Paris et anti-vaccination. Des semaines d'émeutes ont eu lieu en Guadeloupe et, dans une moindre mesure, en Martinique, l'année dernière, lorsque le gouvernement Macron a imposé aux Antilles, résistantes aux vaccins, les mêmes règles de vaccination que dans l'ensemble de la France.
Ce n'est toutefois pas l'explication complète. La campagne de Mme Le Pen, qui s'est concentrée sur les prix élevés et les bas salaires plutôt que sur la "race" ou la religion, a touché une corde sensible dans les îles où la pauvreté et le chômage sont beaucoup plus élevés que la moyenne nationale française. Au premier tour des élections présidentielles, les départements des Antilles françaises ont en fait voté massivement pour le candidat de la gauche dure, Jean-Luc Mélenchon.
En France métropolitaine, le vote Mélenchon a transféré environ 40 % à Macron dimanche dernier et seulement 15 % à Le Pen (le reste s'est abstenu). Dans les Antilles françaises, le vote de la gauche dure est passé en bloc à l'extrême droite. Justin Daniel, professeur de politique à l'Université des Antilles, explique que Macron est devenu la cible d'un "fouillis de mécontentements" - en partie à cause de sa politique de vaccination, en partie simplement parce qu'il représentait "Le Pouvoir".
Le vote élevé pour Le Pen reflète une relation d'amour-haine, de dépendance-rejet entre la France métropolitaine et tous ses "départements" et "territoires" d'outre-mer. Sur le plan économique, les Antilles françaises sont dépendantes des transferts de la France métropolitaine et du tourisme français. Son PIB par habitant est beaucoup plus élevé que celui de la plupart des nations insulaires indépendantes voisines, comme la Jamaïque, mais il est inférieur d'un tiers à celui de la France dans son ensemble. La richesse dans les Caraïbes françaises est également répartie de manière plus inégale qu'en France européenne. Un tiers des Guadeloupéens vivent sous le seuil de pauvreté.
Mais le vote pro-Le Pen aux Antilles s'évaporerait probablement si elle devenait un jour présidente. En 2017, c'est l'arriviste Macron qui a accumulé des victoires de 60 à 70 % aux Antilles. Les Antillais français qui vivent en métropole secouent la tête devant le vote du dimanche "au pays", avec amusement et exaspération. Ils soulignent qu'ils sont souvent grossièrement traités comme des "migrants" par le type d'électeurs de la "France d'abord" qui sont attirés par Le Pen.
Une sorte de statut plus distinct pour les Antilles françaises pourrait tout de même devenir nécessaire. Il est frappant de constater que même les régions françaises les plus éloignées du Pacifique, qui ont un peu plus d'autonomie, ont voté massivement pour Emmanuel Macron. Il a remporté 61,04 % des voix en Nouvelle-Calédonie, 51,8 % en Polynésie française et 67,4 % à Wallis-et-Futuna.
Et il y a des mouvements indépendantistes dans tous les départements français des Caraïbes. Mais les îles (et la Guyane) sont tellement dépendantes de la France sur le plan économique que le sentiment anti-français s'exprime par des spasmes de mécontentement comme celui-ci, plutôt que par une révolution.
Traduction SLT