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L’Assassinat d’Oussama ben Laden / The Killing of Osama bin Laden (LRB)

par Seymour Hersh 15 Mai 2015, 18:12 USA Obama Ben Laden Mort de Ben Laden

L’Assassinat d’Oussama ben Laden / The Killing of Osama bin Laden (LRB)
L’Assassinat d’Oussama ben Laden (London Review of Books)
Article originel : The Killing of Osama bin Laden
London Review of Book
voir l'article en version originale anglaise plus bas
Traduction réalisée en partenariat avec le site ReOpen911

Quatre ans se sont écoulés depuis qu’un groupe de Navy Seals américains a assassiné Oussama ben Laden lors d’un raid de nuit sur une grande maison d’Abbottabad au Pakistan. Le meurtre a été le point culminant du premier mandat d’Obama, et un facteur déterminant de sa réélection. La Maison Blanche maintient toujours que la mission était une affaire entièrement américaine et que les généraux de l’armée pakistanaise et de l’Inter-Services Intelligence agency (ISI) n’étaient pas informés à l’avance du raid. C’est faux, tout comme plusieurs autres éléments de la version de l’administration Obama. Le récit de la Maison Blanche aurait pu être écrit par Lewis Caroll [Écrivain, auteur des aventures d’Alice au Pays des merveilles, Ndt] : Ben Laden,la cible d’une gigantesque chasse à l’homme internationale, aurait-il vraiment décidé qu’un lieu de villégiature, à une soixantaine de kilomètres d’Islamabad, serait l’endroit le plus sûr pour vivre et diriger les opérations d’Al-Qaïda ? Il se cachait au grand jour, d’après les États-Unis.

Le mensonge le plus flagrant était que deux des plus hauts chefs de l’armée – le général Ashfaq Parvez Kayani, chef des armées, et le général Ahmed Shuja Pasha, directeur de l’ISI – n’ont jamais été au courant de la mission américaine. La Maison Blanche campe sur cette position malgré une quantité d’articles soulevant des questions, y compris celui de Carlotta Gall dans le New York Times Magazine du 19 mars 2014. Gall, qui a passé 12 ans comme correspondante du Times en Afghanistan, a écrit qu’un ’officiel pakistanais’ lui a dit que Pasha savait que Ben Laden était à Abbottabad avant le raid. Des officiels américains et pakistanais ont démenti cette histoire qui n’a pas eu de suite. Dans son livrePakistan : Avant et aprèsOussama (2012), Imtiaz Gul, directeur exécutif du Centre d’études pour la recherche et la sécurité, un think tank d’Islamabad, a écrit qu’il avait parlé avec quatre agents sous couverture des renseignements qui – reflétant une opinion locale largement répandue – affirmaient que l’armée pakistanaise devait avoir été au courant de l’opération. Cette question a été soulevée de nouveau en février, lorsqu’un général à la retraite, Asad Durrani, qui fut le chef de l’ISI au début des années 1990, déclara à un journaliste d’Al-Jazeera qu’il était ’tout à fait possible’ que des responsables de l’ISI ne savaient pas où se cachait Ben Laden, ’mais qu’il était plus probable qu’ils étaient au courant. Et l’idée était qu’au bon moment, son emplacement serait dévoilé. Et le bon moment aurait été quand vous pouviez en tirer quelque chose en échange – si vous avez quelqu’un comme Oussama Ben Laden, vous n’allez pas simplement le livrer aux États-Unis.’

Au printemps, j’ai contacté Durrani en lui disant en détail ce que j’avais appris de sources américaines sur l’assaut contre Ben Laden : que Ben Laden avait été un prisonnier de l’ISI dans la maison d’Abbottabad depuis 2006 ; que Kayani et Pasha avaient connaissance du raid à l’avance et avaient fait en sorte que les deux hélicoptères transportant les Seals à Abbottabad pourraient franchir l’espace aérien pakistanais sans déclencher les alarmes ; que la CIA n’a pas su où se trouvait Ben Laden en suivant la trace de ses messages, comme le prétend la Maison Blanche depuis mai 2011, mais par un ancien officier supérieur des renseignements pakistanais qui a vendu la mèche en échange d’une grande partie des 25 millions de dollars de récompense offert par les américains, et que, bien qu’Obama ait effectivement ordonné le raid et que les Seals l’aient bien mené, de nombreux autres aspects de la version officielle étaient faux.

’Lorsque votre papier sortira – si vous le faites – les gens au Pakistan vous seront terriblement reconnaissants,’ m’a dit Durrani. ’Cela fait longtemps qu’ils ont arrêté de croire ce qui sort des bouches officielles au sujet de Ben Laden. Il y aura quelques commentaires politiques négatifs et de la colère, mais les gens aiment qu’on leur dise la vérité, et ce que vous m’avez dit est sensiblement ce que j’ai entendu de la part d’anciens collègues qui ont fait partie d’une commission d’enquête dès le début de cet incident.’ En tant qu’ancien chef de l’ISI, a-t-il dit, il a été informé peu de temps après le raid par ’des membres bien informés de la ‘communauté stratégique’,’ qu’un informateur avait prévenu les américains de la présence de Ben Laden à Abbottabad, et qu’après son assassinat, les promesses non tenues des américains avaient poussé Kayani et Pasha sous les projecteurs.

La source principale du récit suivantest un ancien responsable des renseignements américains qui était au courant des premières informations sur la présence de Ben Laden à Abbottabad. Il était aussi au parfum de nombreux aspects concernant l’entraînement des Seals pour le raid, et de différents rapports à la suite de l’opération. Deux autres sources américaines qui ont eu accès à des informations corroborantes, ont été des consultants de longue date auprès du Commandement des opérations spéciales [SOCOM, Ndt]. J’ai également reçu des informations de l’intérieur du Pakistan sur la consternation généralisée parmi les responsables de l’ISI et de l’armée – dont Durrani s’est fait l’écho plus tard – quant à la décision d’Obama d’annoncer immédiatement au public la mort de Ben Laden. La Maison Blanche n’a pas répondu aux demandes de commentaires.

* * *

Tout commença avec un transfuge. En août 2010, un ancien responsable des renseignements pakistanais a abordé Jonathan Bank, à l’époque le chef de station de la CIA à l’ambassade américaine d’Islamabad. Ilproposa de raconter à la CIA où se trouvait Ben Laden en échange de la récompense offerte par Washington en 2001. Les transfuges sont présumés douteux par la CIA, et la réponse du quartier général de l’agence fut d’envoyer une équipe de polygraphistes [spécialistes des détecteurs de mensonges, Ndt]. Le transfuge passa le test. ’Donc nous avons maintenant une piste indiquant que Ben Laden vit dans une maison d’Abbottabad, mais comment être certains de son identité ?’, telle était la préoccupation de la CIA à l’époque, m’a dit l’ancien responsable américain du renseignement.

Les États-Unis ont d’abord dissimulé ce qu’ils savaient aux Pakistanais. ’L’inquiétude était que si l’existence de la source était révélée, les Pakistanais déplaceraient eux-mêmes Ben Laden à un autre endroit. Donc seul un petit nombre de personnes a eu accès à la source et à son récit,’ a dit le responsable à la retraite. ’Le premier objectif de la CIA était de vérifier la qualité des informations de l’informateur.’ La maison fut mise sous surveillance satellite. La CIA a loué une maison à Abbottabad pour l’utiliser comme base d’observation avancée et l’a doté d’employés pakistanais et d’étrangers. Plus tard, la base servira de point de contact avec l’ISI ; elle attirait peu l’attention car Abbottabad est un lieu de vacances plein de maisons à louer pour de courts séjours. Un profil psychologique de l’informateur fut préparé. (L’informateur et sa famille ont été exfiltrés du Pakistan et relogés dans la région de Washington. Il est désormais consultant pour la CIA.)

’En octobre, l’armée et la communauté du renseignement ont discuté des possibles options militaires. Est-ce qu’on lâche une bombe anti-bunker sur la maison ou est-ce qu’on le sort avec une frappe de drone ? Peut-être envoyer quelqu’un pour l’assassiner, à la mode du tueur solitaire ? Mais on aurait alors aucune preuve de qui il s’agit,’ a déclaré l’ancien responsable. ’On pouvait voir un type en train de déambuler la nuit, mais nous n’avions pas d’interceptions parce qu’il n’y avait aucune communication qui sortait de la maison.’

Au mois d’octobre, Obama a été briefé sur les renseignements. Sa réponse fut prudente, confie l’ancien responsable. ’Ça n’avait juste aucun sens que Ben Laden vive à Abbottabad. C’était complètement dingue. La position du président a été catégorique : « Ne me parlez plus de cette histoire à moins d’avoir la preuve que c’est vraiment Ben Laden. »’ L’objectif immédiat à la direction de la CIA et du Joint Special Operations Command [JSOC, branche du SOCOM, Ndt] était d’obtenir le soutien d’Obama. Ils pensaient qu’ils l’auraient s’ils se procuraient une preuve ADN, et s’ils pouvaient l’assurer qu’un assaut de nuit sur la maison ne comportait pas de risque. Le seul moyen d’accomplir les deux à la fois, a expliqué l’officiel à la retraite, ’était d’y associer les Pakistanais.’

Durant la fin de l’automne 2010, les Américains ont continué de garder le silence sur le transfuge, tandis que Kayani et Pasha ont continué d’affirmer à leurs homologues américains qu’ils n’avaient pas d’informations sur les allées et venues de Ben Laden. ’La prochaine étape était de savoir comment introduire en douceur Kayani et Pasha – de leur dire que nous avions des informations indiquant qu’il y avait une cible de haute importance dans la maison, et de leur demander ce qu’ils savaient de la cible,’ a dit l’ancien responsable. ’La maison n’était pas une enclave armée – pas de mitrailleuse alentour parce qu’elle était sous contrôle de l’ISI.’ Le transfuge avait raconté aux Américains que Ben Laden avait vécu incognito de 2001 à 2006 avec certaines de ses femmes et de ses enfants dans les montagnes de l’Hindu Kush, et que ’l’ISI l’avait appréhendé en payant des habitants des tribus locales pour le trahir.’ (Après le raid, des articles l’ont situé ailleurs au Pakistan durant cette période.) Le transfuge a également dit à Bank que Ben Laden était très malade et que peu après sa détention à Abbottabad, l’ISI avait ordonné à Amir Aziz, un docteur et officier de l’armée pakistanaise, d’emménager à proximité pour lui fournir un traitement. ’La vérité est que Ben Laden était invalide, mais qu’on ne peut pas le reconnaître,’ a déclaré l’ancien responsable. ’« Vous voulez dire que vous avez abattu un infirme ? Qui était sur le point d’attraper son AK-47 ? »’

’Ça n’a pas pris longtemps pour obtenir la coopération dont nous avions besoin, car les Pakistanais voulaient assurer le flot de livraison des aides militaires américaines, dont un bon pourcentage était dédié à l’antiterrorisme qui finance la sécurité personnelle, tel que des limousines blindées, des agents de sécurité et des résidences pour la direction de l’ISI,’ a raconté l’ancien responsable. Il a ajouté qu’il y avait aussi des dessous-de-table sous forme de ’primes’ personnelles, financées hors comptabilité par les fonds de réserve du Pentagone. ’La communauté du renseignement savait ce qui pouvait convaincre les Pakistanais – c’était la carotte. Et ils ont choisi la carotte. C’était du gagnant-gagnant. On les a aussi un peu fait chanter. On leur a dit que nous ferions fuiter le fait qu’ils avaient Ben Laden dans leur arrière-cour. Nous savions que leur alliés et leurs ennemis’ – les talibans et les groupes jihadistes au Pakistan et en Afghanistan – ’n’apprécieraient pas.’

Selon le responsable à la retraite, un facteur d’inquiétude à ce stade précoce était l’Arabie saoudite, qui avait payé les frais d’entretien de Ben Laden depuis sa capture par les Pakistanais. ’Les Saoudiens ne voulaient pas que la présence de Ben Laden nous soit révélée parce qu’il était saoudien et ils ont donc demandé au Pakistanais de le tenir hors-champ. Les Saoudiens avaient peur que si nous l’apprenions, nous ferions pression sur les Pakistanais pour laisser Ben Laden nous parler de ce que les Saoudiens avaient fabriqué avec Al-Qaïda. Et ils lâchaient de l’argent – beaucoup d’argent. Les Pakistanais, à leur tour, craignaient que les Saoudiens vendent la mèche au sujet de leur mainmise sur Ben Laden. La crainte était que si les Américains l’apprenaient par Riyad, l’enfer s’abattrait sur eux. Que les Américains découvrent la détention de Ben Laden par un transfuge n’était pas la pire des choses.’

Malgré leur brouille permanente en public, les services de renseignement et les armées américaines et pakistanaises ont étroitement travaillé ensemble depuis des décennies en matière de contre-terrorisme en Asie du Sud. Les deux services trouvent souvent un intérêt à engager des querelles publiques ’pour couvrir leurs arrières,’ comme dit l’ancien responsable, mais ils continuent de partager des renseignements utilisés pour les attaques de drone, et coopèrent sur des opérations secrètes. Dans le même temps, Washington conçoit que des membres de l’ISI puissent penser que de fait de maintenir une relation avec la direction des talibans en Afghanistan est essentiel à leur sécurité nationale. L’objectif stratégique de l’ISI est de contrebalancer l’influence indienne à Kaboul ; les talibans sont également considérés au Pakistan comme une réserve de troupes djihadistes de choc, qui appuieraient le Pakistan contre les Indiens dans une confrontation au Cachemire.

L’arsenal nucléaire pakistanais était une source de tension supplémentaire, souvent dépeint dans la presse occidentale comme une ’bombe islamique’ qui pourrait être transférée par le Pakistan à une nation en guerre au Moyen-Orient, dans le cas d’une crise avec Israël. Les États-Unis ont regardé ailleurs quand le Pakistan a commencé à construire son système d’armement dans les années 1970, lequel est généralement estimé maintenant à plus d’une centaine de têtes nucléaires. Il est entendu à Washington que la sécurité américaine dépend du maintien de liens forts de l’armée et du renseignement vis-à-vis du Pakistan. La même conviction est partagée au Pakistan.

