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Les répercussions de la décision de Trump sur Jerusalem (Consortium News)

par Dennis J. Bernstein 30 Décembre 2017, 13:01 Jerusalem Francis Boyle BDS Trump Israël USA Colonialisme Apartheid Racisme Impérialisme Articles de Sam La Touch

Les répercussions de la décision de Trump sur Jerusalem
Article originel : Reverberations from Trump’s Jerusalem Move
Interview de Francis Boyle par Dennis J. Bernstein
Consortium News, 27.12.17


Traduction SLT : vidéo et photos ajoutées par nos soins.

L'un des avantages ironiques de la présidence de Donald Trump est que le monde fait preuve d'une plus grande indépendance à l'égard des décrets étatsuniens, comme le récent rejet de la décision de Trump de déplacer l'ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem, comme le rapporte Dennis J. Bernstein.

Le rejet par l'Assemblée générale des Nations Unies des menaces manifestes de représailles économiques de la part du Président Trump - dans un refus massif de sa décision de déplacer l'ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem - a marqué un rare signe d'indépendance vis à vis de Washington. Malgré les menaces du président Trump, le vote contre la position étatsunienne a été de 128 voix contre 9, avec 35 abstentions.

Les répercussions de la décision de Trump sur Jerusalem (Consortium News)

J'ai parlé de l'importance du vote avec le professeur Francis Boyle, érudit et militant pro-palestinien de longue date, qui a été profondément engagé dans le processus de paix au Proche-Orient et dans diverses négociations au cours des 30 dernières années. M. Boyle est professeur de droit international à la faculté de droit de l'Université de l'Illinois. Il a été conseiller juridique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).


Dennis Bernstein : Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais que les gens en sachent un peu plus sur vos antécédents, parce que vous êtes la personne idéale pour aborder ce sujet en ce moment. Parlez un peu plus de votre travail avec les Palestiniens.

Francis Boyle : Oui. Eh bien, à partir de 1987, à la demande [des Palestiniens], j'ai fait un discours aux Nations Unies à l'occasion du 20e anniversaire de la guerre des Six Jours. Et, dans ce discours, je leur ai présenté un ordre du jour pour établir leur statut d'État, y compris, à un moment donné, l'invocation de la Résolution de "l'Union pour la paix".

Ils ont apprécié ce que j'avais dit et m'ont demandé de le rédiger dans un mémo, ce que j'ai fait. Vous pouvez le lire dans mon livre "Palestine, Palestiniens et droit international". Et ils ont ensuite donné suite à ma recommandation dans leur Déclaration d'indépendance du 15 novembre 1988. Et j'ai été leur conseiller juridique pour tout cela. Mon mémorandum est devenu leur prise de position. Et j'ai travaillé avec eux depuis.

Aujourd'hui, l'État de Palestine est reconnu par 136 États. Il jouit également du statut d'observateur auprès des Nations Unies, comme la Suisse l'avait fait avant de devenir membre à part entière de l'ONU.

Et les Palestiniens ont certainement déclaré publiquement qu'ils peuvent, à un moment donné dans l'avenir, invoquer la Résolution de "l'Union pour la paix" pour obtenir leur admission aux Nations Unies en tant qu'État membre à part entière de l'ONU. Ils ont déclaré que c'était la prochaine étape. Je suppose qu'on doit observer ce qui va se passer. Je ne suis pas en mesure de le dire, mais ils ont déclaré qu'ils renouvelleront cette lutte en janvier [2018], une fois que le calme sera revenu.
 


DB : D'accord, parlons maintenant de la signification du vote d'aujourd'hui [21 décembre], qui a beaucoup à voir avec Jérusalem. Parlez-en, si vous le voulez bien, dans le contexte de la procédure "Uniting for Peace" ("Union pour la Paix") parce que cela lui donne plus de pouvoir ou d'orientation.

