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Interview de l’anthropologue Emmanuel Todd à propos de son livre controversé : «Je ne suis pas pro-russe, mais si l’Ukraine perd la guerre, c’est l’Europe qui gagne» (Corriere Della Sera)

par Corriere di Bologna 9 Octobre 2024, 16:58 Todd Ukraine Défaite de l'Occident Guerre Russie OTAN Médias Articles de Sam La Touch

L’anthropologue Emmanuel Todd et son livre controversé : «Je ne suis pas pro-russe, mais si l’Ukraine perd la guerre, c’est l’Europe qui gagne»
Article originel : L'antropologo Emmanuel Todd e il suo libro controverso: «Non sono filorusso, ma se l’Ucraina perde la guerra a vincere è l’Europa»
Par Daniele Labanti
Corrierre Della Sera, Corriere di Bologna, 7.10.24

Sortie pour Fazi de l’édition italienne du volume La défaite de l’Occident d’Emmanuel Todd, publié en France par Gallimard. Le livre a déclenché une multitude de critiques à l’encontre de l’anthropologue français, accusé depuis une décennie de tenir des positions pro-Poutine. Todd sera aux Librairies.coop Ambassadeurs mardi, pour présenter le volume en dialogue avec Carlo Galli.
 

Professeur Todd, il est écrit en France que vous voulez «faire passer vos rêves pour la réalité» et que ce que vous affirmez n’a pas de fondement scientifique. Qu’est-ce qu’il en est ?

« La question n’est pas de savoir ce que la presse française écrit sur moi, mais de connaître les faits que l’histoire actuelle révèle. Le fait est que les États-Unis n’ont pas été en mesure de produire l’équipement militaire dont les Ukrainiens ont besoin, car il est un fait que la puissance de leur industrie a été vidée par la financiarisation. Il est un fait que l’armée ukrainienne est en retraite et qu’elle peine à recruter des soldats. Il est un fait que les sanctions économiques occidentales ont fait plus de mal à l’économie européenne qu’à celle de la Russie et c’est aussi un fait que la stabilité politique de la France est aujourd’hui plus menacée que celle de la Russie. La restructuration de l’économie russe a été rendue possible par le fait que ce pays produit plus d’ingénieurs que les États-Unis et par le fait que les pays qui ne sont pas alliés ou sujets des États-Unis ont continué à commercer avec la Russie. Les commentaires d’une bonne partie de la presse française sur mes soit-disant rêves - "Le Monde", "Libération", "L’Express" etc. - suggèrent que c’est vous qui vivez dans un rêve. Le succès de mon livre en France suggère aussi que cette presse n’est pas toujours prise au sérieux par les français ».

Vous prétendez que l’Europe a délégué la représentation de l’Occident aux États-Unis et qu’elle en paie maintenant le prix. Comment pensez-vous que cette tendance peut être changée?

« Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons rien faire d’autre. Une guerre a commencé. C’est le résultat de cette guerre qui décidera du sort de l’Europe. Si la Russie est vaincue en Ukraine, la soumission européenne aux Etatsuniens se prolongera pendant un siècle. Si, comme je le crois, les États-Unis sont vaincus, l’OTAN se désintégrera et l’Europe sera libre.

Plus important encore que la victoire russe sera l’arrêt de l’armée russe sur le Dniepr et la réticence du régime de Poutine à attaquer militairement l’Europe occidentale. Avec 144 millions d’habitants, une population en déclin et 17 millions de kilomètres carrés, l’État russe peine déjà à occuper son territoire. La Russie n’aura ni les moyens ni le désir de s’étendre une fois que les frontières de la Russie précommuniste seront reconstituées. La fantaisie de l’hystérie russophobe occidentale au sujet du désir d’expansion russe en Europe est tout simplement ridicule pour un historien sérieux.

 Le choc psychologique qui attend les Européens sera de se rendre compte que l’OTAN n’existe pas pour nous protéger mais pour nous contrôler. »...

 

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