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Qui est vraiment derrière le coup d'État au Burkina Faso ? (The GrayZone)

par TJ Cole 29 Novembre 2022, 21:39 Burkina Faso Traoré Damiba Etatsunafrique Russafrique Africom Françafrique Néocolonialisme USA France Russie Libye Terrorisme Collaboration Mali Articles de Sam La Touch

Qui est vraiment derrière le coup d'État au Burkina Faso ?
Article originel : Who’s really behind Burkina Faso’s coup?
Par TJ Cole*
The GrayZone, 8.11.22

Qui est vraiment derrière le coup d'État au Burkina Faso ? (The GrayZone)

Les médias occidentaux font une fixation sur les partisans du coup d'État qui agitent des drapeaux russes dans la capitale du Burkina Faso, tout en négligeant la longue histoire du contrôle étatsunien et français sur le pays - et ses conséquences déstabilisantes.
 

Le Burkina Faso, pays enclavé, s'est révélé être un atout diplomatique et de renseignement précieux pour la domination étatsunienne du continent africain. Au cours des dix dernières années, le Commandement pour l'Afrique (AFRICOM), dirigé par les États-Unis, a renforcé la capacité militaire du pays pour aider les opérations régionales américaines.

Le 30 septembre 2022, un nouveau coup d'État militaire a renversé le gouvernement du Burkina Faso. Des manifestants ont encerclé et vandalisé l'ambassade de France dans la capitale, Ouagadougou. La colère des manifestants était centrée sur les Français, et derrière eux, leurs alliés étatsuniens, pour leur incapacité à mettre fin à une vague incessante d'attaques militantes islamistes dans le pays.

Les deux pays avaient envoyé du personnel militaire pour former l'armée burkinabé, mais les attaques extrémistes continuaient à se multiplier. L'assaut islamiste a commencé dans le pays en 2016 à la suite de la guerre de changement de régime menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Libye, qui a finalement déstabilisé le pays voisin du Mali, permettant à Boko Haram, allié à Al-Qaïda, de s'emparer de tranches de territoire avec des armes pillées dans les dépôts militaires libyens.
 

Au Burkina Faso, les médias occidentaux se sont concentrés sur un petit nombre de manifestants agitant des drapeaux russes dans les rues après le coup d'État, suggérant que Moscou pourrait être responsable du renversement du gouvernement. Le putsch a conduit à la prestation de serment du capitaine Ibrahim Traoré en tant que président, ou président par intérim, selon le rapport que vous lisez. Mais, comme nous allons le voir, c'est l'Occident qui a la plus longue histoire d'ingérence dans le pays.

Au cours de la dernière décennie, le Burkina Faso, qui se trouve en Afrique de l'Ouest et est entouré de pays stratégiquement importants, a subi de multiples coups d'État. Bon nombre des militaires qui ont déposé les gouvernements civils, et même les uns les autres, ont été formés par le Pentagone. Mais pourquoi Washington souhaite-t-il dominer un si petit pays ?

Du colonialisme français au néocolonialisme étatsunien

À la fin des années 1880, les Français se sont battus pour le contrôle de certaines parties de l'empire du Wassoulou, y compris un territoire enclavé qu'ils ont ensuite rebaptisé République de Haute-Volta. Dans les années 1950, la Central Intelligence Agency des États-Unis a surveillé les explorations géologiques françaises, notant d'importants gisements de cuivre, d'or et de manganèse.

Après l'indépendance de la France en 1960, l'État s'appelle l'Union démocratique voltaïque. Le président Maurice Yaméogo accuse l'armée française d'entraîner ses opposants. Les oreilles de la CIA se sont dressées lorsque le chef d'état-major Sangoulé Lamizana a pris le pouvoir en 1966 pour écraser une grève générale déclenchée par les réductions des dépenses publiques de Yaméogo. La CIA a déclaré : "L'orientation pro-occidentale de la Haute-Volta ne sera probablement pas affectée."

Au début des années 70, Lamizana était toujours au pouvoir et avait reçu des fonds des États-Unis. Le cœur de l'administration Nixon saignait pour les malvoyants du pays : "La cécité des rivières... est endémique... En conséquence, de grandes étendues de terres fertiles dans la zone de la savane... ne peuvent être ouvertes au développement."