FB : Eh bien, c'est exact. Lorsque l'union pour la paix a commencé, au temps de la guerre de Corée, l'Union soviétique a commencé à exercer son droit de veto. Et le sous-secrétaire d'État US Dean Acheson - à l'époque où nous contrôlions l'Assemblée générale - a proposé à l'Assemblée générale une résolution sur "l'Union pour la paix" afin de contourner le veto soviétique. Et puis [les Etats-Unis] l'ont utilisé pour imposer des sanctions économiques assez terribles contre la Corée du Nord qui se sont poursuivies jusqu'à aujourd'hui.

Et, au fil des ans, la procédure "d'Union pour la Paix" a été approuvée par la Cour internationale de Justice dans l'avis consultatif de 1962. Et je l'ai fait, c'est moi qui ai informé les Palestiniens de la procédure Uniting for Peace et de la nécessité d'aller de l'avant et de l'utiliser. Et ils l'ont utilisé.

Et [le vote du 21 décembre] en est un autre exemple. Les principaux médias de masse considèrent que ce n'est rien de plus que symbolique. Vous savez, Dennis, si ce n'était rien de plus que symbolique, pourquoi Nikki Haley a-t-elle menacé de terribles représailles tout les pays du monde, s'ils votaient pour, et de même, Trump a lui aussi fait des menaces de représailles lors de ses dernières réunions ? C'est donc bien plus que symbolique.

Dans le cadre de "l'Union pour la Paix", l'Assemblée générale ne peut pas exiger des États qu'ils fassent quoi que ce soit. Mais elle peut certainement les autoriser. Et ce qui se passe ici avec cette résolution dans le cadre de "l'Union pour la Paix", c'est qu'elle a véritablement consolidé le consensus international sur Jérusalem. Comme vous le notez, nous en avons déjà discuté auparavant, lorsque Trump a annoncé sa nouvelle politique et invité d'autres États à suivre le transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem et à reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, ce qui n'est pas le cas, que ce soit Jérusalem-Ouest ou Jérusalem-Est.

Et ce vote d'aujourd'hui consolide vraiment ce consensus international. C'est donc une bonne chose, mais il va de toute évidence falloir que les Palestiniens prennent d'autres mesures. Encore une fois, mon conseil est que la prochaine étape ici est d'utiliser "l'Union pour la Paix" pour faire admettre la Palestine à l'ONU elle-même. Mais c'est à l'étude. Il va falloir voir ce qu'ils font.

 

DB : Et que dit exactement cette résolution ? Elle renforce les résolutions antérieures du Conseil de sécurité. De quoi parlons-nous exactement ?

FB :  Eh bien, la façon dont le gouvernement des États-Unis l'a créée sous la direction du secrétaire d'État Dean Acheson, c'est qu'en cas de problème touchant la paix et la sécurité internationales, et si au moins un des membres permanents du Conseil de sécurité exerce un droit de veto sur une résolution sur cette question, lorsque la résolution est présentée au Conseil de sécurité, la question est alors renvoyée à l'Assemblée générale des Nations Unies pour qu'elle prenne une décision, afin que celle-ci décide de ce qu'il convient de faire, conformément à une décision de la majorité des deux tiers. Donc, le gouvernement des États-Unis a d'abord présenté cette mesure. Nous l'avons conçu et nous l'avons malheureusement appliqué à la Corée du Nord.

Et ces sanctions économiques continuent d'étrangler la Corée du Nord aujourd'hui, alors que nous parlons. Et Trump essaie de les aggraver. Mais en tout cas, ce qui est vaut pour l'un, vaut aussi pour l'autre. Je pense que c'est un sort de l'histoire, un peu comme un retour cosmique dans le passé, qu'une génération plus tard, les Palestiniens et la majeure partie du reste du monde utilisent "l'Union pour la Paix" contre les États-Unis. C'est notre bébé, pour ainsi dire, et ils nous le retournent.

