Kanaky/Nouvelle-Calédonie : Les autorités françaises doivent défendre les droits du peuple autochtone kanak dans un contexte de troubles
Article originel : Kanaky New Caledonia: French authorities must uphold rights of the Indigenous Kanak people amid unrest
https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/05/kanaky-new-caledonia-french-authorities-must-uphold-rights-of-the-indigenous-kanak-people-amid-unrest/
Amnesty International, 19.05.24
Réagissant aux troubles en cours sur le territoire français non autonome de Kanaky en Nouvelle-Calédonie après l’adoption par le Parlement français d’un projet de loi modifiant les règles de vote du territoire, Kate Schuetze, chercheuse sur le Pacifique à Amnesty International, a déclaré:
« L’état d’urgence décrété par le gouvernement français et le déploiement de l’armée française, conjugués à l’interdiction de l’application de médias sociaux TikTok, ne doivent pas être utilisés à mauvais escient pour restreindre les droits de la personne.
« La violence profondément inquiétante et la réponse des autorités françaises doivent être comprises à travers le prisme d’un processus de décolonisation au point mort, de l’inégalité raciale et des demandes d’autodétermination exprimées pacifiquement depuis longtemps par le peuple autochtone kanak.
« Dans ce qui est sans aucun doute une situation difficile pour la police, y compris malheureusement plusieurs décès, il est impératif que la police et les gendarmes français n’utilisent la force que lorsqu’elle est raisonnablement nécessaire et qu’ils accordent la priorité à la protection du droit à la vie.
« Sauf s’il existe des informations fiables montrant le rôle de TikTok dans l’incitation à la violence, ou que la restriction sert un objectif légitime qui ne peut être atteint par des moyens moins restrictifs, l’interdiction de l’application semble une mesure clairement disproportionnée qui constituerait probablement une violation du droit à la liberté d’expression.
« Cela pourrait également créer un dangereux précédent qui pourrait facilement servir d’exemple à la France et à d’autres gouvernements du monde entier pour justifier des fermetures en réaction aux protestations publiques.
« Les autorités françaises doivent défendre les droits du peuple autochtone kanak et le droit à l’expression et au rassemblement pacifiques sans discrimination. Les personnes qui demandent l’indépendance devraient pouvoir exprimer leurs points de vue pacifiquement. »
Contexte
L’Assemblée nationale française a adopté cette semaine un projet de loi qui élargit le droit de vote pour les nouveaux résidents de Kanaky Nouvelle-Calédonie, principalement des ressortissants français. Cette décision risque de priver davantage les Kanaks autochtones de leur droit de vote, notamment au niveau de la représentation politique locale et dans les discussions futures sur la décolonisation. Aucun représentant de Kanaky Nouvelle-Calédonie, qu’il soit kanak ou européen, ne siège actuellement à l’Assemblée nationale française.
En signe de protestation contre le changement constitutionnel, des troubles violents ont éclaté dans la capitale Nouméa, faisant au moins cinq morts jusqu’à présent – trois autochtones kanaks et deux policiers.
Le président français Emmanuel Macron a déclaré l’état d’urgence dans l’archipel mercredi. Le gouvernement français, qui est le pouvoir d’administration en Kanaky en Nouvelle-Calédonie, a annoncé l’interdiction de l’application de médias sociaux TikTok sur le territoire, ainsi que le déploiement de centaines de renforts policiers. L’armée française a également été déployée pour « sécuriser » les ports et l’aéroport des îles.
Les autorités auraient assigné à résidence les manifestants qui auraient été à l’origine des violences et arrêté plus de 200 personnes.
L’agitation actuelle fait suite à des années de tension concernant le manque perçu du gouvernement français de protéger les droits des peuples autochtones kanak et un manque de clarté dans la marche vers la décolonisation.
En 1998, les autorités françaises et le gouvernement local ont signé l’Accord de Nouméa, qui comprenait des engagements pour une transition vers une plus grande indépendance et une autonomie gouvernementale tout en respectant les droits du peuple autochtone kanak.
Trois référendums ont été tenus sur la question de l’indépendance depuis 2018, dont le dernier – en 2021 – a été boycotté par les électeurs autochtones et largement critiqué en raison de l’impact disproportionné de la pandémie sur les Kanaks. L’Accord est maintenant périmé, ce qui signifie qu’il n’y a pas de processus clair en place pour assurer les prochaines étapes du processus de décolonisation.
En 2011, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les peuples autochtones a noté que les Kanaks autochtones sont sous-représentés dans la politique et les postes de direction, et sont moins en mesure d’accéder aux droits économiques, sociaux et culturels dans le pays que les autres personnes qui y vivent. Ces inégalités raciales importantes persistent en Nouvelle-Calédonie kanakienne, malgré quelques tentatives pour y remédier.
Dans une résolution de 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies, à la suite d’un rapport du Comité politique spécial des Nations Unies sur la décolonisation, a réitéré les appels suivants « la Puissance administrante et toutes les parties prenantes concernées en Nouvelle-Calédonie pour assurer la conduite pacifique, équitable, juste et transparente des prochaines étapes du processus d’autodétermination, conformément à l’Accord de Nouméa. »
Traduction SLT