En 1980, le colonel Saye Zerbo prend le pouvoir. Qualifié de "modéré" par la CIA, il est renversé deux ans plus tard par le Dr Jean-Baptiste Ouédraogo, à propos duquel la CIA fait peu de commentaires.
 

En 1983, le capitaine Thomas Sankara, surnommé le "Che Guevara de l'Afrique" par ses partisans, prend le pouvoir. Il impose un programme d'éducation de masse, de droits des femmes, de localisme et de développement des infrastructures. Il rebaptise le pays Burkina Faso, ou Pays des Hommes Véritables. Mais Sankara conserve des liens économiques avec Paris. La CIA craint que Sankara ne soit trop faible pour empêcher ce qu'elle appelle "l'extrême gauche" de prendre le pouvoir et de s'allier à l'Union soviétique.

Sankara est renversé et assassiné en 1987. Blaise Compaoré, l'ancien ami et agent des services secrets français et étatsuniens qui l'a trahi et tué, a pris le pouvoir jusqu'en 2014.
 

À partir de ce moment-là, le bilan de la CIA s'assèche. En 1995, le New York Times a exprimé l'intérêt de Washington pour le Burkina Faso, décrivant Compaoré comme un intermédiaire diplomatique prolifique qui avait "transformé son pays enclavé ... en une puissance diplomatique improbable", accueillant des islamistes algériens en exil pour le compte de la France et servant de médiateur entre les parties opposées dans la guerre civile au Togo.



La "guerre contre le terrorisme" de l'AFRICOM arrive au Burkina Faso

Sous la présidence de George W. Bush, le Burkina Faso a été retiré de la liste des pays interdits, ce qui a permis à l'aide militaire étatsunienne d'arriver dans le pays. Quatre ans plus tard, le Commandement étatusnien pour l'Afrique (AFRICOM) a signé un accord bilatéral de coopération militaire.

En soutenant le rôle militaire croissant du Burkina Faso au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et en accueillant les exercices annuels Operation Flintlock en 2010, l'AFRICOM a formé les forces armées du petit pays.

En 2012, les forces d'opérations spéciales étatsuniennes auraient mis en place de petites bases au Burkina Faso, conçues pour soutenir les vols de reconnaissance et les opérations dites de contre-terrorisme contre les islamistes opérant dans les pays et régions voisins, comme le Mali, la Mauritanie et le Sahara. Sous le nom de code Creek Sand, ces opérations sont une aubaine pour les mercenaires étatsuniens, comme Derek Stansberry, qui a été arrêté en 2010 avec de la dynamite et déclaré non coupable. Les informations régionales alimentent un centre de fusion, connu sous le nom d'Aztec Archer.
 

Suite à des protestations, le président Compaoré a finalement démissionné en 2014. À l'époque, les militaires ont pris le pouvoir sous la direction du lieutenant-colonel Isaac Zida, ancien commandant adjoint de la garde présidentielle. Zida avait été formé à la base aérienne MacDill, en Floride, dans le cadre de cours dispensés par la Joint Special Operations University du Pentagone. En 2015, le chef des services de renseignement, le général Gilbert Diendéré, qui avait été formé par les États-Unis dans le cadre du programme Flintlock, dans le cadre de leur prétendue guerre contre le terrorisme, a mené un coup d'État qui a finalement échoué.

Le Burkina Faso a commencé à connaître une vague d'attaques de militants islamistes un an plus tard. L'infiltration extrémiste a été un effet de ricochet de l'interventionnisme des États-Unis et de l'OTAN dans la région. Comme l'a reconnu Stephanie Savell, codirectrice du projet Cost of War de l'université Brown, "la violence [au Burkina Faso] a débordé du Mali voisin dans le sillage de la révolution de 2011 en Libye, soutenue par les États-Unis et l'OTAN, qui a renversé le dictateur libyen de longue date Mouammar Kadhafi et contribué à la déstabilisation politique du Mali en 2012."

Au milieu des coups d'État et des attaques islamistes, les États-Unis forment l'armée du Burkina Faso.

