/image%2F0780719%2Fob_f24e27_mandelaobama.jpg)
Quand la CIA livrait Mandela Backchich
Le 10 décembre une centaine de chefs d'états et de gouvernement sont venus aux frais de leurs peuples, se prendre mutuellement en photo à Johannesburg au prétexte d'un hommage à Nelson Mandela.
Il y avait quelque chose d'obscène à la représentation donnée ce 10 décembre dans le Soccer Stadium de Johannesburg, au motif que Nelson Mandela y avait fait sa dernière apparition publique quelques jours avant la coupe du monde de football 2010. Un souvenir d'ailleurs peu glorieux pour le camp tricolore.
Parmi les invités de marque, pas moins de 3 présidents américains. L'actuel locataire de la Maison Blanche s'est fendu d'un discours impudique et poisseux de démagogie sur le thème de la lutte pour la liberté et la réconciliation, menée sans relâche par le héro sud-africain : «sa lutte était votre lutte» a-t-il notamment affirmé. Il aurait pu ajouter mais s'en est abstenu, qu'elle n'était pas celle de l'Oncle Sam qui, comme tant d'autres, s'accomodait fort bien de l'apartheid...
Barack Obama aurait pu conclure son éloge funèbre en soulignant que l'Histoire à la mémoire courte. Il s'est bien gardé de le faire. On comprend pourquoi.
Le 11 juin 1990, du temps où il jouissait encore d'une autorité éditoriale indiscutable, le Washington Post avait publié un article signé George Lardner Jr et David Ottaway titré «LA CIA est liée à l'arrestation de Mandela en 1962».
Nous en donnons la traduction aux lecteurs de Bakchich. Ce sera notre modeste contribution à la mémoire de l'ex-leader de l'ANC :
«Un renseignement fourni par un indicateur rétribué de la CIA est à l'origine de l'arrestation en 1962 du leader du Congrès National Africain (ANC) Nelson Mandela, a rapporté hier le Atlanta Journal-Constitution (www.ajc.com).
«L'un de nos plus jolis coups»
Citant un officier de renseignement US à la retraite qui était en poste en Afrique du Sud à l'époque des faits, le journal a affirmé qu'un officiel de haut rang de la CIA aurait revendiqué le succès de la capture de Mandela dans les heures qui ont suivi son arrestation le 5 aout 1962.
«Nous avons remis Mandela aux services de sécurité Sud-Africains». l'officier de renseignement dont le nom n'a pas été communiqué, citait l'officiel de la CIA, Paul Eckel, qui aurait déclaré en substance. «Nous leur avons donné tous les détails, la manière dont il serait vêtu, l'heure, l'endroit où il se trouverait. Ils l'ont attrapé. C'est l'un de nos plus jolis coups».
Jugé pour sabotage et conspiration pour faire tomber le gouvernement Sud-Africain, Mandela, âgé aujourd'hui de 71 ans, a passé 27 ans en prison.
Libéré en février, il se rendra aux USA la semaine prochaine pour une visite de 12 jours comprenant une parade à Manhattan, un meeting au Yankee Stadium et un discours devant les deux chambres du Congrès réunies pour la circonstance.
Dans le passé, il y eu des rumeurs persistantes sur l'implication de la CIA dans l'arrestation de Mandela mais l'information d'hier est la plus détaillée.
Selon le Constitution-Journal, l'officier de renseignement non identifié a affirmé avoir de nouveau évoqué la question avec Eckel après la condamnation de Mandela. Il a indiqué que Eckel lui avait dit que les informations sur Mandela provenait d'un informateur rétribué qui communiquait avec la CIA au travers d'une série de 'court-circuits' ou d'intermédiaires.
Mandela avait organisé l'aile militaire du Congrès National Africain, laquelle avait décidé de mettre un terme en décembre 1961 à la politique de non-violence de l'ANC et de commencer le combat armé. Il avait été exfiltré d'Afrique du Sud en janvier 1962 mais était secrètement revenu en juin.
En août, il est allé à Durban en compagnie d'un vieil ami. Dans la nuit du samedi 4 août selon l'un de ses biographes, Mandela a assisté à un diner à Durban auquel assistaient entre 12 et 15 membres locaux de l'ANC. Le lendemain il a été arrêté à un barrage routier près de Howick Falls dans la province du Natal, à 80 miles de Durban.
Un cadre de l'agence «Très fier de cette opération»
Gerard Ludi, un agent secret sud-africain à la retraite qui a affirmé avoir infiltré le Parti Communiste, a indiqué hier qu'il savait que la CIA avait à l'époque un agent infiltré au sein de l'ANC et de la section de Durban du Parti Communiste.
Ludi a indiqué que l'officier-traitant de l'informateur secret était son ami de longue date, Millard Shirley, cadre de haut niveau de la CIA en Afrique du Sud. «Millard était très fier de cette opération» a-t-il précisé.
Shirley est mort il y a plusieurs années dans un accident de voiture au Swaziland. Eckel qui qui a été employé par l'Office des Services Stratégiques (OSS) l'ancêtre de la CIA né dans les derniers jours de la seconde guerre mondiale, est mort en 1986 dans la région d'Atlanta où il avait pris sa retraite. Il occupait les fonctions de premier-secrétaire à l'ambassade des USA à Prétoria de 1957 à 1962 avant de rejoindre plus tard l'équipe du Conseil National de Sécurité.
Ludi, qui était en Union Soviétique lorsque Mandela a été arrêté, a affirmé ne pas savoir si la CIA avait informé la police sud-africaine. avant d'ajouter :«la CIA nous a aidé mais pas à une grande échelle». Selon lui il est peu probable que la CIA ait été intéressée par les faits et gestes quotidiens de Mandela.
D'après le quotidien d'Atlanta, sa source, l'officier de renseignement dont il n'a pas communiqué l'identité, était tellement préoccupé par le rôle de la CIA dans l'affaire qu'après l'arrestation de Mandela, il en a fait part au vice-Secrétaire d'Etat Adjoint Henry J. Tasca qui était alors chargé des relations entre la CIA et le Bureau des Affaires Africaines du Ministère des Affaires Etrangères.
L'homme aurait indiqué à Tasca que fondamentalement, Mandela était un nationaliste africain mais pas un communiste. Tasca aurait partagé son point de vue en lui indiquant qu'il allait en référer aux «autorités supérieures». D'après le Constitution-Journal, cette démarche a eu pour conséquence de devoir dorénavant obtenir l'accord du ministère avant de livrer des dissidents aux autorités sud-africaines.
Ca ne s'est jamais reproduit aurait indiqué la source au journal, bien que l'accord ait été demandé pour au moins 3 autres sud-africains.
D'après des rapports émis dans le milieu des années 80, l'officiel américain qui a fourni les informations sur Mandela aux autorités de Durban serait Donald Rickard, un agent présumé de la CIA qui exerçait les fonctions de Consul des USA. Retraité et vivant aujourd'hui dans le Colorado, il avait refusé de commenter l'information à l'époque et a de nouveau refusé de le faire hier.»