Le géant minier Kinross, corrupteur de choc en Mauritanie et au Ghana
Par La redaction de Mondafrique
Un nouveau séisme secoue la société minière canadienne Kinross Gold Corporation. Visée par une enquête de la Securities and exchange commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine, la compagnie, cinquième producteur mondial d’or, qui exploite deux importants gisements du précieux métal en Mauritanie et au Ghana est désormais également dans le collimateur de la justice canadienne.
Petits arrangements
Selon une enquête du Monde Afrique parue le 10 décembre, la section des investigations internationales de la Gendarmerie royale du Canada a reçu, début décembre, un rapport à charge contre Kinross de la part de l’ONG canadienne Mining Watch et de l’association française Sherpa. Le document, qui fait office de plainte, contient des accusations explosives d’anciens employés de Kinross qui mettent en cause les méthodes opaques de l’entreprise sur le continent africain.
Interrogés par le Monde Afrique, plusieurs anciens employés confirment ces critiques. Les témoignages récoltés sont sidérants. L’un des anciens affirme notamment avoir assisté, sur la mine de Tasiast, au nord ouest de la Mauritanie, à un dialogue entre un policier et l’un des officiels de Kinross qui lui proposait de le faire bénéficier de la formation d’une joint venture si celui ci le laissait prendre un avion sans billet depuis la piste d’atterrissage de la mine.
D’autres anciens de la compagnie décrivent des arrangements du même type impliquant directement les autorités étatiques. Dans la ville de Las Palmas dans les Canaries où se situe la direction Afrique de Kinross, des contrats léonins étaient passés avec des hommes d’affaires très proches du président mauritanien surfacturant des locations de matériels et de services », relève un ancien employé mauritanien au service « contrats » du groupe. « De toute façon dès qu’on demandait un contrat, ils refusaient de nous le donner. Et le niveau de corruption en devenait ubuesque », affirme un autre. Plusieurs dignitaires du régime du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz ont ainsi profité des largesses de la société canadienne destinnees à faciliter certaines opérations ou régler des différends.
Omerta
Le tir n’a jamais été rectifié, et ce malgré les mises en garde des anciens employés. Un ancien du département juridique du groupe cité par Le Monde Afriqe affirme avoir, des 2012, alerté se supérieurs de certains dysfonctionnements de la mine de Tasiast. « Pour seule réponse, ce cadre recevra un coup de fil d’un chasseur de tête extérieur lui annonçant qu’un poste se libère a Kinross Gold Corporation. Le sien. »
Même politique du côté du Ghana ou Kinross explore une mine d’or dans l’ouest du pays . « Kinross ne veut pas entendre parler de corruption, c’est un sujet tabou qui malheureusement existe. La direction était au courant. Il détestait qu’on leur rapporte un problème, surtout si c’était un problème de corruption ou de fraude interne », déclare un ancien cadre au Monde Afrique.
De quoi accabler un peu plus le géant canadien déjà bien connu de la justice nord américaine. Dès 2014, la SEC avait mis en évidence les relations étroites du groupe avec le régime mauritanien et des responsables ghanéens. Elle avait notamment exigé de la direction des explications sur les versements opaques à de fonctionnaires et des sociétés proches des autorités de ces deux pays africains. Une demande pour l’instant toujours en suspens.