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Les troupes françaises sommées de quitter le Niger (WSWS)

par Athiyan Silva, Thomas Scripps 21 Août 2023, 05:53 Armée française Niger Retrait Junte Françafrique France Articles de Sam La Touch

Les troupes françaises sommées de quitter le Niger
Par Athiyan Silva, Thomas Scripps
WSWS, 21.08.23

La junte militaire dirigée par le général Abdourahmane Tchiani a annoncé lundi dernier que toutes les troupes françaises au Niger, une ancienne colonie française, devront quitter le pays d’ici début septembre.

Cette annonce intervient après que le colonel-major Amadou Abdramane, porte-parole du CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie), a annoncé le 3 août l'annulation officielle de cinq accords de coopération militaire signés avec la France entre 1977 et 2020.

Des soldats français débarquent d'un avion cargo C130 de l'US Air Force sur la base de Niamey, au Niger, le 9 juin 2021. [AP Photo]

Des soldats français débarquent d'un avion cargo C130 de l'US Air Force sur la base de Niamey, au Niger, le 9 juin 2021. [AP Photo]

La France a déjà été contrainte de retirer 2 400 soldats du Mali et 400 du Burkina Faso à la suite de coups d'État militaires en mai 2021 et septembre 2022, réduisant drastiquement sa présence militaire dans ses anciens territoires coloniaux. Le Tchad abrite désormais la dernière base militaire de ce pays impérialiste dans la région du Sahel, la zone subsaharienne qui s'étend de l'océan Atlantique à la mer Rouge.

L'ampleur de la crise de l'impérialisme français a été mise en évidence par une dispute publique entre le président français Emmanuel Macron et Bernard Emie, le chef de la DGSE, l’agence de renseignement extérieur. Plusieurs sources rapportent que le président a déclaré à Emie: « Nous constatons que le fonctionnement de la DGSE n’est pas satisfaisant. Quand on ne voit rien venir, c’est qu’il y a un problème ». Emie a répondu qu'il avait prévenu Macron, produisant des preuves fuitées à la presse pour le confirmer.

Les forces françaises mènent depuis des années des opérations militaires dans la région sous le drapeau de la « guerre contre le terrorisme », combattant les milices djihadistes issues de la guerre impérialiste menée par procuration contre la Libye en 2011. Environ 1 500 soldats sont basés au Niger ; la capitale, Niamey, accueille une base aérienne française à l'aéroport international Diori-Hamani. Des avions de combat Mirage 2000D, des hélicoptères d'attaque, des drones MQ-9 Reaper, des véhicules et des équipements militaires y sont stationnés.

Le rôle de l'armée française au Sahel, de même que l'exploitation économique, ont alimenté une hostilité populaire généralisée, que les putschistes du Mali, du Burkina Faso et maintenant du Niger ont cherché à mobiliser pour les appuyer. Le 30 juillet, des manifestations ont eu lieu devant l'ambassade de France, au cours desquelles une porte a été incendiée. Le 11 août, des milliers de personnes ont manifesté devant la base aérienne française.

Le gouvernement français s’est montré belliqueux. Le bureau de Macron a répondu ainsi à la manifestation devant l'ambassade : « Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée et intérêts français verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable […] Le président de la République ne toléra aucune attaque contre la France et ses intérêts ».

Le 9 août, Abdramane a accusé la France de déstabiliser le pays en violant l'espace aérien fermé du Niger et en libérant 16 terroristes dans la région de Tillaberi, qu’on mobilisait selon lui pour préparer des attaques contre des positions militaires nigériennes dans les zones frontalières.

Il a ajouté qu'une unité de la Garde nationale avait été attaquée par des djihadistes à Bourkou Bourkou, à une trentaine de kilomètres de la mine d'or de Samira exploitée par une société canado-marocaine dans la région de Tillaberi.

Une série d'attaques sanglantes ont été lancées contre l'armée depuis le coup d'État. Mardi, 17 soldats ont été tués et 20 blessés lors d'une attaque par un groupe armé à Koutougou, près de la frontière avec le Mali.

Bien que le gouvernement français ait immédiatement nié les allégations, lui et les autres puissances impérialistes occidentales sont connus pour avoir utilisé par procuration et à leurs propres fins des forces islamistes, comme dans les guerres dévastatrices de Libye et de Syrie.