En 2019, la garde nationale de DC a formé les forces armées du pays. Des agents de l'Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives, de la Drug Enforcement Agency, du FBI, des Marshals et du Secret Service ont contribué à la formation.

Le Defense Post affirme que l'objectif du programme était "d'aider à stabiliser la situation sécuritaire dans une démocratie fragile". Mais il était clair que l'armée américaine était au moins aussi motivée par la concurrence entre les grandes puissances que sont la Russie et la Chine. Comme l'a déclaré le colonel Craig Hummer, chef de division du Bureau de la Garde nationale pour les affaires internationales, à Defense Post : "Au fur et à mesure que cette constellation se développe, elle nous permettra, à nous les États-Unis, d'étendre notre espace concurrentiel sur le continent."
 

En 2020, l'ambassade des États-Unis a confirmé dans une fiche d'information intitulée "Expanded US Engagement in Burkina Faso" que "plus de 3 000 soldats et gendarmes burkinabés sont les bénéficiaires directs des programmes de formation et d'équipement des États-Unis chaque année, y compris la formation au maintien de la paix."

Le président Roch Kaboré a dirigé le pays jusqu'en janvier de cette année, lorsqu'il a été déposé par le colonel Paul-Henri Damiba. Le chercheur étatsunien Nick Turse note que, comme ses prédécesseurs, Damiba avait également bénéficié d'une formation étatsunienne dans le cadre de Flintlock, du cours de formation et d'assistance aux opérations de contingence en Afrique du département d'État, du cours d'officier de base du renseignement militaire - Afrique et de l'élément de soutien militaire civil du Pentagone.
 

Au fil des ans, le Burkina Faso, pays à majorité musulmane, a subi des centaines d'attaques terroristes, attribuées à des ramifications d'Al-Qaïda et de l'EI. Une partie de la population a protesté contre l'incapacité apparente du gouvernement à mettre fin à ces attaques. Les manifestations ont eu lieu dans la capitale, Ouagadougou, qui se trouve être le siège de la plupart des opérations secrètes étatsuniennes.

La BBC, en revanche, a présenté la situation comme suit : Damiba a reçu des États-Unis "des instructions sur le droit des conflits armés et le respect des droits de l'homme". Parmi les nombreuses choses omises par la BBC, il y a le fait qu'à cette époque, de nombreux Burkinabés se sont retournés contre la présence néocoloniale des Français, dont l'ambassade accueillait les mêmes responsables militaires qui, avec les États-Unis, avaient maintenu la nation militarisée.

Mais Damiba n'a pas fait long feu. En septembre de cette année, il a été renversé par le capitaine Ibrahim Traoré, qui a déclaré que Damiba s'était montré impuissant à stopper les attaques islamistes.
 

Le Pentagone a-t-il également formé Traoré ?

"C'est une question sur laquelle nous devrons faire des recherches et revenir vers vous", a répondu le Pentagone.


Le Pentagone a répondu à une question de Nick Turse.

Quant aux drapeaux russes flottant dans la capitale du Burkina Faso, le service de radiodiffusion Voice of America du gouvernement étatsunien a découvert qu'ils avaient été fabriqués à la main par un vendeur local et qu'ils étaient arborés par des Burkinabés dans un appel à l'intervention russe. En effet, les moyens militaires russes n'étaient pas présents dans le pays - du moins, pas encore.

Selon VOA, les Burkinabés pro-russes avaient consommé des médias en provenance du Mali, où le groupe russe Wagner combattait actuellement des militants islamistes à l'invitation de Bamako. Ils pensaient que la milice privée avait fait ses preuves chez leurs voisins et voulaient maintenant qu'elle remplace les forces spéciales françaises qui avaient échoué si lamentablement après sept ans dans leur pays.

Mais citant des "experts" anonymes, VOA a affirmé que "la Russie fera plus de mal que de bien pour trouver une solution à long terme aux problèmes de sécurité du Burkina Faso."



 

* T.J. Coles est chercheur postdoctoral au Cognition Institute de l'université de Plymouth et auteur de plusieurs ouvrages, dont le dernier est We'll Tell You What to Think : Wikipedia, Propaganda and the Making of Liberal Consensus.

Traduction SLT

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