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RDC: un docteur à l’honneur
RDC. Denis Mukwege : Un Docteur à l'honneur Vincent Hugeux L'Express
Bel exemple de gallocentrisme. Hier, au journal de la mi-journée d’Europe 1, long récit sur le ballet complice esquissé par les Corréziens François Hollande -éléphanteau prévenant- et Jacques Chirac -en vieux pachyderme à la démarche hésitante- au musée du Quai Branly, à la faveur de la remise des trophées 2013 de la Fondation pour la prévention des conflits, créée par l’ex-maire de Paris. Et, sauf erreur ou omission, pas un mot sur le récipiendaire. La Corrèze avant le Zambèze ? Denis Mukwege méritait mieux que ce rôle de figurant d’une scène de genre élyséenne. Car ce gynécologue de 58 ans bataille depuis des lustres, et parfois au péril de sa vie, sur le front des violences sexuelles infligées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) aux gamines, filles, femmes et vieillardes. Dans son hôpital de Panzi, non loin de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, il s’échine à restaurer les organes génitaux dévastés par des gangs de soudards qui ont, par leur bestialité, élevé le viol collectif et la torture au rang d’armes de destruction massive de l’être de chair et de sang. Tout, chez la victime ô combien vulnérable, s’en trouve saccagé : l’intimité, l’identité, l’humanité même. Voilà pourquoi le Dr Mukwege et son équipe ne se bornent pas à traiter gratuitement chaque année 3500 suppliciées ; ils œuvrent aussi autant qu’il est possible en faveur de leur reconstruction psychologique. Formé à Bukavu, à Kinshasa, au Burundi puis à la faculté de médecine d’Angers, le fils de pasteur protestant aurait fort bien pu s’offrir en terre de France une carrière paisible et confortable. Il a préféré, dès 1989, retourner au pays. Son engagement, comme ses réquisitoires contre la barbarie d’où qu’elle vienne, dérange. Au point qu’il échappa de peu en octobre 2012 à une tentative d’assassinat. Couvert de lauriers, Denis Mukwenge a été pressenti à plusieurs reprises pour le prix Nobel de la Paix. Cette année, les sages du Comité scandinave ont préféré inscrire à leur palmarès l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Il leur reste à honorer celles et ceux qui, jour après jour, dans l’ex-Zaïre comme ailleurs, luttent pour le bannissement de l’arme du viol.
Vincent Hugeux