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Double discours (2a/3). Le soutien politique français envers les djihadistes en Syrie légitime implicitement la radicalisation islamiste en France

par SLT 1 Avril 2018, 18:30 Djihadisme France Syrie Al-Quaïda Al Nosra Collaboration Attentat François Hollande EI Lafarge Livraison d'armes Articles de Sam La Touch

Dans le premier volet d'une étude qui en compte trois, nous sommes revenus sur le soutien de l'Etat français aux rebelles djihadistes qui ont détruit l'Etat libyen sous Kadhafi tandis qu'une immense majorité de médias français colportait des fake news pour légitimer cette guerre impérialiste sous couvert de Right to Protect (droit de protéger) :
- Double discours (1/3). Le soutien médiatico-politique français envers les djihadistes en Libye légitime implicitement la radicalisation islamiste en France
A. Le cas de la Libye
I. Soutien envers les rebelles djihadistes en Libye et retour de flammes en Occident
1. Soutien français envers les rebelles djihadistes en Libye
2. Des terroristes occidentaux formés avec les djihadistes en Libye font des attentats en France et en Grande-Bretagne

II. Fake news médiatiques
1. Fake news médiatique pour légitimer la guerre française et britannique en Libye
2. Campagne d'incitation à la haine raciale et médias qatari et occidentaux

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Nous évoquions effectivement le double discours médiatico-politique français qui d'une part soutient les djihadistes en Syrie dont le programme est fondé sur la terreur (torture, décapitations, exécutions sommaires, organisation d'attentats kamikaze) comme moyen de parvenir au pouvoir et d'imposer l'Islam politique et la charia; et qui d'autre part dénonce le djihadisme en France. Nous écrivions que cette position schizophrénique du magistère médiatico-politique ne pouvait que constituer in fine une légitimation implicite des djihadistes à l'étranger comme en France.
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Dans la première partie (2a) de ce deuxième volet, nous revenons sur la position très ambigüe du gouvernement français durant la guerre en Syrie notamment au regard de son soutien direct et indirect aux djihadistes islamistes dans ce pays. Dans la deuxième partie nous aborderons prochainement la position médiatique alignée sur la politique pro-djihadiste du gouvernement français.

Mars 2016. Au conseil des ministre, le gouvernement Hollande reçoit une délégation saoudienne dont le prince héritier Ben Nayef qui recevra des mains de François Hollande la légion d'honneur. A l'époque, l'Arabie saoudite est connue pour son financement des rebelles djihadistes en Syrie

Mars 2016. Au conseil des ministre, le gouvernement Hollande reçoit une délégation saoudienne dont le prince héritier Ben Nayef qui recevra des mains de François Hollande la légion d'honneur. A l'époque, l'Arabie saoudite est connue pour son financement des rebelles djihadistes en Syrie

B. Le cas de la Syrie

I Soutien politique français multiforme aux djihadistes syriens

  • 1. Les prémisses de l'action occidentale en Syrie selon Roland Dumas et WikiLeaks
  • 2. Collusion entre les services secrets français et les djihadistes français selon le journaliste David Thomson
  • 3. Les livraisons d'armes françaises aux rebelles modérés finissent dans les mains des groupes terroristes de l'EI et d'Al Nosra.
  • 4. Le gouvernement français a tenté de protéger Al Nosra à l'ONU en 2012 et a refusé de bombarder les djihadistes d'Al Nosra (filiale d'Al-Qaida en Syrie) en Syrie jusqu'en 2016
  • 5. La rançon versée par l'Etat français aux djihadistes d'Al Qaida
  • 6. La France soutient ouvertement l'Arabie saoudite qui soutient les djihadistes d'Al Nosra en Syrie
  • 7. Le financement de l'Etat islamique : l'affaire Lafarge-Holcim et la complicité de l'Etat français

 

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Prochainement :

II. Le soutien médiatique français et l'apologie des rebelles djihadistes en Syrie :

  • 1. Polémique autour des propos de Fabius sur le "bon boulot d'Al Nosra"
  • 2. le cas d'Idlib
  • 3. le cas d'Alep
  • 4. le cas de la Ghouta Est

 


I Soutien politique français multiforme aux djihadistes syriens

  • 1. Les prémisses de l'action occidentale en Syrie selon Roland Dumas et WikiLeaks

L'ancien ministre des affaires étrangères français de François Mitterrand, Roland Dumas, a déclaré dans l'émission politique « Ça vous regarde » sur LCP, que les représentants du gouvernement britannique lui avaient parlé des préparatifs de guerre en Syrie deux ans avant le début des manifestations et du conflit en 2011 : "les Anglais préparaient la guerre en Syrie deux ans avant les manifestations en 2011".

