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Obama déplace-t-il la «guerre contre le terrorisme» en Afrique ? Par Zoë Carpenter Article originel: Is Obama Moving the ‘War on Terror’ to Africa? The Nation Traduction SLT
En dépit des discussions sur la constitution d'un "pivot", ou de rééquilibrage des forces militaires US en Asie, l'armée étatsunienne s'est installée en Afrique. Cela n'est pas nouveau pour quiconque a suivi l'expansion du Commandement des États-Unis en Afrique (AFRICOM ) sur le continent. Mais c'est un tournant décisif que jusqu'à présent, les responsables étatsuniens ont été réticents à reconnaître.
Le voile a été levé partiellement mercredi dernier lorsque le président Obama a demandé au Congrès 5 milliards de dollars pour former et équiper les gouvernements étrangers pour des activités de lutte contre le terrorisme. La plupart des pays qu'il a cités sont en Afrique y compris la Somalie, la Libye et le Mali. Les forces et opérations spéciales étatsuniennes entraineraient déjà de nouvelles unités de lutte contre le terrorisme en Libye et au Mali, ainsi qu'au Niger et en Mauritanie .
La "principale menace actuelle ne vient plus d'une direction centralisée d'Al-Qaïda. Au lieu de cela, il s'agit de filiales décentralisées d'Al-Qaïda et d'extrêmistes, la plupart ont des programmes axés dans les pays où elles opèrent", a déclaré Obama. "Nous avons besoin d'une stratégie qui corresponde à cette menace diffuse ; qui élargisse notre portée d'action sans envoyer de forces qui étendent notre action militaire, ou attise les ressentiments locaux" .
Selon le journaliste Nick Turse, qui a couvert intensivement l'actualité concernant l'AFRICOM pour TomDispatch, le nombre des opérations, des programmes et des missions menées par l'armée étatsunienne en Afrique a augmenté de plus de 200 pour cent depuis que l'AFRICOM a été créée en 2008. En 2012, les États-Unis ont prévu seuls, quatorze grandes opérations de formation à travers le continent, y compris au Mali, au Maroc, en Ouganda, au Botswana, au Lesotho, au Sénégal et au Nigeria.
"Le commandement de l'AFRICOM parle de cela comme s'il s'agissait d'une mission à petite échelle non accessible au public, mais quand vous écoutez ce qu'ils disent en privé, cela est vraiment surprenant", a déclaré Turse. Il a entendu des agents se référant à l'Afrique comme étant désormais "le champ de bataille de demain." Un fonctionnaire de l'AFRICOM a reconnu dans une salle pleine d'entrepreneurs privés que l'Africom avait "changé son objectif initial d'être un commandement plus adapté - pour être un commandement gérant de réels combats et de réelles guerres."
La coopération de lutte contre le terrorisme semble assez inoffensive, en particulier lors de sa présentation rhétorique comme une alternative à la guerre au sol. Cependant, la stratégie d'Obama explicitée mercredi avalise tranquillement l'expansion de l'activité militaire des États-Unis sur le continent. Malheureusement, le président n'a pas signalé la fin de l'ère de l'aventure militaire étatsunienne en Afrique mais l'a dirigé vers de nouveaux objectifs sous de nouveaux prétextes. Et comme avec les autres efforts militaires conventionnels, une implication plus profonde en Afrique comporte des risques de retour de flamme, notamment par la constitution de grands réseaux de miliciens dans les conflits locaux.
Les expériences récentes en Libye et au Mali - deux pays que Barack Obama a cité mercredi comme présentant des possibilités de coopération militaire élargie - sont instructifs. En Libye, l'opération soutenue par les Etatsuniens pour renverser Mouammar Kadhafi du pouvoir par une poignée de groupes de miliciens a contribué à transformer le pays en un terrain d'entraînement pour les guérilleros radicaux. Pendant ce temps, les armes de l'arsenal de Kadhafi ont fait leur chemin au Mali, où elles ont permis un coup d'Etat dirigé par un capitaine nommé Amadou Haya Sanogo, qui avait reçu une formation militaire aux Etats-Unis. À son tour, des armes et des militants du Mali semblent désormais soutenir l'insurrection au Nigeria.
Le discours d'Obama a été largement interprété comme une façon de fonder une "nouvelle politique étrangère d'après-guerre", marquant le début d'une nouvelle ère axée sur "le soutien des pays partenaires sur les lignes de front." Mais railler les "erreurs coûteuses" à grande échelle de l'interventionnisme militaire US n'est pas une nouvelle position pour Obama. C'est sur ce programme qu'il a été élu.
A West Point, Obama n'a pas annonçé une position nouvelle ; il défendait sa politique, y compris les frappes de drones et sa volonté d'approfondir l'engagement en Afrique. Ce faisant Obama a parlé comme si les interventions manifestes et celles organisées dans les coulisses n'étaient pas les deux faces d'une même pièce. Fondamentalement, les deux sont des solutions militaires. Les combats des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan semblent terminés, mais c'est avoir la vue bien courte que de considérer cette politique comme une politique "d'après-guerre" alors qu'elle est toujours dédiée à la perpétuation de la "guerre contre le terrorisme".
Les bonnes nouvelles sont que, en demandant au Congrès de financer le Fonds de partenariats de lutte contre le terrorisme, Obama a créé une opportunité pour les législateurs et pour le public de poser des questions critiques sur les objectifs et les risques d'expansion de l'armée étatsunienne en Afrique, et qui plus est avec des partenaires douteux. Espérons qu'ils saisissent cette opportunité.
Traduction SLT