’L’armée pakistanaise est une famille à part entière,’ constate l’ancien responsable. ’Les officiers appellent les soldats leur fils et tous les officiers sont « frères ». Le comportement est différent dans l’armée américaine. Les officiers supérieurs de l’armée pensent être l’élite et ont le devoir d’être attentifs à tout le monde, comme gardiens de la flamme contre le fondamentalisme musulman. Les Pakistanais savent aussi que leur atout contre une agression de l’Inde est une relation solide avec les États-Unis. Ils ne couperont jamais les liens personnels avec nous.’

Comme tous les chefs de station de la CIA, Bank travaillait sous couverture, mais celle-ci prit fin début décembre 2010 quand il fut publiquement accusé de meurtre dans une plainte pénale déposée à Islamabad par Karim Khan, un journaliste pakistanais dont le fils et le frère, selon des articles de la presse locale, avaient été tués par une attaque de drone américain. Permettre que Bank soit nommément cité était une violation du protocole diplomatique de la part des autorités pakistanaises, qui déclencha une vague de publicité indésirable. Bank reçu l’ordre de quitter le Pakistan par la CIA, dont les officiels ont déclaré par la suite à l’Associated Press qu’il avait été transféré pour des raisons de sécurité. Le New York Times a rapporté qu’il y existait un ’fort soupçon’ que l’ISI ait joué un rôle dans la fuite du nom de Bank à l’attention de Khan. Des spéculations avancent qu’il aurait été démasqué en représailles de la publication, dans un procès à New York le mois précédent, des noms de plusieurs chefs de l’ISI en lien avec les attentats terroristes de Mumbai en 2008. Mais d’après l’officiel à la retraite, il y avait une raison collatérale à l’empressement de la CIA de renvoyer Bank aux États-Unis. Les Pakistanais avaient besoin d’une couverture au cas où leur coopération avec les Américains pour se débarrasser de Ben Laden soit éventée. Les Pakistanais pourraient dire : ’Vous parlez de nous ? Nous venons juste d’expulser votre chef de station.’

La demeure de ben Laden se trouvait à moins de quatre kilomètres de l’Académie militaire du Pakistan, et un quartier général du bataillon de combat de l’armée pakistanaise se trouvait à environ un kilomètre et demi encore plus loin. Abbottabad est à moins de 15 minutes en hélicoptère de Tarbela Ghazi, une base importante pour les opérations clandestines de l’ISI et le site où sont formés ceux qui gardent l’arsenal nucléaire du Pakistan. « Ghazi est la première raison pour laquelle l’ISI a mis Ben Laden à Abbottabad, » a déclaré l’officiel à la retraite, « pour le maintenir sous une surveillance constante. »

Les risques pour Obama étaient élevés à ce stade précoce, en particulier parce qu’il y avait un précédent troublant : l’échec en 1980 de la tentative de sauvetage des otages américains à Téhéran. Cet échec a joué un rôle dans la défaite de Jimmy Carter face à Ronald Reagan. Les craintes d’Obama étaient fondées, a dit l’officiel retraité. « Est-ce que Ben Laden s’y trouvait réellement ? Et si toute cette histoire n’était qu’une ruse pakistanaise ? Quelles seraient les conséquences politiques en cas d’échec ? » Après tout, comme l’ancien responsable a déclaré, « Si la mission échouait, Obama ne serait plus qu’un Jimmy Carter noir et perdrait tout espoir de réélection. »

Obama voulait absolument garantir que les États-Unis ne se trompent pas de cible. La preuve allait se présenter sous la forme de l’ADN de Ben Laden. Les planificateurs se sont tournés vers Kayani et Pasha pour de l’aide, lesquels demandèrent à Aziz d’obtenir les échantillons. Peu après le raid, la presse a découvert qu’Aziz avait vécu dans une maison près de la demeure de Ben Laden : les journalistes locaux ont découvert son nom en ourdou sur une plaque sur la porte. Les responsables pakistanais ont nié qu’Aziz avait le moindre lien avec Ben Laden, mais l’officiel retraité m’a dit qu’Aziz avait été rétribué avec une partie de la récompense de 25 millions de dollars que les États-Unis avaient offert, car l’échantillon ADN avait montré de façon concluante que c’était bien Ben Laden qui se trouvait à Abbottabad . (Dans son témoignage ultérieur devant une commission d’enquête pakistanaise sur le raid contre Ben Laden, Aziz a déclaré qu’il avait été témoin de l’attaque sur Abbottabad, mais ne savait pas qui vivait dans l’enceinte et avait reçu l’ordre d’un officier supérieur de rester à l’écart.)

Les négociations se sont poursuivies sur la façon dont la mission serait exécutée. « Kayani nous a finalement dit oui, mais il a dit vous ne pouvez pas intervenir avec une grande force de frappe. Vous devez intervenir vite et bien. Et vous devez le tuer, sinon il n’y a pas d’accord, » a dit l’officiel retraité. L’accord fut conclu à la fin de janvier 2011, et le Joint Special Operations Command a préparé une liste de questions à poser aux Pakistanais : « Comment pouvons-nous être certains de l’absence d’une intervention extérieure ? Quels sont les moyens de défense à l’intérieur du site et quels sont ses dimensions exactes ? Où sont situées les chambres de Ben Laden et quelles sont leurs dimensions ? Combien de marches dans l’escalier ? Où sont les portes de ses chambres, et sont-elles renforcées avec de l’acier ? Quelle épaisseur ? » Les Pakistanais ont convenu d’autoriser une cellule américaine composée de quatre hommes – un Navy Seal, un officier de la CIA et deux spécialistes en communications – de mettre en place un bureau de liaison à Tarbela Ghazi en prévision de l’assaut. Pendant ce temps, l’armée avait construit une réplique de la maison d’Abbottabad sur un ancien site d’essais nucléaires secret dans l’Utah, et une équipe d’élite Seal avait commencé l’entraînement pour l’attaque.

Les États-Unis avaient commencé à réduire l’aide au Pakistan – à « fermer le robinet », selon les mots de l’ancien responsable. La livraison de 18 nouveaux avions de chasse F-16 fut retardée, et les versements de pots-de-vin aux hauts dirigeants furent suspendus. En avril 2011, Pacha a rencontré le directeur de la CIA, Leon Panetta, au siège de l’agence. « Pacha a obtenu un engagement que les États-Unis reverseraient l’argent, et nous avons obtenu une garantie qu’il n’y aurait pas d’opposition pakistanaise au cours de la mission, » a dit l’officiel retraité. « Pacha a également insisté sur le fait que Washington arrête de se plaindre du manque de coopération du Pakistan dans la guerre américaine contre le terrorisme. » À un moment donné, au cours du printemps, Pacha a offert aux Américains une explication franche de la raison pour laquelle le Pakistan avait gardé le secret sur la capture de Ben Laden, et pourquoi il était impératif que le rôle de l’ISI demeure secret : « Nous avions besoin d’un otage pour garder un œil sur Al-Qaïda et les talibans, a dit Pacha, selon l’officiel retraité. « L’ISI utilisait Ben Laden comme levier contre les activités des talibans et d’Al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan. Ils ont fait savoir aux talibans et à la direction d’Al-Qaïda que si ces derniers menaient des opérations contraires aux intérêts de l’ISI, Ben Laden nous serait livré. Donc, s’il était connu que les Pakistanais avaient travaillé avec nous pour attraper Ben Laden à Abbottabad, ils le payeraient très cher. »

Lors d’une de ses réunions avec Panetta, selon l’officiel à la retraite et une source au sein de la CIA, un responsable de la CIA a demandé à Pacha s’il se voyait agir lui-même en fait comme un agent d’Al-Qaida et des talibans. « Il a répondu que non, mais a dit que l’ISI avait besoin d’avoir un certain contrôle. » Le message, tel que la CIA l’a compris, selon l’officiel à la retraite, était que Kayani et Pasha considéraient Ben Laden « comme une monnaie d’échange, et qu’ils étaient plus intéressés par leur [ propre] survie que par celle des États-Unis. »

Un Pakistanais ayant des liens étroits avec les hauts responsables de l’ISI m’a dit que « il y avait un accord avec vos grands chefs. Nous étions très réticents, mais il fallait le faire – non pour une question d’enrichissement personnel, mais parce que tous les programmes d’aide américains allaient être coupés. Vos gars ont dit nous allons vous affamer si vous ne le faites pas, et le feu vert a été donné lorsque Pacha était à Washington. L’accord était non seulement de maintenir les robinets ouverts, mais il a été dit à Pasha qu’il y aurait plus de petits cadeaux pour nous. » Le Pakistanais a déclaré que la visite de Pacha déboucha également sur un engagement des États-Unis pour donner au Pakistan « une plus grande marge de manœuvre » en Afghanistan alors qu’ils entamaient le retrait de leurs troupes. « Et c’est ainsi que nos grands chefs ont justifié l’affaire en disant que c’était pour le bien du pays. »

* * *

Pacha et Kayani étaient chargés de veiller à ce que le commandement de l’armée et de la défense aérienne du Pakistan n’interférent pas avec les hélicoptères américains utilisés lors de la mission. La cellule américaine à Tarbela Ghazi fut chargée de coordonner les communications entre l’ISI, les officiers supérieurs américains à leur poste de commandement en Afghanistan, et les deux hélicoptères Black Hawk ; l’objectif était de veiller à ce qu’aucun avion de chasse pakistanais en patrouille frontalière ne repère les intrus et intervienne. Selon le plan initial, le raid ne devait pas être immédiatement rendu public. Toutes les unités du Joint Special Operations Command agissent dans un secret rigoureux et la direction du JSOC pensait, tout comme Kayani et Pasha, que la nouvelle de la mort de Ben Laden pouvait être gardée secret pendant sept jours, peut-être plus. Ensuite, une version alternative soigneusement rédigée serait fournie : Obama annoncerait que l’analyse ADN a confirmé que Ben Laden avait été tué lors d’une frappe de drone dans l’Hindou Kouch, du côté afghan de la frontière. Les Américains qui ont planifié la mission ont assuré à Kayani et Pasha que leur coopération ne serait jamais rendue public. Il était entendu par tous que si le rôle du Pakistan devait être connu, il y aurait des manifestations violentes – Ben Laden était considéré comme un héros par de nombreux Pakistanais – et Pacha et Kayani ainsi que leurs familles seraient en danger, et l’armée pakistanaise publiquement déshonorée.

A ce stade, il était clair pour tout le monde, a dit l’officiel retraité, que Ben Laden n’en sortirait pas vivant : « Pacha nous a dit, lors d’une réunion en avril, qu’il ne pouvait pas risquer de laisser Ben Laden dans la maison maintenant que nous savions qu’il était là. Trop de gens dans la chaîne de commandement pakistanais étaient au courant de la mission. Lui et Kayani ont dû raconter toute l’histoire aux responsables de la défense aérienne et à quelques commandants locaux.

« Bien sûr, les gars savaient que la cible était Ben Laden et qu’il était là sous contrôle pakistanais, » a dit l’officiel retraité. « Sinon, ils n’auraient pas accompli la mission sans couverture aérienne. Il s’agissait clairement et définitivement d’un assassinat prémédité. » Un ancien commandant des Seals ayant dirigé et participé à des dizaines de missions similaires au cours de la dernière décennie, m’a assuré que « nous ne voulions pas Ben Laden vivant – de permettre au terroriste de rester en vie. Sur le plan légal, nous savions que ce que nous allions faire à l’intérieur du Pakistan était un homicide. Nous en étions bien conscients. Chacun de nous, quand nous faisons ce genre de mission, nous nous disons : « Reconnaissons-le. Nous allons commettre un meurtre. » La version initiale de la Maison Blanche affirmait que Ben Laden avait brandi une arme ; l’histoire visait à contrer ceux qui doutaient de la légalité du programme d’assassinat ciblé de l’administration américaine. Les États-Unis ont toujours maintenu, en dépit des remarques largement relayées de personnes impliquées dans la mission, que Ben Laden aurait été pris vivant s’il s’était immédiatement rendu.

* * *

Autour de la maison d’Abbottabad, des agents de l’ISI montaient la garde 24h/24 pour surveiller Ben Laden, ses épouses et ses enfants. Ils avaient reçu l’ordre de partir dès qu’ils entendraient les rotors des hélicoptères américains. La ville était plongée dans le noir : l’électricité avait été coupée sur ordre de l’ISI quelques heures avant le début du raid. Un des Black Hawks s’est écrasé à l’intérieur des murs de l’enceinte, faisant de nombreux blessés à bord. « Les gars savaient que la durée de l’opération était très courte, car ils allaient réveiller toute la ville, » a dit l’ancien responsable à la retraite. Le cockpit du Black Hawk qui s’était écrasé, avec tout son équipement de communication et de navigation, devait être détruit à coups de grenades, ce qui provoquerait une série d’explosions et un incendie visible à des kilomètres à la ronde. Deux hélicoptères Chinook avaient voyagé de l’Afghanistan vers une base du renseignement pakistanais à proximité pour fournir un appui logistique, et l’un d’eux a été immédiatement envoyé à Abbottabad. Mais parce que l’hélicoptère avait été équipé d’un réservoir supplémentaire chargé de combustible pour les deux Black Hawks, il devait d’abord être reconfiguré pour le transport de troupes. Le crash du Black Hawk et l’obligation de voler dans un appareil de remplacement ont provoqué du stress et des retards, mais les Seals ont poursuivi leur mission. Il n’y a pas eu d’échange de tirs pendant leur intervention sur le site ; les gardes de l’ISI avaient disparu. « Tout le monde au Pakistan possède une arme et la gâchette facile, les riches comme ceux qui vivent à Abbottabad ont des gardes du corps armés, et pourtant il n’y avait pas d’armes dans l’enceinte, » a souligné l’officiel retraité. S’il y avait eu une opposition, l’équipe aurait été très vulnérable. Au lieu de ça, a déclaré le responsable à la retraite, un agent de liaison de l’ISI volant avec les Seals les a guidés dans la maison obscure jusqu’à un escalier menant aux chambres de Ben Laden. Les Seals avaient été avertis par les Pakistanais que de lourdes portes en acier bloquaient la cage d’escalier sur les paliers du premier et deuxième étage ; les chambres de Ben Laden se trouvaient au troisième. L’équipe des Seals a utilisé des explosifs pour faire sauter les portes, sans faire de victimes. Une des femmes de Ben Laden poussait des cris hystériques et une balle – peut-être une balle perdue – a touché son genou. En dehors de ceux qui ont touché Ben Laden, aucun autre coup de feu ne fut tiré. (Le compte-rendu de l’administration Obama affirme le contraire.)

