Trump menace d’écraser les manifestations alors que la grève anti-génocide s’étend à l’université de Californie, montrant que la répression est bipartite
Par Tom Hall
WSWS, 30.05.24
La grève des enseignants de l’Université de Californie (UC) contre la répression des manifestations sur les campus s’est étendue mardi à deux autres campus, UCLA (UC Los Angeles) et UC Davis. L’élargissement de la grève, alors que le syndicat UAW (United Auto Workers) n’ait initialement appelé à faire grève que l’UC Santa Cruz lundi dernier, est dû à la détermination massive de la base. Il était clair fin de la semaine dernière que la bureaucratie syndicale ne pouvait plus maintenir les travailleurs au travail sur ces deux campus.
L’extension de la grève à l’UC est une étape importante dans l’entrée sur scène de la classe ouvrière en tant que principale force contre la guerre et la répression policière. Mais les travailleurs doivent agir indépendamment de l’appareil syndical pour étendre la grève aux 10 campus de l’UC et à tous les membres de l’UAW y compris dans les usines automobiles.
Le mouvement grandissant contre la guerre oppose les travailleurs de la base aux partis pro-guerre et à la bureaucratie syndicale, qui fonctionne comme un bras de la Maison Blanche et des Démocrates. Sous couvert de la tactique dite de la «grève debout», utilisée l’an dernier pour imposer des licenciements massifs dans l’automobile, l’UAW limite délibérément et autant qu’elle le peut la lutte à l’UC. La bureaucratie de l’UAW a soutenu ‘Genocide Joe’ (Biden) et a même collaboré avec la police anti-émeute pour le protéger des manifestants lors d’une visite à Detroit au début de l’année.
Le Parti démocrate quant à lui, s’efforce de renforcer la crédibilité de l’appareil syndical. Vendredi, lors d’une conférence de presse au Capitole intitulée «Les syndicats défendent la liberté d'expression sur les campus», des responsables de l’union locale 4811 de l’UAW ont pris la parole tout comme les députées démocrates et membres des DSA (Démocrates socialistes d'Amérique) Rashida Tlaib (Michigan) et Ilhan Omar (Minnesota).
Cette conférence de presse était similaire à une autre en décembre dernier où Omar et Tlaib ont pris la parole aux côtés du président de l’UAW Shawn Fain, quelques minutes seulement avant que les démocrates ne votent à 2 contre 1 pour approuver une nouvelle loi de dépenses militaires massives.
Tlaib et Omar, toutes deux musulmanes, ont été la cible d’attaques politiques racistes. Tlaib, la seule Américaine d'origine palestinienne à siéger au Congrès, a été censurée en novembre dernier pour avoir dénoncé le génocide israélien à Gaza. La fille d’Omar a été l’une des nombreuses étudiantes suspendues pour avoir participé à des manifestations à l’université de Columbia. Ces mesures constituent une attaque contre les droits de toute la population et doivent être combattues.
Mais avec la bureaucratie de l’UAW Omar et Tlaib visent à défendre loyalement le rôle du Parti démocrate dans le génocide et l’attaque menée contre la liberté d’expression. À la conférence de presse, les intervenants ont dénoncé les attaques contre les étudiants sans indiquer qu’elles étaient organisées et dirigées depuis la Maison Blanche de Biden.
Ils veulent avant tout que le génocide et les agressions policières ne conduisent pas les travailleurs et les jeunes à rompre avec ce parti impérialiste. Omar l’a dit très directement l'an dernier dans un autre discours: «L'image de marque de notre parti, un parti qui s'enorgueillit de défendre la démocratie et les plus vulnérables dans notre pays et à l'étranger, est mise à mal alors que les États-Unis continuent de soutenir ce massacre, cette guerre ».
Tlaib a également joué un rôle central dans la campagne du «votez sans engagement» aux primaires du Michigan, affirmant qu’un vote de protestation contre la nomination de Biden ferait pression sur lui pour qu’il revienne sur son soutien à Israël. Au lieu de quoi dans les semaines qui ont suivi les primaires, les démocrates se sont alliés aux républicains pour donner l’assaut aux manifestations sur les campus.
Trump menace d'écraser les manifestations s'il est élu
L’attaque bipartite contre les étudiants anti-génocide contribue également à créer un environnement favorable à la montée de l’extrême droite. C’est ce que montre un discours fuité de Donald Trump à des donateurs, rapporté pour la première fois lundi par le Washington Post.
Trump a qualifié les manifestations de «révolution radicale» et a promis aux donateurs que «si vous me faites élire [...] nous allons faire reculer ce mouvement de 25 ou 30 ans». Il a également menacé d’expulser les étudiants étrangers participant aux manifestations. «Dès qu’ils entendront cela, ils se tiendront à carreau», a-t-il grogné. Une répétition de la promesse qu’il avait faite en octobre dernier.