L’équipe du site internet Truthout, aidée par des analystes tels que Robert Naiman, Gareth Porter et Phyllis Bennis, a travaillé sur l’énorme base documentaire que constituent les câbles diplomatiques diffusés par Julian Assange dès 2006 et pointe la responsabilité du gouvernement étatsunien pour déstabiliser le régime d'Assad en Syrie. Elle en a tiré un livre intitulé "Wikileaks : Le monde selon l’empire étatsunien".  Un câble du 13 décembre 2006,  "Influencing the SARG [Syrian government] in the End of 2006," indique que, dès 2006 - cinq ans avant les manifestations du "printemps arabe" en Syrie - la déstabilisation du gouvernement syrien était une motivation centrale de la politique étatsunienne. L'auteur du câble était William Roebuck, alors chargé d'affaires à l'ambassade des États-Unis à Damas. Le câble décrit des stratégies pour déstabiliser le gouvernement syrien. Dans son résumé du câble, Roebuck a écrit :

    Nous pensons que les faiblesses de Bachar résident dans la manière dont il choisit de réagir à des questions imminentes, perçues et réelles, telles que le conflit entre les mesures de réforme économique (aussi limité soit-il) et les forces corrompues et retranchées, la question kurde et la menace potentielle que représente pour le régime la présence croissante d'extrémistes islamistes en transit. Ce câble résume notre évaluation de ces vulnérabilités et suggère qu'il peut y avoir des actions, des déclarations et des signaux que le gouvernement étatsunien peut envoyer qui amélioreront la probabilité que de telles opportunités se présentent.

Ce câble suggère que l'objectif des États-Unis en décembre 2006 était de saper le gouvernement syrien par tous les moyens disponibles, et que l'important était de savoir si l'action des États-Unis aiderait à déstabiliser le gouvernement, et non pas quels autres impacts l'action pourrait avoir. En public, les États-Unis étaient en faveur de la réforme économique, mais en privé, les États-Unis considéraient le conflit entre la réforme économique et les forces corrompues bien ancrées comme une "opportunité". En public, les Etats-Unis s'opposaient partout aux "extrémistes islamistes", mais en privé, ils voyaient "la menace potentielle pour le régime de la présence croissante d'extrémistes islamistes en transit" comme une "opportunité" que les Etats-Unis devraient prendre en accentuant des mesures qui pourraient augmenter le phénomène.
Source : - Truth Out WikiLeaks Reveals How the US Aggressively Pursued Regime Change in Syria, Igniting a Bloodbath

2. Collusion entre les services secrets français et les djihadistes français selon le journaliste David Thomson

Dès le début de la guerre en Syrie, de nombreux observateurs ont constaté la facilité avec laquelle les djihadistes français en herbe pouvaient quitter le territoire français pour se rendre en Turquie puis en Syrie combattre contre les forces syriennes d'Assad.
- Le Figaro 13.09.13 L‘inquiétant profil des djihadistes français en Syrie
- SLT 17.10.13 Syrie : des centaines de français combattent et meurent au côté d'Al-Quaïda
- Le Figaro 21.08.13 Syrie: un djihadiste français tué

En octobre 2013, Allain Jules écrivait un article intitulé "Syrie : les djihadistes français ne risquent rien !!".

En mars 2014, le journaliste spécialiste, David Thomson, ancien correspondant de France 24 et RFI en Tunisie confirmait sur France 24 dans son livre "Les Français djihadistes" que "La stratégie des services de renseignement c'était de dire laissons les tous partir en Syrie, parce qu'ils partent combattre une ennemi commun et parce qu'ils ne sont pas en France avec le risque qu'ils commettent une opération armée sur le sol français, laissons les partir et nous verrons au retour".

Ces informations David Thomson les confirmera également au JT de France 3 en mai 2014.  les services français étaient parfaitement au courant des filières jihadistes et auraient laissé faire. Ces filières alimentaient les réseaux terroristes de l'Etat islamique du Levant et d'Irak se réclamant d'Al-Qaïda.

