Paris aux petits soins des régimes autoritaires. M. Macron trébuche au Cameroun
Par Anne-Cécile Robert
Monde Diplomatique, septembre 2022
Destiné à contrer l’influence croissante de la Russie en Afrique, le voyage-éclair du président Emmanuel Macron au Cameroun, fin juillet dernier, a surtout souligné la proximité de la France avec les dirigeants les moins fréquentables du continent. Cet impair trahit la fébrilité de Paris, qui doit surmonter ses revers diplomatiques et reconquérir des parts de marché face à la Chine.
Du séjour du président Emmanuel Macron en Afrique — Cameroun, Bénin, Guinée-Bissau, du 25 au 28 juillet derniers — on retiendra surtout la conférence de presse accordée avec son homologue Paul Biya à Yaoundé le 26. Stupéfiantes quand on connaît l’obsession du chef de l’État français pour la communication, les images de ce numéro de duettistes suranné ont suscité l’incompréhension et la colère sur le continent et dans ses diasporas. Devant les caméras, M. Macron est — toute honte bue — demeuré stoïque lorsque le président camerounais esquiva la question gênante d’un journaliste sur son éventuelle candidature à un énième mandat en 2024. Comble du malaise : le chef de l’État français répéta lui-même l’interrogation adressée à l’autocrate, qui, un peu sourd et très marqué par l’âge, ne l’avait pas entendue.
Au pouvoir depuis quarante ans, réélu grâce à des scrutins aussi contestés que contestables à la tête d’un des États les plus corrompus du monde. régulièrement mis en cause pour les exactions de sa police et de son armée (notamment dans les zones anglophones du pays), M. Biya gouverne le pavillon témoin de ce que fut — et reste encore parfois — la « Françafrique » : un pays superficiellement indépendant, une économie sous tutelle du franc CFA qui fait la part belle aux intérêts français, un régime autoritaire livré à lui-même sous le regard indulgent de Paris, etc.. Sur sa page Facebook, le 28 juillet, l’écrivain camerounais Eugène Ebodé dénonce le cadeau fait au régime : « La France est venue à [lui], avalant tous ses chapeaux moralisateurs : droits de l’homme, État de droit, gouvernance, crise anglophone… Emmanuel Macron, qui prétendait donner des leçons à Paul Biya, s’est incliné devant lui. »
Comment expliquer un tel désastre communicationnel, que le passage, quelques heures après, à Cotonou puis à Bissau n’a pas effacé ? La diplomatie française est inquiète et irritée. En quelques années, les coups de boutoir portés aux intérêts hexagonaux et les signes d’une perte sensible d’influence se sont accumulés. La...