Abattage de l'IL-20 et livraisons de S-300 en Syrie. À quoi s'attendre ?
Article originel : Russian IL-20 Shootdown And S-300 Supplies To Syria. What To Expect?
South Front
Le 24 septembre, le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, a annoncé que l'armée syrienne recevra le système de défense aérienne S-300 dans deux semaines, ajoutant que le système a une portée de 250 km et est capable d'intercepter plusieurs cibles aériennes simultanément.
Le ministre de la défense a ajouté que tous les quartiers généraux des Forces de défense aérienne syriennes (FDAS) seront équipés de meilleurs systèmes automatisés de contrôle des processus, "qui ne sont fournis qu'aux forces armées russes". Cela permettra d'établir un contrôle centralisé des unités des FADS dans tout le pays, conduira à une meilleure intégration des moyens militaires syriens et russes opérant en Syrie et fournira aux FADS des informations mieux ciblées. Selon la déclaration de Shoigu, les systèmes russes d'alerte précoce supprimeront toutes les communications, les radars et la navigation par satellite de l'aviation de combat impliqués dans les attaques contre la Syrie depuis la Méditerranée orientale.
Shoigu a rappelé que la Russie avait gelé les livraisons de S-300 à la Syrie en 2013 à la demande d'Israël, ajoutant que la situation avait maintenant changé.
De nombreux observateurs et experts attendent avec impatience le moment où ces systèmes seront effectivement mis en état d'alerte en Syrie et démontreront alors leur capacité ou leur incapacité à affronter l'aviation de combat moderne.
Quoi qu'il en soit, la fourniture du système S-300 affectera encore davantage l'équilibre déjà changeant du pouvoir au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, où le gouvernement Assad et ses alliés - la Russie, l'Iran et le Hezbollah - ont remporté de fait la victoire dans la phase chaude du conflit.
La coopération avec la Turquie a permis à l'alliance syro-irano-russe d'atteindre un certain nombre d'objectifs militaires, humanitaires et de sécurité importants, désamorçant la situation dans le nord-ouest du pays et ouvrant la voie à un dialogue pacifique entre Damas et l'opposition soutenue par la Turquie. Les relations entre Ankara et l'alliance dirigée par Moscou n'ont jamais été trop chaleureuses, mais ont été coopératives sur le terrain. Cette coopération se heurte à l'opposition de Washington, qui a même menacé Ankara de sanctions.
Entre-temps, le bloc israélo-étatsunien n'a pas été en mesure d'atteindre ses objectifs dans la région déchirée par la guerre. Ces objectifs étaient de remplacer le gouvernement Assad par un régime loyal et de limiter l'influence de ses adversaires, le Hezbollah et l'Iran. En fait, le conflit a conduit à une augmentation significative de l'influence iranienne et de l'activité du Hezbollah.
La décision étatsunienne de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël et les tentatives de l'administration Trump d'intervenir dans tous les cas où les intérêts israéliens seraient sous-estimés ont déjà conduit à une nouvelle escalade concernant les questions transfrontalières palestiniennes et israéliennes. En outre, le retrait des Etats-Unis de l'accord nucléaire iranien a contraint Téhéran à adopter une position plus ferme sur les questions régionales, notamment ses programmes balistiques et militaires et ses investissements dans les conflits en Syrie, en Irak et au Yémen.
La situation dans la bande de Gaza et à proximité est particulièrement tendue. Les affrontements entre les manifestants palestiniens et les forces israéliennes ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés parmi les Gazaouis. Le nombre de frappes israéliennes contre diverses cibles palestiniennes a augmenté, tandis que les groupes armés palestiniens ont également étendu les tirs de mortier et de roquettes dans le sud d'Israël.
Le 19 juillet, Israël a également adopté une loi fondamentale se déclarant État-nation du peuple juif. La loi a fixé l'hébreu comme langue officielle de l'État, supprimant l'arabe et déclarant Jérusalem capitale israélienne. La loi a en outre établi que "le développement de la colonisation juive est un intérêt national et prendra des mesures pour encourager, promouvoir et mettre en œuvre cet intérêt". Cette décision est devenue un autre facteur alimentant les tensions arabo-israéliennes dans la région.