Le journaliste a déclaré au JT de 12h30 de France 3, le 02.05.14 :
"La France est en train de changer de stratégie vis à vis du phénomène jihadiste en Syrie partant du constat que les autorités se sont laissés totalement débordés par le phénomène. Tout simplement parce que jusqu'à maintenant jamais les autorités françaises n'ont vraiment essayé d'empêcher le phénomène. La stratégie des services de renseignement c'était de dire laissons les tous partir en Syrie, parce qu'ils partent combattre une ennemi commun et parce qu'ils ne sont pas en France avec le risque qu'ils commettent une opération armée sur le sol français, laissons les partir et nous verrons au retour".

Le renforcement des contrôles aux frontières françaises et turques n'interviendra qu'à partir de 2014-2015 lorsque les premiers retours des djihadistes occidentaux en Europe interviendront avec la survenue d'attentats de djihadistes français en Belgique (puis en France) et que la France commencera à s'engager dans une intensification de la lutte contre l'Etat islamique.
- Un djihadiste français de retour de Syrie serait à l'origine de la tuerie du Musée juif de Bruxelles

Jabhat al-Nosra s’est rendu coupable de plus de 200 attentats-suicides en Syrie depuis 2011, entraînant la mort de plusieurs milliers de personnes. De plus, le groupe a soutenu les attentats de Paris du 13 novembre 2015, en précisant qu’il aurait préféré être le groupe à l’origine des attaques.

3. Les livraisons d'armes françaises aux rebelles modérés finissent dans les mains des groupes terroristes de l'EI et d'Al Nosra.
La polémique sur les livraisons d'armes françaises aux rebelles dits "modérés" a commencé dès 2012 lorsque le président français, François Hollande, a décidé avec son homologue Britannique, David Cameron, de livrer des armes aux rebelles en Syrie malgré l'embargo de l'Union européenne.

- Le Monde 20.08.2014 François Hollande confirme avoir livré des armes aux rebelles en Syrie

Ainsi, le chef de guerre français a déclaré armer les rebelles "modérés" jusqu'en 2014 alors que la fraction militaire de "l'opposition modérée" a disparu depuis 2012. En d'autres termes les armes livrées aux rebelles allaient en grande partie à des djihadistes qui ne faisaient pas mystère de leur soutien envers l'Etat islamique (EI) et Al-Nosra affilié à Al-Quaïda. C'est pour cela que le député Claude Goasguen, aura un vif échange avec un député socialiste en évoquant le soutien de la France au groupe Al-Nosra affilié à Al-Quaïda sur le plateau de LCP en 2015 notamment en raison des livraisons d'armes aux rebelles.

En aout 2015, dans une tribune publiée dans Le Figaro, Roland Hureaux, ancien élève de l'ENS et de l'ENA et élu local de droite, revient lui aussi sur la politique scandaleuse de la France au Moyen-Orient et notamment en Syrie : "Inutile de dire que nos armes et notre appui logistique sont allés exclusivement aux djihadistes, en particulier au Front al-Nosra , nouveau nom d'al-Qaida, dont les différences avec Daech sont bien minces. Les mêmes qui enlèvent ou massacrent les chrétiens - et d'autres. La soi-disant Armée syrienne libre qui, disait-on , était l'objet de notre sollicitude demeure un fantôme - et un alibi pour aider les islamistes." (Le Figaro 17.08.15  Syrie : l'incompréhensible politique étrangère de la France).

D'ailleurs en 2016, François Hollande appellera à "neutraliser" Assad, ce qui en langage diplomatique veut dire "liquider". C'est la première fois qu'un chef d'Etat appelle ouvertement à en liquider un autre publiquement. Peut-être s'agit-il d'un lapsus de l'ex-président qui n'était pas à une gaffe prêt mais cela confirme que l'Etat français et les djihadistes syriens ont un ennemi commun : Assad. 

Un an plus tôt, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères du gouvernement socialiste de François Hollande avait déclaré que "Monsieur Bachar Al Assad ne mériterait pas d'être sur la terre".(vidéo ci-dessous à 00'50''). Dans l'émission de France inter ("Daesh - Autopsie d'un monstre"), il est évoqué que de nombreuses armes sont passés dans les mains du groupe djihadiste d'Al Nosra. Laurent Fabius a déclaré en décembre 2012 au sujet qu'Al Nosra : « sur le terrain, ils font un bon boulot» (Le Monde). Nous reviendrons dans la deuxième partie sur la polémique médiatique française qu'a déclenché ses propos. 

