L’« Eurafrique » : quand le projet européen soutenait des ambitions coloniales
Mediapart, 25.06.22
Les Suédois Peo Hansen et Stefan Jonsson mettent au jour l’origine coloniale de l’Union européenne, dans un essai centré sur le concept méconnu d’Eurafrique. Cette notion controversée connut une gloire éphémère jusqu’à la conclusion du traité de Rome en 1957 avant d’être effacée des mémoires.
La deuxième saison de la série Parlement, en ligne depuis mai, s’ouvre sur une carte du Congo belge, accrochée au mur d’un eurodéputé dans son bureau strasbourgeois, dont on imagine volontiers les convictions politiques surannées. Ce plan furtif n’est pas sans faire écho au projet de l’essai de deux universitaires suédois que viennent de publier les éditions La Découverte : réécrire l’histoire glorieuse des débuts de l’intégration européenne, en y incorporant le legs toxique du colonialisme.
Peo Hansen et Stefan Jonsson mènent cette entreprise en se penchant sur un concept qui connut un succès éphémère, en particulier sous la IVe république en France (1946-1958), mais aussi dans d’autres pays voisins, celui d’« Eurafrique ». Preuve de l’impact de ce concept évanoui, cette une du Monde du 21 février 1957, en pleines négociations pour le traité de Rome : « Première étape vers l’Eurafrique ».
Les auteurs affirment ici que « l’Eurafrique a rendu possible le processus d’intégration européenne et constitue de ce fait un pan occulté de l’histoire de l’Union », persuadés que « l’UE n’aurait pas vu le jour à ce moment de l’histoire si elle n’avait pas été conçue comme une entreprise permettant d’européaniser le colonialisme »....