L'hypocrisie étatsunienne marque la descente vers la barbarie
Article originel : US Hypocrisy Marks Descent Into Barbarism
Strategic Culture Foundation
Traduction SLT
La guerre des mots sur les droits de douane étatsuniens sur les exportations chinoises et l'expulsion des diplomates russes peuvent sembler sans rapport. Mais il y a un thème connexe : l'hypocrisie stupéfiante des États-Unis à propos de leur propre comportement agressif.
Cette hypocrisie étatsunienne flagrante - au-delà de la raison et du respect du droit international - marque une descente fatale dans la barbarie des relations extérieures. Le dialogue et la diplomatie sont répudiés par une attitude valorisant "la puissance qui est juste".
Washington a pris l'initiative de proposer de gifler l'économie chinoise avec des prélèvements de près de 50 milliards de dollars sur certaines exportations - en revendiquant des pratiques commerciales déloyales menées par Pékin. Puis, lorsque la Chine a répondu cette semaine en annonçant qu'elle ferait de même en imposant des droits de douane équivalents sur les exportations étatsuniennes, la Maison Blanche de Trump a levé les bras en signe d'irritation en disant que la décision chinoise n'était "pas juste".
De même, la semaine dernière, Washington a pris la décision d'expulser 60 diplomates russes à l'appui des allégations ténues de la Grande-Bretagne selon lesquelles l'État russe aurait été impliqué dans l'empoisonnement apparent d'un espion en exil et de sa fille dans la ville anglaise de Salisbury le 4 mars. Cette semaine, Moscou a fait de même en expulsant 60 diplomates étatsuniens de Russie.
Comme dans le cas de la réponse symétrique de la Chine aux taxes commerciales étatsniennes, Washington a alors déclaré que l'expulsion de ses diplomates par la Russie n'était pas "équitable". La porte-parole du département d'État, Heather Nauert, a fait ce commentaire hautain selon lequel "la Russie ne devrait pas agir comme la victime ici".
Alors, mettons les choses au clair. Washington s'arroge le droit de prendre des mesures agressives contre des États étrangers, portant atteinte aux intérêts nationaux de ces États. Mais lorsque l'autre partie prend une mesure réciproque, les Etatsuniens se plaignent que ces mesures sont inacceptables et constituent un affront.
Une telle attitude à Washington est incroyablement hypocrite, arrogante et intolérable. Elle donne certainement un nouveau sens aux prétentions étatsuniennes d'être une "nation exceptionnelle" - exceptionnellement hubristique.
Les craintes d'une guerre commerciale mondiale totale avec la Chine ont quelque peu reculé cette semaine parce que l'administration Trump a cherché à se défaire des taxes douanières proposées sur les exportations chinoises. Tout à l'heure, le président Trump se vantait qu'il gagnerait facilement une guerre commerciale avec la Chine. Mais après l'annonce par Pékin de pénalités sur les exportations agricoles, l'aviation et les voitures étatsuniennes, la Maison-Blanche atténue la rhétorique belliqueuse - même si elle continue de ronchonner sur les actions de la Chine comme étant "inéquitables".
S'agissant de l'expulsion de diplomates russes, il convient de rappeler qu'il y a eu plusieurs tours de sanctions étatsuniennes, depuis décembre 2016, lorsque l'administration Obama a expulsé une trentaine d'envoyés russes et leurs familles pour "interférence dans les élections étatsuniennes". Au cours de l'administration Trump, les propriétés diplomatiques de la Russie ont également été fermées et attaquées par des agents étatsuniens chargés de l'application de la loi.
Toutes ces censures diplomatiques étatsuniennes ont été lancées sur la base d'allégations non prouvées d'ingérence russe dans la démocratie étatsunienne. L'ironie est que ces allégations ont été faites par les ennemis politiques de Trump pour salir sa présidence en tant que récipendiaire de la subversion du Kremlin, alors que son administration a augmenté les tensions diplomatiques avec la Russie en expulsant ses diplomates pour des allégations non fondées.
