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Comment le Washington Post nous trompe sur la guerre en Syrie (Moon of Alabama)

par Ahab Jezebel 21 Octobre 2017, 09:47 Washington Post Médias Propagande Al-Quaïda Activistes Casques blancs Syrie USA Articles de Sam La Touch

Extrait : L'un des médias étatsuniens les plus prestigieux, le Washington Post ne dispose clairement d'aucun mécanisme d'analyse intégrée pour contrôler la qualité et la véracité de ses sources relatives à la couverture des informations sur les zones de guerre.

Comment le Washington Post nous trompe sur la guerre en Syrie
Article originel : How The Washington Post Deceives Us About The War In Syria
Par Ahab Jezebel
Moon of Alabama, 16.10.17

Traduction SLT

Comment le Washington Post nous trompe sur la guerre en Syrie (Moon of Alabama)

L'un des médias étatsuniens les plus prestigieux, le Washington Post ne dispose clairement d'aucun mécanisme d'analyse intégrée pour contrôler la qualité et la véracité de ses sources relatives à la couverture des informations sur les zones de guerre. Cela est particulièrement évident en ce qui concerne les rapports sur la situation de la guerre en Syrie. Aujourd'hui, ces normes professionnelles ont chuté et le journal s'est placé en dehors des rangs du journalisme et du professionnalisme sur lesquels il a bâti sa réputation enviable - bien avant la guerre en Syrie.

Diffuser de la propagande et compter uniquement sur les activistes n'est pas professionnel. Cela ressemble à de la publicité payante, conçue pour influencer l'opinion publique, et tire parti de lecteurs et de politiciens moins bien informés.
 

Nous pouvons ouvrir une petite fenêtre sur l'un des derniers articles du Washington Post sur la Syrie, intitulée : ”Civilian casualties spiral in Syria as air raids target areas marked for cease-fire” ("Les pertes civiles augmentent en Syrie alors que les raids aériens ciblent des zones marquées par le cessez-le-feu"). L'article n'a pas été écrit de Syrie, mais de Beyrouth (Liban), bien qu'il parle avec autorité de la Syrie en détail - et ce de la part d'un journaliste qui n'est jamais allé en Syrie, et certainement pas pendant les six années de guerre.

Dans son deuxième paragraphe, le journal parle de "groupes qui surveillent le conflit" : mais tous les êtres humains sur terre qui s'intéressent à la guerre en Syrie suivent le conflit - y compris ma voisine de 87 ans, Louise (son nom). Elle est capable de me raconter des histoires sur les bombardements quotidiens et "Daesh" (l'"Etat islamique" - EI) qui attaquent "tous les jours et pourrait venir en Europe", selon ses conclusions tirées de sa compréhension des médias grand public. Elle croit que la Syrie est un pays de fantômes et qu'Assad, l'EI et les Etats-Unis "travaillent ensemble contre la diabolique Russie".

Le Washington Post sape encore plus sa propre crédibilité en citant les "Casques blancs", qui rapportent apparemment que "80 p.100 des attaques (du gouvernement syrien et des Russes, NdT) ont visé des zones civiles". Tout le monde ne sait pas à quel point les Casques Blancs sont peu fiables : en fait, certains de leurs performances histrioniques ont été comparés à celle d'un Shakespeare.

Le journalisme professionnel d'un journal de bonne réputation devrait être mal à l'aise lorsqu'il cite "un faux groupe exhibitionniste professionnel". Mais, au fait, où  se trouvaient les Casques Blancs en Syrie ? Dans une ville contrôlée par Al-Qaïda, qui travaille en étroite collaboration avec ce groupe terroriste, le même groupe responsable des attentats du 11 septembre.

Le journal ne s'arrête pas là : il insinue - selon son titre et son introduction - que "les forces pro-gouvernementales ont lancé des centaines de bombardements dans des zones sous protection internationale" : pourtant, le même journaliste qui a écrit cet article a re-tweeté qu'"il y avait aussi 1 278 frappes de la Coalition déclarées en Syrie le mois dernier".

Comment le Washington Post nous trompe sur la guerre en Syrie (Moon of Alabama)

Comment cela est-il possible de maintenir un titre (habituellement non contrôlé par le journaliste individuel) et une introduction qui dit le contraire ? Les lecteurs absorbent et font confiance au journal auquel ils sont fidèlement attachés, croyant que l'information est fiable, corroborée et digne de confiance. Les lecteurs trouvent la vérité difficile à atteindre quand les "journalistes professionnels" la déforment.