4. Le gouvernement français a tenté de protéger Al Nosra à l'ONU en 2012 et a refusé de bombarder les djihadistes d'Al Nosra (filiale Al-Qaida en Syrie) en Syrie jusqu'en 2016

La collusion entre l'Etat français et les djihadistes d'Al Nosra affiliés à Al Qaida ne s'arrête pas aux livraisons d'armes, elle passe aussi par le refus qu'il soit considéré comme groupe terroriste et cela dès 2012. Selon Jacques Marie Bourget "Nous sommes en décembre 2012 et la lecture de cet extrait du quotidien Le Monde indique que la France fait tout ce qu’elle peut pour empêcher qu’Al-Nosra, la branche d’Al-Qaïda en Syrie, soit inscrite sur la liste noire de l’ONU, celle qui désigne les organisations terroristes." (Secret d’Etat : la France soutient Al-Qaïda en Syrie).


Mais le gouvernement socialiste français ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Il refusera de bombarder les djihdistes d'Al Nosra en phase avec la politique étatsunienne de l'époque selon de nombreux articles du Canard enchaîné.


- Canard enchaîné 16.09.15 Al-Quaïda blanchi ?
"Faut-il s'allier avec le Front Al-Nosra contre Daech ? s'interrogeait "Le Figaro" du 5 septembre. Nos alliés moyen-orientaux y sont prêts". Ces alliés ont pour nom : Arabie saoudite, Qatar, Turquie. Et, comme "Le Canard" l'a annoncé dès le 10 juin, "ils aident Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Quaïda, à se refaire une virginité".


- Canard enchaîné 10.02.16 Al-Quaïda toujours épargné
Salafiste et financé par les Saoudiens, Mohamed Allouche, chef de Jaich al-Islam (l'Armée de l'Islam), a dû répondre à une question sur ses relations avec le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Quaïda. Le 6 janvier, "Le Monde" a publié sa réponse, à déguster lentement : "Aussi longtemps qu'Al-Nosra combattra le régime (syrien), il y a de la place pour une coopération militaire, mais nous avons des différends idéologiques. Nous avons demandé au Front Al-Nosra de se distancier d'Al-Quaïda. Cela a échoué."
Ne reste plus qu'une question, jamais posée aux responsables américains et à François Hollande : pourquoi les pilotes US et français ont-ils reçu l'ordre de ne jamais bombarder ces braves gens d'Al-Quaïda ? On meurt d'envie d'en connaître la raison...



- Canard enchaîné 2.11.16 "Nouveaux tours et détours américains en Syrie"
...Terroristes très épargnés
Face aux djihadistes, la stratégie mise en musique par le Pentagone est plus directe, sans détour, mais jamais défendue publiquement. Sans le dire, Barack Obama et, à sa suite, François Hollande ont choisi, pendant deux ans, de "laisser le Front Al-Nosra prendre des forces et foncer sur Damas", selon la formule d'un diplomate. Peu leur importait que ce mouvement soit la filiale syrienne d'Al-Qaïda et qu'il ait pour associés des groupes salafistes aussi violents que Daech. Les avions américains ne bombardaient jamais ces braves terroristes, les Rafale et les Mirage français non plus. A Washington comme à Paris, aucune explication n'était fournie sur cette complaisance qu'il aurait fallu expliquer ainsi : "Eux seuls peuvent se payer l'armée de Bachar". Difficile à avouer, en effet, et tout autant difficile de reconnaître que ces djihadistes étaient armés par la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, nos présumés amis.
David Petraeus, ancien patron des forces américaines en Afghanistan et en Irak, devenu ensuite directeur de la CIA, s'est, lui, montré bien plus franc. Le 31 août 2015, sur le site "The Daily Beast", il avait invité les dirigeants des Etats-Unis à s'allier ouvertement avec Al-Qaïda pour se sortir du bourbier syrien et, accessoirement, vaincre Daech.  A la fin de septembre 2015, le Front Al-Nosra et ses alliés s'approchant de Damas, prêts à y planter leurs drapeaux noirs, Poutine n'a pas admis qu'un mouvement terroriste puisse prendre possession d'une partie de la Syrie qui abrite des bases militaires russes. Il ne s'est donc plus limité à armer et à conseiller Bachar : il a envoyé avions, hélicoptères, commandos et navires de guerre défendre son protégé.