 

DB : Très bien, parlons un peu de Jérusalem et de ce qui est en jeu ici. La dernière fois que nous avons parlé, l'une des choses que vous avez dites, et c'est très inquiétant et absolument vrai, c'est que vous craigniez à nouveau la mort d'un plus grand nombre de Palestiniens dans cette lutte pour la libération.

FB : Et, c'est vrai, Dennis, [...] en toute justice, que les Juifs pourraient mourir aussi.

 

DB : Oui. Et les choses sont en train d'arriver, il est clair que des Palestiniens sont morts. Il y a eu des attaques dans la bande de Gaza. Il y a eu des incidents de Palestiniens qui s'en sont pris à des Juifs, c'est également un fait. Mais, ce sont toujours les Palestiniens qui ont le plus de pertes. Et ce dont je veux que vous parliez ici, parce que les gens ne comprennent toujours pas, c'est qu'est-ce qui est en jeu ici à Jérusalem ? De quoi s'agit-il exactement ? Et pourquoi est-ce que c'est devenu la ligne de résistance ?

FB : Parce que, comme vous le savez, Jérusalem est le siège des trois grandes religions monothéistes : l'Islam, le Judaïsme et le Christianisme. Et, surtout, pour les Musulmans du Haram al-Charif, le Noble Sanctuaire, c'est le plateau là-bas. Et ce plateau est considéré comme sacré. On y trouve la mosquée Al-Aqsa, où les Musulmans avaient l'habitude de prier avant la Mecque Médina. Il y a le Dôme du Rocher où on dit que le prophète Mahomet est monté au Ciel. Et puis vous avez le El Burka, qui est le genre de site "à côté" où  Mahomet aurait attaché son cheval, quand il a miraculeusement volé de l'Arabie à Jérusalem, pour faire son ascension au Ciel.

Du côté juif, vous avez le Mur des Lamentations. Et, malgré tout ce qui est dit, il est toujours palestinien. Il est protégé en vertu des Conventions de Genève, et il y a aussi une convention de 1953 à laquelle Israël est partie prenante, protégeant les sites religieux culturels en temps de guerre. Bien que, je crois, cela pourrait facilement être négocié en établissant simplement une servitude pour que les Juifs puissent aller au Mur des Lamentations. Je ne pense pas que les Palestiniens souhaitent ardemment mettre un terme à cela, d'une façon ou d'une autre. Et puis le Christianisme, bien sûr, vous y avez tous les lieux saints, la Nativité, l'Église de la Nativité, le Saint Sépulcre, etc.

Donc, c'est vraiment le point de départ pour ces trois religions. Bien que, encore une fois, j'ai élaboré une proposition pour les Palestiniens qui a été approuvée par l'OLP, sur le partage de Jérusalem en tant que capitale entre Israël et la Palestine, les deux États. Cela devrait être soumis à l'approbation du Conseil de sécurité, car Jérusalem a toujours un statut distinct en vertu du droit international du corpus separatum. Mais cela sera probablement approuvé.

Et vous pouvez lire cette proposition qui a reçu l'approbation de l'OLP dans mon livre "Palestine, Palestiniens et droit international" avec le mémorandum original que j'ai fait pour eux depuis 1987. Et puis le président de la délégation palestinienne aux négociations de paix au Moyen-Orient, mon client et ami, feu le grand Dr Haidar Abdel-Shafi, m' a donné pour instruction de rédiger la contre-offre du Bantustan israélien d'Oslo [les accords d'Oslo de 1993], ce que j'ai fait. Et il est publié avec la permission du Dr Abdel-Shafi.

Il était clair au début qu'Oslo était presque un bantoustan, et j'ai donc conseillé tous les Palestiniens à cet effet. Et Abdel-Shafi m'a ensuite demandé de faire leur contre-offre, ce que j'ai fait. Mais cette position n'a pas prévalu. Le Dr Abdel-Shafi et moi nous sommes battus contre Oslo jusqu'au bout. On a perdu, alors voilà.

