Article publié le 7 juillet 2013, republié le 04.10.13 avec ajouts d'articles parus en juillet 2013.
Ce n'est un secret pour personne les frères musulmans, parvenus au pouvoir démocratiquement en Egypte il y a un an, sont très proches de la CIA et des Etats-Unis, du moins jusqu'à leur éviction par un coup d'Etat militaire dont certains y voient la patte de l'oncle Sam. Ainsi dans la guerre soutenue par les forces atlantistes contre le gouvernement d'Assad, les Frères Musulmans sont devenus l'avant garde de l'assaut impérialiste occidental. La nébuleuse des Frères musulmans serait coordonnée par la Muslim Association of Britain de Londres, s’appuyant sur la banque Al-Taqwa (Wikipedia) et a été financée et soutenue par la CIA dès les années soixante ( LePoint Quand la CIA finançait les Frères musulmans ; lire aussi chez History 1954-1970: CIA and the Muslim Brotherhood Ally to Oppose Egyptian President Nasser). En Egypte "Les réunions secrètes et répétées des responsables des Frères avec les Américains laissent penser à un marchandage pour un soutien U.S. (auprès de l’armée) à leur prise de pouvoir, en contrepartie d’un alignement sans réserve des Frères sur les positions américaines." (Le Grand Soir De la démystification des Frères).
Ainsi l'administration Obama se refuse à dénoncer le coup d'Etat permettant au congrès de continuer à subventionner l'armée égyptienne et investir dans le pays à hauteur de 2 milliards de dollars par an. La reconnaissance du coup d'Etat par Washington obligerait le Congrès à supprimer tous les crédits envers l'armée égyptienne.
"The coup is proceeding with Washington’s full support. The Obama administration has even cynically sought to avoid admitting that what is taking place in Egypt is a coup, as this would legally bar Washington from paying its yearly $1.3 billion subsidy to the Egyptian army.US congressmen have also indicated that they favor ignoring the law to continue backing the coup. “The law by its terms dictates one thing, and sensible policy dictates that we don’t do that,” Democratic Representative Howard Berman told the New York Times. “That’s why the executive branch gets to decide whether it’s a coup or not. Under the plain meaning rule, there was a coup.” However, Berman added that he opposed cutting off aid to the Egyptian army. "(WSWS Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup ).
Le coup d'Etat viserait non seulement à éliminer les frères musulmans jugés insufisamment dociles mais surtout à éviter que le mouvement révolutionnaire né en Egypte l'emporte, soit défavorable aux intérêts américains et israeliens et construise une alternative démocratique solide en Egypte qui sorte ce pays de l'ornière nécoloniale dans laquelle il est maintenu depuis des décades par les forces impérialistes. Ainsi selon le Wall Street Journal (After The Coup in Cairo. The USA shouldn't cut off aid to a new Egyptian government), les USA pourraient profiter de ce coup d'Etat afin de relancer une économie égyptienne moribonde qui leur soit plus favorable au travers d'une junte militaire comparée à celle de Pinochet et qui serait selon ce quotidien une chance de stabilité pour les Egyptiens mais aussi pour les investissements états-uniens. "Washington can also do more to help Egypt gain access to markets, international loans and investment capital. The U.S. now has a second chance to use its leverage to shape a better outcome. Egyptians would be lucky if their new ruling generals turn out to be in the mold of Chile's Augusto Pinochet, who took power amid chaos but hired free-market reformers and midwifed a transition to democracy. " En clair un retour à un régime à la Moubarak favorable aux intérêts économiques et géopolitiques US tout en imposant un ordre strict dans le pays source de retour à une stabilité favorable aux échanges commerciaux avec les USA. Cette action militaire risque pourtant de plonger le pays dans le chaos. Va-t-on vers une junte militaire à la Moubarak ou vers un gouvernement civil fantôche ? Retour à la case départ ? Stratégie du chaos ?
Le risque est grand de voir le syndrome algérien se reproduire en Egypte. En effet en 1990 une faction de l'armée algérienne, suite aux élections remportées démocratiquement par le front islamique du salut (FIS), a confisqué le pouvoir en Algérie sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
"Lors des élections locales de 1990, premières élections libres en Algérie, le FIS avait remporté 953 communes sur 1539 et 32 wilayas (provinces) sur 48. Le 26 décembre 1991 a eu lieu le premier tour des élections législatives. Le FIS obtient 188 sièges sur 231, soit près de 82 %, le FFS 25 sièges et le FLN 15 sièges, les candidats indépendants remportent 3 sièges. Prenant acte de la situation qui prévalait, et qui risquait de tourner à son désavantage, l'armée décide le 11 janvier 1992 de pousser le chef de l'État, le président Chadli Bendjedid à la démission et d'interrompre le processus électoral. Les assemblées communales et départementales dirigées par les élus du FIS sont par ailleurs dissoutes et les militants et sympathisants de la formation qui vient de remporter le premier tour du scrutin législatif sont emprisonnés ou expédiés dans des camps établis dans le sud saharien." (Wikipedia) Cette junte militaire a pu créer les conditions d'une terrible guerre civile qu'elle a remporté militairement pour s'accaparer les richesses du pays (notamment le pétrole et le gaz).
En Egypte, les partisans du président Morsi sont dans leur bon droit et ont à juste titre l'impression qu'on leur vole leur victoire démocratique incontestable d'il y a un an. Va-t-on vers une guerre civile (rappelant ce qui s'est passé en Algérie) qui servirait les intérêts de l'armée égyptienne sous influence US ou vers une modification de la constitution comme ce fut le cas en France lorsque l'armée avec à sa tête le Général de Gaulle prenait le pouvoir en 1958 - dans le contexte de la guerre d'Algérie - en créant la Vème République renvoyant le Parlement à l'état de simple caisse enregistreuse des décisions gouvernementales et s'arrogeant avec son état major le pouvoir exécutif sans le moindre contrôle ?