- Canard enchaîné 20.07.16  "Une Coopération USA-Poutine en Syrie et en Irak"
Pour Obama, Kerry et le Pentagone, c'est une véritable autocritique. Jusqu'à présent, si les pilotes de l'US Air Force arrosaient de missiles les positions de Daech, ils avaient ordre de ne jamais toucher à un cheveu d'Al-Nosra. Et les Rafale et Mirage français épargnaient, eux aussi, ces terroristes intouchables, si l'on ose dire. Cette complaisance franco-américaine envers les combattants d'Al-Nosra, aussi cruels que ceux de Daech, mérite une explication. Dans la guerre menée contre l'armée syrienne, "une alliance de circonstance", formule d'un militaire français, s'est constituée, sur le terrain, entre ces partisans d'Al-Quaida et quelques groupes de rebelles, dits modérés, qui rêvaient d'entrer en vainqueurs à Damas et avaient le soutien de Washington et de Paris, où l'on espérait se débarrasser ainsi de Bachar.
Terroristes tolérables
Autre information, partagée, d'ailleurs, avec d'autres médias, et à déguster lentement pour éviter un violent mal de tête : Al-Nosra a des associés dans son combat, les groupes Ahrar Al-Sham et Jaïsh Al-Islam, des terroristes en tout genre financés par nos amis du Qatar, d'Arabie saoudite et de Turquie. A Paris et Washington, personne ne reproche à ses Etats de jouer, depuis bien des années, aux supporteurs du terrorisme.


- Canard enchaîné, le 4.01.17  Al-Qaida bien installé en classe terroriste
..Dans ce désordre syrien, Obama, Hollande et Fabius ont cru intelligent de choisir celui des groupes terroristes (entre l'Etat islamique et Al-Nosra, ndlr) qui pouvait leur rendre service, pour tout dire. Pendant près de deux ans, les avions de la coalition ont donc bombardé les positions de Daech, et jamais celles du Front Al-Nosra. Avec l'espoir que ces valeureux islamistes radicaux allaient entrer victorieusement dans Damas et y planter le drapeau d'Al-Qaida après en avoir chassé Bachar. Un pari stupide dont aucun n'oserait se flatter aujourd'hui...




- Canard enchaîné 17 Janvier 2018 "Les soldats turcs entrés en Syrie avec Al-Qaida"
"Sans imaginer un instant que miser ainsi sur un mouvement terroriste pour se débarrasser de Bachar et de son régime était à la fois indigne et stupide, l'équipe Hollande-Fabius-Le Drian nourrissait le même espoir, et, à l'instar de la coalition dirigée par les Etats-Unis, les Rafale et les Mirage français n'ont jamais bombardé les positions du Front Al-Nosra pendant plus de deux ans."
Le Canard évoque l'action déterminante des Russes, à partir de septembre 2015 pour faire la guerre contre Al-Quaïda en Syrie et ajoute :
"Ainsi se terminera le rêve d'Al-Qaida. Et celui, que cela plaise ou non, de Hollande, de Fabius et de Le Drian.
- "On a épargné et parié sur le Front Al-Nosra, se désolait à l'époque un diplomate, alors que ce mouvement figurait en bonne place dans la liste des groupes terroristes établies par l'ONU
".

Il n'est donc guère surprenant que Bachar Al Assad ait profité d'une interview sur France 2 avec Pujadas pour dénoncer le soutien français aux terroristes en Syrie.
"De nombreux pays de la région ou occidentaux, dont la France, continuent jusqu'à présent de soutenir le terrorisme en donnant une couverture politique aux groupes terroristes en Syrie et dans la région" a-t-il déclaré selon l'agence de presse Sana reprise par l'AFP.

5. La rançon versée par l'Etat français aux djihadistes d'Al Qaida

On est en mesure de dire, avec les éléments cités ci-dessus, qu'il y avait non seulement une collusion indirecte entre l'Etat français et les groupes djihadistes de par le soutien français politico-militaire apporté à leurs bailleurs de fonds (Arabie saoudite, Qatar, Turquie...) mais aussi une collusion plus étroite de par les livraisons d'armes assortie d'une volonté de protection à l'ONU et de non bombardement de ces djihadistes jusqu'en 2016 après l'entrée des Russes dans la guerre en Syrie en septembre 2015. Les rançons versées aux djihadistes d'Al Nosra affiliés à Al Qaida posent donc d'autant plus de questions. Alain Marsaud, ancien député et ancien magistrat anti-terroriste avait déjà déclaré en 2014 que le groupe Al Qaïda était l'allié de la France et avait enlevé nos journalistes : "ce sont nos alliés qui ont enlevé nos journalistes" (à 1'25'' sur la vidéo).