 

DB : Maintenant,restons sur Jérusalem, je pense que la déclaration faite par Trump, même si elle est évidemment dans un continuum de la politique des États-Unis - L'ambassadeur d'Obama [Dan Shapiro] n'était pas meilleur, sinon pire - mais ce qui se passe sur le terrain à Jérusalem dans le contexte de cette déclaration, c'est en d'autres termes, l'expansion continue des démolitions de maisons, la tentative de mettre en place des dispositifs de sécurité, et de mettre en place un lieu pour empêcher les Musulmans d'aller prier avant de les faire passer par un détecteur de métaux... qui a été mis en place dans un passé récent. Avant cette annonce, la situation à Jérusalem était déjà très difficile. Donc, c'est juste une sorte de poussée périphérique, n'est-ce pas?

FB : D'accord. Dennis, c'est vraiment réconfortant pour Netanyahu et ses fanatiques religieux là-bas qui, soit dit en passant, étaient complices de l'assassinat du Premier ministre [Yitzhak] Rabin. Qui a été le premier et, jusqu' à présent, le seul premier ministre qu'ils ont eu là-bas qui était intéressé à négocier la paix avec les Palestiniens et la Syrie, ce qui explique pourquoi ils l'ont assassiné.

Donc, oui, ça ne fait qu'encourager ces gens. Et le véritable point d'achoppement est... Netanyahu qui permet à ces colons fanatiques et racistes d'aller sur le Haram Al-Sharif [Mont du Temple] lui-même, et de prendre d'assaut la mosquée Al-Aqsa. Et cela s'est produit à plusieurs reprises. Et c'est extrêmement dangereux et très provocant. Parce qu'en fin de compte, ces gens veulent détruire Al-Aqsa et construire leur soi-disant troisième temple. Et ce serait une catastrophe totale si cela se produisait, parce qu'il y aurait 1,5 milliard de Musulmans dans le monde qui se lèveraient à l'unisson.

Mais le vrai danger en ce moment, je pense, est l'encouragement de Netanyahu et de ces extrémistes religieux fanatiques, ces colons qui croient maintenant qu'ils ont un chèque en blanc pour faire ce qu'ils veulent. Et surtout à Jérusalem et en particulier au Haram Al-Charif et à la mosquée Al-Aqsa, oui.

 

DB : Et, je suppose qu'il devrait être inquiétant que Jared Kushner ait une fondation qui finance la construction de colonies en Cisjordanie. Je pense que cela pourrait inquiéter n'importe qui, quel que soit le type de négociation envisagé. Sans parler du fait que Netanyahu allait loger avec sa famille à la maison de Kushner quand il était aux Etats-Unis.

FB : Eh bien, c'est exact. Kushner est complice, par le biais de sa fondation, d'autres crimes en vertu du Règlement de La Haye de 1907, auquel le gouvernement des États-Unis est partie prenante, ce qui constitue une violation des Conventions de Genève de 1949, les quatre Conventions de Genève auxquelles les États-Unis sont parties prenantes. Et les crimes contre l'humanité tels que définis par le Statut de la Cour pénale internationale. Et le procureur, la Cour pénale internationale, enquête actuellement sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité en raison de ces règlements.

Il est donc impossible de penser qu'un type comme Kushner pourrait servir de médiateur ici, et il semble que les Palestiniens aient décidé de se tourner vers la Russie et la Chine, et les Nations Unies pour servir de médiateurs. Bien que je doive souligner, Dennis, que j'ai été conseiller juridique de la délégation palestinienne aux négociations de paix au Moyen-Orient dès le tout début, à Washington, à l'automne 1991, convoquée par le président Bush, père, et que le gouvernement des États-Unis n' a jamais été un arbitre honnête. Ils ont toujours soutenu la position israélienne.

