Il faut sanctionner les Saoudiens pour l'épidémie de choléra au Yémen - Ils ciblent la population civile
Par Jonathan Kennedy
Article originel : Blame the Saudis for Yemen's cholera outbreak – they are targeting the people
The Guardian
Traduction Alice pour SLT
L'épidémie de choléra au Yémen est liée en grande partie à la stratégie de la coalition menée par les Saoudiens visant à attaquer délibérément les civils et les infrastructures dans les zones tenues par les rebelles.
Durant les quatre derniers mois, le Yémen a été ravagé par une épidémie de choléra que l'ONU considère comme la pire au monde. Environ 7,000 nouveaux cas sont rapportés quotidiennement - 436.625 cas ont été enregistrés depuis la fin avril - et il y a déjà eu plus de 1.915 morts.
L'épidémie est un cas d'urgence humanitaire le plus important au Yémen. Les deux tiers de la population - 18.8 millions de personnes - exigent une aide d'urgence. La production alimentaire s'est effondrée et 4.5 millions d'enfants et de femmes enceintes et allaitantes sont sévèrement sous-alimentées. Seulement 45 % des installations de santé fonctionnent et 14.8 millions de personnes manquent d'accès aux services médicaux de base. De même, un nombre similaire de personnes a besoin d'aide et d'un accès à l'eau potable.
Le choléra, est une infection bactérienne, diffusée par l'eau contenant des excréments contaminés. Il peut être facilement enrayé et traité facilement. Le choléra s'est d'abord étendu dans le delta du Gange en 1817 et les pandémies résultantes ont tué des dizaines de millions de personnes à travers le monde durant 150 ans. Des améliorations modernes de l'eau et d'assainissement des infrastructures ainsi qu'un meilleur accès aux médicaments et aux services médicaux, ont apporté une chute importante du nombre de cas. Aujourd'hui, les épidémies arrivent principalement dans des zones où l'eau, l'assainissement et les systèmes de santé sont inadéquats ou alors ont été détruits par les désastres naturels ou provoqués par l'homme.
Des agences de L'ONU, des médias respectés - incluant la BBC et le New York Times - et des journaux médicaux influents comme le Lancet soutiennent que deux ans de conflit ont créé les conditions favorables à une épidémie de choléra. Ce récit, bien que véridique, ne révèle seulement qu'une partie de l'histoire. Il échoue néanmoins à se représenter la possibilité qu'un camp puisse être plus coupable pour la survenue de cette épidémie et que l'autre puisse en être plus affectée.
Depuis mars 2015, l'Arabie Saoudite a mené une coalition arabe de Sunnites en déclarant avoir essayé de rétablir le gouvernement en effectuant des attaques aériennes, un blocus aérien et naval et en envoyant des forces terrestres. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni fournissent le support logistique et l'équipement militaire à la coalition. Les Saoudiens ont accusé l'Iran d'aider les rebelles, mais les preuves de ces allégations sont limitées et elles sont rejetées par les Houthis et l'Iran.
Au moins 10.000 personnes ont été tuées et 40.000 blessées dans le conflit. Les deux côtés sont accusés de ne pas tenir compte du bien-être des civils et de contrevenir au droit international. Les rebelles ont envoyé sans distinction des tirs d'artillerie dans des zones résidentielles dans des zones contrôlées par le gouvernement et l'Arabie Saoudite. Mais comme la coalition menée par les Saoudiens dispose de ressources militaires beaucoup plus importantes, elle a pu causer des destructions d'une ampleur totalement différente.
L'armée de l'air saoudienne a effectué des attaques aveugles qui ont causé une majorité de morts et de blessures parmi les civils pendant le conflit. Les attaques aériennes ont visé les infrastructures civiles, y compris des hôpitaux, des fermes, des écoles, des infrastructures hydriques, des marchés et le port principal d'Hodeida. Elles complètent un blocus naval et aérien mené par les Saoudien des zones contrôlées par les rebelles qui a causé un manque de beaucoup de biens essentiels, y compris de la nourriture, des fournitures médicales et du carburant.
Ce n'est que quatre semaines après le début de l'épidémie que le premier avion apportant de l'aide médicale a été autorisé à se poser à Sana'a. Le gouvernement ne paye plus les salaires aux fonctionnaires travaillant dans les zones contrôlées par les rebelles. Environ 30.000 inspecteurs de la santé publique n'ont pas reçu de salaire pendant presque une année. Les travailleurs d'assainissement et les ingénieurs de l'eau à Sana'a ont été en grève pendant des mois, laissant les ordures non collectées dans les rues tandis que les évacuations municipales se sont obstruées.
Il n'est donc pas surprenant que les zones contrôlées par les rebelles soient affectées de manière disproportionnée par l'épidémie de choléra. Environ 80 % de cas - et des morts - sont arrivés dans des gouvernorats contrôlés par les Houthis. Dans les zones contrôlées par les rebelles le taux de choléra - nombre de cas pour 1.000 personnes - est de 17, tandis qu'il est de 10 dans des gouvernorats contrôlés par le gouvernement. Le pourcentage de personnes mourant des conséquences du choléra est de 0.46 % dans des zones contrôlées par les rebelles, comparées à 0.3 % dans les gouvernorats contrôlés par le gouvernement. Ainsi, une personne vivant dans des zones sous le contrôle des rebelles a 70 % plus de risque de contracter le choléra et, si elle est infectée, 50 % de plus d'en mourir.
Ces chiffres indiquent que l'épidémie n'est pas simplement une conséquence inévitable de la guerre civile. C'est plutôt un résultat direct de la stratégie de la coalition, menée par les Saoudiens, de viser les civils et les infrastructures dans des zones contrôlées par les rebelles. Les critiques envers le soutien des gouvernements des Etats-Unis et britanniques pour leur assistance en faveur de l'intervention menée par les Saoudiens, n'ont pas entraîné de changement de politique. En décembre 2016, l'administration Obama a interdit la vente de bombes guidées de précision en Arabie Saoudite en raison des préoccupations concernant les pertes humaines civiles au Yémen, mais en mai 2017 l'administration Trump a consenti à vendre 500 millions de dollars de telles armes dans le cadre d'un accord commercial de 110 milliards de dollars. Le mois suivant un effort bipartisan visant à arrêter les ventes d'armes étatsuniennes aux Saoudiens a échoué suite à un vote au Sénat US. Le mois dernier au Royaume-Uni, la Cour Suprême a rejeté les plaintes des activistes selon laquelle les ministres agissaient illégalement en continuant à vendre des avions de combat polyvalent et des bombes de précision à l'Arabie Saoudite alors qu'elles peuvent être potentiellement utilisées contre des civils au Yémen. En l'absence de condamnation internationale forte de l'opération menée par la coalition saoudienne au Yémen, il est difficile d'envisager une fin rapide à cette crise sanitaire majeure et à la crise humanitaire plus large qui frappe le Yémen.