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Hollande pleure la perte d’un parrain du djihad Par Claude Angelli Canard Enchaîné, 31 janvier 2015
Il n’est pas le seul : la mort du roi d’Arabie saoudite a provoqué un déluge de déclarations hypocrites.
À la tribune du Forum économique de Davos, le 23 janvier, François Hollande a singé sa propre marionnette : « Je vous appelle ; forces vives du monde, chefs des plus grandes entreprises de la planète, à l’engagement. J’appelle le système financier à couper (sic) les sources d’alimentation du terrorisme. » Puis, avant de s’envoler pour l’Arabie saoudite, où il devait présenter ses condoléances au successeur du roi Abdallah, le président a évoqué les « relations de confiance, y compris pour lutter contre le terrorisme », qu’il entretenait avec le défunt. Sans mesurer le ridicule d’une telle affirmation.
Barack Obama et le vice-président Jo Biden, David Cameron, le prince Charles et Reuven Rivlin, le président d’Israël, ont eux aussi rendu hommage au vieux roi, et tenu honorablement leur rang dans ce bal des hypocrites. Quitte à faire hausser les épaules, ou hurler de rire, diplomates et chefs des services de renseignement, qui savent, eux, ce que le terrorisme doit à la famille royale saoudienne et à feu son monarque. À Paris, au ministère de la Défense, on se souvient encore d’une étude stratégique transmise à l’état-major des armées et à la hiérarchie militaire en octobre 2013. Un document de 75 feuillets où l’on pouvait découvrir cet hommage aux parrains du djihad : « Avec l’appui financier et logistique des monarchies du Qatar et d’Arabie saoudite, se sont formés des sanctuaires (notamment au sud de la Libye) constituant autant de bases arrière pour des groupes salafistes armés engagés au Mali et en Syrie. »
Mutisme présidentiel
Au fil des ans, Hollande recevra des dizaines de notes alarmantes de la DGSE ou en provenance des services alliés sur le comportement de nos amis pétroliers, mais il aura toujours quelque peine à le reconnaître. Ainsi, le 17 mai 2014, à la fin d’un sommet franco-africain, il faudra que deux journalistes de France 24 le harcèlent pour qu’il accepte de parler de « ces organisations humanitaires qui aident les djihadistes », avant d’admettre : « J’ai averti les pays de Golfe, qui pouvaient un moment (sic) pour prodiguer leur générosité (re-sic) utiliser ces organisations, de cesser (tout financement de ce genre). Et ils m’ont dit qu’ils le feraient. » Un aveu présidentiel, sans qu’il soit question de citer l’Arabie saoudite ou le Qatar…
Un calife bien ingrat
Ce n’est pas le cas de deux hommes politiques américains. Le premier, Bob Graham, qui a dirigé la commission d’enquête sur les attentats du 11-Septembre a décrit, voilà quatre mois, la « part d’ombre » de l’Arabie saoudite, toujours épargnée par les Occidentaux alors qu’elle a longtemps financé les djihadistes sunnites puis, plus récemment, l’État islamique. Second spécialiste américain du financement terroriste, David Cohen, sous-secrétaire d’État au Trésor, a admis, en octobre, que des organisations dites humanitaires et des personnalités privées, originaires du Golfe, avaient « alimenté » les combattants de l’État islamique.
Mais il arrive parfois aux ingrats de cracher sur la main qui les a nourris : le calife Ibrahim, chef autoproclamé de l’État islamique, par exemple. Durant l’été 2014, cet insolent a soudain annoncé que ses troupes entreraient en Arabie saoudite et marcheraient sur La Mecque, après avoir conquis Bagdad. Inquiet, le roi Abdallah a aussitôt ordonné de fortifier quelques 1 000 kilomètres de frontières et a rejoint la coalition dirigée par les États-Unis, en compagnie du Qatar, du Koweït et des Émirats arabes unis. Depuis, des avions saoudiens bombardent, de temps à autre, ces djihadistes qui n’ont même pas la reconnaissance du ventre.
L’offensive d’un mouvement chiite contre le régime en place au Yémen, favorable aux Occidentaux et hostile aux djihadistes, représente un nouvel échec pour Washington. « Les Américains ne peuvent plus compter sur la collaboration des services de sécurité yéménites », constate un officier français. Une coopération qui permettait aux drones de la CIA de traquer les chefs locaux d’Al-Qaïda.