Et, en effet, comme je l'ai déjà mentionné, Bush, Sr. a mis trois Juifs étatsuniens en charge du processus, [Dennis] Ross, [Aaron David] Miller et [Daniel] Kurtzer. Et ils ont essentiellement fonctionné comme des avocats d'Israël. Et je crois que deux d'entre eux étaient, sont toujours, orthodoxes. Je ne pense pas que Ross le soit. Et nous voilà, toutes ces années plus tard - c'était en 1991 -  maintenant en 2017 et rien n' a changé parce que Trump a mis Kushner, [David] Friedman et [Jason] Greenblatt comme soi-disant négociateurs.

Et ici, tous les trois sont orthodoxes. Donc, cette situation est complètement absurde. Comment vous attendez-vous à ce qu'il y ait des négociations raisonnables et équitables ? Cela  n'arrivera pas.

DB : Et, je suppose que cela nous ramène aux déclarations menaçantes de Nikki Haley aujourd'hui, qui sonnent un peu comme celles d'un parrain mafieux avertissant toute nation qui voterait - je suppose qu'elles n'ont pas eu beaucoup d'impact sur le vote - mais il est clair que cela doit être effrayant si vous êtes une petite nation qui vit ou meurt en fonction de l'aide étatsunienne alors qu'ils disent que si vous votez pour cette résolution en faveur des Palestiniens, nous allons vous tuer. Ce n'est pas non plus un bon signe.

FB : C'est vrai, et bien sans les menaces Haley/Trump, je pense que les Palestiniens auraient aussi récupéré les 35 abstentions, et peut-être les absences. Il semble que plusieurs États ne se sont pas présentés à cause de ces menaces. Donc, en gros, il y aurait probablement eu - quoi, il y a 193 États membres de l'ONU - et il y en aurait probablement eu 185 à 189. Mais sous la résolution de "l'Union pour la Paix", ils n'avaient besoin que des deux tiers des voix et les abstentions ne comptaient pas. Alors, nous y voici.

Ils ont le droit de vote, et en effet, ils ont le droit d'être admis en tant qu'État membre à part entière de l'ONU sur la base de ce vote. Et en dépit des menaces de Trump/Haley, il me semble qu'ils ont les votes pour être admis à l'ONU, avec un peu de chance à partir de janvier [2018]. Une déclaration a été faite selon laquelle ils présenteront une autre résolution sur leur admission au Conseil de sécurité en janvier. Et, en supposant que les États-Unis y opposent leur veto, ce qui sera probablement le cas sous Trump, ils pourront à nouveau invoquer l'initiative "Union pour la Paix" et la soumettre à l'Assemblée générale.

Parce qu'en fin de compte, conformément aux termes de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité ne fait que des recommandations sur l'admission, et non sur la décision finale. Il y a une grande différence entre les recommandations et les décisions. Et aussi, aux termes de la Charte des Nations Unies, en fin de compte, c'est l'Assemblée générale qui admet un État membre, et non le Conseil de sécurité.

J'avais conseillé aux Palestiniens d'aller de l'avant, ils peuvent le faire, ce qu'ils ont essayé en 2012. Et, à ce moment-là, ils ont décidé de se contenter du statut d'État observateur. Ils font un pas à la fois, et nous devrons voir quelle est leur prochaine étape.

J'ai aussi remarqué que, bien que je n'ai pas de liste, le président [palestinien] Abbas vient de dépasser les 22 traités différents. Je n'ai toujours pas les noms de ces traités. Mais cela remonte aussi à notre précédente conversation sur Jérusalem, ici, sur une intifada légale.

Ils utiliseront leurs adhésions à toutes ces organisations internationales pour consolider et promouvoir leur statut d'État. En fin de compte, je pense que c'est positif, car même [Noam] Chomsky a souligné que si les Palestiniens continuent dans cette voie, au bout du compte, il y aura deux États là-bas.

Sinon, je crains que nous n'ayons que le chaos total et que les Palestiniens n'obtiennent rien de plus qu'une collection de petits bantoustans. Tu te souviens, à l'époque, Dennis, quand on combattait l'apartheid en Afrique du Sud. Nous avions Transkei, Ciskei et Bophuthatswana qui n'étaient même pas reliés entre eux. C'étaient de petites parcelles de terre. Et c'est à peu près ce qu'Israël a en tête ici.

