EACOP en Tanzanie : Le service Total de l’État français
Blast, 2.802.23
Ce mardi, la justice rend sa décision dans le dossier EACOP (1), dans lequel TotalEnergies était poursuivi pour violation de son devoir de vigilance. Avant le délibéré attendu dans la journée, Blast révèle la façon dont la France continue de mettre son appareil diplomatique au service de la major pétrolière. La semaine dernière, le 23 février, le ministre du Commerce extérieur Olivier Becht était en Tanzanie pour signer des accords de coopération économique... trois jours après que le gouvernement tanzanien ait donné un nouveau feu vert au chantier de l'oléoduc de pétrole brut d'Afrique de l'Est. Au même moment, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères recevait à Paris Charles Makakala, éditorialiste tanzanien et fervent défenseur de ce projet très controversé.
« Renforcer [les] réseaux d’influence » français en Tanzanie… Officiellement, l’invitation a été lancée à ce titre. Charles Makakala est un journaliste « résolument pro-occidental » selon un mail de présentation du ministère des Affaires étrangères. Le portrait qu’en fait le quai d’Orsay précise encore qu’il « adopte un ton critique sur les grands projets de construction alloués aux entreprises chinoises ». « Fouillés », « agrémentés de chiffres et statistiques », ses articles témoigneraient « d’une profondeur historique ».
Son « séjour d’étude » à Paris, Makakala a pu soigneusement le préparer. Il entendait l’axer autour de plusieurs thématiques, dont la première et principale concerne les « questions énergétiques et EACOP ». Accueilli dans le cadre d’un « programme d’invitation des personnalités d’avenir », le visiteur avait été « chaudement recommandé » par l’ambassade de France en Tanzanie, après la publication d’une tribune justement consacrée à l’EACOP.
Dans cet écrit, l’auteur affiche en effet des positions critiques. Extrêmement. Problème, cet esprit, il l’exerce non pas contre le projet EACOP mais contre le Parlement européen. Le 15 septembre 2022, pour mémoire, les eurodéputés ont adopté une résolution d’urgence, rappelant que plus de 118 000 personnes sont impactées par le méga-projet pétrolier de TotalEnergies. Le Parlement avait aussi dénoncé les violations des droits humains qui s’y rapportent et les risques majeurs pour l'environnement et le climat. Autant de sujets et de problématiques qui visiblement n’intéressent pas l’hôte du quai d’Orsay – en tout cas, pas directement, si ce n’est pour critiquer ceux qui s’en inquiètent...