Trump a également fait l’éloge de la police de New York pour avoir violemment dispersé les manifestations à l’université de Columbia. Cette opération a été organisée par le maire Eric Adams, un démocrate, ex-policier.
Le discours de Trump est un sérieux avertissement sur le type de mesures qui se préparent contre l’opposition intérieure. La proposition de déporter les manifestants rappelle des mesures similaires adoptées après la Révolution russe de 1917, à laquelle le capitalisme américain a répondu par des attaques furieuses contre les socialistes et les organisations de gauche.
Elle montre également comment les méthodes d’État policier utilisées contre les manifestations ont enhardi l’aspirant Führer, qui a déjà tenté une fois de renverser la Constitution et de s’installer comme dictateur le 6 janvier 2021. Trump devance actuellement Biden dans tous les sondages et dans les États indécis clés, et même parmi les jeunes électeurs.
Cela indique davantage l’ampleur du dégoût suscité par le soutien des démocrates au génocide que le soutien à Trump. Mais cela démasque également comme une fraude l’affirmation que la campagne électorale de Biden est un rempart contre Trump et l’extrême droite.
Selon un tracker législatif de l’International Center for Not-for-Profit Law [Centre international pour le droit des organisations à but non lucratif], cinq projets de loi ont été introduits dans les deux chambres du Congrès visant spécifiquement les manifestations pro-palestiniennes.
Un projet de loi présenté par J.D. Vance (Républicain-Ohio) interdirait le financement gouvernemental des universités qui ne mettent pas fin rapidement aux manifestations. Un autre projet de loi du Sénat réduirait l’aide financière accordée aux étudiants reconnus coupables d’infractions liées aux manifestations, et un projet de loi de la Chambre des représentants interdirait aux manifestants de porter des masques pour se protéger contre le «doxxing» (rendre publiques des informations personnelles).
Deux projets de loi de la Chambre des représentants, parrainés par William Ogles (républicain du Tennessee), visent à déporter les étudiants ayant participé à des manifestations. L’un envoie les manifestants dans la bande de Gaza, où ils risquent de mourir de faim ou sous les bombes israéliennes.
Dans une déclaration au Washington Post, une porte-parole de Trump en a encore rajouté, attaquant de manière absurde Biden pour s’être rangé «du côté des démocrates de la gauche radicale comme Ilhan Omar et Rashida Tlaib» et avoir soutenu «les [manifestants] antisémites qui détruisent nos campus universitaires et menacent de saper notre démocratie».
En réaction, la campagne de Biden a attaqué Trump par la droite, déclarant que l’actuel président «s’oppose à l’antisémitisme» – en réalité, des manifestations pacifiques contre un génocide – et à la «sécurité d’Israël». Elle a ajouté: «Ce n’est pas le cas de Donald Trump».
Mais ce qui est le plus frappant, c’est que les propositions de Trump sont foncièrement dans la continuité de ce que Biden et les démocrates font déjà. L’attaque contre les étudiants rappelle également le propre assaut de Trump contre les manifestations anti-violence policière à l’occasion de la mort de George Floyd à l’été 2020.
L’assaut bipartite lancé contre l’opposition au génocide renforce également les vrais antisémites comme Trump. En 2017, il a soutenu une marche néonazie à Charlottesville, en Virginie, où on scandait «Les Juifs ne nous remplaceront pas». La police de Charlottesville est restée bras croisés alors que les fascistes envahissaient la ville, tandis qu’elle a réagi avec violence cette année aux manifestations pro-palestiniennes qui ont eu lieu à l’Université de Virginie, située à proximité.
Le Parti démocrate soutient le génocide de Gaza parce qu’on le considère dans les milieux dirigeants comme l’un des fronts d’une guerre mondiale visant à réaffirmer une domination américaine en déclin. Les principales cibles de cette troisième guerre mondiale émergente sont la Russie et la Chine, ce qui accroît le danger de guerre nucléaire.
Lorsqu’il a pris ses fonctions, quelques jours seulement après l’échec de la tentative de coup d’État, Joe Biden a déclaré qu’il soutenait un «parti républicain fort». Cela signifiait que la classe dirigeante avait besoin d’une alliance bipartite pour préparer la société américaine à la guerre. Depuis le début, la principale ligne d’attaque des démocrates contre Trump n’est pas que c’est un fasciste, mais que les démocrates le considère comme trop mou avec la Russie. Ils ont refusé de poursuivre sérieusement Trump – ou qui que ce soit d’autre – pour le rôle joué dans l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 parce qu’ils sont terrifiés à l’idée que cela légitimerait et encouragerait une opposition de masse à l’ensemble du système politique pro-guerre.
Mais c'est précisément ce qui doit se produire. Un mouvement de masse contre la guerre impérialiste doit être construit dans la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 28 mai 2024)