Trump contribue à faire de la région un lieu plus cruel
Article originel : Trump is Helping to Make the Region a Crueller Place
Par Robert Fisk
The Independent
Traduction SLT et avertissement : Nous traduisons ici un article de Robert Fisk publié dans The Independent, d'une charge particulièrement virulente contre Donald Trump qualifié tour à tour de "cinglé", de "fou" méritant d'être soigné en "asile psychiatrique" tout comme Kadhafi considéré comme "fou". Il s'agit de propos diffamatoires que nous ne partageons absolument pas, raison pour laquelle nous les avons mis entre guillemets et critiquons ouvertement leur utilisation. Dans cet article, Robert Fisk semble plus emporté par la passion et ses émotions que par la raison laissant à douter quant à son professionnalisme alors qu'il s'agit d'un grand journaliste que nous apprécions sur bon nombre d'autres articles. Toutefois son parallèle entre les propos qu'auraient tenu Trump sur les "pays de merde" en ce qui concerne l'Afrique avec la Palestine ainsi qu'entre la Norvège et Israël mérite le détour car ils sont probablement l'illustration des représentations manichéennes d'un chef d'Etat qui exprime tout haut et sans faux semblant les travers cachés de sa culture prédatrice, néocoloniale et impérialiste. Ainsi, Trump et le "Nobel" Obama sont les deux faces d'une même pièce.
Une présidence bâtie sur des bases aussi faibles ne fera pas grand-chose pour aider les négociations entre Israël et les Palestiniens et a déjà aggravé la situation.
Il ne sert vraiment à rien de parler de Donald Trump ou de la politique étrangère étatsunienne. Ils n'existent pas. En effet, la "présidence" Trump est aussi réelle que la "Palestine". Les deux méritent des guillemets, bien que le fantasme du premier représenterait clairement des Etatsuniens blancs et en grande partie chrétiens qui tentent de rendre leur pays encore plus grand au détriment de créatures moins puissantes, tandis que le second - n'est même pas un État - et est qualifié évidemment par Trump de "pays de m..." (Shithole : littéralement 'trou à m...', NdT)" ; son peuple n'est pas exactement blanc, il est en grande partie Musulman et beaucoup recherchent l'asile face à l'esclavage de la plus longue occupation militaire des temps modernes. Pour la Norvège, lisez bien sûr Israël [Trump selon des témoins aurait déclaré qu'il en avait assez des migrants venant des "pays de merde" (africains,...) et qu'il aimerait bien des migrants en provenance de Norvège, NdT].
Donc, dans l'esprit fou du "nigaud" qui pense diriger les États-Unis, il n'y a probablement pas grand intérêt à faire la paix entre un allié moderne et très aimé et les gens du tiers monde contraints de vivre dans les fosses à lisier plus à l'est et au sud. Jérusalem est donc la capitale d'Israël, l'Oslo du Moyen-Orient, construite sur la "colline verte lointaine" - bien que dans l'hymne, elle soit censée être "sans muraille". Mais qu'est-ce qui se passe ? Trump aime les murs, et Cecil Frances Alexander, l'hymnodiste irlandais du XIXe siècle de "There is a Green Hill Far Away" ('Il y a une colline verte très loin'), a également écrit "All Things Bright and Beautiful" ('Toutes les choses lumineuses et belles'), qui fait sûrement appel au "cinglé" de la Maison Blanche qui parle si éloquemment des "beaux bébés" (en Syrie, quand ils sont morts) et des "belles armes" (à Riyad, avant qu'ils n'aient tué des bébés).
En fait, pour parler du Moyen-Orient de Trump, il faut entrer à "l'asile". Après tout, la "Palestine" ne peut pas être qualifiée d'État et Israël, qui en est un, ne sait pas du tout où se situe géographiquement sa frontière orientale. Au milieu de Jérusalem ? A mi-chemin de la Cisjordanie palestinienne ? Sur toute la longueur du Jourdain ? Et qu'en est-il de la pauvre bande de Gaza ? Quand les Israéliens ont bombardé l'endroit en 2008-2009 (ils ont fait la même chose en 2012 et 2014), ils ont largué des munitions sur le système d'égouts palestinien et contaminé à la fois l'eau potable et la mer avec... Oh oui, bien sûr, ils ont littéralement transformé une partie de Gaza en un s***hole ("trou de m..." ou "pays de m...", NdT).