« Ils savaient où se trouvait la cible – troisième étage, deuxième porte à droite, » a dit l’officiel retraité. « Allez-y directement. Oussama s’était recroquevillé et réfugié dans sa chambre. Deux tireurs l’ont suivi et ont ouvert le feu. Très simple, très direct, très professionnel. » Certains des Seals ont été consternés plus tard par l’insistance de la Maison Blanche à dire qu’ils avaient abattu Ben Laden en état de légitime-défense, a dit l’officiel retraité. « Six membres des Seals, parmi les meilleurs et les plus expérimentés des sous-officiers, face à un civil âgé et désarmé, ont dû le tuer en guise de légitime défense ? La maison était en mauvais état et Ben Laden vivait dans une cellule avec des barreaux à la fenêtre et des barbelés sur le toit. Les règles d’engagement étaient que si Ben Laden opposait une résistance, ils étaient autorisés à prendre des mesures létales. Mais s’ils soupçonnaient d’autres moyens de résistance, comme une ceinture d’explosifs sous sa robe de chambre, ils pouvaient également le tuer. Donc voilà un type dans une mystérieuse robe de chambre et ils l’ont abattu. Pas parce qu’il tentait de s’emparer d’une arme. On leur avait donné l’autorité absolue de tuer le gars. » L’affirmation ultérieure de la Maison Blanche selon laquelle seules une ou deux balles avaient été tirées dans la tête était des « pures conneries », a dit l’officiel retraité. « L’équipe est entrée par la port et l’a supprimé. Comme disent les Seals, "Nous lui avons réglé son compte." »

Après avoir tué Ben Laden, « les Seals ont simplement traîné, certains avec des blessures occasionnées lors de l’accident, en attendant l’hélicoptère de secours, » a dit l’ancien officiel. « Vingt minutes intenses. Le Black Hawk brûlait encore. La ville plongée dans le noir. Pas d’électricité. Pas de police. Pas de camions de pompiers. Pas de prisonniers. Les épouses et les enfants de Ben Laden abandonnés aux soins de l’ISI pour interrogation et relogement. « En dépit de tous les discours, » a poursuivi l’officiel à la retraite, il n’y avait « pas de sacs-poubelles remplis d’ordinateurs et d’unités de stockage. Les gars ont simplement bourré dans leurs sacs à dos quelques livres et documents trouvés dans sa chambre. Les Seals n’étaient pas là parce qu’ils pensaient que Ben Laden dirigeait un centre de commandement pour les opérations d’Al-Qaïda, ce que racontera plus tard la Maison Blanche aux médias. Et ils n’étaient pas des experts du renseignement chargés de recueillir des informations à l’intérieur de cette maison. »

Lors d’une mission d’assaut normal, a dit l’officiel retraité, personne n’aurait traîné si un hélicoptère s’était écrasé. « Les Seals auraient terminé la mission, se seraient débarrassés de leurs armes et équipement, se seraient engouffrés dans le deuxième Black Hawk et fait di-di-mau » – argot vietnamien pour "prendre la poudre d’escampette" – « pour sortir de là, avec des gars accrochés aux portes. Ils n’auraient pas détruit l’hélicoptère – aucun équipement de communication ne vaut une dizaine de vies – à moins de savoir qu’ils étaient en sécurité. Au contraire, ils ont traîné à l’extérieur de la maison, comme s’ils attendaient le bus. » Pacha et Kayani avaient tenu toutes leurs promesses.

Le débat interne dans les coulisses de la Maison Blanche commença dès qu’il fut établi que la mission avait réussi. Le corps de Ben Laden était supposé être en route pour l’Afghanistan. Obama devait-il respecter ses engagements auprès de Kayani et Pasha et prétendre environ une semaine plus tard que Ben Laden avait été tué dans une attaque de drone dans les montagnes, ou devait-il rendre cela public immédiatement ? Le crash d’hélicoptère permit aux conseillers politiques d’Obama de préconiser plus facilement le second plan. L’explosion et la boule de feu seraient impossibles à dissimuler et le bruit de ce qui s’était passé était voué à fuiter. Obama allait devoir « prendre le pas sur l’histoire » avant que quelqu’un le fasse au Pentagone : attendre ne ferait qu’atténuer l’impact politique.

Tout le monde n’était pas d’accord. Robert Gates, le ministre de la Défense, était le plus volubile de ceux qui insistaient pour honorer les accords avec les Pakistanais. Dans ses mémoires, Duty, Gates ne cache pas sa colère :

Avant de nous disperser et que le président se dirige à l’étage pour dire au peuple américain ce qui venait de se passer, j’ai rappelé à tout le monde que les méthodes, les tactiques et les procédures utilisées par les Seals durant l’opération étaient employées chaque nuit en Afghanistan […] il était donc essentiel que nous soyons d’accord pour ne dévoiler aucun détail opérationnel du raid. Tout ce que nous avons à dire, ai-je signalé, c’est que nous l’avons tué. Tout le monde dans la pièce s’accorda pour rester muet sur les détails. Cet engagement ne dura que cinq heures. Les premières fuites sont venues de la Maison Blanche et de la CIA. Ils ne pouvaient simplement pas attendre pour fanfaronner et s’attribuer le crédit. Les faits étaient souvent erronés […] Malgré tout, les informations continuaient de se répandre. J’étais indigné et à un moment, j’ai dit [au conseiller à la sécurité nationale Tom] Donilon, « Pourquoi tout le monde ne ferme pas simplement sa gueule ? » En vain.

Le discours d’Obama a été mis sur pied dans l’urgence, raconte l’ancien responsable, et fut considéré par ses conseillers comme un document politique, non un message ayant besoin d’être soumis à l’autorisation de la bureaucratie de la sécurité nationale. Cette série de déclarations intéressées et inexactes vont créer le chaos dans les semaines suivantes. Obama déclara que son administration avait découvert que Ben Laden était au Pakistan via « une possible piste » remontant au mois d’août ; pour beaucoup à la CIA, la déclaration suggérait un événement spécifique, comme un transfuge. La remarque conduisit à une nouvelle couverture médiatique prétendant que les brillants analystes de la CIA avaient débusqué un réseau de communication gérant le flot continu des ordres opérationnels de Ben Laden à Al-Qaïda. Obama loua aussi le soin d’ « une petite équipe d’Américains » à éviter les pertes civiles et déclara : « Après un échange de tirs, ils ont tué Oussama ben Laden et ont disposé de son cadavre. » Deux détails supplémentaires avaient maintenant besoin d’être apportés à la couverture médiatique : une description de la fusillade qui n’avait jamais eu lieu, et un récit de ce qui était advenu de la dépouille. Obama a continué à saluer les Pakistanais : « Il est important de noter que notre coopération avec le Pakistan dans le contreterrorisme a contribué à nous mener à Ben Laden et la maison où il se cachait. » Cette déclaration risquait d’exposer Kayani et Pasha. La Maison Blanche eut pour solution d’ignorer ce qu’Obama avait dit et donna l’ordre à tous ceux qui s’exprimaient dans la presse d’insister sur le fait que les Pakistanais n’avaient joué aucun rôle dans le meurtre de Ben Laden. Obama laissa la nette impression que lui et ses conseillers n’avaient pas eu la certitude que Ben Laden était à Abbottabad, mais avaient seulement eu des informations « sur la possibilité » [qu’il y soit]. Cela a conduit dans un premier temps à l’histoire selon laquelle les Seals avaient déterminé qu’ils avaient tué la bonne personne en faisant s’allonger un Seal mesurant 1,83 mètres à côté du corps pour comparaison (il était connu que Ben Laden mesurait 1,93 mètres) ; et ensuite à l’affirmation qu’un test ADN avait été pratiqué sur le corps et démontré de manière concluante que les Seals avait tué Ben Laden. Mais d’après l’officiel à la retraite, les premiers rapports des Seals ne disaient pas clairement si tout ou partie du corps de Ben Laden avait été renvoyé en Afghanistan.

Gates n’était pas le seul officiel tourmenté par la décision d’Obama de parler sans expurger ses remarques à l’avance, a déclaré l’officiel retraité, « mais il était le seul à protester. Obama n’a pas seulement doublé Gates, il a doublé tout le monde. Ce n’était pas le brouillard de la guerre. Le fait qu’il existait un accord avec les Pakistanais et aucun plan d’urgence de ce qui devait être révélé au cas où quelque chose tournait mal – ça n’a même pas fait l’objet d’une discussion. Et une fois que les choses ont mal tourné, ils ont dû inventer une nouvelle histoire dans la foulée. » Certaines tromperies avaient une raison légitime : le rôle du transfuge pakistanais devait être protégé.

Dans un point presse juste après la déclaration d’Obama, le service de presse de la Maison Blanche a été informé que la mort de Ben Laden était « le point d’orgue de plusieurs années d’un soigneux travail de renseignement hautement perfectionné » qui s’était concentré sur la piste d’un groupe de messagers, dont un réputé être proche de Ben Laden. Les journalistes ont été informés qu’une équipe spécialement composée d’analystes de la CIA et de la National Security Agency [NSA], avait suivi le messager jusqu’à une riche demeure hautement sécurisée à Abbottabad. Après des mois d’observation, la communauté du renseignement américain avait « un haut niveau de confiance » qu’une cible de grande importance vivait dans la maison, et il a été « estimé qu’il y avait une forte probabilité qu’il s’agissait d’Oussama ben Laden. » L’équipe d’assaut américaine tomba dans une fusillade en entrant dans la demeure et trois mâles adultes – deux d’entre eux supposés être les messagers – ont été tués en même temps que Ben Laden. Interrogé sur le fait de savoir si Ben Laden s’était défendu, un des porte-paroles a répondu que oui : « Il a résisté aux forces d’assaut. Et il a été tué lors d’un échange de tirs. »

Le lendemain, John Brennan, à l’époque le conseiller principal d’Obama pour le contreterrorisme, avait en charge de vanter le courage d’Obama tout en essayant d’arrondir les déclarations inexactes dans son discours. Il fournit un compte-rendu plus détaillé mais tout aussi trompeur du raid et de sa préparation. S’exprimant de manière officielle, ce qu’il fait rarement, Brennan a dit que la mission avait été menée par un groupe de Navy Seals qui avaient reçu l’ordre, si possible, de prendre Ben Laden vivant. Il déclara que les États-Unis n’avaient pas d’information suggérant que quelqu’un dans le gouvernement ou l’armée pakistanaise savait où se trouvait Ben Laden : « Nous n’avons contacté les Pakistanais seulement après que tous nos hommes et tous nos appareils soient sortis de l’espace aérien pakistanais. » Il insista sur la décision courageuse d’Obama d’ordonner la frappe, et déclara que la Maison Blanche n’avait pas d’information « qui confirmait que Ben Laden était dans la maison » avant le début du raid. Obama, a-t-il dit, « a pris ce que je considère la plus audacieuse décision d’un président de mémoire récente. » Brennan augmenta à cinq le nombre de tués par les Seals à l’intérieur de la maison : Ben Laden, un messager, son frère, un fils de Ben Laden, et une des femmes censée avoir servi de bouclier à Ben Laden.

Interrogé sur le fait de savoir si Ben Laden avait ouvert le feu sur les Seals, comme l’avaient entendu certains journalistes, Brennan a répété ce qui allait devenir un mantra de la Maison Blanche : « Il s’est engagé dans une fusillade avec ceux qui sont entrés dans la zone de la maison où il se trouvait. Quant à savoir s’il a tiré ou non, franchement je ne sais pas […] Voici Ben Laden, celui qui a commandité ces attentats […] vivant dans une zone très éloignée du front, se cachant derrière des femmes placées devant lui comme bouclier […] Je pense que cela reflète le genre d’individu qu’il était. »

Gates désapprouva aussi l’idée mise en avant par Brennan et Leon Panetta, selon laquelle les renseignements américains avaient appris où se trouvait Ben Laden à partir des informations obtenues grâce au waterboarding [simulation de noyade, Ndt.] ou d’autres formes de torture. « Tout ceci se déroule pendant que les Seals volent de retour de leur mission. Les gens de l’agence connaissent toute l’histoire, » raconte l’officiel retraité. « C’est un groupe d’officiers de réserve qui s’en est chargé. » (Les officiers de réserve [annuitants en anglais, Ndt.] sont des retraités de la CIA qui restent actifs sous contrat.) « Ils avaient été appelés par certains des planificateurs de la mission de l’agence, afin d’aider au récit de couverture. Alors les vétérans arrivent et disent pourquoi pas convenir que nous avons obtenu une partie des informations sur Ben Laden grâce aux interrogatoires renforcés ? » A l’époque, il y avait toujours des discussions à Washington sur la possible poursuite d’agents de la CIA ayant eu recours à la torture.

« Gates leur a dit que ça n’allait pas marcher, » a dit l’officiel à la retraite. « Il n’a jamais fait partie de l’équipe. Il savait à la fin de sa carrière qu’il n’avait pas à prendre part à ces absurdités. Mais le département d’État, la CIA et le Pentagone s’étaient ralliés à cette version. Aucun des Seals ne pensait qu’Obama allait passer à la télévision et annoncer le raid. Le commandement des forces spéciales était fou de rage. Ils se vantaient de préserver la sécurité des opérations. » La crainte aux opérations spéciales, a confié l’officiel retraité, était que « si la véritable histoire de la mission fuitait à l’extérieur, la bureaucratie de la Maison Blanche allait mettre ça sur le dos des Seals. »

La solution de la Maison Blanche était de faire taire les Seals. Le 5 mai, tous les membres de l’équipe d’élite des Seals – ils étaient revenus à leur base en Virginie du Sud – et quelques membres de la direction du Joint Special Operations Command ont reçu un formulaire de non-divulgation rédigé par le bureau juridique de la Maison Blanche ; il prévoyait des sanctions civiles et un procès pour quiconque parlerait de la mission, en public ou en privé. « Les Seals n’étaient pas contents, » a dit l’officiel retraité. Mais la plupart d’entre eux ont gardé le silence, à l’instar de l’amiral William McRaven, qui était à l’époque le responsable du JSOC. « McRaven était furieux. Il savait qu’il s’était fait baisé par la Maison Blanche, mais il est un Seal pur jus, et non un acteur politique, et il savait qu’il n’y a aucun mérite à dénoncer le président. Quand Obama a rendu public la mort de Ben Laden, tout le monde a dû se démener pour trouver une histoire cohérente, et les planificateurs allaient devoir porter toute la responsabilité. »

Dans les premiers jours, certaines des premières exagérations étaient devenues manifestes et le Pentagone publia une série de clarifications. Non, Ben Laden n’était pas armé lorsqu’il a été abattu et tué. Et non, Ben Laden n’a pas utilisé une de ses femmes comme bouclier. Dans l’ensemble, la presse a accepté l’explication selon laquelle les erreurs étaient l’inévitable conséquence de la volonté de la Maison Blanche à satisfaire le besoin frénétique des journalistes pour les détails de la mission.

