Avertissement : nous tenons à préciser aux lecteurs que ce site est entièrement gratuit, nous ne recevons aucun argent de la publicité et ne souhaitons pas en recevoir. La publicité sur ce blog est choisie par l'hébergeur pour son compte, nous ne pouvons être tenus responsables de la nature et du type de publicité diffusée !
/image%2F0780719%2F20160225%2Fob_42763b_bouake.jpg)
La juge française Sabine Khéris, qui enquête sur le bombardement du camp français de Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 2004 a demandé le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de trois anciens ministres de Jacques Chirac, soupçonnés d’entrave à l’enquête.
Révélé par plusieurs médias français, Mediapart et le Canard enchaîné, le contenu de l’ordonnance rendue le 2 février par la juge française en charge de l’enquête sur le bombardement du camp français de Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 2004, est sans appel. Dans ce document de 12 pages, Sabine Khéris demande au procureur de la République le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de trois anciens ministres de Jacques Chirac en poste au moment des faits, le 6 novembre 2004 : Michèle Alliot-Marie (Défense), Dominique de Villepin (Intérieur) et Michel Barnier (Affaires étrangères).
Que contient l’ordonnance ?
La juge française pointe le rôle des trois ministres dans la libération de huit Biélorusses – dont l’un des deux pilotes des Sukhoi-25 – dix jours après le bombardement qui fit 10 victimes. À l’époque, le ministre togolais de l’Intérieur, François Boko, avait fait immédiatement le lien avec les événements de Bouaké et décidé de les placer en garde à vue. Lors de son audition à Paris, ce dernier déclarera avoir « sollicité aussi le SCTIP [Service de coopération technique internationale de police] et un autre canal au ministère de l’Intérieur pour demander à Paris la conduite à tenir ». « Les instructions étaient de ne rien faire. Devant l’attitude de la France, qui m’a beaucoup étonnée, j’ai été amené à prendre des arrêtés d’expulsion », ajouta Boko.
Dans son ordonnance de transmission des pièces, Khéris écrit que « les hautes autorités françaises du ministère de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères ont été prévenues de l’arrestation des pilotes biélorusses impliqués dans le bombardement de Bouaké ».
« La décision de ne rien faire » concernant ces pilotes « a été prise à l’identique » par les trois ministères, ce qui permet de penser à l’existence d’une concertation à un haut niveau de l’État », poursuit-elle. Elle ajoute qu’ »en donnant l’ordre de ne rien faire, en ne prévenant pas le procureur de la République », ces autorités « savaient que ces pilotes seraient mis en liberté et échapperaient à la justice ».
C’est ce qui justifie sa demande de renvoi devant la CJR.
L’épilogue d’une longue enquête
L’ordonnance de la juge a été faite après plus de 10 ans d’une enquête qui aura mobilisé successivement quatre magistrats. Au total, des dizaines de protagonistes ont été entendus. Depuis 2012, la juge du Tribunal de grande instance de Paris a multiplié les auditions. En octobre 2013, elle a ainsi entendu en qualité de témoins les généraux français Patrick Destremau, Renaud Alziari de Malaussène, Jean-Paul Thonier, Henri Bentegeat, Emmanuel Beth et Heni Poncet.
Et maintenant ?
En prenant cette décision, Sabine Khéris ouvre la porte à un jugement des trois anciens ministres de Chirac pour entrave à l’action de la justice. Ils encourent trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Sa demande doit désormais être approuvée par le parquet de Paris, seul habilité à saisir la commission des requêtes de la CJR, qui filtre les plaintes individuelles ou les demandes judiciaires mettant en cause des membres du gouvernement.
Le fera-t-il ? Me Jean Balan, l’avocat des 22 parties civiles dit redouter que « des hauts magistrats fassent capoter la procédure. C’est déjà arrivé ». Mais, il espère que l’ordonnance de la juge française « change la donne ».
Ce n’est pas la première fois qu’elle sollicite le procureur de la République François Molins, qui fut le directeur de cabinet de Michel Alliot-Marie quand elle était ministre de la Justice (juin 2009-novembre 2010), dans ce dossier.
Selon une source proche du dossier, il y a un peu moins de deux ans, Sabine Khéris lui avait déjà demandé preuves en mains d’émettre un réquisitoire contre les trois ministres. Estimant que les preuves n’étaient pas suffisantes, la section militaire du parquet de Paris avait refusé.
Deux ans plus tard et après avoir poursuivi ses auditions, Sabine Khéris est revenue à la charge. En clôturant son enquête et en prenant cette ordonnance, elle accentue la pression sur le parquet de Paris.
Lire également : - De Chirac à Hollande en passant par Sarkozy : comment l'Etat français a destitué Laurent Gbagbo. Le cas de Bouaké et les crimes contre l'Humanité de l'armée française devant l'hôtel Ivoire en novembre 2004 (vidéos) - Françafrique. Le documentaire de Canal Plus censuré par Bolloré en Afrique (vidéo) - Bouaké. Dominique De Villepin, Michèle Aliot Marie et Michel Barnier en passe d'être convoqué devant la Cour de justice de la République - Bombardement de Bouaké. Selon Mediapart, "Alliot Marie, De Villepin, et Michel Barnier, risquent chacun, trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende" (Ivoirebusiness) - Il y a 9 ans la France tuait impunément des Ivoiriens - part 5 - 23 mn d'Onana sur l'armée française manipulée à Bouaké (GriGri) - Le coup de pouce de Paris aux meurtriers de neuf soldats français (Canard Enchaîné) - Le bombardement de Bouaké : un coup prémédité par la France ? (BdA) - Attaque de Bouaké : M. Alliot-Marie accusée d'avoir «saboté» l'enquête (RFI) - Françafrique. Bombardement de Bouaké, l'impossible vérité ? (L'Humanité)