DB : Et il est important de noter que ceux qui ont mené cette guerre contre l'apartheid en Afrique du Sud sont parmi les plus fervents partisans des Palestiniens. Et ils disent maintenant, et je les ai poussés là-dessus, parce que je veux savoir si nous parlons d'hyperbole ici, et ils disent maintenant que la situation palestinienne est bien pire, en particulier à Gaza. Bien pire qu'ils ne l'ont jamais eu en ce qui concerne les Bantoustans dont vous parlez.

FB : C'est exact. En effet, mon ami, le professeur John Dugard, qui avait été Rapporteur spécial sur la Palestine, vient d'Afrique du Sud. Et il a fait partie d'une poignée de professeurs de droit international blancs là-bas avec le courage, l'intégrité et les principes de s'opposer à l'apartheid en Afrique du Sud, au péril de sa vie. Et Dugard a dit la même chose. Si vous voulez regarder... faites un google avec son nom DUGARD.

Et Dugard a dit, et comme vous le soulignez, ainsi que d'autres dirigeants de l'ANC, que ce à quoi les Palestiniens sont confrontés est bien pire que ce à quoi nous étions confrontés dans la lutte contre l'apartheid. Vous étiez impliqué, j'étais impliqué, beaucoup d'entre nous avons combattu l'apartheid en Afrique du Sud. Et nous combattons l'apartheid là-bas [la Palestine] aujourd'hui aussi. Les principes juridiques sont à peu près les mêmes.

 

DB : Les principes juridiques sont les mêmes, mais euh... l'histoire et les détails, ou la situation, sont assez différents. Israël et son lobby contrôlent la politique étatsunienne, donc... tous ces anti-apartheiders ont été assez silencieux, n'est-ce pas?

FB : Eh bien, nous avons la campagne BDS...

DB : Eh bien, oui... non, non, non, c'est le bon côté des choses, mais je veux dire tous ces politiciens, et tous ces activistes des droits civils, et tous ces gens... et vous savez que je peux revenir sur la liste, ne voyez pas... si vous soulevez la question, soit le sujet disparaît ou vous êtes considéré comme un idiot, soit un théoricien de la conspiration ou du complot. Quand vous faites cette structure parallèle. Je ne l'ai pas entendu sur NPR, n'est-ce pas?

FB : Vous voulez dire de la National Propaganda Radio, Dennis ? Mais, écoutez, j'ai mis sur pied la campagne israélienne de boycott et de désinvestissement (BDS), en novembre 2000, à cause de mon implication dans la campagne de désinvestissement ici contre l'apartheid en Afrique du Sud, qui a été réclamée par un avocat noir qui était devant moi à la faculté de droit de Harvard, Randal Robinson.

En examinant la situation, j'ai conclu que les principes juridiques sont les mêmes. Et quand j'ai fait cela, je me souviens que le président de Harvard, Larry Summers, m'a condamné, parce que j'avais participé à la campagne de désinvestissement de Harvard, et il m'a accusé d'être antisémite.

Et WBUR, qui est l'affilié de la NPR là-bas à Boston m'a demandé de débattre avec Summers et j'ai dit que je le ferais. Et Summers n'a pas eu le courage, l'intégrité ou les principes pour débattre avec moi. Comme vous le savez, Harvard a fini par le congédier parce qu'il a déclaré publiquement que les femmes sont plus bêtes que les hommes en mathématiques et en sciences. Alors, très bien.

J'ai donc débattu de cette question avec Alan Dershowitz dès 2002. Et nous avons eu un débat et j'ai gagné ce débat. J'ai assommé Dershowitz. Et en 2005, les dirigeants de la société civile palestinienne de l'époque m'ont contacté pour me dire : "Nous voulons vraiment mettre en place une campagne BDS, inspirée de ce que le monde a fait contre l'apartheid en Afrique du Sud. Boycott, désinvestissement et sanctions, voulez-vous venir avec nous ?" J'ai dit : "Bien sûr." Je leur ai donc cédé l'initiative.