L'article poursuit en citant le "Groupe de l'Observatoire syrien pour la surveillance des droits de l'homme". Ce groupe est basé à Londres, avec de nombreuses sources sur le terrain, y compris des militants. Il est connu pour son parti pris et son orientation anti-gouvernementale. Toute information fournie par cette source partielle peut être prise en considération - à condition qu'il y ait une corroboration sérieuse et des informations de première main fiables. En fait, aucune corroboration n'est proposée : l'information semble être regroupée dans un article pour appuyer l'idée du journaliste ou la "politique du journal", avec le risque d'induire les lecteurs en erreur.

Mais le problème persiste: dans le paragraphe suivant, Tim al-Siyofi, défini comme un activiste du quartier assiégé de Damas à Douma, est cité - afin de consolider l'introduction. Mais pourquoi diable les lecteurs achèteraient-ils un journal pour lire ce qu'un activiste dit alors que les médias sociaux en sont pleins - et qu'ils sont gratuits ?

Mais ce n'est pas la fin de l'article (seulement le début !) : "Les analystes ont pris la violence comme un signe que les cessez-le-feu répétés dans la capitale kazakhe d'Astana n'ont pas fait grand-chose pour changer les objectifs fondamentaux du gouvernement syrien" - quels qu'ils soient, ou étaient (non déclarés). Les "analystes" sont tout à fait dans le faux, trompeurs et expriment probablement des vœux pieux. Astana a stoppé la guerre dans trois immenses parties de la Syrie et a permis à l'armée syrienne de libérer des dizaines de milliers de kilomètres à al-Badiya (semi-désert) et de lever le siège de Deir-Ezzor en concentrant la majorité des forces contre le groupe "Etat islamique" (EI). L'armée syrienne, appuyée par les forces aériennes russes, a bombardé pendant plus d'une semaine et tué des dizaines de militants d'Al-Qaïda pour avoir violé l'accord de désescalade d'Astana lié à la ville d'Idlib, lorsque le groupe a mené plusieurs attaques sur trois fronts différents. Al-Qaïda voulait simplement que la guerre se poursuive : un détail important que le journaliste a peut-être ignoré parce qu'il était loin de la Syrie.

En fait, le même article se contredit plus bas en citant un ancien général syrien basé à Istanbul qui déclare : "Ces désescalades figent le problème". La question est donc la suivante : comment se fait-il - selon l'analyste cité dans l'article - qu'Astana n'ait pas fait grand-chose, alors que le général anti-régime syrien pense que le problème a été gelé ? Le Washington Post en demande trop au lecteur, ou pas assez ! S'appuie-t-il sur un manque d'esprit critique de la part de ses lecteurs ? Difficile de savoir avec de telles contradictions.

L'article utilise une fois de plus la même rhétorique ancienne utilisée dans les six dernières années de la guerre, accusant le gouvernement syrien (et maintenant la Russie) de "cibler les hôpitaux" sans citer une source, aucune source, et omettant les propres révélations des États-Unis selon lesquels les djihadistes en Syrie et en Irak gardent leurs quartiers généraux dans les hôpitaux, si leur information était avérée.

Mais le pire est à venir : "Entretiens avec des civils de la région". Est-ce le journaliste qui est à Beyrouth qui mène ces entretiens dans la ville d'Idlib, contrôlée par Al-Qaïda dans le nord du pays ? Bien sûr, bien sûr : c'est "Abdulhamid"... Ça a l'air assez exotique.

Plus bas, l'article traite du côté humain de la guerre : "Nous voulons simplement manger, lever le siège, vivre en paix et ne pas être bombardés". Les atrocités de la guerre en Syrie ne sont pas à discuter. En fait, la ville d'Idlib est largement ouverte à la Turquie et entièrement approvisionnée sur une base quotidienne : le transit de marchandises est/était l'un des principaux revenus d'Al-Qaïda. Personne ne meurt de faim en Syrie ces jours-ci : les villes assiégées se sont montrées, après leur libération, pleins de vivres et de munitions.

D'une manière générale, la guerre en Syrie a fait proliférer toutes sortes de faux analystes et de "journalistes", qui ont rassemblé des morceaux glanés de ci de là selon leur pensée (et leur souhait) et l'appellent un article. Le problème s'arrêterait là, sauf qu'un journal très respectueux, insouciant quant à la qualité de son matériel et de ses normes professionnelles, permet à ce journalisme "copier-coller" de se produire, et l'approuve.

Mais le monde n'est pas complètement stupide. Dan, le livreur de pizzas, semble beaucoup plus critique et conscient de la complexité de la guerre en Syrie que le Washington Post avec ses articles trompeurs (ce qui n'est pas la première fois ni surprenant quand l'EI n'est pas indiqué comme un groupe terroriste mais comme une "milice locale").

Peut-être que les lecteurs ne sont pas aussi naïfs que le journal le croit.

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