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Les menaces de guerre se précisent avec le déclin de l’économie (PCR)

par Paul Craig Roberts 16 Mai 2015, 20:36 Economie USA Crise Analyse

Les USA ont toujours eu une excellente opinion d’eux-mêmes mais avec la chute de l’Union Soviétique ce sentiment s’est exacerbé. Nous sommes devenus le peuple exceptionnel, le peuple indispensable, le pays choisi par l’histoire pour exercer son hégémonie sur le monde. La doctrine des néoconservateurs libère le gouvernement des USA de toutes les contraintes internationales et autorise Washington à utiliser des moyens coercitifs à l’égard d’Etats souverains afin de refaire le Monde à son image.

Pour protéger le statut d’unique puissance mondiale depuis la chute de l’Union Soviétique, en 1992, Paul Wolfowitz écrivit de qui est maintenant décrit comme la Doctrine Wolfowitz qui est le fondement de la politique étrangère de Washington :

« Notre objectif premier est d’éviter la ré-émergence d’un nouveau rival aussi bien dans l’ancien territoire de l’Union Soviétique que partout ailleurs qui puisse être une menace de l’ordre de celle que constituait l’Union Soviétique. C’est une considération dominante sous-entendant la nouvelle stratégie de défense régionale et nécessite que nous nous efforcions d’éviter l’émergence de toute puissance hostile pouvant contrôler une région de la planète dont les ressources pourraient être suffisantes pour favoriser l’émergence une autre puissance globale ».

En mars de cette année (2015) le Conseil des Relations Extérieures a élargi cette doctrine à la Chine.

Washington est maintenant décidé à freiner l’émergence de deux grandes puissances nucléarisées. Cet objectif est exactement la raison pour laquelle Washington a créé la crise ukrainienne pour l’utiliser dans sa propagande anti-russe. La Chine est maintenant confrontée à la politique asiatique des USA et la mise en place de nouvelles bases militaires pour assurer à Washington le contrôle de la Mer de Chine du Sud qui est maintenant considérée comme un intérêt national américain.

Le 11 septembre initia la guerre pour l’hégémonie des néocons au Moyen-Orient. Le 11 septembre au aussi rendu possible la mise en place de l’Etat policier aux USA. Tandis que les libertés ont été bafouées dans le pays (les USA) celui-ci a toujours été en guerre depuis le début du XXIe siècle, des guerres qui ont coûté aux citoyens américains selon Joseph Stiglitz et Linda Bilmes au moins six mille milliards (trillions) de dollars. Ces guerres ont été catastrophiques. Elles ont déstabilisé des gouvernements dans une zone productrice d’énergie importante et ces guerres ont catalysé l’émergence considérable de « terroristes », l’éradication de ces derniers étant l’objectif premier de ces guerres.

Au moment même où la chute de l’Union Soviétique favorisa l’hégémonie américaine, le phénomène de délocalisation du travail apparut. Cet événement incita la Chine et l’Inde à s’ouvrir aux investissements américains massifs pour créer des emplois pour la tout aussi massive main d’oeuvre disponible de ces pays. Les compagnies américaines, encouragées par Wall Street et les grandes firmes commerciales d’investissement, délocalisèrent leurs activités dans tous les domaines comme par exemple la création de logiciels vers ces pays.

L’immédiate conséquence fut l’appauvrissement de la classe moyenne américaine et la disparition de la promotion sociale de cette dernière. En quelque sorte le produit intérieur brut américain et le revenu des taxes afférentes émigra vers l’Inde et la Chine. Le revenu réel médian des Américains déclina. Sans croissance interne pour stimuler l’économie Alan Greenspan favorisa une expansion de la dette des consommateurs qui aboutit à ce que l’on sait. Actuellement aucun facteur ne stimule l’économie (américaine).

Quand les biens et les services produits par la main-d’oeuvre délocalisée arrivent aux Etats-Unis ils entrent en tant qu’importations ce qui aggrave la balance commerciale. Les étrangers disposant alors d’excédents de dollars achètent des obligations, des actions, des biens immobiliers, des sociétés sur le sol américain et par voie de conséquence les intérêts, les dividendes, les bénéfices financiers quittent les USA pour être redirigés vers ces pays. Et pour protéger la valeur d’échange du dollar devant de tels déséquilibre monétaires et contrecarrer l’effet de l’impression de monnaie pour aider les banques « too big to fail » Washington a incité sinon contraint l’Europe et le Japon à créer de la monnaie, processus qui renchérit la valeur d’échange du dollar.

