Syrie - Gagnants et perdants ou les deux
Article originel : Syria - Winners And Losers Or Both
Moon of Alabama, 09.12.24
La Syrie est tombée.
Il est maintenant très probable que le pays s’effondre. Les acteurs extérieurs et intérieurs tenteront de capturer et/ou contrôler autant de parties du cadavre que chacun d’eux peut.
Des années de chaos et de conflits suivront.
Israël s’empare d’une autre grande quantité de terres syriennes. Il a pris le contrôle de la ville syrienne de Quneitra, ainsi que des villes d’Al-Qahtaniyah et d’Al-Hamidiyah dans la région de Quneitra. Il a également avancé dans le mont Hermon syrien et est maintenant positionné à seulement 30 kilomètres de (et au-dessus) la capitale syrienne.
Il démilitarise également davantage la Syrie en bombardant tous les sites de stockage militaire syriens à sa portée. Les positions de défense aérienne et le matériel de levage sont ses cibles principales. Pour les années à venir, la Syrie, ou tout ce qui peut en découler, sera complètement sans défense contre les attaques extérieures.
Israël est pour l’instant le grand gagnant en Syrie. Mais avec les djihadistes agités maintenant à sa frontière, il reste à voir combien de temps cela va tenir.
Les États-Unis bombardent le désert central de la Syrie. Ils prétendent frapper l’Etat Islamique (EI), mais la véritable cible est toute résistance locale (arabe) qui pourrait empêcher une connexion entre les États-Unis contrôlés à l’est de la Syrie avec le sud-ouest contrôlé par Israël. Il pourrait bien y avoir des plans pour construire davantage cette connexion dans un Eretz Israël, un état contrôlé par les sionistes "du fleuve à la mer".
La Turquie a joué et joue un rôle important dans l’attaque contre la Syrie. Elle finance et contrôle l’armée nationale syrienne (anciennement l’armée syrienne libre), qu’elle utilise principalement pour combattre les séparatistes kurdes en Syrie.
Il y a environ 3 à 5 millions de réfugiés syriens en Turquie que le prétendu sultan Erdogan veut, pour des raisons politiques nationales, retourner en Syrie. Le chaos en évolution ne le permettra pas.
La Turquie avait nourri et poussé le groupe dérivé d’al-Qaïda, Hayat Tahrir al-Sham, à prendre Alep. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il aille plus loin. La chute de la Syrie devient un problème pour la Turquie, car les États-Unis en prennent le contrôle. Washington essaiera d’utiliser HTS pour ses propres intérêts qui, dit-on en passant, ne sont pas nécessairement compatibles avec ce que la Turquie peut vouloir faire.
Les insurgés kurdes en Turquie et leur soutien par les Kurdes en Syrie sont une cible principale pour la Turquie. Organisées sous le nom de Forces démocratiques syriennes, les Kurdes sont parrainés et contrôlés par les États-Unis. Les FDS combattent déjà l'armée syrienne nationale d’Erdogan et toute nouvelle intrusion turque en Syrie sera confrontée par eux.
Les FDS, appuyés par l’occupation de la Syrie orientale par les États-Unis, contrôlent les principaux champs de pétrole, de gaz et de blé à l’est du pays. Quiconque veut gouverner à Damas aura besoin d’accéder à ces ressources pour pouvoir financer l’État.
Malgré une récompense de 10 millions de dollars à sa tête, le leader du groupr HTS Abu Mohammad al-Golani est actuellement présenté par les médias occidentaux comme le nouveau leader unificateur et tolérant de la Syrie. Mais son HTS est lui-même une coalition de jihadistes de ligne dure de divers pays. Il reste peu de choses à piller en Syrie et dès que ces ressources seront épuisées, les combats au sein du HTS commenceront. Al-Golani sera-t-il capable de contrôler les pulsions sectaires des camarades quand ceux-ci commenceront à piller les sanctuaires chiites et chrétiens de Damas ?
Ces dernières années, la Russie a moins investi dans le gouvernement d’Assad qu’elle ne le semblait. Elle savait qu’Assad était devenu un partenaire essentiellement inutile. La base de la Russie méditerranéenne à Khmeimim dans la province de Lataquié est son tremplin vers l’Afrique. Les États-Unis exerceront des pressions sur tout nouveau dirigeant en Syrie pour qu’il expulse les Russes. Cependant, tout nouveau leadership en Syrie, s’il est intelligent, voudra garder les Russes. Il n’est jamais mauvais d’avoir un autre choix si on en a besoin. La Russie pourrait bien rester à Lattaquié pendant des années.
Avec la chute de la Syrie, l’Iran a perdu le principal maillon de son axe de résistance contre Israël. Ses défenses avancées, assurées par le Hezbollah au Liban, sont maintenant en ruines.
Comme l’ancien général Wesley Clark l’a rapporté lors d’une conférence qu’il avait eue au Pentagone :
. Voici un mémo qui décrit comment nous allons éliminer sept pays en cinq ans, en commençant par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et, enfin, l’Iran.»
Six des sept pays mentionnés dans cette fameuse note sont maintenant plongés dans le chaos. L’Iran est, pour l’instant, le seul survivant de ces plans. Il faudra d’urgence renforcer encore ses défenses locales. Il est grand temps qu’il se dote enfin de véritables armes nucléaires.
Le gouvernement Trump voit la Chine comme son principal ennemi. En jetant la Syrie (et l’Ukraine) dans le chaos, l’administration Biden sortante a garanti que Trump devra rester impliqué au Moyen-Orient (et en Europe de l’Est).
Les États‐Unis devront encore attendre pour se tourner vers l’Asie, ce qui donne à la Chine plus de temps pour établir sa sphère d’influence. Il se peut bien que ce soit la seule puissance qui ait été victorieuse dans cette affaire.