Compte tenu de ce qui précède, la Russie s'efforce depuis longtemps de rester prête à coopérer avec toutes les parties afin de vaincre le terrorisme et de mettre un terme au conflit syrien. L'armée russe a établi des lignes de déconfliction avec la coalition dirigée par les États-Unis et les Forces de défense israéliennes (FDI). Les efforts de la partie russe ont permis de désamorcer la situation près du plateau du Golan et d'empêcher de nouveaux affrontements entre les forces israéliennes et les unités soutenues par l'Iran dans le sud du pays. En outre, Moscou a évité de s'engager dans le conflit syro-israélien qui couve et n'a pris aucune mesure directe pour repousser les frappes israéliennes contre la Syrie.
Cependant, comme Shoigu l'a déclaré, la situation a été suspendue. La décision russe de fournir des systèmes S-300 à l'armée syrienne est le résultat d'une série d'événements qui ont commencé avec l'incident de l'avion de reconnaissance russe IL-20 au large des côtes syriennes le 17 septembre. L'avion avec 15 militaires à son bord a été abattu par un système de défense aérienne syrien S-200 repoussant une attaque aérienne des forces aériennes israéliennes.
Il existe deux versions contradictoires de cet évènement :
Version russe
Selon les données fournies par le ministère russe de la Défense le 18 septembre, quatre F-16 israéliens ont effectué des frappes sur deux installations du gouvernement de Damas à Lattaquié. Pendant l'attaque, les avions à réaction israéliens ont utilisé l'IL-20 comme bouclier, déclenchant ainsi l'incident.
Le même jour, le ministre de la Défense, Shoigu, a déclaré qu'Israël est la partie qui porte l'entière responsabilité de la destruction de l'IL-20 et a ajouté que Moscou se réservait "le droit de répondre". Le président russe Vladimir Poutine a décrit l'incident comme une série de circonstances tragiques.
Le 19 septembre, les forces russes ont lancé des exercices à tir réel au large des côtes d'Israël et de la Syrie, qui ont duré jusqu'au 26 septembre. La zone d'interdiction de vol établie dans le cadre des exercices couvrait la majeure partie de l'espace aérien près des eaux israéliennes.
Le 23 septembre, le ministère russe de la Défense a tenu une autre conférence de presse pour donner un aperçu détaillé de l'incident de l'IL-20. Au cours de la séance d'information, le porte-parole du ministère de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, a confirmé une fois de plus que Moscou considère Israël comme le camp responsable de cette tragédie. Les raisons en sont les actions de la partie israélienne :
- Les F-16 utilisaient l'IL-20 comme bouclier pour se cacher des tirs de la défense aérienne syrienne ;
- L'armée israélienne a averti les forces russes de l'attaque seulement une minute auparavant et a fourni des informations erronées sur les cibles en alléguant que ses avions de chasse allaient attaquer plusieurs "installations industrielles" dans le nord de la Syrie ;
- Israël a montré qu'il était peu attaché à l'accord de déconfliction avec la Russie. Selon Konachenkov, la Russie a envoyé jusqu'à 310 notifications à l'armée israélienne. De son côté, Israël n'a notifié la partie russe que 25 fois, bien que ses avions de chasse aient effectué plus de 200 frappes sur des cibles situées en Syrie au cours des 18 derniers mois seulement.
Konachenkov a souligné que "les actions hostiles commises par l'armée de l'air israélienne contre l'avion russe Iliouchine IL-20 traversent la ligne des relations civilisées".
Le 24 septembre, le ministère russe de la Défense a tenu une autre séance d'information révélant des données radar confirmant ses déclarations.
Version israélienne
La version des événements fournie par les FDI est très différente. Le 18 septembre, les FDI ont publié une déclaration officielle affirmant que la Syrie, l'Iran et le Hezbollah étaient responsables de cette tragédie.
Les FDI ont contesté la version fournie par la Russie selon laquelle les avions de combat israéliens se trouvaient "dans l'espace aérien israélien" lorsque les forces syriennes ont lancé des missiles antiaériens.
"Les batteries anti-aériennes syriennes ont tiré sans discernement et, d'après ce que nous comprenons, n'ont pas pris la peine de s'assurer qu'aucun avion russe n'était dans les airs", ont déclaré les FDI.
Décrivant la cible de l'attaque, les FDI ont affirmé qu'il s'agissait "d'une installation des forces armées syriennes à partir de laquelle des systèmes de fabrication d'armes précises et meurtrières allaient être transférés au Hezbollah au Liban au nom de l'Iran".
Le 20 septembre, la délégation israélienne, conduite par le chef de l'armée de l'air, le général de division Amikam Norkin, s'est rendue à Moscou afin d'informer les autorités russes de l'enquête initiale menée par Israël sur cet incident. Ils ont affirmé que l'armée syrienne avait tiré plus de 20 missiles antiaériens en réponse à l'attaque israélienne, la plupart des missiles ayant été tirés après que les avions de chasse israéliens aient quitté la zone. La délégation a une fois de plus insisté sur le fait que la Syrie est la partie à blâmer pour cette situation.