Sur Sputniknews, Alain Marsaud a révélé que la France a renoué avec les autorités syriennes tout en avouant que le gouvernement français soutient la filière d'Al Qaïda en Syrie : «Il faut des preuves de bonne foi de part et d'autre, » concède Marsaud. Côté français, cette bonne foi serait la fin de l'équivoque face au djihadisme : « on ne peut pas soutenir Al-Nosra (branche syrienne d'Al Qaïda, ndlr) et combattre l'Etat islamique. Il y a un ennemi islamiste global. Il s'appelle Al-Nosra, Etat islamique, Boko Haram ». (A 3'40'' sur la bande audio ci-dessous).

Mais selon Focus, la France a versé une rançon de 18 millions de dollars pour obtenir la libération des otages français. Ce qui apparaît comme un financement au groupe djihadiste d'Al Nosra pourtant allié de la France à l'époque selon de nombreux observateurs.
- Focus 26.05.14 Paris a payé 18 millions de dollars pour libérer les otages français en Syrie

6. La France soutient ouvertement l'Arabie saoudite qui soutient les djihadistes d'Al Nosra en Syrie

 

Alain Chouet (ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE) a révélé dans une interview (vidéo ci-dessous à 2'50") en 2013 que Jabhat al-Nosra (« le front pour la victoire », un groupe salafiste jihadiste syrien affilié à al-Qaïda) avait été créé de toutes pièces par les services spéciaux saoudiens.

Régis Le Sommier, directeur adjoint de Paris-Match, grand reporter, chef du bureau du magazine aux États-Unis entre 2003 et 2009, basé à New York, déclare devant une Elisabeth Guigou médusée sur LCP que les rebelles djihadistes islamistes à Idlib qui y ont imposé la charia, l'Islam politique (et décapitent à tour de bras, ndlr) sur fond de poster de Ben Laden, sont nos alliés tous comme ceux de l'Arabie saoudite. Le SOmmier va jusqu'à dire "Cette radicalisation en leur donnant des armes (au Front Al Nosra, ndlr), en plus en leur permettant de mener cette radicalisation jusqu'au bout. On (la France, ndlr) a quand même largement favorisé cette guerre syrienne dont on est responsable et dont on paie les conséquences avec le flot de réfugiés actuel.".(à 1'40" sur la vidéo)

Le 24.09.15, le Huffington Post explique comment l'Arabie saoudite finance le djihadisme salafiste en Syrie : "En Syrie, les Saoudiens soutiennent les forces sectaires les plus extrêmes et les milliers de volontaires qui se rallient à leur appel.". Enfin des experts interviewés par France inter (vidéo ci-dessus) évoque l'achat par les Saoudiens, le Qatar et la Turquie du pétrole syrien vendu par l'Etat islamique de 2014 à 2016.

Selon The Guardian, un câble diplomatique qui a fuité par Wikileaks en 2009 révèle que la secrétaire d’État Hillary Clinton elle-même considère que « les donateurs en Arabie Saoudite constituent la plus importante source de financement des groupes terroristes sunnites à travers le monde. […] L’Arabie saoudite reste une base essentielle d’appui financier pour al-Qaïda, les talibans, Lashkar e-Tayyiba et d’autres groupes terroristes y compris le Hamas, qui soulèvent probablement des millions de dollars chaque année à partir de sources saoudiennes".

En mars 2016, François Hollande a remis la légion d'honneur au prince héritier saoudien Mohamed Ben Nayef

En mars 2016, François Hollande a remis la légion d'honneur au prince héritier saoudien Mohamed Ben Nayef

Selon WikiLeaks, "le 24 mars 2015, le Front al-Nosra, Ahrar al-Cham et d'autres groupes rebelles se rassemblent dans une chambre d'opérations appelée l'Armée de la conquête, forte d'environ 30 000 hommes, soutenue par l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, et active principalement dans le gouvernorat d'Idlib.  Le 2 juillet 2015, le Front al-Nosra forme avec 13 autres groupes djihadistes — dont Ahrar al-Cham et le Front Ansar Dine — une nouvelle chambre d'opérations baptisée Ansar al-Charia, active dans le gouvernorat d'Alep.  Dans la Ghouta orientale, près de Damas, le Front al-Nosra et le Liwa Fajr al-Oumma forment en 2016 une alliance appelée Jaych al-Foustate."