La France a également refusé de respecter la demande de retrait de ses troupes, répondant que « La France rappelle que le cadre juridique de sa coopération avec le Niger en matière de défense repose sur des accords qui ont été conclus avec les autorités nigériennes légitimes […] ce sont les seules que la France, comme l’ensemble de la communauté internationale, reconnaît ».

Le gouvernement français est enclin à être plus téméraire parce qu'il a le sentiment que ses alliés impérialistes nominaux l'ont abandonné dans leur précipitation pour assurer leurs propres positions.

Le Figaro titrait dimanche dernier: « Après le putsch au Niger, la France craint d’être doublée par son allié américain ». Il cite un diplomate français disant que les Etats-Unis « ont fait tout le contraire de ce qu’on pensait qu’ils feraient » en envoyant la numéro trois de la diplomatie américaine Victoria Nuland rencontrer les dirigeants putschistes. L’article commence avec la phrase, « Avec des alliés comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis. »

Cette évaluation a trouvé du soutien dans un article de CNN jeudi, disant: « L'administration Biden cherche des moyens de maintenir les forces et les actifs américains au Niger pour poursuivre les opérations anti-terroristes, même s'il devient de plus en plus improbable que la junte militaire qui a renversé le gouvernement du pays le mois dernier rendra le pouvoir au président démocratiquement élu. »

CNN a ajouté que le général de brigade Moussa Barmou, occupant actuellement le rôle de chef de la Défense et formé par l'armée américaine, était « une variable clé ». Il cite l'opinion de l'ancien commandant américain du Commandement des opérations spéciales pour l'Afrique, le général de division J. Marcus Hicks, selon lequel Barmou n'était « pas anti-occidental » et un ami pour beaucoup d'entre nous dans l'armée américaine […] Je n'ai pas l'impression qu'ils veulent qu’on s’en aille ». Nuland a rencontré Barmou lors de sa visite.

Jusqu'à présent, les militaires nigériens n'ont pas demandé aux forces américaines de quitter le pays, ni aux forces italiennes ou allemandes.

Les putschistes puisent dans un sentiment anti-français généralisé. Mais les négociations en cours avec les forces américaines en coulisses mettent à nu toute prétention anti-impérialiste de la part du gouvernement.

Alors que les États-Unis ont mesuré leurs mots avec plus de soin que la France, ils ont toujours déclaré leur soutien à une CEDEAO (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) se préparant à une intervention militaire de « dernier recours » au Niger, qui serait catastrophique. Ses dirigeants se sont réunis jeudi et vendredi à Accra, la capitale du Ghana, pour discuter de plans à cet effet.

Le gouvernement russe se présente également comme une force anti-impérialiste dans la région, comme il l'a fait dans toute l'Afrique, pour s'attirer les faveurs de ses gouvernements.

Poutine a déclaré aux participants de la 11e Conférence de Moscou sur la Sécurité internationale, le 15 août: « Il ne fait aucun doute que ceux qui sont à l'origine de ces conflits cherchent à tirer profit de la tragédie humaine en montant les nations les unes contre les autres, en soumettant les États à l'obéissance féodale au sein d'un système néocolonial et en exploitant leurs ressources sans scrupules. »

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a accusé l'Occident de « maintenir des foyers de conflit » sur le continent africain pour profiter des ressources naturelles de ses anciennes colonies. Il a ajouté que le ministère russe de la Défense « continuera à renforcer sa coopération militaire et technique avec les pays africains dans la lutte contre le néocolonialisme et la menace du terrorisme ».

Mais la Russie n'a rien à offrir sur aucun de ces deux fronts. Le Mali et le Burkina Faso, où opère le groupe de mercenaires russes Wagner, sont toujours ravagés par des milices armées, toujours à la merci du capital financier international, et désormais menacés par une guerre parrainée par l'impérialisme, centrée sur le Niger, qui plongerait leurs sociétés dans le chaos.

Pour que l'expulsion des troupes françaises soit plus qu'un ravalement de façade au service d’un régime manœuvrant entre les puissances impérialistes et leurs principales rivales, la Russie et la Chine, il faut que la classe ouvrière et les pauvres ruraux mènent une lutte contre eux tous. Les travailleurs d'Afrique de l'Ouest sont confrontés non seulement à la France, mais à beaucoup des principales puissances impérialistes dans le monde, dont les conflits géopolitiques entraînent la région dans le tourbillon d'un conflit mondial. C'est une lutte qu'ils partagent avec l'ensemble de la classe ouvrière, de toute l'Afrique et des centres impérialistes.

(Article paru en anglais le 17 août 2023)

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