La guerre syrienne peut-être divisée en deux phases : la période pré-Incirlik et la période post-Incirlik. La période pré-Incirlik correspond à cette phase de quatre ans au cours de laquelle les milices islamiques soutenues par les Etats-Unis (la France, la Grande-Bretagne, Israël, la Turquie et leurs alliés du Golfe, NdT) et les groupes liés à Al-Qaïda ont combattu l'armée syrienne avec l'intention d'éliminer le président Bachar al Assad du pouvoir. Cette première phase de la guerre s'est terminée par un match nul.
La période post-Incirlik semble pouvoir aboutir à un résultat tout à fait différent en raison du fait que les États-Unis seront en mesure de déployer leurs drones et leurs avions à partir d'une base aérienne turque (Incirlik) qui est à seulement 15 minutes de vol de la Syrie. Cela va augmenter le nombre de sorties de l'USAF qui deviendra en mesure d'augmenter l'efficacité de ses forces djihadistes sur le terrain qui pourront mener leurs opérations sous la protection de la couverture aérienne des États-Unis. Cela contribuera grandement à améliorer leurs chances de succès.
Le New York Times appelle Incirlik un "changeur de jeu" (ou un atout maître) ce qui est un euphémisme. En permettant aux F-16 de patrouiller dans le ciel de la Syrie, Washington va imposer de facto une zone de non-survol du pays limitant sévèrement la capacité d'Assad pour combattre les milices soutenues par les Etats-Unis (et leurs alliés, NdT) qui ont saisi de grandes étendues de territoire et sont maintenant à proximité de Damas. Et alors que la guerre ne peut être gagnée par la puissance aérienne seule, cette nouvelle réalité tactique oriente "le terrain de jeu" en faveur des djihadistes. En d'autres termes, l'accord Incirlik change tout.
L'administration Obama estime maintenant que le changement de régime est à sa portée. Oui, ils savent qu'il faudra un peu de soutien des Forces spéciales étatsuniennes (britanniques, françaises, israéliennes, ..., NdT) et des troupes de combat turques, mais cela devient tout à fait réalisable. Voilà pourquoi Obama s'est manifesté contre le plan de la Russie pour un gouvernement de transition ou pour former une coalition pour vaincre l'Etat islamique (EI). Les États-Unis n'ont rien à faire des compromis sur ces questions parce que, après tout, ils ont une base aérienne stratégiquement située à partir de laquelle ils peuvent protéger leurs armées de procuration, bombarder leurs cibles au-travers des frontières, et contrôler les cieux au-dessus de la Syrie. Tous qu'Obama doit faire est d'intensifier l'effort de guerre, mettre un peu plus de pression sur Assad, et attendre l'effondrement du régime. Ceci est la raison pour laquelle nous devrions nous attendre à une escalade dramatique durant cette deuxième phase du conflit.
Le président russe Vladimir Poutine le sait, ce qui explique pourquoi il envoie plus d'armes, des fournitures et des conseillers en Syrie. Il signale ainsi à Washington qu'il sait ce qu'ils font maintenant et qu'il va répondre si ils vont trop loin. Dans une interview avec la chaîne russe Canal 1, M. Poutine a déclaré, "Nous avons nos idées sur ce que nous allons faire et comment nous allons le faire dans le cas où la situation évolue vers l'utilisation de la force ou autrement. Nous avons nos plans. "
L'administration US est très nerveuse au sujet des plans de Poutine, c'est pourquoi elle continue de sonder pour voir ce qu'il a comme atout dans sa manche. Il y a quelques jours, le secrétaire d'État John Kerry a téléphoné à son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour exprimer ses préoccupations au sujet de "l'imminente accumulation accrue de militaire russe" en Syrie. L'appel était une tentative maladroite de tromper Lavrov pour qu'ils donnent des informations permettant de faire la lumière sur ce que Moscou a l'intention de faire si Washington va de l'avant avec sa stratégie de changement de régime. Mais le ministre des Affaires étrangères de la Russie n'a pas mordu à l'hameçon. Il a collé à son scénario et n'a pas dit à Kerry tout ce qu'il ne savait pas déjà.
Mais le fait est, que Poutine ne permettra pas le renversement d'Assad par la force. C'est aussi simple que cela. Obama et ses conseillers soupçonnent cela, mais ils ne sont pas à 100% certain de sorte qu'ils continuent à chercher la confirmation d'une façon ou d'une autre. Mais Poutine ne va pas apporter une réponse claire parce qu'il ne veut pas révéler ses plans ou sembler conflictuel. Mais cela ne signifie pas qu'il est pas résolu. Il l'est, et Washington le sait. En effet, Poutine a tracé une ligne dans le sable et a déclaré aux États-Unis que si ils franchissaient cette ligne, il y aurait de sérieux ennuis...
Source : Counterpunch Putin’s Line in the Sand: No Regime Change in Syria
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