Un des mensonges qui a perduré est que les Seals avaient dû se battre pour atteindre leur cible. Seuls deux Seals ont fait des déclarations publiques : No Easy Day, un témoignage direct du raid par Matt Bissonnette, a été publié en septembre 2012 ; et deux ans plus tard Rob O’Neill a été interrogé par Fox News. Les deux hommes ont quitté la navy ; les deux ont tiré sur Ben Laden. Leurs témoignages se contredisent l’un l’autre sur plusieurs détails, mais leurs récits ont généralement confirmé la version de la Maison Blanche, en particulier sur la nécessité de tuer ou être tué pendant que les Seals bataillaient pour arriver jusqu’à Ben Laden. O’Neill a même raconté à Fox News que lui et ses camarades Seals pensaient « Nous allions mourir. » « Plus nous nous entraînions, plus nous réalisions […] que ça allait être une mission sans retour. »

Mais l’ancien responsable à la retraite m’a dit que dans leurs premiers debriefings, les Seals n’avaient fait aucune mention d’une fusillade, ou même d’une quelconque opposition. Le côté tragi-funeste décrit par Bissonnette et O’Neill rejoint un besoin profond, a souligné l’officiel retraité : « Les Seals ne peuvent pas vivre avec le fait qu’ils ont tué Ben Laden sans la moindre opposition, et il était essentiel d’avoir un récit de leur courage face au danger. Les gars vont s’asseoir au bar et dire que c’était un jour comme les autres ? Aucune chance que ça arrive. »

Il y avait une autre raison de prétendre qu’il y avait eu une fusillade à l’intérieur de la maison, a dit l’officiel retraité : éviter l’inévitable question qui surgirait d’un assaut sans opposition. Où étaient les gardes de Ben Laden ? Le terroriste le plus recherché du monde devait certainement avoir une protection permanente. « Et une des personnes tuées devait être le messager, parce qu’il n’existait pas et nous ne pouvions pas le fabriquer. Les Pakistanais n’avaient d’autre choix que de s’y conformer. » (Deux jours après le raid, Reuters a publié les photos de trois hommes morts qu’ils auraient soi-disant achetées à un officiel de l’ISI. Deux des hommes ont été identifiés plus tard par un porte-parole de l’ISI comme étant le présumé messager et son frère.)

* * *

Cinq jours après le raid, le service de presse du Pentagone a fourni une série de cassettes vidéo que les officiels américains ont présentées comme faisant partie d’une grande collection confisquée par les Seals dans la maison, avec jusqu’à 15 ordinateurs. Des extraits d’une des vidéos ont montré un Ben Laden solitaire, blême et enveloppé dans une couverture, regardant ce qui apparaît comme une vidéo de lui-même à la télévision. Un officiel anonyme a déclaré à des journalistes que le raid avait rapporté « un véritable trésor […] la plus grande collection de matériel d’un responsable terroriste à ce jour, » ce qui devait fournir un aperçu inestimable dans les plans d’Al-Qaïda. L’officiel déclara que le matériel montrait que Ben Laden « restait un dirigeant actif d’Al-Qaïda, donnant au groupe des instructions stratégiques, opérationnelles et tactiques […] Il était loin d’être une simple figure de proue et continuait de diriger jusqu’aux détails tactiques de la gestion du groupe et d’encourager les complots » depuis ce qui a été décrit comme un centre de commandement et de contrôle à Abbottabad. « Il était un membre actif, rendant la récente opération encore plus essentielle pour la sécurité de notre nation, » souligna l’officiel. Les informations étaient si capitales, a-t-il ajouté, que l’administration avait mis en place un groupe de travail regroupant plusieurs agences afin de les traiter : « Il n’était pas simplement quelqu’un qui rédigeait la stratégie d’Al-Qaïda. Il envoyait des idées d’opération et il dirigeait également de manière spécifique d’autres membres d’Al-Qaïda. »

Ces déclarations étaient des fabrications : il n’y avait pas tant d’activité sur laquelle exercer son contrôle et ses ordres pour Ben Laden. L’officiel retraité du renseignement a dit que les rapports internes de la CIA montrent que depuis que Ben Laden est arrivé à Abbottabad en 2006, seule une poignée d’attaques terroristes pouvait être reliée aux vestiges de l’Al-Qaïda de Ben Laden. « On nous a d’abord dit, » a dit l’officiel retraité, « que les Seals ont rapporté des choses dans des sacs poubelle et que la communauté [du renseignement] fait des rapports journaliers à partir de ces choses. Puis on nous a dit que la communauté [du renseignement] rassemble le tout et a besoin de les traduire. Mais rien n’en est ressorti. Tout ce qu’ils ont reproduit s’est révélé être faux. C’est un grand canular – comme l’homme de Piltdown. » [voir référence, Ndt.] L’officiel à la retraite a dit que la plupart du matériel d’Abbottabad avait été fourni aux Américains par les Pakistanais, qui rasèrent ensuite le bâtiment. L’ISI prit la responsabilité des femmes et des enfants de Ben Laden, dont aucun d’entre eux n’a été mis à la disposition des États-Unis pour interrogation.

« Pourquoi avoir fabriqué l’histoire de la malle au trésor ? » a dit l’officiel retraité. « La Maison Blanche avait besoin de donner l’impression que Ben Laden était toujours d’une importance opérationnelle. Sinon, pourquoi le tuer ? Une histoire de couverture a été créée – selon laquelle il y avait un réseau de messagers allant et venant avec des clés USB et des instructions. Tout cela pour montrer que Ben Laden restait important. »

En juillet 2011, le Washington Post a publié un prétendu résumé de certaines parties de ce matériel. Les contradictions de cet article étaient flagrantes. Il disait que les documents ont abouti à la rédaction de plus de quatre cents rapports du renseignement en l’espace de six semaines ; il mettait en garde contre des complots indéterminés d’Al-Qaïda ; et il mentionnait l’arrestation de suspects « qui sont nommés et décrits dans des emails que Ben Laden a reçus. » Le Post n’a pas identifié les suspects ou concilié ce détail avec les précédentes allégations de l’administration selon lesquelles la maison d’Abbottabad n’avait pas de connexion internet. Malgré leurs affirmations disant que les documents avaient abouti à des centaines de rapports, le Post citait un officiel qui disait que leur valeur principale n’était pas les informations exploitables qu’ils contenaient, mais qu’ils avaient permis « aux analystes de construire un portrait plus complet d’Al-Qaïda. »

En mai 2012, le Centre de lutte contre le terrorisme de West Point, un groupe de recherche privé, a publié les traductions de 175 pages de documents appartenant à Ben Laden qu’il avait réalisées sous contrat du gouvernement fédéral. Les journalistes n’ont rien trouvé de l’histoire qui avait été vendu dans les jours qui ont suivi le raid. Patrick Cockburn a écrit au sujet du contraste entre les premières déclarations de l’administration selon lesquelles Ben Laden était « l’araignée au centre d’une toile de conspiratsion » et ce que les traductions ont vraiment montré : que Ben Laden était « délirant » et avait « un contact limité avec le monde extérieur en dehors de sa demeure. »

L’officiel retraité a mis en doute l’authenticité du matériel de West Point : « Il n’y a pas de liens entre ces documents et le Centre de contreterrorisme de l’agence. Aucune analyse de la communauté du renseignement. Quelle est la dernière fois que la CIA a : 1) annoncé qu’elle avait trouvé des renseignements significatifs ; 2) révélé la source ; 3) décrit la méthode de traitement du matériel ; 4) révélé le calendrier de production ; 5) décrit par qui et où l’analyse a eu lieu, et 6) publié les précieux résultats avant d’avoir pu donner suite à ces informations ? Aucun professionnel de l’agence ne cautionnerait ce conte de fée. ».

n Juin 2011, il a été signalé dans le New York Times, le Washington Post et partout dans la presse pakistanaise, qu’Amir Aziz avait été détenu pour interrogation au Pakistan ; il était, disait-on, un informateur de la CIA qui avait espionné les allées et venues dans l’enceinte de Ben Laden. Aziz fut libéré, mais l’officiel à la retraite a dit que les services de renseignement américains étaient incapables de savoir qui avait divulgué l’information hautement classifiée sur sa participation à la mission. Les fonctionnaires à Washington ont décidé qu’ils « ne pouvaient pas courir le risque que le rôle d’Aziz dans l’obtention de l’ADN de Ben Laden soit aussi connu. » Il fallait un bouc émissaire, et l’élu fut Shakil Afridi, un médecin pakistanais de 48 ans, agent occasionnel de la CIA, qui avait été arrêté par les Pakistanais à la fin mai et accusé d’aider l’agence. « Nous sommes allés voir les Pakistanais et nous leur avons dit de s’en prendre à Afridi, » a dit le responsable à la retraite. « Il fallait couvrir toute cette histoire de comment nous avons obtenu l’ADN. » Il fut bientôt raconté que la CIA avait organisé un faux programme de vaccination à Abbottabad avec l’aide d’Afridi dans une vaine tentative d’obtenir l’ADN de Ben Laden. La légitime opération médicale d’Afridi avait été menée indépendamment des autorités sanitaires locales, était bien financée et offrait une vaccination gratuite contre l’hépatite B. Des affiches annonçant le programme ont été affichées dans toute la région. Afridi a été accusé plus tard de trahison et condamné à 33 ans de prison pour ses liens avec un extrémiste. Les actualités sur le programme sponsorisé par la CIA ont provoqué une vague de colère au Pakistan, et ont conduit à l’annulation d’autres programmes internationaux de vaccination qui étaient désormais considérés comme des couvertures pour l’espionnage américain.

L’officiel retraité a dit qu’Afridi avait été recruté bien avant la mission Ben Laden, dans le cadre d’une opération de renseignement distincte afin de recueillir des informations sur des terroristes présumés à Abbottabad et la région environnante. « Le plan consistait à utiliser les vaccinations comme un moyen d’obtenir le sang des personnes soupçonnées de terrorisme dans les villages. » Afridi n’a jamais essayé d’obtenir l’ADN des résidents de la demeure de Ben Laden. Le rapport qui affirme le contraire fut préparé à la hâte comme une « couverture de la CIA créant des « faits » de toutes pièces » dans une tentative maladroite de protéger Aziz et sa véritable mission. « Maintenant, nous subissons les conséquences, » a dit l’officiel à la retraite. « Un grand projet humanitaire concret et significatif pour les paysans a été transformé en un canular cynique. » La condamnation d’Afridi a été annulée, mais il est toujours en prison pour une accusation de meurtre.

* * *

Dans son discours annonçant le raid, Obama a déclaré qu’après avoir tué Ben Laden, les Seals « ont récupéré son corps. » Cette déclaration a créé un problème. Selon le plan initial, il devait être annoncé environ une semaine après les faits que Ben Laden avait été tué dans une attaque de drone quelque part dans les montagnes à la frontière Pakistan / Afghanistan et que ses restes avaient été identifiés par des analyses d’ADN. Mais avec l’annonce d’Obama de son assassinat par les Seals, tout le monde s’attendait à voir un corps. Au lieu de cela, les journalistes ont été informés que le corps de Ben Laden avait été transporté par les Seals vers un aérodrome militaire américain à Jalalabad, en Afghanistan, et ensuite directement sur le USS Carl Vinson qui était en patrouille de routine dans la mer d’Oman. Ben Laden avait ensuite été inhumé en mer, quelques heures seulement après sa mort. Les seuls moments de scepticisme exprimés par la presse lors de l’exposé de John Brennan, le 2 mai, concernaient l’inhumation. Les questions étaient courtes, directes, et obtenaient rarement une réponse. « Quand est-ce que la décision a été prise de l’inhumer en mer s’il était tué ? » « Est-ce que cela faisait partie du plan initial ? » « Pouvez-vous nous dire pourquoi c’était une bonne idée ? » « John, avez-vous consulté un expert musulman ? » « Existe-t-il des images de cette inhumation ? » A cette dernière question, Jay Carney, le secrétaire de presse d’Obama, est venu à la rescousse de Brennan : « Désolé, mais on doit donner l’opportunité aux autres de poser d’autres questions. »

« Nous avons pensé que le meilleur moyen de veiller à ce que son corps reçoive une sépulture islamique appropriée, » a dit Brennan, « était de prendre ces mesures qui nous permettraient d’effectuer l’inhumation en mer. » Il a dit que « des spécialistes et des experts » avaient été consultés, et que l’armée américaine était tout à fait capable de procéder à une inhumation « conforme à la tradition islamique. » Brennan n’a pas mentionné que la tradition musulmane exige que l’inhumation se déroule en présence d’un imam, et rien n’indique une telle présence à bord du Carl Vinson.

