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Le procès de TracFouine, le lanceur d'alerte de TRACFIN Par La Fouine
LE CONTEXTE
Je m'appelle Olivier THERONDEL et j'ai travaillé à la division d'intégration des déclarations de soupçon du service anti-blanchiment Tracfin de 2004 à 2013. La Direction de Tracfin a porté plainte le 13 juin 2013 contre moi pour avoir publié 2 billets sur le blog de Médiapart ("Black-out sur les rapatriements de Cahuzac" et "L'affaire Cahuzac embarrasse Tracfin") fin avril 2013. J'y dénonçais principalement le fait que Tracfin ne fasse pas diligence pour transmettre au Parquet les informations sur les rapatriements de Cahuzac. L'audience aura lieu au Tribunal Correctionnel de Paris (17ème chambre) à 13h30 le 21 mars 2014. Ce procès en première instance pourrait être la première étape d'un processus judiciaire dont le point de dénouement sera la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
LE RAPPEL DES FAITS
Les opérations décrites ici ne relèvent plus du secret professionnel car elles figurent dans les procès 2 verbaux d'audition (le mien ainsi que celui de Charlotte C) de la procédure judiciaire. Certains éléments ont, du reste, été largement relayés par la presse.
Jérôme Cahuzac démissionne le 19 mars 2013. "Mortifié par les remords", il avoue détenir un compte à Singapour le 2 avril 2013 et annonce son intention de vouloir régulariser sa situation ( http://www.jerome-cahuzac.com/).
Dès le 5 avril 2013, Tracfin reçoit une télédéclaration indiquant l'arrivée sur le compte en France de Cahuzac de fonds détenus par une société off-shore à la banque Julius Baer de Singapour. Je valide la déclarations, en rajoutant 2 personnes présentant des liens financiers importants avec l'ancien Ministre Cahuzac. La première initiative du Directeur de Tracfin sera alors de demander à l'informaticien Fabien D de maquiller la fiche de Cahuzac. Cet informaticien déclarera ne pas avoir vu l'ordre écrit , un document censé le couvrir. On me demande en off de ne plus enrichir les déclarations sur Cahuzac; visiblement, les 2 noms que j'ai rajouté embarrassent la hiérarchie. La pression s'accentue lorsque j'entreprends de fusionner les différents doublons de Cahuzac qui commencent à s'amonceler dans la base de donnée, en raison de l'arrivée de déclarations complémentaires.
Après d'obscurs conciliabules, le dossier est enfin confié le 16 avril 2013 à l'enquêteur Erwan C. Le même jour, Cahuzac accorde un interview-confession exclusif à BFM au cours duquel il ne dis pas un mot sur ses rapatriements. Etrange...
Le temps s'écoule paisiblement sans que Tracfin ne transmette officiellement l'information au parquet. Un mois plus tard (le 16 mai 2013), les fonds sont saisis, semble-t'il à l'initiative de Cahuzac, lors de son contrôle judiciaire. L'information ne filtre cependant dans l'AFP que le 4 juin. Et là enfin le miracle s'accomplit: Tracfin transmet le dossier! Que de temps perdu et de petits mystères!.. Ces tours de passe-passe ont permis de dissimuler ces rapatriements pendant 2 mois à l'opinion publique. La conspiration du silence?
Un mystère? Pas pour longtemps: le 17 septembre 2013, une transmission de Tracfin fuite dans Médiapart (http://www.mediapart.fr/journal/france/170913/cahuzac-utilisait-son-compte-de-depute-pour-des-depenses-personnelles).
LE CALVAIRE D'UN LANCEUR D'ALERTE
Perquisition, réquisitions auprès de ma banque et de mon fournisseur d'accès à internet, fadettes.... Comme dans le film allemand "La vie des autres", le but véritable ne correspondait pas au motif officiel: il s'agissait avant tout de museler un trublion. Toute comparaison avec l'ancienne police politique est-allemande (la Stasi) serait bien sûr ici incongrue. Signalons les multiples tentatives de forcage de mon code d'accès à Médiapart, effectuées en dehors de tout cadre légal.
LES ENJEUX DE CETTE AFFAIRE DANS L'AFFAIRE
Ce procès devrait permettre aux médias de lancer 5 débats:
- le statut du lanceur d'alerte de la fonction publique (reconnu au niveau européen... mais pas en France).
- le lien de subordination entre Tracfin et le pouvoir exécutif: les considérations politiciennes (gestion de la crise Cahuzac) ont-elles pris le dessus sur le fonctionnement normal d'un service anti-blanchiment?
- l'enquête administrative parallèle de Tracfin avait-elle pour objectif de déminer le terrain avant que le Pole Financier n'ait accès aux informations? Des noms ont-ils été escamotés?
- la procédure d'anonymisation de certaines personnalités est-elle conforme à l'autorisation donnée par la CNIL? Ne porte-t'elle pas atteinte aux libertés publiques? Ne constitue t'elle pas une entrave à la justice en cas de perquisition judiciaire?
- pourquoi l'enquête de la Commission Parlementaire s'est-elle bornée à la date du 02/04/2013... alors que le meilleur restait à venir? Et surtout: pourquoi le Directeur de Tracfin n'a-t'il pas été auditionné par cette commission? Pourtant, Carpentier semble avoir manifesté à plusieurs reprise une certaine curiosité pour celui qui allait devenir son ministre (http://www.mediapart.fr/journal/france/170114/les-curiosites-du-patron-de-tracfin-sur-cahuzac-pendant-la-presidentielle)
Ce qu'en disent la presse et la TV:
http://www.liberation.fr/societe/2013/10/27/l-ex-de-tracfin-justifie-les-moyens_942750
http://www.bfmtv.com/societe/un-ancien-agent-tracfin-comparait-fuites-compte-cahuzac-639078.html
- Le point du 9 janvier 2014. Article "Tracfin, 2 poids, 2 mesures"