Lire aussi dans Le Monde du7 juillet 2013 Egypte : un coup d'Etat planifié par les militaires ?
"Un "soulèvement populaire appuyé par l'armée", telle est la version officielle de la destitution de Mohamed Morsi. Pourtant, des sources concordantes provenant des Frères musulmans, de l'armée et des renseignements, ont affirmé à l'agence de presse AP que la destitution du président égyptien avait été décidée par les militaires dès le 23 juin, une semaine avant la manifestation du 30 juin, qui a poussé des dizaines de millions (sic) d'Egyptiens dans la rue."
L'Express du 12 juillet 2013 Egypte: depuis quand le coup d'Etat était-il planifié?
"Plusieurs éléments laissent à penser que le "soulèvement populaire" à l'origine du renversement du président Morsi pourrait avoir été moins spontané qu'on ne l'a cru dans un premier temps. ...Les événements en cours ne sont pas sans rappeler ceux du Chili en 1973 - où, dans un contexte de crise, des grèves de professions libérales et de camionneurs avaient précédé le coup d'Etat militaire contre Salvador Allende- ou de l'Algérie en 1992: l'armée avait interrompu les élections législatives remportées au premier tour par les islamistes. Mais, avertissait le journaliste Jonathan Steele dans le Guardian, le jour même du renversement de Mohamed Morsi, "depuis le Chili en 1973 jusqu'au Pakistan en 1999, nombreuses sont les prises de pouvoir par des militaires saluées au cours des premières heures ou des premiers jours, qui ont été amèrement regrettées les années suivantes."
Lire aussi l'excellent article du WSWS Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup
""The coup is proceeding with Washington’s full support. The Obama administration has even cynically sought to avoid admitting that what is taking place in Egypt is a coup, as this would legally bar Washington from paying its yearly $1.3 billion subsidy to the Egyptian army.US congressmen have also indicated that they favor ignoring the law to continue backing the coup. “The law by its terms dictates one thing, and sensible policy dictates that we don’t do that,” Democratic Representative Howard Berman told the New York Times. “That’s why the executive branch gets to decide whether it’s a coup or not. Under the plain meaning rule, there was a coup.” However, Berman added that he opposed cutting off aid to the Egyptian army. "(WSWS Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup ). "
Et aussi :
- RIA Novosti Egypte : l'armée défend ses intérêts
Les généraux ont un intérêt personnel à rétablir l’ordre le plus vite possible : les recettes annuelles de leurs entreprises se chiffrent à 100 milliards de dollars, soit un cinquième du PIB national.
Les affrontements qui se sont déroulés hier en Égypte ont fait au moins 40 morts et des centaines de blessés. Après avoir destitué le président Mohamed Morsi les militaires affichent leur résolution, écrit le quotidien RBC Daily du 9 juillet 2013.
L’armée égyptienne vend sur le marché un éventail très large de services et de produits de consommation : des aliments à l’essence en passant par les hôtels de luxe, écrit le Frankfurter Allgemeine Zeitung. La marque Armed Forces (les forces armées égyptiennes) est très présente dans les supermarchés du Caire sur l’emballage des pâtes, de l’huile olive, des œufs, du poulet, du sucre ou du poisson, aussi bien que sur des casseroles, des poêles et même des télés LCD. Cela dit, les revenus réels des militaires en Égypte constituent un secret d’État et la loi punit toute divulgation d’informations de ce genre. Les économistes indépendants ne peuvent qu’évaluer d’une manière générale les revenus et les recettes des entreprises industrielles et agricoles des militaires.
Les privilèges des généraux égyptiens sont très importants : leurs usines de pâtes et le réseau de stations-service Wataniyyah ne sont pas tenus de rendre des comptes aux structures fiscales. Les informations tenues secrètes comprennent naturellement le nombre de camions transportant la viande depuis les abattoirs de l’armée. Selon d’autres estimations, les militaires contrôlent directement de 30 à 40 groupes industriels et sont parfois en situation de monopole. Qui plus est, les généraux envoient souvent leurs recrues travailler dans les champs ou sur les lignes d’assemblage.
Les positions des militaires égyptiens sur le marché immobilier sont également fortes : une loi leur permet de s’approprier pratiquement n’importe quelle terre de l’État en la qualifiant de "nécessaire pour assurer la défense" du pays. Les généraux s’occupent donc activement de la construction et de l’exploitation d’ensembles résidentiels de luxe, de zones de divertissement et d’hôtels. Ces affaires leur apportent des sommes considérables : ils peuvent vendre ces bâtiments ou les louer à de grandes sociétés touristiques.
Les généraux ne sont pourtant pas des gestionnaires efficaces malgré leur présence dans tous les domaines de l’économie égyptienne. Des milliards de dollars du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale aussi bien que 40 milliards de dollars de l’aide militaire de la part des États-Unis au cours des 30 dernières années (1,3 milliards de dollars par an) n’ont pas permis à l’économie égyptienne de rattraper son retard par rapport à d’autres marchés émergents, estime Zeinab Abul-Magd, spécialiste américaine du Proche-Orient. Si la pauvreté dans le monde a diminué de deux fois ces 20 dernières années, un nombre important d’Égyptiens vit toujours en-dessous du seuil de pauvreté, fait-elle remarquer.
MOSCOU, 9 juillet -RIA Novosti