Lors d’une reconstruction de l’opération Ben Laden pour le magazine Vanity Fair, Mark Bowden, qui a parlé à de nombreux hauts responsables du gouvernement, a écrit que le corps de Ben Laden avait été nettoyé et photographié à Jalalabad. D’autres procédures nécessaires à un enterrement musulman avaient été réalisées sur le navire, a-t-il écrit, « le corps de Ben Laden fut lavé de nouveau et enveloppé dans un linceul blanc. Un photographe de la marine a enregistré l’inhumation en plein jour, lundi matin, le 2 mai. » Bowden a décrit les photos :

« Une image montre le corps enveloppé dans un linceul lesté. La suivante le montre couché sur une planche, les pieds par-dessus bord. Dans l’image suivante, le corps frappe la surface de l’eau. Dans la suivante, le corps est visible juste en dessous de la surface de l’eau qui forme des ondulations concentriques. Dans la dernière image, on ne voit plus que les ondulations. La dépouille mortelle d’Oussama ben Laden a disparu pour de bon. »

Bowden a pris soin de ne pas affirmer qu’il avait effectivement vu les photographies qu’il a décrites, et il m’a récemment dit qu’il ne les avait pas vues : « Je suis toujours déçu quand je ne peux pas voir quelque chose de mes propres yeux, mais j’ai parlé à quelqu’un de confiance qui m’a dit qu’il les avait vues lui-même et me les a décrites en détail. » La déclaration de Bowden ajoute des questions sur l’inhumation présumée en mer, qui a provoqué un flot de requêtes dans le cadre de la Freedom of Information Act [FOIA - loi US autorisant l’accès aux documents officiels - NdT], dont la plupart n’ont rien donné. Une de ces requêtes demandait l’accès aux photos. Le Pentagone a répondu qu’une recherche dans tous les dossiers disponibles n’a trouvé aucun indice que des photos avaient été prises de l’inhumation. Des demandes sur d’autres questions liées au raid n’ont rien donné non plus. La raison d’une absence de réponses est devenue claire, lorsque le Pentagone a mené une enquête sur des allégations selon lesquelles l’administration Obama avait autorisé l’accès à des documents classifiés aux réalisateurs du film Zero Dark Thirty. Le rapport du Pentagone, mis en ligne en juin 2013, a relevé que l’amiral McRaven avait ordonné que tous les fichiers sur le raid soient effacés de tous les ordinateurs militaires et transférés à la CIA, où ils seraient à l’abri des demandes FOIA par la grâce de l’« exemption opérationnelle » de l’agence.

L’action de McRaven signifiait que des inconnus ne pouvaient plus avoir accès aux journaux de bord non classifiés du Carl Vinson. Dans la marine, les journaux de bord sont sacro-saints, et des journaux distincts sont tenus pour les opérations aériennes, le pont, le département d’ingénierie, le bureau médical, ainsi que les informations de commandement et de contrôle. Ils montrent la séquence des événements jour par jour à bord du navire ; si une inhumation en mer s’était tenue à bord du Carl Vinson, elle aurait été enregistrée.

Il n’y a eu aucun commérage sur une inhumation parmi les marins du Carl Vinson. Le navire a conclu son déploiement de six mois en juin 2011. Lorsque le navire s’est amarré à son port d’attache à Coronado, en Californie, le contre-amiral Samuel Perez, commandant du groupe aéronaval du Carl Vinson, a déclaré aux journalistes que l’équipage avait reçu l’ordre de ne pas parler de l’inhumation. Le capitaine Bruce Lindsey, skipper du Carl Vinson, a déclaré aux journalistes qu’il n’était pas en mesure d’en discuter. Cameron Short, un membre de l’équipage du Carl Vinson, a déclaré au Commercial-News of Danville, dans l’Illinois, que l’équipage ne savait rien à propos de l’inhumation. « Tout ce qu’il sait, il l’a su par la presse, » a rapporté le journal.

Le Pentagone a fourni une série de courriels à l’Associated Press. Dans l’un d’eux, le contre-amiral Charles Gaouette a rapporté que le service avait respecté « les procédures traditionnelles pour un enterrement islamique », et a déclaré qu’aucun des marins à bord n’avait été autorisé à assister à la cérémonie. Mais rien n’indique qui a lavé et enveloppé le corps, ni quel arabophone a prononcé les sacrements.

Quelques semaines après le raid, j’avais été informé par deux consultants de longue date du Special Operations Command qui ont accès à des renseignements récents, que les funérailles à bord du Carl Vinson n’ont pas eu lieu. Un consultant m’a dit que les restes de Ben Laden ont été photographiés et identifiés après avoir été rapatriés en Afghanistan. Le consultant a ajouté : « À partir de là, la CIA a pris le contrôle du corps. L’histoire de couverture était qu’il avait été emporté sur le Carl Vinson. » Le deuxième consultant a convenu qu’il n’y avait eu « aucune inhumation en mer. » Il a ajouté que « la mort de Ben Laden fut une mise en scène politique visant à redorer les qualités militaires d’Obama […] Les Seals auraient dû s’attendre à de la démagogie politique. C’est irrésistible pour un politicien. Ben Laden est devenu un fonds de commerce. » Au début de cette année, en parlant de nouveau avec le deuxième consultant, j’ai relancé le sujet de l’inhumation en mer. Le consultant a ri et a dit : « Tu veux dire qu’il n’a pas réussi à atteindre l’eau ? »

L’officiel à la retraite a dit qu’il y avait eu un autre problème : certains membres de l’équipe des Seals s’étaient vantés, auprès de collègues et d’autres, d’avoir déchiqueté le corps de Ben Laden à coups de fusil. Les restes, y compris la tête, qui ne comptait que quelques trous de balles, ont été jetés dans un sac mortuaire et, pendant le vol retour en hélicoptère vers Jalalabad, certaines parties du corps ont été jetées au-dessus des montagnes de l’Hindou Kouch – du moins selon les Seals. L’officiel à la retraite a déclaré qu’à l’époque, les Seals ne pensaient pas que leur mission serait rendue publique par Obama en quelques heures : « Si le président avec suivi le scénario de couverture, il n’y aurait pas eu besoin d’avoir une inhumation quelques heures après l’assassinat. Lorsque l’histoire de couverture s’est écroulée et la mort rendue publique, la Maison Blanche s’est retrouvée devant un grave problème : « Où est le corps ? » Le monde entier savait que les forces américaines avaient tué Ben Laden à Abbottabad. Panique à bord. Que faire ? Il nous faut un « corps fonctionnel » parce que nous devons être en mesure de dire que nous avons identifié Ben Laden via une analyse ADN. Ce sont des officiers de la marine qui auraient eu l’idée d’une « inhumation en mer. » Parfait. Aucun corps. Une sépulture honorable selon la charia. L’inhumation est rendue publique dans les moindres détails, mais les documents demandés via la loi FOIA qui confirmeraient l’inhumation sont refusés pour des raisons de « sécurité nationale. » C’est le dénouement classique d’une histoire de couverture mal ficelée – elle résout un problème immédiat mais, au moindre examen, a du mal à tenir. A l’origine, il n’y a jamais eu de plan pour inhumer le corps en mer, et aucune inhumation en mer de Ben Laden n’a eu lieu. » L’officiel à la retraite a dit que s’il faut en croire les premiers comptes-rendus des Seals, il ne restait de toute façon plus grand chose de Ben Laden à inhumer en mer.

* * *

Il était inévitable que les mensonges, inexactitudes et trahisons de l’administration Obama provoqueraient une réaction. « Nous avons connu une baisse de coopération qui a duré quatre ans, » a dit l’officiel à la retraite. « Il a fallu tout ce temps pour que les Pakistanais nous refassent confiance [et pas l’inverse ? Question du Traducteur... ] dans les relations entre militaires dans la lutte contre le terrorisme – alors même que le terrorisme augmente partout dans le monde […] Ils sentaient qu’Obama les avait trahis en rase-campagne. Ils reviennent vers nous maintenant à cause de la menace d’ISIS [État Islamique] qui se fait sentir là-bas et qui est beaucoup plus grande, et l’affaire Ben Laden est suffisamment ancienne pour permettre à quelqu’un comme le général Durrani de parler. » Les généraux Pasha et Kayani ont pris leur retraite et tous les deux font l’objet d’une enquête pour corruption pendant leur service.

Le rapport longtemps retardé de la Commission du renseignement du Sénat sur les tortures de la CIA, publié en décembre dernier, a présenté des cas de mensonges officiels répétés, et a laissé entendre que la connaissance par la CIA du messager de Ben Laden était pour le moins sommaire et que l’emploi de la simulation de noyade [waterboarding] et autres formes de torture avaient commencé plus tôt que ce qui avait été annoncé. Le rapport a provoqué les gros titres dans les médias internationaux sur les brutalités et les simulations de noyade, avec des détails macabres sur des tubes d’alimentation forcée par voie rectale, des bains glacés et de menaces de viol ou d’assassinat de membres des familles des détenus soupçonnés de retenir des informations. Malgré la mauvaise publicité, le rapport était une victoire pour la CIA. Sa principale conclusion – que l’utilisation de la torture n’a pas conduit à la découverte de la vérité – avait déjà fait l’objet d’un débat public depuis plus d’une décennie. Une autre constatation clé – que la torture était plus brutale que ce qui avait été dit au Congrès – était risible, compte tenu de l’ampleur des déclarations et révélations publiques publiées par d’anciens interrogateurs et agents de la CIA à la retraite. Le rapport a décrit des tortures qui étaient de toute évidence contraires au droit international telles des violations de règles ou des « activités inappropriées » ou, dans certains cas, des « erreurs de gestion ». Il ne fut pas envisagé que les actions décrites puissent constituer des crimes de guerre, et le rapport n’a pas suggéré que l’un des interrogateurs de la CIA ou leurs supérieurs fassent l’objet d’une enquête pour activités criminelles. Il n’y a eu aucune conséquence significative pour l’agence suite à ce rapport.

L’officiel à la retraite m’a dit que la direction de la CIA était devenue experte dans le contournement de menaces sérieuses émanant du Congrès : « Ils créent quelque chose qui est horrible mais pas si terrible que ça. Donnez-leur quelque chose qui semble terrible. « Oh mon Dieu, nous avons alimenté les prisonniers par le cul ! » Pendant ce temps, ils ne parlent pas à la Commission des meurtres, d’autres crimes de guerre, et des prisons secrètes que nous avons encore à Diego Garcia. Le but était aussi de gagner un maximum de temps, ce qu’ils ont fait. »

Le thème principal des 499 pages du rapport de la Commission est que la CIA a systématiquement menti à propos de l’efficacité de son programme de torture pour obtenir des informations qui auraient permis d’empêcher de futures attaques terroristes aux États-Unis. Parmi ces mensonges figurent quelques détails essentiels sur la découverte d’un agent d’Al-Qaïda appelé Abou Ahmed al-Kuwaiti, présenté comme le messager clé d’Al-Qaïda, et la traque qui a suivi et abouti à Abbottabad au début de 2011. Les informations présumées de l’agence, la patience et l’habileté à trouver al-Kuwaiti devinrent légendaires après leur mise en scène dans le film Zero Dark Thirty.

Le rapport du Sénat a soulevé à plusieurs reprises des questions sur la qualité et la fiabilité des informations de la CIA sur al-Kuwaiti. En 2005, un rapport interne de la CIA sur la traque de Ben Laden a noté que « les détenus fournissent peu de pistes utiles, et nous devons envisager la possibilité qu’ils créent des personnages fictifs pour nous distraire ou pour se décharger de toute connaissance directe sur Ben Ladin [sic]. » Un an plus tard, un câble de la CIA déclarait que « nous n’avons pas réussi à obtenir des détenus des renseignements utilisables sur la localisation de Ben Laden. » Le rapport a également mis en évidence plusieurs cas d’agents de la CIA, dont Panetta, faisant de fausses déclarations devant le Congrès et au public sur l’utilité des « techniques d’interrogatoire renforcées » dans la recherche des messagers de Ben Laden.

Aujourd’hui, Obama n’a pas une réélection devant lui comme au printemps de 2011. Sa position de principe au nom de l’accord nucléaire proposé avec l’Iran en dit long, tout comme sa décision de fonctionner sans le soutien des Républicains conservateurs au Congrès. Un haut niveau de mensonge reste néanmoins le modus operandi de la politique américaine, en plus des prisons secrètes, des attaques par drone, et des raids nocturnes des forces spéciales, en court-circuitant la chaîne de commandement et en neutralisant ceux qui pourraient dire non.

The Killing of Osama bin Laden
Par Seymour M. Hersh
London Review of Books
Vol. 37 No. 10 · 21 May 2015

The most blatant lie was that Pakistan’s two most senior military leaders – General Ashfaq Parvez Kayani, chief of the army staff, and General Ahmed Shuja Pasha, director general of the ISI – were never informed of the US mission. This remains the White House position despite an array of reports that have raised questions, including one by Carlotta Gall in the New York Times Magazine of 19 March 2014. Gall, who spent 12 years as the Times correspondent in Afghanistan, wrote that she’d been told by a ‘Pakistani official’ that Pasha had known before the raid that bin Laden was in Abbottabad. The story was denied by US and Pakistani officials, and went no further. In his book Pakistan: Before and after Osama (2012), Imtiaz Gul, executive director of the Centre for Research and Security Studies, a think tank in Islamabad, wrote that he’d spoken to four undercover intelligence officers who – reflecting a widely held local view – asserted that the Pakistani military must have had knowledge of the operation. The issue was raised again in February, when a retired general, Asad Durrani, who was head of the ISI in the early 1990s, told an al-Jazeera interviewer that it was ‘quite possible’ that the senior officers of the ISI did not know where bin Laden had been hiding, ‘but it was more probable that they did [know]. And the idea was that, at the right time, his location would be revealed. And the right time would have been when you can get the necessary quid pro quo – if you have someone like Osama bin Laden, you are not going to simply hand him over to the United States.’

This spring I contacted Durrani and told him in detail what I had learned about the bin Laden assault from American sources: that bin Laden had been a prisoner of the ISI at the Abbottabad compound since 2006; that Kayani and Pasha knew of the raid in advance and had made sure that the two helicopters delivering the Seals to Abbottabad could cross Pakistani airspace without triggering any alarms; that the CIA did not learn of bin Laden’s whereabouts by tracking his couriers, as the White House has claimed since May 2011, but from a former senior Pakistani intelligence officer who betrayed the secret in return for much of the $25 million reward offered by the US, and that, while Obama did order the raid and the Seal team did carry it out, many other aspects of the administration’s account were false.

‘When your version comes out – if you do it – people in Pakistan will be tremendously grateful,’ Durrani told me. ‘For a long time people have stopped trusting what comes out about bin Laden from the official mouths. There will be some negative political comment and some anger, but people like to be told the truth, and what you’ve told me is essentially what I have heard from former colleagues who have been on a fact-finding mission since this episode.’ As a former ISI head, he said, he had been told shortly after the raid by ‘people in the “strategic community” who would know’ that there had been an informant who had alerted the US to bin Laden’s presence in Abbottabad, and that after his killing the US’s betrayed promises left Kayani and Pasha exposed.

The major US source for the account that follows is a retired senior intelligence official who was knowledgeable about the initial intelligence about bin Laden’s presence in Abbottabad. He also was privy to many aspects of the Seals’ training for the raid, and to the various after-action reports. Two other US sources, who had access to corroborating information, have been longtime consultants to the Special Operations Command. I also received information from inside Pakistan about widespread dismay among the senior ISI and military leadership – echoed later by Durrani – over Obama’s decision to go public immediately with news of bin Laden’s death. The White House did not respond to requests for comment.