Le Glass-Steagall Act qui était censé séparer les activités commerciales de celles d’investissement des banques a été vidé de sa substance jusqu’à être complètement ignoré dès la fin du mandat de Clinton. Cette abrogation de fait et l’échec des régulations sur les produits financiers dérivés ainsi que la suppression des limites de position des spéculateurs et la gigantesque concentration du secteur financier dans le mépris total des lois anti-trust a créé non pas l’utopie du marché libre mais une crise financière sérieuse et toujours bien présente. Les liquidités disponibles de par cette politique monétaire n’a eu pour effet que de favoriser l’apparition de bulles financières sur le marché des actions et des obligations.

Implications, conséquences et perspectives :

Quand la Russie s’est opposée à l’invasion planifiée par l’administration Obama de la Syrie et les tentatives de bombardement de l’Iran, les néoconservateurs se sont rendus à l’évidence que tandis que les USA étaient occupés avec leurs guerres au Moyen-Orient et en Afrique Poutine avait restauré la puissance économique et militaire russe. Quand la Russie a dit « niet » aux USA, suivie par le parlement britannique, le premier objectif de la doctrine Wolfowitz a été sérieusement ébranlé. C’est cet événement qui redirigea l’attention des néoconservateurs vers la Russie. Durant la décennie passée, Washington avait investi 5 milliards de dollars pour financer une nouvelle classe politique en Ukraine ainsi que des ONGs susceptibles d’être envoyées dans la rue pour manifester. Quand le Président Ukrainien fit un bilan économique de l’adhésion possible de son pays à l’Union Européenne il s’aperçut que la note était trop élevée et il rejeta cette adhésion. C’est alors que Washington se servit de ces ONGs dans la rue et les néo-nazis y ajoutèrent la violence à laquelle le gouvernement n’était pas du tout préparé. Ces évènements entraînèrent sa chute.

Victoria Nuland (Secrétaire d’Etat US pour les Affaires Européennes) et Geoffrey Pyatt (Ambassadeur US en Ukraine) choisirent leurs politiciens et établirent un régime vassal dans le pays. Washington espérait pouvoir mettre la main sur la base navale russe de Crimée, le seul port toujours libre de glaces de la Russie. Cependant, la Crimée, partie intégrante de la Russie pendant des siècles, choisit démocratiquement de retourner dans le giron de la mère patrie. Washington, dépité, déclara qu’il s’agissait en fait d’une invasion russe suivie d’une annexion. Dès lors les USA organisèrent une propagande en Europe pour casser les liens économiques et commerciaux entre l’Europe et la Russie et en obligeant l’Europe à mettre en oeuvre des sanctions contre la Russie.

Etant donné que ces sanctions ont eu des effets négatifs sur l’économie européenne, les Européens se sentent de plus en plus concernés par la belligérance américaine car cette Europe n’a rien à gagner d’un conflit avec la Russie tout en redoutant d’être poussée à la guerre. De plus en plus de signes indiquent que certains gouvernements européens désirent se désolidariser de la politique étrangère américaine. La virulente propagande anti-russe et la diabolisation de Poutine ont altéré la confiance de l’Ouest envers la Russie. Le Commandant de l’OTAN Breedlove demandant plus d’argent, plus de troupes, plus de bases près des frontières avec la Russie fait que la situation devient dangereuse. Dans une confrontation directe avec la Russie, Washington cherche à incorporer l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN, pourtant deux anciennes provinces russes.

Sur la scène économique le dollar comme monnaie de réserve constitue un problème pour le monde entier. Les sanctions et d’autres manifestations de l’impérialisme financier américain poussent certains pays y compris de grandes nations à s’affranchir des paiements en dollars. Et tandis que de plus en plus de transactions commerciales se concluent sans avoir recours au dollar, la demande pour cette monnaie chute malgré une disponibilité accrue en billets verts à la suite des QEs successifs. Et compte tenu de la production délocalisée et de la dépendance des USA des importations, une chute de la valeur du dollar résulterait en une inflation domestique dramatique conduisant à une paupérisation des citoyens américains et menaçerait les marchés largement manipulés des actions, des obligations et des métaux précieux.

