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Les portes d’entrée du Mossad en Afrique Par Richard Labévière Mondafrique
Le livre d’Eric Denécé et de David Elkaïm, « les services secrets israéliens » (Editions Tallandier, avril 2014), fera date sur les services de renseignement d'Israel. Hormis quelques inévitables scories sur Israël, qui serait l'unique démocratie du Moyen-Orient et qui ferait pousser des roses dans le désert, cette véritable enquête fourmille d’informations et de géo-localisations inédites, notamment sur la pénétration du Mossad en Afrique, via la mer rouge, l'Afrique du Sud et le Sud Soudan, où l'on a croisé récemment DSK en compagnie de banquiers israéliens
L’introduction du chapitre 10 aurait méritée de figurer en ouverture de l’ouvrage : « l’Etat hébreu se différencie des autres acteurs internationaux par un trait particulier : la majorité de ses dirigeants gouvernementaux, ainsi qu’une part non négligeable de sa classe politique, toutes tendances politiques confondues, sont issues des services de renseignement ou des unités spéciales, ou y ont fait un passage ». A plusieurs reprises, ce qui est aussi l’une des grandes particularités des services israéliens, sont soulignés les liens organiques unissant les barbouzes israéliennes, les industries informatique, aéronautique et de défense.
Autre signe distinctif hérité d’une proximité historique avec leurs homologues britanniques et américains, les services israéliens utilisent beaucoup comme « faux nez », les cabinets d’avocats d’affaires, les officines « d’intelligence économique » et les agences de pub et de communication. Mais c’est surtout grâce aux vecteurs militaires et nucléaires que les agents israéliens s’implantent dans le monde, et pas seulement dans les pays des Proche et Moyen-Orient.
La Mer rouge, un "lac hébreu"
Les meilleurs experts évaluent à quatre cents le nombre de têtes nucléaires, sorties des centrales de Dimona[2] et de Nahal Sorek (sud de Tel-Aviv) et stockés dans une quinzaine de sites stratégiques. Ces ogives peuvent armer plusieurs types d’avion, des missiles Jericho III ainsi que l’un des quatre sous-marins Dolfin (type 800 de conception allemande). L’un d’eux croise en permanence en mer Rouge et en mer d’Oman. La pénétration des services israéliens en Afrique s’est ainsi effectuée - dès la fin -, de la guerre de juin 1967 à partir de la mer rouge considérée par les gouvernements israéliens successifs comme un « lac hébreu » jusqu’au détroit de Bab-el-Mandeb. Ainsi, les services de Tel-Aviv ont très vite jeté leur dévolu sur les pays de la Corne dont l’Ethiopie et le Kenya.
Le deuxième point d’ancrage fût l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Dès le début des années 70, une étroite coopération nucléaire s’est développée entre Tel-Aviv et Pretoria qui cherchait également à se doter d’armes stratégiques. En échange de matériaux fissiles, l'État hébreu a partagé sa technologie avec les scientifiques militaires sud-africains. En 1994, lors de son arrivée au pouvoir, Nelson Mandela confirma l'existence de ce programme militaire et son démantèlement. Si la technologie nucléaire a effectivement disparu, les services de renseignement israéliens sont restés sous la couverture de sociétés de conseils et d’extraction diamantifères…
Le Sud Soudan sous influence
A partir de la nouvelle Afrique du sud, les services israéliens et leurs devantures commerciales vont se redéployer selon une cartographie pétrolière. Ils s’imposeront comme les partenaires indispensables à la création de la République du Soudan du Sud en juillet 2011 (1). Parallèlement, ils apporteront une aide logistique et de formation aux forces armées rwandaises de Paul Kagamé ainsi qu’à ses milices engagées au nord du Kivu. On peut aussi reconstituer leur traçabilité morbide en Côte d’Ivoire où ils appuieront les escadrons de la mort de Simone Gbagbo. A partir d’Abidjan où se sont installés nombre d’ « avocats d’affaires » israéliens, les services de renseignements de Tel-Aviv vont rayonner au Niger et au Sénégal notamment où ils essaient actuellement de vendre des blindés légers et un système radar à l’armée sénégalaise. Des tentatives similaires se développent depuis plusieurs années en Mauritanie…
Ce redéploiement des services de renseignement israéliens en Afrique prend prétexte de la lutte antiterroriste dans la bande sahélo-sahélienne. Il bénéficie paradoxalement de la couverture de nombreuses initiatives « économique » et « humanitaires » saoudiennes. Tel-Aviv vient d’annoncer l’envoie d’une trentaine d’experts de la lutte antiterroriste au Nigeria, profitant de l’émotion mondiale suscitée par l’enlèvement de deux cents jeunes filles chrétiennes par les fêlés de la secte Boko Haram. Comme en Afrique du sud, et il est facile de prévoir qu’une fois les islamistes nigérians neutralisés les barbouzes israéliennes prendront durablement leurs quartiers.
Contrairement à ce que laisse entendre le livre d’Eric Denécé et de David Elkaïm - encore une fois, qu’il faut lire absolument -, les services israéliens ne sont certainement pas les meilleurs du monde, mais ils constituent aujourd’hui l’un des vecteurs les plus efficaces de l’installation de la mondialisation libérale versus Washington-Londres. Outil de hard et de soft-power, au-delà de leurs missions classiques de « sécurité », ils servent d’abord à faire du business…
[1] A propos du Sud-Soudan, la lecture de l’Express daté du 7 mai, dont la couverture est consacrée à DSK, ne manque pas d’intérêt. On apprend ainsi que « des connaissances communes présentent DSK à Thierry Leyne… Leyne, ingénieur de formation, le plus souvent basé à Tel Aviv, mène une carrière sans bruit dans la finance un professionnel compétent et foncièrement discret… habitué à l’ombre… Quand le Soudan du Sud demande au financier de l’aider à créer une banque… Leyne propose à DSK de le conseiller ».
[2] La centrale de Dimona est située dans le désert du Néguev à 12,7 km au sud-est de Dimona en Israël. Depuis sa création à la fin des années 50, elle est essentielle au développement du programme nucléaire israélien.