Mais nous avons fait d'énormes progrès ces dernières années. Et oui, les forces qui s'opposent à nous sont substantielles, et je suppose plus importantes que dans l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Bien que, comme vous l'aurez sans doute noté, le gouvernement des États-Unis a pleinement appuyé l'apartheid en Afrique du Sud, sauf pendant durant la présidence de Jimmy Carter. Mais tous les autres l'ont soutenu, y compris Reagan, et l'effondrement de l'apartheid. Donc, lorsque j'ai mis sur pied ce projet en 2000, je savais que les forces hostiles contre nous seraient redoutables.

Mais le seul changement progressiste... que nous ayons jamais vu dans ce pays, Dennis, de mon vivant, qui remonte à la lutte pour les droits civils des Noirs, que j'ai également appuyée, est venu du peuple et du mouvement populaire. Il n'est jamais venu de Washington, D. C. et il n'est certainement pas venu de la magistrature. Ça ne vient pas du Congrès. Ça ne vient pas du pouvoir exécutif.

Donc, je pense que nous avons fait du bon travail dans la campagne BDS, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Et ça va prendre plus de temps. Israël se bat bec et ongles, comme vous le savez. Ils ont même mis en place un ministère séparé là-bas, pour contrer le BDS. Adelson investit des millions de dollars dans la campagne.

Mais je pense que tous ceux qui le regardent se rendent compte qu'ils perdent, parce que nous avons la vérité et la justice de notre côté. Donc on va devoir continuer à se démener, Dennis. Les gens veulent la paix avec la justice pour les Palestiniens et les Juifs. On peut le faire. Mais nous avons encore beaucoup de travail à faire.

 

DB : Magnifique. D'accord, Professeur Boyle, comme toujours, nous apprécions la qualité de l'information et la discussion sur un sujet qui est vraiment au cœur de la question, à savoir s'il y aura ou non la paix dans ce monde.

FB : Je voudrais faire une dernière remarque, qui me paraît très importante. En 1991, je conseillais à la fois la délégation palestinienne et la délégation syrienne. Et les Jordaniens étaient prêts pour la paix, mais ils ne pouvaient pas passer en premier. Et à ce moment-là, le Liban était occupé par la Syrie, alors ils ont essentiellement fait tout ce que les Syriens leur ont dit. J'ai donc conseillé en même temps les deux acteurs clés.

Et je peux vous assurer que si Israël avait voulu la paix en 1991, avec les Palestiniens et les Syriens, nous aurions pu l'avoir. Parce que je connaissais les lignes de fond palestiniennes, et je connaissais les lignes de fond syriennes, et je rédigeais leurs documents. Et, malheureusement, ils ont commencé sous Shamir [l'ancien premier ministre israélien Yitzhak] Shamir, dont la stratégie a été retardée et paralysée. Puis Rabin est arrivé, et il a négocié un plan de paix global, un accord avec la Syrie, une paix totale pour le retrait total. Et il a aussi fait l'accord d'Oslo avec les Palestiniens. Puis il a été assassiné.

 

DB : Il a été assassiné par des colons. Rappelons aux gens. Il a été assassiné par des fous.......

FB : Des colons extrémistes. Et Nétanyahu est arrivé au pouvoir et il n' y a pas eu de paix, de processus de paix depuis lors. On est en 1995. Et nous voilà aujourd'hui. Mais je peux dire, en me basant sur ma connaissance personnelle que la paix était proche, à ce moment-là, à ce stade précoce. Et malheureusement, nous en sommes encore loin aujourd'hui.

* Dennis J Bernstein est un animateur de "Flashpoints" sur le réseau radio Pacifica et l'auteur de Special Ed: Voices from a Hidden Classroom. Vous pouvez accéder aux archives audio sur www.flashpoints.net.

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