*

It began with a walk-in. In August 2010 a former senior Pakistani intelligence officer approached Jonathan Bank, then the CIA’s station chief at the US embassy in Islamabad. He offered to tell the CIA where to find bin Laden in return for the reward that Washington had offered in 2001. Walk-ins are assumed by the CIA to be unreliable, and the response from the agency’s headquarters was to fly in a polygraph team. The walk-in passed the test. ‘So now we’ve got a lead on bin Laden living in a compound in Abbottabad, but how do we really know who it is?’ was the CIA’s worry at the time, the retired senior US intelligence official told me.

The US initially kept what it knew from the Pakistanis. ‘The fear was that if the existence of the source was made known, the Pakistanis themselves would move bin Laden to another location. So only a very small number of people were read into the source and his story,’ the retired official said. ‘The CIA’s first goal was to check out the quality of the informant’s information.’ The compound was put under satellite surveillance. The CIA rented a house in Abbottabad to use as a forward observation base and staffed it with Pakistani employees and foreign nationals. Later on, the base would serve as a contact point with the ISI; it attracted little attention because Abbottabad is a holiday spot full of houses rented on short leases. A psychological profile of the informant was prepared. (The informant and his family were smuggled out of Pakistan and relocated in the Washington area. He is now a consultant for the CIA.)

‘By October the military and intelligence community were discussing the possible military options. Do we drop a bunker buster on the compound or take him out with a drone strike? Perhaps send someone to kill him, single assassin style? But then we’d have no proof of who he was,’ the retired official said. ‘We could see some guy is walking around at night, but we have no intercepts because there’s no commo coming from the compound.’

In October, Obama was briefed on the intelligence. His response was cautious, the retired official said. ‘It just made no sense that bin Laden was living in Abbottabad. It was just too crazy. The president’s position was emphatic: “Don’t talk to me about this any more unless you have proof that it really is bin Laden.”’ The immediate goal of the CIA leadership and the Joint Special Operations Command was to get Obama’s support. They believed they would get this if they got DNA evidence, and if they could assure him that a night assault of the compound would carry no risk. The only way to accomplish both things, the retired official said, ‘was to get the Pakistanis on board’.

During the late autumn of 2010, the US continued to keep quiet about the walk-in, and Kayani and Pasha continued to insist to their American counterparts that they had no information about bin Laden’s whereabouts. ‘The next step was to figure out how to ease Kayani and Pasha into it – to tell them that we’ve got intelligence showing that there is a high-value target in the compound, and to ask them what they know about the target,’ the retired official said. ‘The compound was not an armed enclave – no machine guns around, because it was under ISI control.’ The walk-in had told the US that bin Laden had lived undetected from 2001 to 2006 with some of his wives and children in the Hindu Kush mountains, and that ‘the ISI got to him by paying some of the local tribal people to betray him.’ (Reports after the raid placed him elsewhere in Pakistan during this period.) Bank was also told by the walk-in that bin Laden was very ill, and that early on in his confinement at Abbottabad, the ISI had ordered Amir Aziz, a doctor and a major in the Pakistani army, to move nearby to provide treatment. ‘The truth is that bin Laden was an invalid, but we cannot say that,’ the retired official said. ‘“You mean you guys shot a cripple? Who was about to grab his AK-47?”’

‘It didn’t take long to get the co-operation we needed, because the Pakistanis wanted to ensure the continued release of American military aid, a good percentage of which was anti-terrorism funding that finances personal security, such as bullet-proof limousines and security guards and housing for the ISI leadership,’ the retired official said. He added that there were also under-the-table personal ‘incentives’ that were financed by off-the-books Pentagon contingency funds. ‘The intelligence community knew what the Pakistanis needed to agree – there was the carrot. And they chose the carrot. It was a win-win. We also did a little blackmail. We told them we would leak the fact that you’ve got bin Laden in your backyard. We knew their friends and enemies’ – the Taliban and jihadist groups in Pakistan and Afghanistan – ‘would not like it.’

A worrying factor at this early point, according to the retired official, was Saudi Arabia, which had been financing bin Laden’s upkeep since his seizure by the Pakistanis. ‘The Saudis didn’t want bin Laden’s presence revealed to us because he was a Saudi, and so they told the Pakistanis to keep him out of the picture. The Saudis feared if we knew we would pressure the Pakistanis to let bin Laden start talking to us about what the Saudis had been doing with al-Qaida. And they were dropping money – lots of it. The Pakistanis, in turn, were concerned that the Saudis might spill the beans about their control of bin Laden. The fear was that if the US found out about bin Laden from Riyadh, all hell would break out. The Americans learning about bin Laden’s imprisonment from a walk-in was not the worst thing.’

Despite their constant public feuding, American and Pakistani military and intelligence services have worked together closely for decades on counterterrorism in South Asia. Both services often find it useful to engage in public feuds ‘to cover their asses’, as the retired official put it, but they continually share intelligence used for drone attacks, and co-operate on covert operations. At the same time, it’s understood in Washington that elements of the ISI believe that maintaining a relationship with the Taliban leadership inside Afghanistan is essential to national security. The ISI’s strategic aim is to balance Indian influence in Kabul; the Taliban is also seen in Pakistan as a source of jihadist shock troops who would back Pakistan against India in a confrontation over Kashmir.

Adding to the tension was the Pakistani nuclear arsenal, often depicted in the Western press as an ‘Islamic bomb’ that might be transferred by Pakistan to an embattled nation in the Middle East in the event of a crisis with Israel. The US looked the other way when Pakistan began building its weapons system in the 1970s and it’s widely believed it now has more than a hundred nuclear warheads. It’s understood in Washington that US security depends on the maintenance of strong military and intelligence ties to Pakistan. The belief is mirrored in Pakistan.

‘The Pakistani army sees itself as family,’ the retired official said. ‘Officers call soldiers their sons and all officers are “brothers”. The attitude is different in the American military. The senior Pakistani officers believe they are the elite and have got to look out for all of the people, as keepers of the flame against Muslim fundamentalism. The Pakistanis also know that their trump card against aggression from India is a strong relationship with the United States. They will never cut their person-to-person ties with us.’

Like all CIA station chiefs, Bank was working undercover, but that ended in early December 2010 when he was publicly accused of murder in a criminal complaint filed in Islamabad by Karim Khan, a Pakistani journalist whose son and brother, according to local news reports, had been killed by a US drone strike. Allowing Bank to be named was a violation of diplomatic protocol on the part of the Pakistani authorities, and it brought a wave of unwanted publicity. Bank was ordered to leave Pakistan by the CIA, whose officials subsequently told the Associated Press he was transferred because of concerns for his safety. The New York Times reported that there was ‘strong suspicion’ the ISI had played a role in leaking Bank’s name to Khan. There was speculation that he was outed as payback for the publication in a New York lawsuit a month earlier of the names of ISI chiefs in connection with the Mumbai terrorist attacks of 2008. But there was a collateral reason, the retired official said, for the CIA’s willingness to send Bank back to America. The Pakistanis needed cover in case their co-operation with the Americans in getting rid of bin Laden became known. The Pakistanis could say: “You’re talking about me? We just kicked out your station chief.”’

*

The bin Laden compound was less than two miles from the Pakistan Military Academy, and a Pakistani army combat battalion headquarters was another mile or so away. Abbottabad is less than 15 minutes by helicopter from Tarbela Ghazi, an important base for ISI covert operations and the facility where those who guard Pakistan’s nuclear weapons arsenal are trained. ‘Ghazi is why the ISI put bin Laden in Abbottabad in the first place,’ the retired official said, ‘to keep him under constant supervision.’

The risks for Obama were high at this early stage, especially because there was a troubling precedent: the failed 1980 attempt to rescue the American hostages in Tehran. That failure was a factor in Jimmy Carter’s loss to Ronald Reagan. Obama’s worries were realistic, the retired official said. ‘Was bin Laden ever there? Was the whole story a product of Pakistani deception? What about political blowback in case of failure?’ After all, as the retired official said, ‘If the mission fails, Obama’s just a black Jimmy Carter and it’s all over for re-election.’

Obama was anxious for reassurance that the US was going to get the right man. The proof was to come in the form of bin Laden’s DNA. The planners turned for help to Kayani and Pasha, who asked Aziz to obtain the specimens. Soon after the raid the press found out that Aziz had been living in a house near the bin Laden compound: local reporters discovered his name in Urdu on a plate on the door. Pakistani officials denied that Aziz had any connection to bin Laden, but the retired official told me that Aziz had been rewarded with a share of the $25 million reward the US had put up because the DNA sample had showed conclusively that it was bin Laden in Abbottabad. (In his subsequent testimony to a Pakistani commission investigating the bin Laden raid, Aziz said that he had witnessed the attack on Abbottabad, but had no knowledge of who was living in the compound and had been ordered by a superior officer to stay away from the scene.)

Bargaining continued over the way the mission would be executed. ‘Kayani eventually tells us yes, but he says you can’t have a big strike force. You have to come in lean and mean. And you have to kill him, or there is no deal,’ the retired official said. The agreement was struck by the end of January 2011, and Joint Special Operations Command prepared a list of questions to be answered by the Pakistanis: ‘How can we be assured of no outside intervention? What are the defences inside the compound and its exact dimensions? Where are bin Laden’s rooms and exactly how big are they? How many steps in the stairway? Where are the doors to his rooms, and are they reinforced with steel? How thick?’ The Pakistanis agreed to permit a four-man American cell – a Navy Seal, a CIA case officer and two communications specialists – to set up a liaison office at Tarbela Ghazi for the coming assault. By then, the military had constructed a mock-up of the compound in Abbottabad at a secret former nuclear test site in Nevada, and an elite Seal team had begun rehearsing for the attack.

The US had begun to cut back on aid to Pakistan – to ‘turn off the spigot’, in the retired official’s words. The provision of 18 new F-16 fighter aircraft was delayed, and under-the-table cash payments to the senior leaders were suspended. In April 2011 Pasha met the CIA director, Leon Panetta, at agency headquarters. ‘Pasha got a commitment that the United States would turn the money back on, and we got a guarantee that there would be no Pakistani opposition during the mission,’ the retired official said. ‘Pasha also insisted that Washington stop complaining about Pakistan’s lack of co-operation with the American war on terrorism.’ At one point that spring, Pasha offered the Americans a blunt explanation of the reason Pakistan kept bin Laden’s capture a secret, and why it was imperative for the ISI role to remain secret: ‘We needed a hostage to keep tabs on al-Qaida and the Taliban,’ Pasha said, according to the retired official. ‘The ISI was using bin Laden as leverage against Taliban and al-Qaida activities inside Afghanistan and Pakistan. They let the Taliban and al-Qaida leadership know that if they ran operations that clashed with the interests of the ISI, they would turn bin Laden over to us. So if it became known that the Pakistanis had worked with us to get bin Laden at Abbottabad, there would be hell to pay.’

At one of his meetings with Panetta, according to the retired official and a source within the CIA, Pasha was asked by a senior CIA official whether he saw himself as acting in essence as an agent for al-Qaida and the Taliban. ‘He answered no, but said the ISI needed to have some control.’ The message, as the CIA saw it, according to the retired official, was that Kayani and Pasha viewed bin Laden ‘as a resource, and they were more interested in their [own] survival than they were in the United States’.

A Pakistani with close ties to the senior leadership of the ISI told me that ‘there was a deal with your top guys. We were very reluctant, but it had to be done – not because of personal enrichment, but because all of the American aid programmes would be cut off. Your guys said we will starve you out if you don’t do it, and the okay was given while Pasha was in Washington. The deal was not only to keep the taps open, but Pasha was told there would be more goodies for us.’ The Pakistani said that Pasha’s visit also resulted in a commitment from the US to give Pakistan ‘a freer hand’ in Afghanistan as it began its military draw-down there. ‘And so our top dogs justified the deal by saying this is for our country.’

*

Pasha and Kayani were responsible for ensuring that Pakistan’s army and air defence command would not track or engage with the US helicopters used on the mission. The American cell at Tarbela Ghazi was charged with co-ordinating communications between the ISI, the senior US officers at their command post in Afghanistan, and the two Black Hawk helicopters; the goal was to ensure that no stray Pakistani fighter plane on border patrol spotted the intruders and took action to stop them. The initial plan said that news of the raid shouldn’t be announced straightaway. All units in the Joint Special Operations Command operate under stringent secrecy and the JSOC leadership believed, as did Kayani and Pasha, that the killing of bin Laden would not be made public for as long as seven days, maybe longer. Then a carefully constructed cover story would be issued: Obama would announce that DNA analysis confirmed that bin Laden had been killed in a drone raid in the Hindu Kush, on Afghanistan’s side of the border. The Americans who planned the mission assured Kayani and Pasha that their co-operation would never be made public. It was understood by all that if the Pakistani role became known, there would be violent protests – bin Laden was considered a hero by many Pakistanis – and Pasha and Kayani and their families would be in danger, and the Pakistani army publicly disgraced.

It was clear to all by this point, the retired official said, that bin Laden would not survive: ‘Pasha told us at a meeting in April that he could not risk leaving bin Laden in the compound now that we know he’s there. Too many people in the Pakistani chain of command know about the mission. He and Kayani had to tell the whole story to the directors of the air defence command and to a few local commanders.

‘Of course the guys knew the target was bin Laden and he was there under Pakistani control,’ the retired official said. ‘Otherwise, they would not have done the mission without air cover. It was clearly and absolutely a premeditated murder.’ A former Seal commander, who has led and participated in dozens of similar missions over the past decade, assured me that ‘we were not going to keep bin Laden alive – to allow the terrorist to live. By law, we know what we’re doing inside Pakistan is a homicide. We’ve come to grips with that. Each one of us, when we do these missions, say to ourselves, “Let’s face it. We’re going to commit a murder.”’ The White House’s initial account claimed that bin Laden had been brandishing a weapon; the story was aimed at deflecting those who questioned the legality of the US administration’s targeted assassination programme. The US has consistently maintained, despite widely reported remarks by people involved with the mission, that bin Laden would have been taken alive if he had immediately surrendered.