7. Le financement de l'EI : l'affaire Lafarge-Holcim et la complicité de l'Etat français

L’acharnement de la multinationale à poursuivre son activité en Syrie en pleine guerre civile entre 2011 et 2014 est au cœur de l’enquête judiciaire ouverte en octobre 2016 après des révélations du Monde. Début décembre 2017, les deux directeurs successifs de la filiale syrienne –  Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois  –, ainsi que Bruno Lafont, ancien PDG du groupe, Christian Herrault, ex-directeur général adjoint, Eric Olsen, ancien DRH, et Jean-Claude Veillard, ancien directeur sûreté du groupe, ont été mis en examen pour « financement d’entreprise terroriste » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Des versements à des groupes armés terroristes, dont l’Etat islamique, ont effectivement été établis par un rapport d’expertise interne, confirmé depuis par les recherches des magistrats.

Selon WSWS, "un rapport de la société d'audit londonienne PricewaterhouseCoopers (PWC), commandité par Lafarge, précise que le groupe aurait versé 13 millions de dollars entre 2011 et 2015 aux diverses milices islamistes en Syrie. Selon ce rapport, ce financement a continué jusqu'en 2015, bien après la fermeture de l'usine en septembre 2014". Selon les avocats de Sherpa – l‘association qui s‘est portée partie civile dans cette affaire en 2016 pour «mise en danger de la vie d‘autrui» et a ainsi déclenché l’enquête pour «financement d‘entreprise terroriste» menée par trois juges des pôles antiterroriste et financier de Paris – une grande partie de cet argent est allé, indirectement ou directement, dans les poches de l'Etat islamique.

 

Le hic c'est que la multinationale franco-suisse Lafarge-Holcim n'a pas agi seule mais a obtenu le feu orange des autorités françaises. Dans un article intitulé "En Syrie, Lafarge cimentait ses relations avec djihadistes et racketteurs", en date du 20.09.17, le Canard enchaîné évoque l'aval du gouvernement français aux transactions de Lafarge-Holcim avec l'Etat islamique : "...Le Quai toujours OK
..."On a toujours eu le soutien de l'ambassadeur!" affirme Veillard. M. Gellet nous a toujours soutenus". Herrault confirme ("On le rencontrait tous les six mois") et ajoute que "le gouvernement ne (leur) a jamais demandé de partir" et "que le Quai d'Orsay (les) poussait à rester", "en 2012". Quand la DGSE, avec laquelle Veillard et Jolibois se trouvaient "en contact", elle ne semble pas avoir tiré le signal d'alarme. Pas très lucide, cette France glorieusement engagée derrière les USA dans l'inextricable conflit syrien...".

Selon un rapport cité par Le Monde , le cimentier Lafarge aurait, encouragé par la diplomatie française, versé d'importantes sommes d'argent à l'Etat islamique pour maintenir ses activités en Syrie de 2012 à 2014.

Mais il n'y avait pas que le quai d'Orsay a avalisé en douce les financements de Lafarge à l'Etat islamique en Syrie, un document diffusé dans l'émission Envoyé spécial sur France 2 montre que le directeur de la cimenterie Lafarge en Syrie avait régulièrement rendez-vous avec un officier de la DGSE (voir la vidéo ci-dessous à 4'20") et pose la question de la volonté de l'Etat français à maintenir la cimenterie sur place pour défendre des intérêts nationaux :
"Nous avons pu consulter un document exceptionnel, l'agenda du directeur de la sûreté du groupe Lafarge. Surprise il indique 12 rendez-vous avec un officier de la DGSE entre 2011 et 2014".

Selon la Lettre du Continent, la DGSE a été présente à toutes les étapes des contacts entre Lafarge et les milices djihadistes syriennes et suit l'enquête judiciaire de près.

Si le documentaire de France 2 affirme à la fin de l'extrait vidéo que le Quai d'Orsay a toujours ignoré ces arrangements, un article de Libération révèle le contraire. L'article révèle que le Quai était au courant de la situation :  "Lors de la confrontation judiciaire, l’ancien directeur adjoint de Lafarge avait également fait état d’une autre réunion avec le ministère «au cours de l’hiver 2012-2013». Selon lui, Eric Chevallier, était alors «au courant de la situation de l’usine et il comprenait parfaitement l’intérêt de maintenir l’usine pour le développement de la région». Christian Herrault assurait l’avoir revu au moins une fois ensuite et avoir eu un «long échange téléphonique» avec le diplomate, début 2014. L’audition de Laurent Fabius alors à la tête du Quai d’Orsay, demandée par l'association Sherpa, partie civile dans l'enquête, pourrait permettre d’en savoir plus." (Libération 28.02.18 Lafarge en Syrie : le Quai d'Orsay retrouve doucement la mémoire).