La vraie raison des Quantitative Easings est d’aider les banques à boucler leurs bilans. Cependant, la raison officielle a toujours été de stimuler l’économie. Le seul résultat positif est l’évolution du produit intérieur brut américain qui paraît embellir car l’indice implicite d’évolution des prix n’a pas été pris en compte ou sous-estimé. Il est évident qu’il n’y a pas eu de reprise économique et avec un premier trimestre sans progression et un deuxième trimestre qui s’annonce tout aussi terne il paraît évident que les USA s’enfoncent dans un autre cycle de récession. Le taux de chômage de 23 % (ce n’est pas moi qui invente ce chiffre c’est PCR qui le tire de sources d’information non truquées) n’a rien à voir avec celui des années d’après-guerre. La réserve fédérale combattait l’inflation en ralentissant l’économie et quand le taux de chômage augmentait à nouveau, la FED lâchait du lest. Mais aujourd’hui il n’y a plus d’emplois, ils ont été délocalisés, il n’y a plus d’usines, elles ont aussi été délocalisées.

Restaurer l’économie demande un rapatriement du tissu industriel et des emplois recréés sur le sol américain. Cela peut être atteint en modifiant la fiscalité qui charge les produits des entreprises délocalisées et importées aux USA : de fortes taxes sur les produits importés et peu de taxes sur les produits Made in USA, une approche qui réduirait l’avantage des délocalisations. Si on se souvient du lobbying intense des compagnies transnationales et de celui de Wall Street, une telle réforme fiscale a peu de chances d’aboutir. En conclusion l’économie américaine continuera à décliner.

Sur le plan de la politique étrangère, l’égocentrisme et l’arrogance dans la manière dont les Américains perçoivent leur image de pays exceptionnel et indispensable avec, donc, des droit hégémoniques sur les autres pays signifie que le monde entier est prêt à faire la guerre. Ni la Chine ni la Russie n’accepteront d’être vassalisés comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et le reste des pays européens, le Canada, le Japon et l’Australie. La doctrine Wolfowitz est claire : Le prix de la paix dans le monde est l’acceptation de l’hégémonie de Washington. En conséquence, à moins d’une crise du dollar affaiblissant la puissance américaine ou à moins que l’Europe ait le courage de se désolidariser des USA et poursuive sa propre politique étrangère en supprimant l’OTAN, une guerre nucléaire semble très probable. L’agressivité et la propagande américaines ont suffi à catalyser le rapprochement stratégique entre la Chine et la Russie pour contrer les intentions belliqueuses américaines. La célébration du soixante-dixième anniversaire de la défaite d’Hitler le 9 mai dernier à Moscou est un tournant historique car aucun pays occidental n’était présent mais les officiels chinois dont Xi-Jinping auprès de Poutine dans la tribune officielle et des régiments de l’armée chinoise étaient présents et ont défilé avec les soldats de l’armée russe. Le nombre de soldats russes morts au combat par rapport à celui des Anglais, des Américains ou des Français rend parfaitement clair que ce sont les Russes qui ont vaincu Hitler. Les pays de l’Ouest ont réécrit l’histoire, ce n’est pas nouveau, et Obama n’a mentionné que les troupes américaines dans le déroulement de cette guerre lors des commémorations du 8 mai. Poutine a, au cours de cette célébration, remercié les Anglais, les Français et les USA pour leur contribution à la victoire. Pourtant depuis de nombreuses années Poutine ne cesse de déclarer aux vassaux de Washington : « Ne nous agressez pas, nous ne sommes pas votre ennemi. Nous voulons être vos partenaires ». Les années ont passé sans que Washington ait écouté un seul instant le message de Moscou et au final la Russie et la Chine ont réalisé que leur choix était limité entre cette vassalisation ou la guerre. S’il y avait au moins une personnalité intelligente au Département d’Etat ou au Pentagone pour alerter de la dangerosité des néoconservateurs, l’avenir de l’espèce humaine pourrait être préservée.

Paul Craig Roberts | 7 mai 2014

« War Threat Rises As Economy Declines » lecture inaugurale de la Conférence Annuelle du Groupe Financier de l’Ouest, New-Orleans, 7 mai 2015).

Notes : Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale, adversaire notamment de la globalisation, activiste anti-néocons, en très résumé. Linda Bilmes, professeur d’économie à l’Université d’Harvard, économiste ancien membre de l’administration Clinton, coauteur avec Stiglitz du livre « The Three Trillion Dollar War » (ISBN : 978-0-393-06701-9 )
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