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At the Abbottabad compound ISI guards were posted around the clock to keep watch over bin Laden and his wives and children. They were under orders to leave as soon as they heard the rotors of the US helicopters. The town was dark: the electricity supply had been cut off on the orders of the ISI hours before the raid began. One of the Black Hawks crashed inside the walls of the compound, injuring many on board. ‘The guys knew the TOT [time on target] had to be tight because they would wake up the whole town going in,’ the retired official said. The cockpit of the crashed Black Hawk, with its communication and navigational gear, had to be destroyed by concussion grenades, and this would create a series of explosions and a fire visible for miles. Two Chinook helicopters had flown from Afghanistan to a nearby Pakistani intelligence base to provide logistical support, and one of them was immediately dispatched to Abbottabad. But because the helicopter had been equipped with a bladder loaded with extra fuel for the two Black Hawks, it first had to be reconfigured as a troop carrier. The crash of the Black Hawk and the need to fly in a replacement were nerve-wracking and time-consuming setbacks, but the Seals continued with their mission. There was no firefight as they moved into the compound; the ISI guards had gone. ‘Everyone in Pakistan has a gun and high-profile, wealthy folks like those who live in Abbottabad have armed bodyguards, and yet there were no weapons in the compound,’ the retired official pointed out. Had there been any opposition, the team would have been highly vulnerable. Instead, the retired official said, an ISI liaison officer flying with the Seals guided them into the darkened house and up a staircase to bin Laden’s quarters. The Seals had been warned by the Pakistanis that heavy steel doors blocked the stairwell on the first and second-floor landings; bin Laden’s rooms were on the third floor. The Seal squad used explosives to blow the doors open, without injuring anyone. One of bin Laden’s wives was screaming hysterically and a bullet – perhaps a stray round – struck her knee. Aside from those that hit bin Laden, no other shots were fired. (The Obama administration’s account would hold otherwise.)

‘They knew where the target was – third floor, second door on the right,’ the retired official said. ‘Go straight there. Osama was cowering and retreated into the bedroom. Two shooters followed him and opened up. Very simple, very straightforward, very professional hit.’ Some of the Seals were appalled later at the White House’s initial insistence that they had shot bin Laden in self-defence, the retired official said. ‘Six of the Seals’ finest, most experienced NCOs, faced with an unarmed elderly civilian, had to kill him in self-defence? The house was shabby and bin Laden was living in a cell with bars on the window and barbed wire on the roof. The rules of engagement were that if bin Laden put up any opposition they were authorised to take lethal action. But if they suspected he might have some means of opposition, like an explosive vest under his robe, they could also kill him. So here’s this guy in a mystery robe and they shot him. It’s not because he was reaching for a weapon. The rules gave them absolute authority to kill the guy.’ The later White House claim that only one or two bullets were fired into his head was ‘bullshit’, the retired official said. ‘The squad came through the door and obliterated him. As the Seals say, “We kicked his ass and took his gas.”’

After they killed bin Laden, ‘the Seals were just there, some with physical injuries from the crash, waiting for the relief chopper,’ the retired official said. ‘Twenty tense minutes. The Black Hawk is still burning. There are no city lights. No electricity. No police. No fire trucks. They have no prisoners.’ Bin Laden’s wives and children were left for the ISI to interrogate and relocate. ‘Despite all the talk,’ the retired official continued, there were ‘no garbage bags full of computers and storage devices. The guys just stuffed some books and papers they found in his room in their backpacks. The Seals weren’t there because they thought bin Laden was running a command centre for al-Qaida operations, as the White House would later tell the media. And they were not intelligence experts gathering information inside that house.’

On a normal assault mission, the retired official said, there would be no waiting around if a chopper went down. ‘The Seals would have finished the mission, thrown off their guns and gear, and jammed into the remaining Black Hawk and di-di-maued’ – Vietnamese slang for leaving in a rush – ‘out of there, with guys hanging out of the doors. They would not have blown the chopper – no commo gear is worth a dozen lives – unless they knew they were safe. Instead they stood around outside the compound, waiting for the bus to arrive.’ Pasha and Kayani had delivered on all their promises.

*

The backroom argument inside the White House began as soon as it was clear that the mission had succeeded. Bin Laden’s body was presumed to be on its way to Afghanistan. Should Obama stand by the agreement with Kayani and Pasha and pretend a week or so later that bin Laden had been killed in a drone attack in the mountains, or should he go public immediately? The downed helicopter made it easy for Obama’s political advisers to urge the latter plan. The explosion and fireball would be impossible to hide, and word of what had happened was bound to leak. Obama had to ‘get out in front of the story’ before someone in the Pentagon did: waiting would diminish the political impact.

Not everyone agreed. Robert Gates, the secretary of defence, was the most outspoken of those who insisted that the agreements with Pakistan had to be honoured. In his memoir, Duty, Gates did not mask his anger:

Before we broke up and the president headed upstairs to tell the American people what had just happened, I reminded everyone that the techniques, tactics and procedures the Seals had used in the bin Laden operation were used every night in Afghanistan … it was therefore essential that we agree not to release any operational details of the raid. That we killed him, I said, is all we needed to say. Everybody in that room agreed to keep mum on details. That commitment lasted about five hours. The initial leaks came from the White House and CIA. They just couldn’t wait to brag and to claim credit. The facts were often wrong … Nonetheless the information just kept pouring out. I was outraged and at one point, told [the national security adviser, Tom] Donilon, ‘Why doesn’t everybody just shut the fuck up?’ To no avail.

Obama’s speech was put together in a rush, the retired official said, and was viewed by his advisers as a political document, not a message that needed to be submitted for clearance to the national security bureaucracy. This series of self-serving and inaccurate statements would create chaos in the weeks following. Obama said that his administration had discovered that bin Laden was in Pakistan through ‘a possible lead’ the previous August; to many in the CIA the statement suggested a specific event, such as a walk-in. The remark led to a new cover story claiming that the CIA’s brilliant analysts had unmasked a courier network handling bin Laden’s continuing flow of operational orders to al-Qaida. Obama also praised ‘a small team of Americans’ for their care in avoiding civilian deaths and said: ‘After a firefight, they killed Osama bin Laden and took custody of his body.’ Two more details now had to be supplied for the cover story: a description of the firefight that never happened, and a story about what happened to the corpse. Obama went on to praise the Pakistanis: ‘It’s important to note that our counterterrorism co-operation with Pakistan helped lead us to bin Laden and the compound where he was hiding.’ That statement risked exposing Kayani and Pasha. The White House’s solution was to ignore what Obama had said and order anyone talking to the press to insist that the Pakistanis had played no role in killing bin Laden. Obama left the clear impression that he and his advisers hadn’t known for sure that bin Laden was in Abbottabad, but only had information ‘about the possibility’. This led first to the story that the Seals had determined they’d killed the right man by having a six-foot-tall Seal lie next to the corpse for comparison (bin Laden was known to be six foot four); and then to the claim that a DNA test had been performed on the corpse and demonstrated conclusively that the Seals had killed bin Laden. But, according to the retired official, it wasn’t clear from the Seals’ early reports whether all of bin Laden’s body, or any of it, made it back to Afghanistan.

Gates wasn’t the only official who was distressed by Obama’s decision to speak without clearing his remarks in advance, the retired official said, ‘but he was the only one protesting. Obama didn’t just double-cross Gates, he double-crossed everyone. This was not the fog of war. The fact that there was an agreement with the Pakistanis and no contingency analysis of what was to be disclosed if something went wrong – that wasn’t even discussed. And once it went wrong, they had to make up a new cover story on the fly.’ There was a legitimate reason for some deception: the role of the Pakistani walk-in had to be protected.

The White House press corps was told in a briefing shortly after Obama’s announcement that the death of bin Laden was ‘the culmination of years of careful and highly advanced intelligence work’ that focused on tracking a group of couriers, including one who was known to be close to bin Laden. Reporters were told that a team of specially assembled CIA and National Security Agency analysts had traced the courier to a highly secure million-dollar compound in Abbottabad. After months of observation, the American intelligence community had ‘high confidence’ that a high-value target was living in the compound, and it was ‘assessed that there was a strong probability that [it] was Osama bin Laden’. The US assault team ran into a firefight on entering the compound and three adult males – two of them believed to be the couriers – were slain, along with bin Laden. Asked if bin Laden had defended himself, one of the briefers said yes: ‘He did resist the assault force. And he was killed in a firefight.’

The next day John Brennan, then Obama’s senior adviser for counterterrorism, had the task of talking up Obama’s valour while trying to smooth over the misstatements in his speech. He provided a more detailed but equally misleading account of the raid and its planning. Speaking on the record, which he rarely does, Brennan said that the mission was carried out by a group of Navy Seals who had been instructed to take bin Laden alive, if possible. He said the US had no information suggesting that anyone in the Pakistani government or military knew bin Laden’s whereabouts: ‘We didn’t contact the Pakistanis until after all of our people, all of our aircraft were out of Pakistani airspace.’ He emphasised the courage of Obama’s decision to order the strike, and said that the White House had no information ‘that confirmed that bin Laden was at the compound’ before the raid began. Obama, he said, ‘made what I believe was one of the gutsiest calls of any president in recent memory’. Brennan increased the number killed by the Seals inside the compound to five: bin Laden, a courier, his brother, a bin Laden son, and one of the women said to be shielding bin Laden.

Asked whether bin Laden had fired on the Seals, as some reporters had been told, Brennan repeated what would become a White House mantra: ‘He was engaged in a firefight with those that entered the area of the house he was in. And whether or not he got off any rounds, I quite frankly don’t know … Here is bin Laden, who has been calling for these attacks … living in an area that is far removed from the front, hiding behind women who were put in front of him as a shield … [It] just speaks to I think the nature of the individual he was.’

Gates also objected to the idea, pushed by Brennan and Leon Panetta, that US intelligence had learned of bin Laden’s whereabouts from information acquired by waterboarding and other forms of torture. ‘All of this is going on as the Seals are flying home from their mission. The agency guys know the whole story,’ the retired official said. ‘It was a group of annuitants who did it.’ (Annuitants are retired CIA officers who remain active on contract.) ‘They had been called in by some of the mission planners in the agency to help with the cover story. So the old-timers come in and say why not admit that we got some of the information about bin Laden from enhanced interrogation?’ At the time, there was still talk in Washington about the possible prosecution of CIA agents who had conducted torture.

‘Gates told them this was not going to work,’ the retired official said. ‘He was never on the team. He knew at the eleventh hour of his career not to be a party to this nonsense. But State, the agency and the Pentagon had bought in on the cover story. None of the Seals thought that Obama was going to get on national TV and announce the raid. The Special Forces command was apoplectic. They prided themselves on keeping operational security.’ There was fear in Special Operations, the retired official said, that ‘if the true story of the missions leaked out, the White House bureaucracy was going to blame it on the Seals.’

The White House’s solution was to silence the Seals. On 5 May, every member of the Seal hit team – they had returned to their base in southern Virginia – and some members of the Joint Special Operations Command leadership were presented with a nondisclosure form drafted by the White House’s legal office; it promised civil penalties and a lawsuit for anyone who discussed the mission, in public or private. ‘The Seals were not happy,’ the retired official said. But most of them kept quiet, as did Admiral William McRaven, who was then in charge of JSOC. ‘McRaven was apoplectic. He knew he was fucked by the White House, but he’s a dyed-in-the-wool Seal, and not then a political operator, and he knew there’s no glory in blowing the whistle on the president. When Obama went public with bin Laden’s death, everyone had to scramble around for a new story that made sense, and the planners were stuck holding the bag.’

Within days, some of the early exaggerations and distortions had become obvious and the Pentagon issued a series of clarifying statements. No, bin Laden was not armed when he was shot and killed. And no, bin Laden did not use one of his wives as a shield. The press by and large accepted the explanation that the errors were the inevitable by-product of the White House’s desire to accommodate reporters frantic for details of the mission.

One lie that has endured is that the Seals had to fight their way to their target. Only two Seals have made any public statement: No Easy Day, a first-hand account of the raid by Matt Bissonnette, was published in September 2012; and two years later Rob O’Neill was interviewed by Fox News. Both men had resigned from the navy; both had fired at bin Laden. Their accounts contradicted each other on many details, but their stories generally supported the White House version, especially when it came to the need to kill or be killed as the Seals fought their way to bin Laden. O’Neill even told Fox News that he and his fellow Seals thought ‘We were going to die.’ ‘The more we trained on it, the more we realised … this is going to be a one-way mission.’

But the retired official told me that in their initial debriefings the Seals made no mention of a firefight, or indeed of any opposition. The drama and danger portrayed by Bissonnette and O’Neill met a deep-seated need, the retired official said: ‘Seals cannot live with the fact that they killed bin Laden totally unopposed, and so there has to be an account of their courage in the face of danger. The guys are going to sit around the bar and say it was an easy day? That’s not going to happen.’

There was another reason to claim there had been a firefight inside the compound, the retired official said: to avoid the inevitable question that would arise from an uncontested assault. Where were bin Laden’s guards? Surely, the most sought-after terrorist in the world would have around-the-clock protection. ‘And one of those killed had to be the courier, because he didn’t exist and we couldn’t produce him. The Pakistanis had no choice but to play along with it.’ (Two days after the raid, Reuters published photographs of three dead men that it said it had purchased from an ISI official. Two of the men were later identified by an ISI spokesman as being the alleged courier and his brother.)

*

Five days after the raid the Pentagon press corps was provided with a series of videotapes that were said by US officials to have been taken from a large collection the Seals had removed from the compound, along with as many as 15 computers. Snippets from one of the videos showed a solitary bin Laden looking wan and wrapped in a blanket, watching what appeared to be a video of himself on television. An unnamed official told reporters that the raid produced a ‘treasure trove … the single largest collection of senior terrorist materials ever’, which would provide vital insights into al-Qaida’s plans. The official said the material showed that bin Laden ‘remained an active leader in al-Qaida, providing strategic, operational and tactical instructions to the group … He was far from a figurehead [and] continued to direct even tactical details of the group’s management and to encourage plotting’ from what was described as a command-and-control centre in Abbottabad. ‘He was an active player, making the recent operation even more essential for our nation’s security,’ the official said. The information was so vital, he added, that the administration was setting up an inter-agency task force to process it: ‘He was not simply someone who was penning al-Qaida strategy. He was throwing operational ideas out there and he was also specifically directing other al-Qaida members.’