Suite à la conférence de presse du 23 septembre par le ministère russe de la Défense, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, a déclaré que la politique d'Israël à l'égard de la Syrie restera inchangée et inclura d'autres frappes, malgré l'incident du IL-20.
"Nous agissons avec discrétion et responsabilité", a déclaré Liberman à la radio israélienne dans une interview. "Rien n'a changé et rien ne changera. C'est notre politique." Il a ajouté qu'Israël n'a pas "l'intention d'avoir un débat public avec la Russie via les médias".
"Nous avons clairement indiqué que nous ne laisserons pas le territoire syrien devenir un front pour l'Iran contre l'État d'Israël ", a déclaré Liberman. "Nous continuerons à agir pour empêcher cela et nous avons tous les moyens et toutes les possibilités."
Le même jour, les FDI ont de nouveau rejeté la version russe de l'incident de l'IL-20 au motif que toutes les données prouvant la version israélienne avaient été fournies à Moscou.
Réactions et analyses
Pour résumer les déclarations et les réactions des différentes parties, le seul point sur lequel les versions russe et israélienne de l'incident s'accordent est que l'IL-20 a été abattu par les tirs de la défense aérienne syrienne au large des côtes syriennes.
Tel-Aviv a adopté une position dure en dénonçant publiquement les déclarations russes et en rejetant l'authenticité des données radar fournies par les militaires russes. De plus, le ministre israélien de la défense a trouvé le temps d'affirmer qu'il n'y aura aucun changement dans le comportement israélien.
La longue histoire de l'implication russe dans le conflit syrien montre que les dirigeants israéliens n'avaient que peu d'intérêt à ce que survienne un scénario comme celui de l'incident de l'IL-20, car une relation productive avec la Russie est le seul véritable outil pour éviter le déploiement de forces iraniennes et soutenues par l'Iran dans le sud du pays et une éventuelle confrontation ouverte dans ce pays.
L'establishment israélien n'avait rien à gagner de la destruction de l'IL-20 sur le plan militaire ou diplomatique. De plus, cet incident peut difficilement être utilisé dans la politique intérieure israélienne pour mobiliser la population parce qu'Israël lui-même est en état d'urgence permanent.
Il semble que certains officiers et responsables militaires israéliens de niveau intermédiaire et supérieur étaient en extase devant leur "exploitation réussie" de la position prétendument faible de la Russie, qui permet à Tel-Aviv de maintenir une relative liberté d'action en Syrie. Ainsi, la décision a été prise d'interagir avec les Russes d'une manière hostile, ce qui a conduit à l'incident de l'IL-20.
Une décision officielle de fournir des systèmes de défense aérienne S-300 à la Syrie ainsi que la réponse ferme du ministère russe de la Défense aux tentatives des FDI de nier sa responsabilité dans cette tragédie montrent qu'au 24 septembre, les dirigeants russes avaient finalisé un projet commun sur cet incident, qui avait également été approuvée par Poutine.
La Russie a décidé de prendre une série de mesures publiques directes destinées à assurer la sécurité de ses troupes en Syrie et à renforcer les capacités de défense aérienne syriennes, limitant ainsi encore l'influence du bloc israélo-étatsunien dans le conflit.
Bien qu'il soit peu probable que l'armée russe soit publiquement impliquée dans la répression des frappes israéliennes contre la Syrie, elle prendra certaines mesures sous le drapeau syrien. Ces étapes peuvent inclure :
- fournir à la FADS des renseignements supplémentaires ainsi que des moyens et des mesures pour repousser l'agression israélienne ;
- d'autres livraisons de systèmes modernes de défense aérienne à la Syrie ;
- la coordination des efforts de la FADS pour repousser les frappes israéliennes par l'intermédiaire de leurs conseillers militaires intégrés aux équipages des systèmes de défense aérienne fournis par la Russie.
Compte tenu du niveau actuel de l'hystérie médiatique en Israël et aux Etats-Unis et de la situation compliquée dans la région causée par l'impasse actuelle entre le bloc israélo-étatsunien et l'Iran, les actions téméraires et hostiles d'Israël en Syrie ont une fois encore mis le Moyen-Orient au bord d'une guerre régionale chaude.
Traduction SLT avec DeepL.com
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