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Quand l’Occident évacue ses migrants comme ses déchets

par Yves GUILLERAULT 24 Avril 2024, 17:59 Migrants Grande-Bretagne Xénophobie Rwanda Collaboration Sunak Kagame Articles de Sam La Touch

Quand l’Occident évacue ses migrants comme ses déchets
Par Yves GUILLERAULT
Club de Mediapart, 24.04.24


On connaît le scandale d’un Occident qui évacue ses déchets vers des pays qu’il transforme en décharges. Il y ajoute désormais les migrants qui ne se sont pas noyés en route, quand il ne les renvoie pas à la baille comme il purge ses égouts. Le 1er ministre britannique a obtenu sa licence d’export de migrants, expédiés au Rwanda comme des ballots de fringues usagées. L’infamie est sans frontières.
 

Cinq migrants pleins d’espoirs en une vie meilleure, dont une enfant de quatre ans, viennent de se noyer en tentant de rallier les côtes anglaises sur un esquif de fortune. Quelques existences, parmi des dizaines de milliers d’autres, englouties par les eaux sombres et glacées de la Manche. Des êtres qui fuyaient la faim, la misère, la guerre, l’esclavage, une dictature. Un épilogue tragique à un long chemin de martyres. Ils avaient échappé aux rançonneurs, aux esclavagistes, aux nervis de Frontex, aux patrouilles armées d’une République dite de fraternité. Auraient-ils échappé au cynisme d’un premier ministre britannique conservateur ?

Voilà des mois que Rishi Sunak (1) tente de vendre son projet inique auprès des parlementaires britanniques. Ils ont cédé, inquiets pour leurs privilèges à quelques encâblures d’élections législatives. Les extrêmes droites d’Europe et d’ailleurs en rêvent, Sunak, né en Angleterre d’une longue lignée de migrants,1 le fait. Sunak le millionnaire, pur produit du capitalisme anglophone, dont la seule éthique est celle du bizness as usual et le remisage au rebut de thèmes comme le social, l’environnement ou une fiscalité juste. Un temps compagnon de route du brexiteur et fêtard Boris Johnson.

Du commerce triangulaire de l’esclavage au recours au travail forcé, des scandales sanitaires aux ententes sur les prix, du pillage des ressources à celui d’argent public, on savait le capitalisme, principalement occidental, dépourvu d’éthique, d’empathie, d’humanité tout simplement. Voilà des années que des pays du Sud voient leurs terres souillées par les déchets, plastiques, textiles, électroniques, que l’Occident produit généreusement avec l’obsolescence programmée permise par sa richesse et par le pillage de ressources du Sud pour des bouchées de pain. Certains d’entre eux tentent bien de résister à ce tsunami toxique et mortel. Mais le capitalisme mondialisé permet de valoriser ce commerce puant, empreint de corruption et assisté par des filières mafieuses parfaitement à l’aise avec la mondialisation.

Qui pour se soucier de pauvres hères, submergés sous des montagnes d’ordures venues d’autres continents et ravagés par des maladies d’une civilisation dont ils sont exclus ? Même question-réponse lorsque ces êtres humains sont victimes des ravages du bouleversement climatique généré en premier lieu par ces pays producteurs de montagnes de déchets. L’Occident s’offusque désormais de voir ces victimes innocentes venir, dans un effet boomerang, s’échouer sur ses frontières pourtant hérissées de barbelés, surveillées par des chiens de garde et toute la panoplie de big brother. Alors, comme pour ses ordures, le capitalisme occidental préfère balayer ce problème sous le tapis de ses anciennes colonies.

Le riche Rishi Sunak va expédier ses migrants comme de vulgaires ballots de fringues usagées au Rwanda, quelle que soit leur origine. Une « remigration » accompagnée de quelques valises de billets pour un régime qui, s’il a vaincu les génocidaires hutus et remis son pays sur pied, n’en est pas moins autoritaire et lorgne sur les richesses minières de son voisin congolais. Au pouvoir depuis 24 ans, Paul Kagamé a, comme beaucoup d’autocrates, muselé l’opposition et modifié la constitution pour prolonger son pouvoir jusqu’en 2034. Quel sort sera réservé à des centaines de migrants déracinés, déboussolés, encore plus appauvris et privés de leurs droits les plus élémentaires ? C’est le dernier des soucis de Sunak et de ses riches compères. Darmanin observe sans nul doute avec une grande attention l’expérience britannique, tandis que l’extrême droite franchouillarde est déjà prête à ouvrir une agence de voyages forcés pour tout ce qui ne mange pas de saucisson, ne va pas à la messe ou a une couleur suspecte.


1. Né en Angleterre, Rishi Sunak est issu d’une famille originaire du Pendjab (Nord-ouest de l’Inde). Ses parents ont émigré vers l’Afrique de l’Est (Kenya, Tanganyika), alors colonie ou sous mandat britannique, puis vers l’Angleterre.

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