Même Jared Kushner, le gendre bien-aimé et magnat de l'immobilier et maître des transactions immobilières - un triste héros de Dicken, s'il y en a jamais eu un - ne peut même pas déterminer les dimensions de cette propriété particulière du Moyen-Orient ou, d'ailleurs, de l'une ou l'autre de ses parties. Puisque, avec l'ambassadeur étatsunien en Israël, Kushner soutient la colonisation juive de la Cisjordanie arabe - et, croyez-moi, il n' y a pas de s***hole ("trou à m...") dans ces colonies au sommet des collines -, même lui ne sera pas en mesure de nous dire exactement où la frontière orientale d'Israël s'étend, ni peut courir ou courra éternellement et pour toujours, Amen.
Et c'est le problème, je le crains, pour le "cinglé" du bureau ovale. Une grande partie du monde est une terre de "vapeurs" - le genre qui a soi-disant affecté votre cerveau (Trump pourrait consulter Caliban* à ce sujet) - et d'apparitions. Le Moyen-Orient, comme nous le savons tous, est un lieu de djinns, fantômes, croisés, sarrasins, apocalypses, 12e Imams et figures du Christ et hommes barbus dans les grottes. Mais tous ont plus de chances d'apparaître ou de réapparaître dans la deuxième année de la " présidence " de Trump qu'une paix entre deux Etats dont les dimensions physiques dépassent largement la compréhension de Jared et de ses " Entreprises Kushner ".
Reconnaître tout cela a un prix, bien sûr. À plusieurs reprises, et plus récemment à Dublin, j'ai souligné - dans des discussions sur le Moyen-Orient, surtout après que les États-Unis aient affirmé que Jérusalem est la capitale d'Israël - que Donald Trump est "fou", "aliéné", "cinglé" et qu'il devrait se trouver dans une institution psychiatrique. Et à chaque fois, les présentateurs et les producteurs m'ont rappelé que je ne suis pas qualifié pour le dire puisque je ne suis pas médecin. Je trouve cela étrange. Si, par exemple, j'avais déclaré que Trump était complètement sain d'esprit et serein, je ne pense pas qu'on m'aurait rappelé mon manque de qualifications médicales. Cela ne serait pas arrivé non plus si j'avais décrit (comme je l'ai fait) Mouammar Kadhafi comme un "fou", ce qu'il était.
Mais il faut se méfier des Trumpites qui vous appellent "fausses nouvelles" et qui font peur aux rédacteurs de radio. Le respect continu des médias pour le "fair-play" lors de la discussion d'un président qui est évidemment un "xénophobe" dangereux et "raciste" (par opposition, par exemple, à la variété arabe) devrait un jour être examiné. Kadhafi, en colère. Ahmedinejad, en colère. Abu Nidal, "fou". Saddam, en colère. Mais essayez cela sur Trump et, hum hum, vous devrez produire votre certificat de médecin généraliste pour faire une telle assertion à propos de cette personne infantile.
Ne nous laissons pas berner. Trump, quelle que soit sa forme fantasmatique et "délirante", fait du Moyen-Orient un endroit plus brutal et cruel, et continuera à le faire, aidé par son gendre toujours souriant et sans espoir et par sa ribambelle de généraux - dont "Mad Dog" ('Chien fou') Mattis qui n'a pas mérité le surnom de Mattis à cause de sa sagesse militaire, mais de sa conviction que les chiites iraniens plutôt que les sunnites irakiens ont fait échouer les plans des Etats-Unis après l'invasion de l'Irak suggérant qu'il est dangereusement émotionnel plutôt que professionnel et rationnel. Il est facile de se convaincre que des soldats très bizarres - les gars qui traversent le Rubicon, capturent la ville de Moscou quand elle est en feu ou portent des moustaches après avoir servi comme "Unteroffiziers" (Sous-officiers en allemand, NdT) sur le front occidental - n'ont pas vraiment d'influence sur l'histoire.
Les Arabes savent tout du pouvoir des soldats. Vous vous souvenez du colonel Nasser et du colonel Kadhafi, du colonel Ali Abdullah Saleh, du commandant de la Force aérienne Assad et du maréchal en chef de l'air Moubarak, de l'ancien sous-lieutenant Sadate et du maréchal de campagne al-Sissi ? Trois ont été assassinés, deux sont morts de crises cardiaques et deux autres sont encore joyeusement avec nous. Bien sûr, ils vivent tous dans des nations que Trump qualifierait vraisemblablement de "s***hole" ("trou de m..."). Mais au moins, ils n'étaient pas tous fantasques.
* Caliban est l'un des personnages principaux de la pièce "La Tempête" de William Shakespeare. Il est le fils de la sorcière Sycorax et est décrit comme un être négatif symbolisant la terre, la violence et la mort, NdT.
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