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La disparition des principaux cyber-propagandistes français du théâtre syrien (Mondafrique)

par Louise Dimitrakis 20 Septembre 2015, 11:40 Syrie Djihadiste France Cyber-propagande

Les principales stars françaises du djihad 2.0 dont Omar Omsen sont soit mortes, soit en prison. Mais les départs, hélas, continuent vers la Syrie....

Il a finalement succombé, au front, mortellement touché d’une balle dans la poitrine, cet été, quelque part dans la région d’Alep au Nord de la Syrie. C’était début août et le principal sergent-recruteur de djihadistes français Oumar Diaby dit « Omar Omsen », a rendu son dernier soupir dans les bras des combattants de sa « katiba » (bataillon) de djihadistes francophones. Ce jour-là, 3 000 kilomètres de là, à Levalllois-Perret, au siège de la DGSI, les policiers antiterroristes de la DGSI, ont refermé son dossier avec un certain soulagement. « Sa première fiche avait été dressée en 2012, raconte un homme de l’art. Mais depuis, son dossier n’avait cessé de prendre du volume. Il était cité dans la plupart des synthèses sur les combattants français en Syrie ».

De Dakar à Tunis, Istambul puis la Syrie

Omar Omsen, cet ancien braqueur franco-sénégalais, originaire de Nice, avait échappé aux services de renseignement début 2013. Il venait de sortir de prison pour une affaire de recel de pièces automobiles volés. Omar Omsen, connu pour les vidéos salafistes qu’il diffusait sur internet, s’était enfui vers le Sénégal puis, de Dakar avait embarqué via Tunis vers la Turquie et la Syrie l’été suivant.

Proche du groupe Forsanne Alizza (Les Cavaliers de la Fierté), un groupe de fondamentalistes spécialisés dans l’agitation pro-djihad, Omar Omsen était déjà la tête d’affiche du djihad sur internet, auteur de pseudo-documentaires islamistes en ligne, prônant ouvertement la hijra (l’émigration vers la terre d’islam) et de façon plus subliminale, le djiahd en Syrie. Depuis, installé au nord de la Syrie, il s’était autoproclamé « émir » d’un groupe de combattants français, affilié au front Al-Nosra, la franchise syrienne d’Al Qaïda, après avoir fréquenté dans un premier temps l’organisation Etat islamique. Manipulateur hors-pairs, le prédicateur islamiste de 37 ans s’était spécialisé dans le recrutement de jeunes français vers la Syrie, via des vidéos postées sur internet. « Une grande partie de nos jeunes français, entre 15 et 21 ans, ont basculé par l’intermédiaire d’Omsen et non par Daech pourtant plus médiatisé », assure Dounia Bouzar, du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam.

Il était le dernier sur la liste des grands recruteurs français, dréssé par les services antiterroristes. Sa mort scelle la disparition de toute une génération de cyber-prédicateurs djihadistes qui a tenu le haut du pavé dans le recrutement de combattant français ces deux dernières années.

La doublette Omsen Farès

Pendant longtemps, Omsen avait travaillé en cheville avec un autre homme, un redoutable logisticien du djihad franco-syrien, un certain Mourad Fares alias Abou Hassan de son nom de guerre. Agé de trente ans, ce combattant originaire de Haute-Savoie qui avait fait ses premières armes en France, lui aussi, avec des vidéos de propagande très apprécié dans les milieux islamistes avant d’émigrer en Syrie. Après avoir guerroyé quelques mois avec Daesh, il s’était rallié à Omsen et dirigeait les opérations armées de sa « katiba » francophone Surtout, il s’occupait concrètement de l’arrivée en Syrie de volontaires français.

Passé maître dans l’art de faire passer la frontière turco-syrienne, au nez et à la barbe des gardes-frontières turcs, Fares a été à l’origine du recrutements de très jeunes ados comme les toulousains Yacine et Ayoub, 15 et 16 ans revenus chez leur parents en France après quelques semaines passées sur le front de la « guerre sainte ». Il était également à la manœuvre pour attirer dans les filets du groupe terroriste Leila, une lycéenne d’Avignon, autant de dossiers choquants qui ont fait la Une des médias ces dernières années. Mourad Fares avait été mis hors d’état de nuire, avant Omar Omsen, en septembre 2014. Fatigué de la lutte armée, il s’était rendu au consul de France à Istanbul et rentré en France sous bonne escorte des hommes de la DGSI pour y être incarcéré. « Là-bas, il avait était activement recherché par ses anciens camarades de l’Etat Islamique, qui n’avaient pas supporté sa défection et son ralliement à Omar Omsen, raconte une source proche des milieux du renseignement. A un moment donné, il a préféré se rendre plutôt que de finir décapité ». Il attend aujourd’hui son procès derrière les barreaux, à Fresnes.

La doublette Omsen/Farès étaient les derniers des trois « affreux », comme on a longtemps désigné au sein de la police antiterroriste les trois propagandistes français du djihad en Syrie les plus actifs.

Sourire et bouclettes

Les deux autres bêtes noires des services étaient, elles, affiliées directement à l’organisation Etat islamique. Le premier était connu dans la galaxie djihadiste sous le nom de guerre de « Abou Shaheed ». De son vrai nom Chaquir Maaroufi, ce franco-marocain originaire de Mourenx, près de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques sévissait en Syrie depuis le printemps 2013. Ancien petit délinquant, ce converti s’était reconverti dans les diatribes islamistes enflammées, à visage découvert, kalachnikov à la main, sur internet et recrutait via son compte Facebook. Ce prédicateur barbu avait été, un temps, désigné comme le porte-parole pour la France par les chefs de l’Etat islamique et avait accordé plusieurs interviews par téléphone au médias français (BFMTV, Paris-Match, France-Info). Il a été le premier des « trois affreux » à trouver la mort dans des combats fratricides entre fractions islamistes près de Deir-Es-Zor, en Syrie, en juin 2014.

Le second cyber-recruteur français de Daesh a lui disparu le mois suivant, fauché par une rafale d’arme automatique dans la bataille contre la base aérienne 17 de l’armée de Bachar, près de Raqqa. Abou Abdallah Guitone alias « Abou Tamima », un franco-marocain lui aussi, originaire de Grenoble est mort en juillet 2014. Avec son éternel sourire et ses bouclettes de beau gosse, Guitone, qui maitrisait aussi bien le français que l’arabe et l’espagnol, était un star du cyber-djihad sur Facebook et Twitter où il diffusait quantité de vidéos de propagande tournées en Syrie. L’une des dernières photos qu’il avait posté sur les réseaux sociaux le montrait contemplant un plan d’attaque terroriste sur la Tour Eiffel, qu’il avait dessiné lui-même. Avec pour légende, un slogan sarkozyste détourné : « l’Etat islamique, tu l’aimes ou tu la quitte »…

Professionnalisation de Daesh

La disparition des principaux cyber-propagandistes français du théâtre syrien va-t-elle ralentir le flot des candidats au djihad en Syrie en provenance de l’Hexagone ? Rien n’est moins sûr. « Les méthodes de recrutements ont évolué, raconte un expert de l’anti-terrorisme. Omsen, Abou Shaheed ou Fares étaient des artisans qui développaient leurs propres filières de recrutement. Mais aujourd’hui, l’appareil de propagande de Daesh et ses filières de passeurs se sont professionnalisés et centralisés. Elles n’en sont que plus efficaces ».

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