Le rôle obscur de l’Arabie saoudite dans l’attaque chimique de la Ghouta
Article originel : Saudi Arabia's shadowy role in the Ghouta chemical attack
Par William Van Wagenen
The raddle, 6.10.23
Le rôle obscur de l’Arabie saoudite dans l’attaque chimique de la Ghouta:
Il existe maintenant des preuves substantielles que les services de renseignement saoudiens ont mené des attaques chimiques sous faux drapeau en Syrie, dans le but de déclencher une intervention militaire étatsuninenne qui conduirait à un changement de régime.
Le 13 septembre, le célèbre journaliste d’investigation étatsunien Seymour Hersh a révélé un mémo crucial de cinq pages préparé pour la US Defense Intelligence Agency (DIA) le 20 juin 2013. Ce document contenait des détails sur le plan du Front al-Nosra, affilié à Al-Qaïda, de fabriquer du gaz neurotoxique sarin dans le but d’exécuter une attaque chimique en Syrie.
Le mémo s’ajoute aux preuves de plus en plus nombreuses indiquant que les services de renseignement saoudiens ont orchestré une attaque chimique sous faux drapeau dans la banlieue de Damas, à Ghouta, deux mois plus tard, le 21 août 2013.
L’attaque a entraîné la mort tragique de centaines de civils et a presque déclenché une intervention militaire occidentale en soutien aux factions militantes islamistes visant à renverser le gouvernement syrien.
Approvisionnement en sarin d'al-Nosra
Le mémo de la DIA, qui fournit des détails obtenus par la surveillance de l’Agence de sécurité nationale des États-Unis (NSA), indique qu’en avril et mai de la même année, « plusieurs facilitateurs chimiques basés en Turquie et en Arabie saoudite » travaillant pour le Front al-Nosra « tentaient d’obtenir des précurseurs de sarin en vrac, des dizaines de kilogrammes, probablement pour l’effort de production à grande échelle prévu en Syrie. »
Le mémo identifie notamment trois membres du Front al-Nosra - Abd al-Ghani, Kifah Ibrahim et Adil Mahmud - qui avaient prévu de perfectionner « un processus de fabrication de sarin, puis d’aller en Syrie pour former d’autres personnes afin de commencer la production à grande échelle dans un laboratoire non identifié en Syrie ». Ibrahim et Mahmoud ont tous deux été capturés en Irak en mai 2013, selon la note.
La révélation que la NSA avait identifié des membres du Front al-Nosra à la recherche de précurseurs de sarin en Arabie saoudite suggère que les renseignements saoudiens, alors sous la direction du prince Bandar bin Sultan, auraient également été au courant de ces activités.
Cela implique que Riyad aurait pu soit avoir activement facilité le Front al-Nosra à obtenir des précurseurs de sarin, soit choisir de ne pas interférer, permettant à ces plans de progresser sans entrave.
La note précise également que:
« La partie syrienne de cet effort [de production de sarin] pourrait avoir commencé dès la fin de 2012. Abu Muhammad al-Hamawi, l’émir [du Front al-Nosra] pour Hamah, tentait d’obtenir du trichlorure phosphoreux, un précurseur clé du sarin, en décembre 2012. Nous ne pouvons pas établir de lien définitif avec la cellule de sarin, mais elle pourrait très bien être liée. »
Stratégie sud de l’Arabie saoudite
Selon Charles Lister, défenseur du changement de régime basé aux États-Unis, et le journaliste suédois Aron Lund, Abu Muhammad al-Hamawi est également connu sous le nom de Sheikh Saleh al-Hamawi, un Syrien de la ville de Halfaya à Hama. Il est l’un des six fondateurs du Front el-Nosra et bénéficie du soutien saoudien.
La période de décembre 2012, lorsque Hamawi était censé chercher des précurseurs de sarin, coïncide avec la période où le prince Bandar bin Sultan - l’ancien ambassadeur saoudien bien connecté à Washington - a supervisé la mise en œuvre de la « stratégie du Sud » du renseignement saoudien déplacer le centre du conflit vers Damas.
Bandar avait assumé le poste de directeur du renseignement saoudien à la mi-2012 et établi un centre d’opérations en Jordanie pour diriger secrètement les efforts contre le gouvernement syrien. Le 18 juillet, des éléments armés ont tourné leur regard vers la capitale, à commencer par le bombardement à Damas du siège de la Sécurité nationale syrienne, qui a tué des responsables clés du cercle rapproché du président syrien Bachar al-Assad.
Le New York Times a rapporté qu’en novembre 2012, une « cataracte d’armes » obtenue par le renseignement saoudien a commencé à affluer de la Jordanie vers la Syrie. Alors que les armes ont été présentées publiquement comme étant destinées aux soi-disant « modérés » de l’Armée syrienne libre (ASL), les responsables américains ont reconnu que beaucoup d’entre elles se sont retrouvées entre les mains de « djihadistes islamistes intransigeants ».
En février 2013, le Washington Post a interviewé Hamawi, l’identifiant comme un ASL plutôt qu’un commandant du Nusra (l’ASL et le Nusra ont collaboré étroitement et, dans de nombreux cas, étaient indiscernables)...
Traduction SLT