DISPARITION
Homme-orchestre de la mouvance, cet ancien de «Minute» entretenait de foisonnants fichiers sur sa famille politique et les activités des «lobbies».
Figure familière à l’extrême droite, le journaliste Emmanuel Ratier est décédé mercredi à l’âge de 57 ans d’un accident cardiaque. Inconnu du grand public, cet ancien du journal Minute avait aussi collaboré à Valeurs Actuelles et au Figaro Magazine. Il s’était également fait le documentaliste de sa famille politique, publiant depuis 1996 sa propre lettre confidentielle Faits et Documents. Cette publication bimensuelle était devenue une petite institution à l’extrême droite, utilisée même par des spécialistes extérieurs à la mouvance. Jeudi, de nombreuses figures de son camp saluaient la mémoire de l’essayiste - dont Jean-Marie Le Pen, en instance de jugement par le bureau exécutif du Front national :
Faits et Documents comprend portraits, «indiscrets» politiques ou encore une veille sur l’activité des «lobbies». Cette dernière rubrique accorde une attention particulière aux organisations juives et franc-maçonnes. Si Faits et Documents se caractérise par un ton factuel et un niveau d’information assez remarquable, elle laissait transparaître les convictions de son auteur. «Emmanuel Ratier était sans doute un antisioniste assez conséquent, mais son discours était dépourvu de la dimension haineuse évidente chez d’autres auteurs, juge le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus. Il était persuadé que l’essentiel de la politique consistait en jeux d’influence et de lobbies, mais sans désigner lui-même un agent central du complot. Quant à la méthode, c’était un homme assez prudent avec une réelle capacité professionnelle de journaliste, en dépit d’erreurs mineures».
Rapprochement avec Alain Soral
Ces dernières années, Emmanuel Ratier s’était rapproché du polémiste antisémite Alain Soral, participant notamment à alimenter le site de son organisation Egalité et Réconciliation. Animateur sur Radio Courtoisie, l’antenne «de la libre parole et du pays réel», Ratier dirigeait également la librairie Facta, dans le neuvième arrondissement de Paris. Une sorte de bibliothèque idéale de l’extrême droite, jusqu’aux ouvrages les plus sulfureux - notamment les écrits du négationniste Robert Faurisson - ou les plus obscurs. Emmanuel Ratier était lui-même l’auteur d’une volumineuse Encyclopédie politique française et plus récemment d’un ouvrage sur La face cachée de Manuel Valls qui a connu un certain retentissement au sein de sa famille politique. Il prétendait notamment révéler le rôle de l’épouse du Premier ministre dans une subite «conversion» qu’aurait connue ce dernier en faveur d’Israël.
Le défunt entretenait enfin une très riche documentation personnelle sur de nombreuses personnalités, associées ou non à l’extrême droite. Des dossiers parfois mis à disposition de ses amis politiques ou de journalistes, même représentants de cette «presse du système» honnie. Emmanuel Ratier était généralement considéré comme l’hériter d’Henry Coston, autre nomenclateur d’extrême droite décédé en 2001, lui ouvertement complotiste et antisémite.
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