Ainsi donc l'ONU, plutôt que de réaliser sa propre enquête sur les crimes commis par des militaires étrangers en Centrafrique et de transmettre ses conclusions à la CPI, appelle les pays respectifs à faire leur propre enquête et à prendre leurs sanctions. Peu de chances que des Etats comme la France accélèrent la lenteur de leur justice. Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour...
Le Haut-commissaire des droits de l'homme à l'ONU, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, déclare tout en euphémisme "Ces allégations sont extrêmement dérangeantes" alors qu'elles sont tout bonnement extrêmement graves et relèvent de crimes imprescriptibles. Il s'agit en effet, selon ses dires, "de meurtres de civils, d'exécutions sommaires, d'enlèvements et des cas d’exploitation sexuelle de femmes locales".
Ce que le "chef de guerre" français, François Hollande, avec le même sens de l'euphémisme avait qualifié de comportement de "prébendier".
On comprendra que l'ONU soit "extrêmement dérangée" car elle avait en son temps tenté d'étouffer l'affaire en suspendant le fonctionnaire qui avait fait fuiter le rapport. En effet, c'est Anders Kompass, cadre de l’ONU basé à Genève, qui avait brisé le mur de la connivence et avait transmis le contenu de l’enquête onusienne à la fois au ministère français (qui enquêtait depuis plus d'un an sur le sujet) de la Défense et à l’ONG « Aifs Free world » (qui avait fait fuiter le rapport dans The Guardian). Une ONU qui était alors devenue extrêmement dérangée aux entournures par ce "problème récurrent".
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme a affirmé samedi avoir exhorté plusieurs Etats à intensifier leurs efforts pour enquêter sur des allégations de crimes commis par leurs soldats déployés en République centrafricaine.
Dans un communiqué, il fait notamment état "de meurtres de civils, d'exécutions sommaires, d'enlèvements et des cas d’exploitation sexuelle de femmes locales".
"Ces allégations sont extrêmement dérangeantes", souligne M. Zeid Ra’ad Al Hussein. "La population centrafricaine avait désespérément besoin de protection. Le rôle joué par les forces internationales dans l’arrêt des combats et des massacres sectaires les plus graves en République centrafricaine est inestimable et leur présence a incontestablement sauvé un très grand nombre de vies", explique-t-il.
"Cependant, dans certains cas, les protecteurs tant espérés se sont transformés en prédateurs", ajoute le Haut Commissaire.
Il rappelle notamment les récentes révélations concernant des allégations d’abus sexuels de militaires français sur des enfants, qui font actuellement l’objet d’une enquête des autorités françaises. Son bureau a revu "l’ampleur du suivi sur les violations graves qui auraient été commises par des soldats appartenant à plusieurs autres contingents internationaux opérant sous l’égide de la Minusca en 2014", assure-t-il.
L'affaire impliquant des soldats français avait été révélée en avril par le quotidien britannique The Guardian, sur la base d'un rapport des Nations unies contenant des témoignages d'enfants qui affirment avoir été violés par des militaires français au début de l'intervention française en Centrafrique, entre décembre 2013 et juin 2014.
Selon une source judiciaire française, 14 soldats français sont mis en cause, dont trois ont été identifiés, par les témoignages de six enfants âgés de 9 à 13 ans.
L'ONU a été critiquée par des ONG qui l'accusent de ne pas avoir agi assez vite et d'avoir temporairement sanctionné un fonctionnaire qui avait de sa propre initiative transmis ce rapport aux autorités françaises pour les alerter.
Plusieurs autres incidents, impliquant notamment un usage excessif de la force, des disparitions forcées et des cas d’exploitation sexuelle et de violence, ont fait l’objet d’une enquête sur le terrain par des spécialistes des droits de l’homme des Nations Unies, et par la suite par la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine, qui a écrit un rapport en décembre 2014.
M. Zeid, qui quand il était à l'ONU à New York avait rédigé un rapport remarqué sur les violations commises dans le cadre des missions de paix des Nations Unies, parle de "problème récurrent" mais insiste pour que davantage soit fait pour y mettre un terme.
Il note que "plusieurs hauts gradés de la mission de l'ONU, la Minusca", ont été sanctionnés et rapatriés de manière anticipée par leurs pays respectifs.
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