/image%2F0780719%2F20140125%2Fob_972961_hollande-ouattara2.jpg)
Réconciliation nationale: L’ombre de Hollande plane sur les décisions de Ouattara Notre Voie
Le chef de l’ancienne métropole est annoncé en Côte d’Ivoire dans les prochains jours. Peut-être en février, peut-être en mars. Dans de nombreux cercles de discussions, on ne cesse de se demander ce que le chef du pays des libertés vient faire dans un pays où les gouvernants marchent constamment sur la Constitution et les droits humains. Ne nous y trompons pas ! La métropole a des habitudes qui lui collent à la peau. La France est aussi renseignée que nous sur notre propre pays. Elle sait ce qui s’y passe. La tradition a été respectée et des instructions fermes ont été données sous la même forme : «Monsieur le président ou Monsieur le ministre, la France souhaite que…». Dans les pays de l’Afrique au sud du Sahara, pas question de parler aux gouvernants de ces anciennes colonies à la forme impérative. Les souhaits de la France sont tous et toujours des ordres à exécuter sans la moindre retenue.
L’opinion, dans l’Hexagone, est très forte et très respectée par les dirigeants, quels qu’ils soient. Cette opinion, grâce à la mobilisation sans précédent des Ivoiriens et Africains de la diaspora qui occupent quotidiennement les rues des pays européens, grâce au travail de terrain des organisations de défense des droits humains et grâce à la presse nationale proche de l’opposition, sait que la Côte d’Ivoire vit une dictature sans nom. L’opposition est pourchassée, la presse libre broie du noir avec l’épée du CNP prête à lui couper la tête. Les médias publics sont formellement interdits aux opinions différentes de celles de la coalition au pouvoir. Les journalistes sont enlevés ou tués dans une impunité totale quand bien on connaîtrait leurs bourreaux. La corruption a gangrené tout le système administratif y compris le cœur du pouvoir. François Hollande, le président français, peut-il débarquer dans une telle «merde» sans qu’il ne se mette à dos son opinion si puissante? C’est sûr que le président français ne veut pas avoir ici, en Côte d’Ivoire, un regard assombri et un peu lointain à sa descente d’avion. Il veut plutôt arborer une allure physique dynamique et enjouée. C’est l’ayant compris (la diplomatie a fait son travail) que le gouvernement ivoirien est en train de faire des pieds et des mains pour que les «souhaits» de Paris soient une réalité vivante. N’avez-vous pas remarqué que, l’air de rien, les membres du gouvernement, chacun dans son département, multiplient les appels à la fraternité et à la réconciliation vraie ? Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur, qui est au centre de tous les malheurs des proches et lointains amis de Laurent Gbagbo, va même plus loin pour déclarer que le gouvernement dans lequel il fait la pluie et le beau temps, ne peut plus se permettre de libérer des gens et de le remettre en prison. Aux exilés, l’autre problème dont Paris demande au plus vite le règlement, il a été tout aussi clair, le couteau de la métropole sous la gorge : «On ne fait pas venir les gens pour les mettre en prison». Curieux cependant que l’homme de main de Ouattara ajoute à son appel que la réconciliation qu’il dit appeler de tous ses vœux se fasse «dans le respect des institutions». Franchement, on a envie de lui dire : «M. Bakayoko, arrêtez de nous insulter ! vous êtes très mal placé pour parler, ne serait- ce que pour l’effleurer, de respect des institutions». Mais on comprend son dynamisme débordant et son excitation. Le chef de la métropole arrive. Il ne vous pas échappé que tout est mis en œuvre par les autorités d’Abidjan pour déblayer le terrain avant l’arrivée du premier des Gaulois. Voyons ensemble. Les 13 militaires qui croupissaient encore dans les geôles du nord sont «rapatriés»vers le sud. On apprend de sources gouvernementales que dans les jours qui suivent, on n’entendra plus parler de prisonniers politiques. Les journalistes des médias d’Etat font des efforts surhumains pour inscrire sur leurs conducteurs, les activités du FPI. Des appels pressants, le cœur en bandoulière, le pardon au bord des lèvres, sont lancés aux exilés pour qu’ils regagnent leurs terres. On a même célébré Charles Blé Goudé en pleine journée, dans les locaux du Baron bar de Yopougon. Il fallait le faire ! En somme, tout pour que le jour où François Hollande (dont on ne sait pas encore s’il foulera le sol ivoirien avec sa compagne Valérie) sera assis dans son siège façon Louis XIV, l’on sente qu’il a des étoiles pleins les yeux.
Abdoulaye Villard Sanogo
Source: Notre Voie N°4621 du mercredi 22 janvier 2014