Les allégations étatsuniennes de "cyberattaques" russes sont en phase avec les récentes allégations britanniques au sujet d'agents du Kremlin qui se livreraient à un complot d'assassinat sur son territoire. Les allégations relèvent toujours du domaine de l'affirmation, sans preuve vérifiable à l'appui. En effet, il semble que les deux récits de part et d'autre de l'Atlantique s'effilochent à cause du manque de crédibilité. L'enquêteur spécial étatsunien Robert Mueller ne trouve aucune preuve de collusion russe avec Trump - après une année d'enquêtes et d'audiences du Congrès. Pendant ce temps, les scientifiques du gouvernement britannique disent maintenant qu'ils n'ont aucune preuve qu'un poison neurotoxique présumé utilisé contre Sergei Skripal et sa fille Yulia était originaire de Russie - ce qui contredit catégoriquement les affirmations du Premier ministre britannique Theresa May et de son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson.
Le fait est que les différends entre les États doivent être résolus par le dialogue et un respect mutuel de base. Qu'il s'agisse de différends commerciaux ou politiques. D'autant plus lorsque des griefs présumés sont réglés de façon insouciante, sans aucune preuve à l'appui ni respect de l'application régulière de la loi.
Mais le problème conflictuel semble provenir d'un programme ultérieur. Les griefs perçus par les Etatsuniens à l'encontre de la Chine et de la Russie semblent davantage viser à trouver des prétextes pour mener une politique agressive à tout prix. Plusieurs documents de politique étrangère et militaires de Washington présentent ouvertement Pékin et Moscou comme des "puissances rivales". Cela nous ramène à la question de la puissance mondiale étatsunienne qui s'appuie sur une ambition hégémonique unipolaire, incapable et peu encline à s'engager avec la Chine ou la Russie en tant que puissances mutuelles. Ou n'importe qui d'autre d'ailleurs dans un monde multipolaire.
Afin de poursuivre cette dangereuse ambition, Washington doit - par nécessité déformer - éroder et couper l'engagement diplomatique avec la Chine et la Russie. C'est la raison pour laquelle Washington a pris des mesures aussi agressives en matière de commerce et d'expulsion des diplomates. De façon inquiétante, elle s'inspire de la maxime "la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens" formulée par le stratège militaire prussien Karl von Clausewitz (1780-1831).
Nous assistons à la disparition de la diplomatie étatsunienne et à son remplacement par une politique de bellicisme. L'administration Trump a vidé le département d'État et son corps diplomatique.
Il s'agit inévitablement d'une décence répréhensible dans le barbarisme de Washington où le droit international et les normes du dialogue sont répudiés d'emblée. Pourquoi, par exemple, Washington ne soumet-il pas ses prétendus griefs commerciaux avec la Chine à l'Organisation mondiale du commerce et ne les résout pas dans un forum civilisé ?
La dégénérescence de la diplomatie étatsunienne est peut-être la plus flagrante lorsqu'elle proteste hypocritement contre les pratiques "injustes" de la Chine et de la Russie qui ne font que répondre à son propre comportement offensif.
Lorsqu'une telle illusion arrogante s'est installée, cela n'augure rien de bon pour un règlement civilisé et un ordre international pacifique. Parce qu'une telle attitude viole les fondements du multilatéralisme civilisé dont dépend la paix internationale.
L'arrogance de l'unilatéralisme étatsunien sur les brimades commerciales avec la Chine et la querelle diplomatique insensée avec la Russie est un recours désastreux à la "primauté de la force".
L'hypocrisie étatsunienne est un symptôme de sa diplomatie dégénérée et de son mépris du droit international. C'est là un symptôme de la démocratie étatsunienne qui dégénère en un marécage moribond. Blâmer la Chine et la Russie est une tentative désespérée de dissimuler les problèmes existentiels inhérents au capitalisme étatsunien.