Autre élément troublant pour les enquêteurs, une note de M. Herrault sur la situation en Syrie de 2012 à 2015. « Nous avons toujours été encouragés à rester (et) la seule préoccupation exprimée (par les autorités françaises, ndlr) était de ne rien faire qui puisse +irriter+ les Turcs », écrit-il. « Nous tentions de dire que les Turcs étaient les alliés objectifs sur le terrain des islamistes les plus radicaux qui sont devenus Daesh (acronyme arabe de l’EI), mais cela n’était pas audible à Paris, au moins à l’époque », ajoute-t-il. Des propos démentis par le gouvernement français de François Hollande. (OLJ Lafarge en Syrie : le rôle de la diplomatie française en question).

Mediapart s'est questionné sur le rôle de l'Assemblée nationale sur cette affaire. Dans un article intitulé Lafarge et le terrorisme: l’Assemblée nationale a fermé les yeux, il est écrit : " Le 20 juillet 2016, l’Assemblée nationale, par l’intermédiaire d'une mission d’information présidée par le député Jean-Frédéric Poisson, blanchissait le groupe Lafarge de toute compromission avec des organisations terroristes. Enquête sur un naufrage parlementaire... C’est un mercredi tombé un peu dans l’oubli. Le pays pansait ses plaies, six jours après la tuerie de Nice. Ce 20 juillet 2016 au matin, la mission parlementaire d’information « sur les moyens de Daech » remettait, par l’entremise de son président Jean-Frédéric Poisson (LR) et de son rapporteur Kader Arif (PS), le fruit de ses six mois d’enquête au président d’alors de l’Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone...".

En clair, le Quai d'Orsay, des agents de la DGSE semblent avoir couvert les financements de Lafarge à des groupes terroristes tels que l'Etat islamique et les djihadistes d'Al Nosra tandis que l'Assemblée nationale dans une enquête en date de 2016 n'a rien vu. Selon Mediapart elle aurait même "fermé les yeux" : "Au cours d’une conférence de presse, Jean-Frédéric Poisson tirait les conclusions du rapport et assurait qu’aucune entreprise européenne, a fortiori française, n’avait financé l’organisation terroriste. Au passage, le député en profitait pour dédouaner de manière catégorique le cimentier français Lafarge, suspecté d’avoir renfloué les caisses de l’État islamique (EI) : « Il n’y a pas eu de participation de Lafarge », jurait-il, précisant que rien ne permettait d’établir que le cimentier français ou ses entités locales « ont participé, directement ou indirectement, ni même de façon passive » à ce financement..."

Selon WSWS  : "En fait, l'affaire Lafarge soulève le rôle non seulement de la France, mais des gouvernements de toutes les grandes puissances de l'Otan. A partir de 2011, ces puissances ont organisé avec les monarchies du Golfe le financement de milices islamistes en Syrie à la hauteur de milliards de dollars. Cette guerre a dévasté la Syrie, fait des centaines de milliers de morts, et forcé plus de 10 millions de Syriens à fuir leurs foyers. Les médias et les responsables politiques des pays de l'Otan ont tenté de cacher autant que possible le caractère politiquement criminel de cette guerre, et notamment le fait que les alliés de l'Otan en Syrie, comme dans la guerre de 2011 en Libye...",

Enfin, il est à noter que selon Reuters, lorsque les députés français ont "invité" le gouvernement socialiste à reconnaître "le génocide" commis par l'Etat Islamique en Syrie et en Irak à l'encontre des minorités religieuses afin de poursuivre ses responsables devant la justice internationale, les députés socialistes ont refusé de voter cette loi et se sont abstenus. (Les Républicains, l'UDI et le Front de Gauche votent le caractère génocidaire de l'Etat islamique, les Socialistes s'abstiennent !).

Prochainement :
- Double discours (2b/3). Le soutien médiatique français envers les djihadistes en Syrie légitime implicitement la radicalisation islamiste en France

II. Le soutien médiatique français et l'apologie des rebelles djihadistes en Syrie :

  • 1. Polémique autour des propos de Fabius sur le "bon boulot d'Al Nosra"
  • 2. le cas d'Idlib
  • 3. le cas d'Alep
  • 4. le cas de la Ghouta Est
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