These claims were fabrications: there wasn’t much activity for bin Laden to exercise command and control over. The retired intelligence official said that the CIA’s internal reporting shows that since bin Laden moved to Abbottabad in 2006 only a handful of terrorist attacks could be linked to the remnants of bin Laden’s al-Qaida. ‘We were told at first,’ the retired official said, ‘that the Seals produced garbage bags of stuff and that the community is generating daily intelligence reports out of this stuff. And then we were told that the community is gathering everything together and needs to translate it. But nothing has come of it. Every single thing they have created turns out not to be true. It’s a great hoax – like the Piltdown man.’ The retired official said that most of the materials from Abbottabad were turned over to the US by the Pakistanis, who later razed the building. The ISI took responsibility for the wives and children of bin Laden, none of whom was made available to the US for questioning.

‘Why create the treasure trove story?’ the retired official said. ‘The White House had to give the impression that bin Laden was still operationally important. Otherwise, why kill him? A cover story was created – that there was a network of couriers coming and going with memory sticks and instructions. All to show that bin Laden remained important.’

In July 2011, the Washington Post published what purported to be a summary of some of these materials. The story’s contradictions were glaring. It said the documents had resulted in more than four hundred intelligence reports within six weeks; it warned of unspecified al-Qaida plots; and it mentioned arrests of suspects ‘who are named or described in emails that bin Laden received’. The Post didn’t identify the suspects or reconcile that detail with the administration’s previous assertions that the Abbottabad compound had no internet connection. Despite their claims that the documents had produced hundreds of reports, the Post also quoted officials saying that their main value wasn’t the actionable intelligence they contained, but that they enabled ‘analysts to construct a more comprehensive portrait of al-Qaida’.

In May 2012, the Combating Terrrorism Centre at West Point, a private research group, released translations it had made under a federal government contract of 175 pages of bin Laden documents. Reporters found none of the drama that had been touted in the days after the raid. Patrick Cockburn wrote about the contrast between the administration’s initial claims that bin Laden was the ‘spider at the centre of a conspiratorial web’ and what the translations actually showed: that bin Laden was ‘delusional’ and had ‘limited contact with the outside world outside his compound’.

The retired official disputed the authencity of the West Point materials: ‘There is no linkage between these documents and the counterterrorism centre at the agency. No intelligence community analysis. When was the last time the CIA: 1) announced it had a significant intelligence find; 2) revealed the source; 3) described the method for processing the materials; 4) revealed the time-line for production; 5) described by whom and where the analysis was taking place, and 6) published the sensitive results before the information had been acted on? No agency professional would support this fairy tale.’

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In June 2011, it was reported in the New York Times, the Washington Post and all over the Pakistani press that Amir Aziz had been held for questioning in Pakistan; he was, it was said, a CIA informant who had been spying on the comings and goings at the bin Laden compound. Aziz was released, but the retired official said that US intelligence was unable to learn who leaked the highly classified information about his involvement with the mission. Officials in Washington decided they ‘could not take a chance that Aziz’s role in obtaining bin Laden’s DNA also would become known’. A sacrificial lamb was needed, and the one chosen was Shakil Afridi, a 48-year-old Pakistani doctor and sometime CIA asset, who had been arrested by the Pakistanis in late May and accused of assisting the agency. ‘We went to the Pakistanis and said go after Afridi,’ the retired official said. ‘We had to cover the whole issue of how we got the DNA.’ It was soon reported that the CIA had organised a fake vaccination programme in Abbottabad with Afridi’s help in a failed attempt to obtain bin Laden’s DNA. Afridi’s legitimate medical operation was run independently of local health authorities, was well financed and offered free vaccinations against hepatitis B. Posters advertising the programme were displayed throughout the area. Afridi was later accused of treason and sentenced to 33 years in prison because of his ties to an extremist. News of the CIA-sponsored programme created widespread anger in Pakistan, and led to the cancellation of other international vaccination programmes that were now seen as cover for American spying.

The retired official said that Afridi had been recruited long before the bin Laden mission as part of a separate intelligence effort to get information about suspected terrorists in Abbottabad and the surrounding area. ‘The plan was to use vaccinations as a way to get the blood of terrorism suspects in the villages.’ Afridi made no attempt to obtain DNA from the residents of the bin Laden compound. The report that he did so was a hurriedly put together ‘CIA cover story creating “facts”’ in a clumsy attempt to protect Aziz and his real mission. ‘Now we have the consequences,’ the retired official said. ‘A great humanitarian project to do something meaningful for the peasants has been compromised as a cynical hoax.’ Afridi’s conviction was overturned, but he remains in prison on a murder charge.

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In his address announcing the raid, Obama said that after killing bin Laden the Seals ‘took custody of his body’. The statement created a problem. In the initial plan it was to be announced a week or so after the fact that bin Laden was killed in a drone strike somewhere in the mountains on the Pakistan/Afghanistan border and that his remains had been identified by DNA testing. But with Obama’s announcement of his killing by the Seals everyone now expected a body to be produced. Instead, reporters were told that bin Laden’s body had been flown by the Seals to an American military airfield in Jalalabad, Afghanistan, and then straight to the USS Carl Vinson, a supercarrier on routine patrol in the North Arabian Sea. Bin Laden had then been buried at sea, just hours after his death. The press corps’s only sceptical moments at John Brennan’s briefing on 2 May were to do with the burial. The questions were short, to the point, and rarely answered. ‘When was the decision made that he would be buried at sea if killed?’ ‘Was this part of the plan all along?’ ‘Can you just tell us why that was a good idea?’ ‘John, did you consult a Muslim expert on that?’ ‘Is there a visual recording of this burial?’ When this last question was asked, Jay Carney, Obama’s press secretary, came to Brennan’s rescue: ‘We’ve got to give other people a chance here.’

‘We thought the best way to ensure that his body was given an appropriate Islamic burial,’ Brennan said, ‘was to take those actions that would allow us to do that burial at sea.’ He said ‘appropriate specialists and experts’ were consulted, and that the US military was fully capable of carrying out the burial ‘consistent with Islamic law’. Brennan didn’t mention that Muslim law calls for the burial service to be conducted in the presence of an imam, and there was no suggestion that one happened to be on board the Carl Vinson.

In a reconstruction of the bin Laden operation for Vanity Fair, Mark Bowden, who spoke to many senior administration officials, wrote that bin Laden’s body was cleaned and photographed at Jalalabad. Further procedures necessary for a Muslim burial were performed on the carrier, he wrote, ‘with bin Laden’s body being washed again and wrapped in a white shroud. A navy photographer recorded the burial in full sunlight, Monday morning, May 2.’ Bowden described the photos:

One frame shows the body wrapped in a weighted shroud. The next shows it lying diagonally on a chute, feet overboard. In the next frame the body is hitting the water. In the next it is visible just below the surface, ripples spreading outward. In the last frame there are only circular ripples on the surface. The mortal remains of Osama bin Laden were gone for good.

Bowden was careful not to claim that he had actually seen the photographs he described, and he recently told me he hadn’t seen them: ‘I’m always disappointed when I can’t look at something myself, but I spoke with someone I trusted who said he had seen them himself and described them in detail.’ Bowden’s statement adds to the questions about the alleged burial at sea, which has provoked a flood of Freedom of Information Act requests, most of which produced no information. One of them sought access to the photographs. The Pentagon responded that a search of all available records had found no evidence that any photographs had been taken of the burial. Requests on other issues related to the raid were equally unproductive. The reason for the lack of response became clear after the Pentagon held an inquiry into allegations that the Obama administration had provided access to classified materials to the makers of the film Zero Dark Thirty. The Pentagon report, which was put online in June 2013, noted that Admiral McRaven had ordered the files on the raid to be deleted from all military computers and moved to the CIA, where they would be shielded from FOIA requests by the agency’s ‘operational exemption’.

McRaven’s action meant that outsiders could not get access to the Carl Vinson’s unclassified logs. Logs are sacrosanct in the navy, and separate ones are kept for air operations, the deck, the engineering department, the medical office, and for command information and control. They show the sequence of events day by day aboard the ship; if there has been a burial at sea aboard the Carl Vinson, it would have been recorded.

There wasn’t any gossip about a burial among the Carl Vinson’s sailors. The carrier concluded its six-month deployment in June 2011. When the ship docked at its home base in Coronado, California, Rear Admiral Samuel Perez, commander of the Carl Vinson carrier strike group, told reporters that the crew had been ordered not to talk about the burial. Captain Bruce Lindsey, skipper of the Carl Vinson, told reporters he was unable to discuss it. Cameron Short, one of the crew of the Carl Vinson, told the Commercial-News of Danville, Illinois, that the crew had not been told anything about the burial. ‘All he knows is what he’s seen on the news,’ the newspaper reported.

The Pentagon did release a series of emails to the Associated Press. In one of them, Rear Admiral Charles Gaouette reported that the service followed ‘traditional procedures for Islamic burial’, and said none of the sailors on board had been permitted to observe the proceedings. But there was no indication of who washed and wrapped the body, or of which Arabic speaker conducted the service.

Within weeks of the raid, I had been told by two longtime consultants to Special Operations Command, who have access to current intelligence, that the funeral aboard the Carl Vinson didn’t take place. One consultant told me that bin Laden’s remains were photographed and identified after being flown back to Afghanistan. The consultant added: ‘At that point, the CIA took control of the body. The cover story was that it had been flown to the Carl Vinson.’ The second consultant agreed that there had been ‘no burial at sea’. He added that ‘the killing of bin Laden was political theatre designed to burnish Obama’s military credentials … The Seals should have expected the political grandstanding. It’s irresistible to a politician. Bin Laden became a working asset.’ Early this year, speaking again to the second consultant, I returned to the burial at sea. The consultant laughed and said: ‘You mean, he didn’t make it to the water?’

The retired official said there had been another complication: some members of the Seal team had bragged to colleagues and others that they had torn bin Laden’s body to pieces with rifle fire. The remains, including his head, which had only a few bullet holes in it, were thrown into a body bag and, during the helicopter flight back to Jalalabad, some body parts were tossed out over the Hindu Kush mountains – or so the Seals claimed. At the time, the retired official said, the Seals did not think their mission would be made public by Obama within a few hours: ‘If the president had gone ahead with the cover story, there would have been no need to have a funeral within hours of the killing. Once the cover story was blown, and the death was made public, the White House had a serious “Where’s the body?” problem. The world knew US forces had killed bin Laden in Abbottabad. Panic city. What to do? We need a “functional body” because we have to be able to say we identified bin Laden via a DNA analysis. It would be navy officers who came up with the “burial at sea” idea. Perfect. No body. Honourable burial following sharia law. Burial is made public in great detail, but Freedom of Information documents confirming the burial are denied for reasons of “national security”. It’s the classic unravelling of a poorly constructed cover story – it solves an immediate problem but, given the slighest inspection, there is no back-up support. There never was a plan, initially, to take the body to sea, and no burial of bin Laden at sea took place.’ The retired official said that if the Seals’ first accounts are to be believed, there wouldn’t have been much left of bin Laden to put into the sea in any case.

*

It was inevitable that the Obama administration’s lies, misstatements and betrayals would create a backlash. ‘We’ve had a four-year lapse in co-operation,’ the retired official said. ‘It’s taken that long for the Pakistanis to trust us again in the military-to-military counterterrorism relationship – while terrorism was rising all over the world … They felt Obama sold them down the river. They’re just now coming back because the threat from Isis, which is now showing up there, is a lot greater and the bin Laden event is far enough away to enable someone like General Durrani to come out and talk about it.’ Generals Pasha and Kayani have retired and both are reported to be under investigation for corruption during their time in office.

The Senate Intelligence Committee’s long-delayed report on CIA torture, released last December, documented repeated instances of official lying, and suggested that the CIA’s knowledge of bin Laden’s courier was sketchy at best and predated its use of waterboarding and other forms of torture. The report led to international headlines about brutality and waterboarding, along with gruesome details about rectal feeding tubes, ice baths and threats to rape or murder family members of detainees who were believed to be withholding information. Despite the bad publicity, the report was a victory for the CIA. Its major finding – that the use of torture didn’t lead to discovering the truth – had already been the subject of public debate for more than a decade. Another key finding – that the torture conducted was more brutal than Congress had been told – was risible, given the extent of public reporting and published exposés by former interrogators and retired CIA officers. The report depicted tortures that were obviously contrary to international law as violations of rules or ‘inappropriate activities’ or, in some cases, ‘management failures’. Whether the actions described constitute war crimes was not discussed, and the report did not suggest that any of the CIA interrogators or their superiors should be investigated for criminal activity. The agency faced no meaningful consequences as a result of the report.

The retired official told me that the CIA leadership had become experts in derailing serious threats from Congress: ‘They create something that is horrible but not that bad. Give them something that sounds terrible. “Oh my God, we were shoving food up a prisoner’s ass!” Meanwhile, they’re not telling the committee about murders, other war crimes, and secret prisons like we still have in Diego Garcia. The goal also was to stall it as long as possible, which they did.’

The main theme of the committee’s 499-page executive summary is that the CIA lied systematically about the effectiveness of its torture programme in gaining intelligence that would stop future terrorist attacks in the US. The lies included some vital details about the uncovering of an al-Qaida operative called Abu Ahmed al-Kuwaiti, who was said to be the key al-Qaida courier, and the subsequent tracking of him to Abbottabad in early 2011. The agency’s alleged intelligence, patience and skill in finding al-Kuwaiti became legend after it was dramatised in Zero Dark Thirty.

The Senate report repeatedly raised questions about the quality and reliability of the CIA’s intelligence about al-Kuwaiti. In 2005 an internal CIA report on the hunt for bin Laden noted that ‘detainees provide few actionable leads, and we have to consider the possibility that they are creating fictitious characters to distract us or to absolve themselves of direct knowledge about bin Ladin [sic].’ A CIA cable a year later stated that ‘we have had no success in eliciting actionable intelligence on bin Laden’s location from any detainees.’ The report also highlighted several instances of CIA officers, including Panetta, making false statements to Congress and the public about the value of ‘enhanced interrogation techniques’ in the search for bin Laden’s couriers.

Obama today is not facing re-election as he was in the spring of 2011. His principled stand on behalf of the proposed nuclear agreement with Iran says much, as does his decision to operate without the support of the conservative Republicans in Congress. High-level lying nevertheless remains the modus operandi of US policy, along with secret prisons, drone attacks, Special Forces night raids, bypassing the chain of command, and cutting out those who might say no.

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