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Le cinéma dans l’outre-mer français : négrophobie institutionnelle Une autre histoire
Les anciennes colonies esclavagistes françaises sont devenues des départements d’outre-mer en 1946.
Deux ans plus tard, en 1948, la législation française imposait le système original de la TSA, la taxe spéciale additionnelle, très avantageux pour le cinéma français.
La TSA est un prélèvement automatique de 10,72 % sur chaque billet acheté par les spectateurs. Chaque exploitant doit déclarer sa recette et reverser la TSA chaque mois au Centre national du cinéma, qui délivre les billets et exerce un droit de contrôle.
Le Centre du cinéma, grâce à la TSA, alimente un fonds de soutien au cinéma qui bénéficie de manière automatique aux producteurs en fonction des recettes sur les films précédents.
Concrètement, un film qui réalise 100 000 entrées – comptabilisées par les déclarations obligatoires imposées par le CNC- permet au producteur de récupérer automatiquement plusieurs dizaines de milliers d’euros pour mettre en chantier le film suivant.
100 000 entrées génèrent automatiquement 67 000 € de fonds de soutien. Le producteur a droit à un minimum de 25 % de cette somme, soit 16 750 €, mais pour un film faisant moins de 500 000 entrées, l’aide automatique peut atteindre 125 %, soit en l’occurrence 83 750 €.
En outre, le système du contrôle de la billetterie permet aux producteurs de recevoir les quelque 34 % qui leur reviennent en moyenne (une fois payé les frais engagés par le distributeur) sur le prix de chaque billet.
Pour 100 000 entrées, la recette nette est donc d’environ 165 000 € pour le producteur.
En résumé, un film faisant 100 000 entrées peut rapporter dans le meilleur des cas 248 750 €, une partie de la somme, 165 000 €, permettant de rembourser une partie des dépenses engagées pour faire le film (dont le coût est rarement inférieur à 1 million d’€) l’autre partie, 83 750 €, reversés par le CNC permettant d’être affectée au film suivant.
Tel est la situation normale permettant de financer le cinéma en France.
En France hexagonale seulement.
Car aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a jamais souhaité, depuis 1948, que le système de la TSA soit appliqué dans les anciennes colonies.
Le résultat est simple : il n’y a pas de cinéma d’outre mer.
Le nombre d’entrées dans les salles d’outre-mer n’est pas comptabilisé et le fonds de soutien ne finance pas les producteurs dont les films ont été vus outre-mer.
Le conseil de la concurrence a pourtant condamné cette situation dès 2004
« il est [...] impossible d’avoir un état précis du nombre d’entrées par salles et par films dans les Antilles; il en résulte une absence de régulation du secteur tout à fait dérogatoire au droit commun et une opacité des secteurs de la distribution de films et de l’exploitation des salles de cinéma ».
Pour reprendre l’exemple précédent : un producteur ayant investi 1 million d’euros pour un film uniquement projeté outre mer ne recevra que ce que l’exploitant, qui est souvent aussi distributeur, voudra bien lui reverser.
Le plus incroyable c’est que les distributeurs et exploitants des salles de l’outre-mer français se résument à une seul société : le groupe Elizé, établi depuis 1939 en Martinique qui monopolise pratiquement toutes les salles de l’outre-mer français et les salles d’ Haïti.
Il est plus qu’évident que cette situation discriminatoire n’est entretenue que pour éviter que des films qui contreviendraient à la pérennité du système négrophobe institutionnel français voient jamais le jour.
Le 24 janvier 2012, la députée Christiane Taubira avait posé une question au gouvernement pour dénoncer ce scandale.
Pourtant le gouvernement dans lequel elle devait entrer quelques mois plus tard n’a pris aucune disposition pour changer ce système honteux.